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Quand viennent les Cyclones d'Anita NAIR

Le dernier livre d'Anita NAIR, "Quand viennent les Cyclones", vient de paraître en mai 2010. Il est sorti en France aux éditions Albin Michel. Après "Compartiment pour Dames", "Le Chat Karmique" etc...ce dernier ouvrage était attendu avec impatience. Il faut dire qu' Anita Nair est une écrivaine qui compte dans la littérature internationale. Elle est aussi sans nul doute celle qui semble accorder le plus d'importance à la forme littéraire de ses livres. Et dans ce dernier roman, la structure est très particulière...



Présentation et critique du roman.

Héra, déesse de la mythologie grecque, est la sœur jumelle de Zeus. Celui-ci chasse leur père et a recours à la ruse pour tromper la vigilance de sa sœur, la viole et Héra, humiliée, se résout à l’épouser.

Dans "Quand viennent les cyclones" dernier roman d'Anita NAIR, Mîra, indienne de Bangalore, est une épouse comblée. A quarante et quelques années, elle est une maîtresse de maison accomplie, a élevé deux enfants avec son époux Giri, cadre supérieur d’une multinationale. Ils vivent tous dans une maison mauve, au charme ancien, avec la mère de Mîra, Saro, et sa grand-mère, Lily, une ancienne actrice. Mîra se compare souvent à Héra : la reine des déesses, qui affronte avec courage les épreuves que le Destin lui réserve.

Mîra vient de publier un livre de cuisine et de savoir vivre (un peu comme Bree Van Der Kemp dans Desperate Housewives, si vous connaissez la série) : intitulé "Comment recevoir ses invités", qui s’avère être un véritable succès commercial. C’est donc une femme épanouie, qui ne s’attend pas au cyclone qui s’abat un dimanche sur sa vie, lors d'un cocktail. Ce soir là son mari disparaît brusquement sans aucune explication. Et lorsqu’il se manifeste enfin, c’est pour lui annoncer qu’il la quitte définitivement parce qu’il ne s’est jamais senti libre auprès d’elle.

Du jour au lendemain, Mîra doit trouver le moyen de subvenir aux besoins de sa famille. de toute urgence. Elle rencontre par hasard un professeur, JAK (ou J.A. Krishnamurty), qui a longtemps vécu aux Etats-Unis mais qui est rentré en Inde, dans la région où il a grandi pour y recueillir sa fille aînée Smriti. Cette dernière est dans le coma à la suite d’une agression dont JAK veut découvrir les tenants et aboutissants. Il doit écrire un article dans son domaine d’expertise – les cyclones – et Mîra se retrouve à travailler à ses côtés en tant qu’assistante. Et puis, elle apprend à le connaître et s’aperçoit que c’est un homme fragile, intelligent, attentionné… en un mot, tout le contraire de Giri, son ex-mari.

Comme dans Compartiments pour dames, Anita Nair, dans un langage soutenu et très imagé - et même épicé – analyse avec finesse la psychologie féminine avec pour trame de fond parallèle l’enquête de JAK sur l’accident de sa fille. Au travers du regard de trois générations d’indiennes, on apprend une multitude de détails sur la condition de ces femmes aujourd’hui, tiraillées entre tradition et modernité. Elles assument des tâches familiales et domestiques, mais sont aussi sujettes aux mêmes préoccupations que les occidentales : comment repousser les effets de l’âge, continuer à séduire, devenir indépendante financièrement… Anita Nair aborde également un sujet douloureux et d’actualité : les avortements douteux auxquels recourent les femmes indiennes (souvent sous la pression de leurs maris ou familles) lorsqu’elles apprennent (de façon illégale) qu’elles sont enceintes d’une fille. Toute cette réflexion d’une auteure pleine d’empathie pour ses personnages mijote dans un plat aux mille saveurs plus alléchantes les unes que les autres et qui transportent le lecteur dans une bulle pleine d'émotions, de force et d'exotisme au rythme des cyclones intérieurs des personnages.
... le récit nous tient jusqu'au bout sans le moindre répit, avec une intensité constante. Les personnages sont forts, la qualité de leurs questionnements, leurs doutes et les réponses auxquels ils tentent de s'accrocher, tout contribue dans ce roman frémissant, à vous garder éveillé jusqu'à la fin, une fin qui arrive comme dans l'œil d'un cyclone, apportant le calme et l'apaisement.
Toutefois, un léger bémol, le style de la narration, parfois hâché, peut déconcerter le lecteur parfois, mais cela fait aussi partie de la force de ce roman.


Un extrait du roman

Extrait :

― Qui est donc « ce genre de gemme », Mîra ? coupe Vinnie quand Mîra tente de lui expliquer la confusion dans laquelle elle se débat. Quelle femme, sauf peut-être une nymphomane ou une putain, se présente comme une femme disponible ? Pas nous, Mîra. Pas même moi qui — je sais que tu le penses — change d'amant comme de baguette dans mon chignon. Je ne suis pas disponible. Tu sais ce que nous sommes : vulnérables !
Voilà ce que nous sommes. Des idiotes vulnérables qui croient, en dépit de tous leurs échecs précédents, que cette fois-ci elles ont trouvé l'homme de leur vie ! L'homme, le seul, l'unique, qui fera de leur vie un conte de fées inépuisable. Contre qui elles pourront s'abandonner, qui sera là pour elles...

Les premières lignes

"Toute la vie épouse ses désirs en cette parfaite journée de septembre. Tant de grâce, tant de joie, pourquoi cela lui arrive-t-il, pourquoi à elle ?

Mira, visage levé, sourit de nouveau au ciel. Un soleil fluide brasse un distillât de senteurs, de notes hautes, espiègles, dansantes. Pomme, jasmin, noix, rose, musc, vin. Un chrysanthème solitaire. Le «pop» des bouchons. La courbe constante de l'arc qui s'écoule dans les verres. Le verre frais contre sa joue.
Dans les mythes grecs dont elle est friande, existe une déesse à laquelle Mîra peut s'identifier : Héra, épouse de Zeus, le dieu des dieux, et reine de l'univers.

C'est donc une Mîra très en forme qui, debout face au vent, laisse les bourrasques jouer avec le chiffon de soie de sa jupe, soulever une mèche de ses cheveux, la faire glisser malicieusement de sa joue à sa bouche.
Au fond d'elle-même, une petite fille saute à la corde : un, deux, trois, nous irons au bois ; quatre, cinq, six, cueillir des cerises ; sept, huit, neuf, dans mon panier neuf...
Mîra a l'impression de ne plus pouvoir effacer son sourire. C'est la journée de septembre la plus parfaite qu'on puisse imaginer.
Tout le monde ici semble d'ailleurs de cet avis. Le pourtour de la piscine se remplit rapidement. Comme ils sont beaux, se dit Mîra, tous ces gens sortis de leurs belles demeures dans leurs beaux vêtements pour se réunir au doux clapotis de l'eau autour de la piscine de l'hôtel, sous un ciel si bleu."


Samedi 22 Mai 2010
Fabienne-Shanti DESJARDINS

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