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INTERVIEW DE PHILIPPE PRATX

LE WEBMASTER ET LE CREATEUR DU SITE INDES REUNIONNAISES

Dans cette nouvelle rubrique, je mettrai en avant une personnalité indienne ou bien quelqu’un en rapport avec l’Inde et la l’Asie du Sud.
Mais l'Inde c'est aussi une diaspora qui s'est installée sur plusieurs territoires du monde. Notamment l'Afrique du Sud, les Antilles, l'Ile Maurice et la Réunion.

C'est justement la communauté indienne de la Réunion que Philippe Pratx, met en avant sur le site dont il est le créateur.
« Indes réunionnaises ».

Il a accepté très gentiment de répondre à une interview qui vous aidera non seulement à le connaître lui, mais aussi à pénétrer un peu la communauté "Malbars" (Indienne) de cette île des départements français d'outre mer.



1)Bonjour Philippe, pouvez-vous d'abord vous présenter aux visiteurs du site

Photo de Philippe Pratx
Photo de Philippe Pratx
Il n'est jamais facile de se présenter objectivement... Pour faire bref, je dirai que je suis français, professeur de Lettres, actuellement en poste à Abidjan, Côte d'Ivoire. J'aurai bientôt quarante-trois ans, je suis marié et j'ai deux filles. Plusieurs passions ont occupé et, pour certaines d'entre elles, occupent encore, mes temps libres : l'écriture littéraire, la photographie et... la culture indienne.

2) Etes-vous vous-même d’origine indienne ? Y êtes-vous déjà allée ? Sinon quelle image avez-vous de ce pays...? Etes-vous né à la Réunion ? Parlez-moi de vous ?

Je ne suis pas moi-même d'origine indienne, ni même réunionnaise. Je suis ce que les Réunionnais appellent familièrement un "Zoreille". Mes racines sont occitanes, même si mon patronyme est, lui, catalan. Et je crois qu'il est bon d'être attaché à ses racines si l'on veut vraiment s'ouvrir aux autres, à leurs différences et leurs richesses. Je ne suis hélas encore jamais allé en Inde. Un rêve. Notamment d'exercer au Lycée Français de Pondichéry... Par contre je connais assez bien un pays voisin, le Sri Lanka, d'où mon épouse est originaire.
Je disais qu'aller en Inde est un rêve, mais aussi une appréhension : l'image idéalisée - même corrigée par un effort de documentation "réaliste" - ne risque-t-elle pas de souffrir du choc de la rencontre ? Mon image de l'Inde est difficile à évoquer en deux lignes. Je parlerai d'abord de foisonnement. Je parlerai ensuite, sans illusions malgré tout, de spiritualité. On frôle la caricature baba cool ! Ma femme quant à elle, pourtant sri lankaise comme je l'indiquais, dirait : "une autre planète"...

3) Parlez-moi de la communauté indienne à la Réunion : comment vit-elle ? Est-elle bien intégrée à la société réunionnaise ? Vit-elle comme en Inde avec ses traditions ?

Malbaraises lors d'une cérémonie dédiée à Kâli
Malbaraises lors d'une cérémonie dédiée à Kâli
Il est à peu près aussi difficile de parler des Réunionnais d'origine indienne dans le cadre d'un tel entretien. C'est d'ailleurs pour cela que je leur ai consacré un site Internet complet. Je me contenterai d'un bref rappel historique : le premier contingent assez nombreux d'Indiens dans l'île fut celui d'esclaves, mais beaucoup plus important encore fut celui des "engagés" (travailleurs sous contrat) qui succédèrent justement aux esclaves, après 1848, pour les travaux agricoles et industriels de la production sucrière. Pour la plupart, ils étaient d'origine tamoule. Leurs descendants sont familièrement appelés "Malbars". On doit ajouter une vague de musulmans originaire du Gujerat qui se lancèrent généralement dans le commerce et, souvent, y prospérèrent : il s'agit de ceux que l'on dénomme, familièrement là encore, les "Zarabes". Enfin, à partir des années 1960, quelques dizaines de familles pondichériennes sont à leur tour venues apporter leur contribution à la démographie locale ! Ces divers groupes humains côtoient de nos jours les descendants d'esclaves noirs africains et malgaches, ceux des Français (Bretons, Vendéens...) et autres Européens blancs, ou encore Chinois et Comoriens, le tout formant un kaléidoscope ethnique, culturel et religieux que l'on qualifie souvent d'harmonieux. Le métissage, on le comprendra, connaît bien sûr une grande ampleur.
L'intégration des Malbars est une réalité humaine et sociale. Mais il serait mensonger de souscrire entièrement à une image idyllique. Le regard de l'Autre n'est pas toujours porteur de compréhension ; méfiances irrationnelles et animosités parfois sournoisement entretenues existent, sans qu'il faille en aucun cas généraliser et accorder à de tels comportements plus d'intérêt qu'ils n'en méritent.
Quant à la vie culturelle de ces Malbars et Tamouls, il s'en faut de beaucoup qu'elle puisse s'identifier à celle de leurs cousins du Tamil Nadu. Métissages, créolisation et occidentalisation sont passés par là, et les habitudes vestimentaires, musicales, architecturales, que sais-je encore... ont beaucoup divergé de celles des ancêtres. La pratique de la langue tamoule a presque disparu... avant que des efforts ne soient faits, y compris dans le cadre des établissements scolaires. La cuisine indienne, elle, tout en s'adaptant, a survécu, et a même beaucoup influencé les habitudes alimentaires réunionnaises : le plat emblématique n'est-il pas le cari, accompagné de son riz ? Pour ce qui est de la religion, la question est tellement vaste que je n'ose l'aborder vraiment. Je ma contenterai de dire que des traditions telles que la marche sur le feu sont extrêmement vivantes dans l'île.

4) Les indiens vivant à la Réunion se sentent-ils plus indiens ou réunionnais ? Ou bien se considèrent être les deux : des indo-réunionnnais ?

INTERVIEW DE PHILIPPE PRATX
C'est une question que j'ai moi-même souvent posée aux intéressés. Et nombreux sont ceux qui aiment se définir comme "Réunionnais d'origine indienne". Ils assument ainsi leurs racines anciennes tout en mettant au premier plan leur intime appartenance à la société réunionnaise. Beaucoup assument aussi le fait d'être citoyens français (même si les rapports avec la Métropole sont psychologiquement complexes), voire européens, puisque la Réunion fait bien partie de cette fameuse Communauté Européenne !


5) Vous avez mis en ligne un excellent site Internet qui s'intitule

INTERVIEW DE PHILIPPE PRATX
Le site "Indes réunionnaises" a pour origine une décision prise, presque soudainement, lorsque je résidais à la Réunion, pour raisons professionnelles (entre 1995 et 2000). Les passions personnelles dont je parlais plus haut m'ont fait succomber à la tentation de connaître beaucoup plus en profondeur les Indo-réunionnais, et mon projet initial était de réaliser un livre sur le sujet, faisant la part belle aux photographies. Pour des raisons indépendantes de ma volonté, le livre a dû être oublié. Les circonstances étant qu'à l'époque je découvrais - sur le tard - l'informatique, et qu'elle m'apparaissait beaucoup moins ardue que je pouvais le craindre, j'ai sauté le pas et transformé le livre en site Internet. Un sacré boulot pour une seule paire d'épaules. Au total, la création de ce site m'aura fait sillonner l'île en tous sens, accomplir un travail de reporter et d'interviewer, recueillir à cette occasion images, sons et connaissances, rédiger les textes, bidouiller avec des logiciels divers et variés... pour finalement aboutir à une mise en ligne le 4 février 2000.
Le contenu est, me semble-t-il, suffisamment riche et varié pour que bien des visiteurs y trouvent de nombreuses réponses à leurs interrogations. Il serait trop fastidieux d'énumérer toutes les rubriques, mais sachez, à titre d'exemples, que l'on y trouve des pages sur la danse, les cérémonies religieuses, les mosquées, l'actualité culturelle, les prénoms, des recettes, des cartes virtuelles, des éditions virtuelles, l'actualité culturelle et religieuse, des leçons de tamoul, un forum, etc. Mon objectif est double : faire connaître au monde (quelle modestie, n'est-ce pas !) ces cultures indo-réunionnaises généralement ignorées, et permettre aux Réunionnais d'origine indienne eux-mêmes d'approfondir certaines connaissances sur une variété de domaines culturels.

6) Quelle est la fréquentation de votre site ? Avez-vous beaucoup d’abonnés ou de lecteurs ? A quel public vous adressez-vous ?

La fréquentation du site est actuellement de l'ordre de 25 000 visiteurs uniques par mois pour plus de 80 000 pages consultées. Un compteur figurant sur la seule page d'accueil montre qu'elle a été vue plus de 50 000 fois. Les abonnés à la lettre d'information sont, eux, assez peu nombreux, 160 environ. Le public est notamment constitué d'étudiants, lycéens et collégiens, mais touche diversement toutes sortes de catégories socio-professionnelles et de tranches d'âge. Géographiquement, les visiteurs sont en grande majorité des habitants de France métropolitaine, puis viennent ceux de la Réunion, du Canada, de Belgique, de Suisse et de Maurice (vive la Francophonie !). Enfin des dizaines d'autres pays fournissent de petits contingents de visiteurs, des USA à l'Inde, du Japon à la Mauritanie, du Brésil à la Suède...


7) Quel avenir envisagez-vous pour ce site, quels projets vous tiennent-ils à coeur ?

Représentation de Mardévirin dans un temple réunionnais
Représentation de Mardévirin dans un temple réunionnais
Concernant l'avenir et les projets, disons pour être raisonnable que j'envisage surtout de continuer sur ma lancée. J'ajoute ainsi parfois telle rubrique, tiens à jour l'actualité (c'est la moindre des choses), apporte une nouvelle leçon de tamoul. Je me consacre beaucoup actuellement aux interviews virtuelles, qui me paraissent culturellement fort enrichissantes. Peintres, musiciens, écrivains, danseuses, ethnologues... apportent tour à tour des regards et des connaissances nouveaux, qui contribuent à construire un édifice multiforme où chacun pourra loger sa curiosité.
Pour être à présent moins raisonnable, mon rêve et mon espoir tiennent en deux projets : une traduction du site en anglais (voire en d'autres langues) et la réalisation d'un cédérom "Indes réunionnaises". Hélas ! Hors de portée. Un travail simplement personnel prendrait un temps infini dont je ne dispose malheureusement pas. Passer par des spécialistes implique un coût très élevé auquel je ne peux pas non plus faire face. Restent, comme je le disais, le rêve et l'espoir... d'un mécénat imprévu, de bonnes volontés bénévoles et conjuguées...

8) Actuellement vous n’habitez plus à la Réunion, est-ce que ça change votre manière d’appréhender votre site ? Est-ce que ça change votre manière de voir la Réunion ?

Le fait que je réside en Afrique de l'ouest ne change guère ma vision de la Réunion. Quant à ma manière de travailler, elle s'en ressent par contre beaucoup. La distance me fait évoluer à présent dans le virtuel, puisque je ne suis plus au contact direct des réalités humaines et du terrain. Il faut bien s'en accommoder, mais j'ai la ferme volonté de continuer ma tâche en faisant pour le mieux.

Merci Philippe et longue vie à votre site qui est vraiment très intéressant et très complet.

PS : Philippe me signale que la survie de mon site est actuellement douloureuse car il fait partie de ces français rapatriés d'Afrique avec leurs seuls bagages à cause des évènements récents. Souhaitons-lui bon courage.

JE VOUS LE RECOMMANDE...

INTERVIEW DE PHILIPPE PRATX
Chers lecteurs, vous y trouverez énormément de renseignements de tous types comme des leçons de tamoul, des renseignements pratiques...Je vous invite à visiter ce site que vous trouverez à l'adresse suivante : http://www.chez.com/indereunion.


Jeudi 23 Janvier 2003
Shanti/Fabienne DESJARDINS

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