Issue d’une famille qui aime recevoir chez elle à Bombay la fine fleur des musiciens, Aruna est bercée dès son plus jeune âge par la voix de sa mère, chanteuse professionnelle. Celle-ci a quitté Madras, sa ville natale, pour suivre son mari à Bombay. Très vite, elle remarque les talents prometteurs de sa fille tout comme le guru de Madras qui fréquente chaque été la maison de Bombay et à qui est confiée l’éducation musicale de l’enfant. À 10 ans, Aruna est initiée à toutes les subtilités de la musique carnatique. Mais loin de rester cloîtrée dans les arcanes du chant carnatique, la jeune fille eut la chance que bien d’autres enfants se sont vu refuser : avoir l’autorisation d’écouter toutes les musiques de son choix. De plus, habiter Bombay, au centre du pays, et vivre dans une famille qui aime décloisonner les frontières souvent hermétiques de la musique hindoustanie du nord et de la musique carnatique du sud, n’est sans doute pas étranger au fait qu’Aruna cherche, quelques années plus tard, à établir des ponts entre diverses formes musicales. Aujourd’hui encore, cette chanteuse atypique aux yeux de ses contemporains, est avide de s’ouvrir à d’autres horizons. Il y a quelques années, n’a-t-elle pas fait une incursion dans le chant grégorien et la musique arabo-andalouse avec le spécialiste de musique ancienne Dominique Vellard ? Couleur Indienne avait d'ailleurs chroniqué cet excellent album à sa sortie. À 18 ans, sa première confrontation avec l’Europe reste à ses yeux une expérience à la fois difficile et enrichissante. Passer quelques mois dans un conservatoire en Allemagne, seule, coupée de sa famille pour la première fois, isolée dans un pays dont elle ne connaît pas la langue, est un calvaire autant qu’un défi. L’obligation pour elle de se faire comprendre et de se faire accepter par le seul moyen en sa possession : sa musique. Une expérience qui la conforte dans ses convictions et dans son ambition. Seule la musique, nourriture spirituelle aussi nécessaire que toute nourriture terrestre, a ce pouvoir magique d’entrer en communication avec l’autre. Une expérience qu’elle n’a cessé de renouveler au cours de sa carrière. Pour elle qui a connu les honneurs des plus grandes scènes internationales, du Carnegie Hall de New York en passant par Londres et Paris, décider de s’installer à Chennai, dans le berceau d’une musique carnatique plutôt réservée aux érudits, représentait un nouveau défi : conquérir un plus large public et pas seulement celui des professionnels et des initiés, émouvoir ceux qui n’ont pas encore eu la chance d’entendre ce répertoire sacré qui touche au divin. Dévotionnelle, oui, la musique carnatique l’est bien mais pour Aruna, communiquer avec le divin c’est aussi toucher l’être humain au plus profond de lui-même. Peu importe la connaissance des techniques musicales ou la compréhension des paroles, c’est un coeur-à-coeur qui se joue. Et c’est bien cette voix si généreuse, d’une telle richesse d’oscillations, que l'on a pu écouter lors de son dernier concert à Paris le 15 avril dernier.