Sakountala, la première grande oeuvre narrative de Camille Claudel
Au regard de la légende de Shakuntala, que je vous propose de découvrir ou redécouvrir dans la rubrique "mythes et mythologie", Camille Claudel propose une sculpture narrative et symboliste par l'intermédiaire de laquelle elle affronte pleinement la question de la composition. Exposé en plâtre au Salon de 1888 sous le nom de Sakountala, ce groupe de sculptures inspiré d'un drame hindou représente les retrouvailles de Sakountala et de son mari au nirvana.
En effet la légende hindoue de Shakuntala et du prince Dushanta, se perdant puis se retrouvant inéluctablement au Nirvana, devient sous les doigts d'artiste de Camille Claudel, une représentation gréco-romaine, puis passe, matériellement, à la notion psychologique d'abandon, au sens amoureux du terme. Cela témoigne de la part de la sculptrice, d'une évolution interne du sens de l'oeuvre et se manifeste par des nuances parfois légères entre les différentes versions.
Il est intéressant et frappant de constater qu' à partir de cette oeuvre dupliquée à l’envie, avec à chaque fois d’infimes variations apportées à la sculpture, Camille Claudel pouvait réutiliser les visages d’une œuvre à une autre, ou tout simplement changer les titres selon le matériau utilisé, racontant ainsi de nouvelles histoires. Ainsi l'ouvrage devenait Vertumne et Pomone en marbre, puis L'Abandon en bronze.
A l’évidence, la réunion de toutes ces créations permet de comprendre quasi instantanément, que Camille Claudel n’a jamais cessé de retravailler son œuvre dans un processus de réitération ininterrompu.
Une autre oeuvre de Claudel, intitulée "le Psaume" réutilise le visage de Shakuntala et constitue également une étude sur les variations possibles et sur le sens nouveau que peut prendre un élément détaché et placé ainsi en exergue. Ainsi de l'Inde on passe à la province Française, de la mystique hindoue on passe à l'émotion chrétienne, enfin de l'amour humain on passe à l'amour divin...