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INTERVIEW D'OLGA UNE DANSEUSE D'ODISSI, EXTRA A BOLLYWOOD

Comment être danseuse classique indienne et figurante à Bollywood ?

Aujourd'hui la personnalité que je voudrais vous faire découvrir est quelqu'un que j'apprécie beaucoup. Elle s'appelle Olga Brice. J'ai fait sa connaissance par l'intermédiaire d'une amie commune. C'est une jeune femme intelligente et intéressante passionnée de culture indienne. En tant que danseuse, c'est dans le but de s'initier à l'art subtil et spirituel de la danse indienne qu'elle se rend en Inde. Mais son expérience indienne comprend aussi de la figuration dans les productions Bollywood. C'est ce parcours atypique qu'Olga a accepté gentiment de partager avec vous et je l'en remercie.



1) Olga Brice, peux-tu te présenter aux visiteurs du site

Et bien je suis danseuse. J’ai 38 ans. Je suis française de père eurasien d’origine vietnamienne et de mère normande. Je suis née et j’ai toujours vécu en France.

2) D’où te vient ton amour pour l’Inde ? Comment as-tu découvert l’Inde ?

C’est assez récent, par un cheminement personnel et par l’intermédiaire d’amis. En d’autres termes il y a 6 ans j’ai fait une dépression et pour m’en sortir j’ai suivi une thérapie. Lors de cette thérapie on m’a proposé de lire et de connaître la philosophie indienne et l’on m’a conseillé de lire Nisargadatta Maharaj et Ramana Maharshi, deux maîtres qui parlent de la philosophie connue sous le nom de l’Advaita Vedanta(non-dualité).Avant cela j’avais lu Osho Rajneesh puis j’ai entendu parler de Ramesh Balsekar dont la lecture m’a beaucoup impressionnée. C’est un ancien banquier qui a lui-même été le disciple de Nisargadatta Maharaj.
Après avoir lu plusieurs fois l’une de ses interviews, j’ai voulu rencontrer Ramesh. Cela a été le motif de mon premier voyage en Inde en 1998.

Un voyage que j’ai préparé pendant 7 mois et c’est lors de cette préparation que mon attirance pour l’Inde est née et mon séjour de 6 mois là-bas l’a confortée.

3) Et la danse Odissi ? En effet actuellement tes voyages en Inde sont motivés par l’apprentissage de cette danse. Peux-tu nous en dire plus ?

Olga en danseuse Odissi
Olga en danseuse Odissi
Je suis danseuse mais pendant 5 ans je n’ai pas dansé du tout, plus de motivation, des problèmes personnels. Un jour en Inde en février 2002 j’ai assisté à un spectacle de danse contemporaine du chorégraphe italien Paco Decina. Par la suite j’ai suivi un stage avec lui et j’ai fait la connaissance d’une danseuse italienne qui m’a invitée à un spectacle au NCPA de Bombay(une salle de spectacle expérimental. Il y avait un peintre indien célèbre Subodh Podar qui faisait des esquisses d’un danseur en mouvement. Ce danseur était le maître de danse Odissi Shankar Behera et pour moi ce fut le choc. Très vite j’ai pris contact avec lui afin d’apprendre cette danse. J’ai donc suivi un cours d’initiation à la danse Odissi avec des petites filles à Bombay. Mais j’ai du repartir en France au bout de 6 mois à cause de mon visa.

En ce qui concerne la danse Odissi, c’est une danse classique de l’Inde issue de la région de l’Orissa. Elle a été reconnue comme telle en 1950 après avoir été interdite sous l’occupation anglaise. C’est une danse sacrée qui est pratiquée dans les temples au même titre que le Barath Natyam. Elle était dansée par les devadasi (Mahans) puis les Gotipuas (jeunes garçons) ont développé son aspect acrobatique…et qui l’ont fait revivre dans les temples de Puri Kanarath après l'indépendance de l'Inde.
Odissi est placé sous la protection du dieu Jagannâtha, le Seigneur de l'univers, dont le temple imposant de Puri, en Orissa, est l'un des principaux sanctuaires du culte de Vishnu. Les danseurs disposent, face au public, de petites images cultuelles, sur la droite de la scène. Le programme commence, chaque fois, par un rite d'hommage à ces divinités: Jagannâtha, sa soeur Subhadrâ et leur frère aîné Balabhadra. Ramani Ranjan officie, une lampe à la main, offrant fleurs et parfums aux statuettes, avant d'inviter au recueillement ses belles partenaires, Malavika Sarukkai et Itishri Panda. Suit un programme de qualité, basé essentiellement sur des épisodes du Gitagovinda, I'harmonieux poème sanskrit de Jayadeva (XIIe siècle) (Paul Martin Dubost : Inde fabuleuse et danse). Vous trouverez plus d'éléments sur la danse Odissi dans la rubrique "Civilisation" du webzine dans l'article consacré aux danses indiennes.
(ci-dessus c'est Olga que vous voyez en danseuse Odissi)

4)Comment en es-tu arrivée en tant qu’apprentie danseuse de Odissi à être figurante dans des films de Bollywood ?

En fait c’est l’inverse, en février 2001, au début de mon 4ème séjour en Inde, avec des amis allemands rencontrés là-bas, j’ai été recrutée par une suédoise Agnes qui était à la recherche d’européens et d’étrangers pour faire des extras à Bollywood. Même si j’ai plutôt le type eurasien, j’ai été prise car j’avais les cheveux teints en blond à l’époque. Agnes elle-même avait été recrutée et pour chaque figurant qu’elle trouvait, elle gagnait une commission. Je me suis ainsi retrouvée sur le tournage d’un film au Mehboob studio de Bandra avec Kareena Kapoor et Abishek Bachchan (le fils d’Amitab Bachchan).Le film s’appelait Mein Prem Ki Diwani Hoon (Folle d’amour pour Prem).Je gagnais 500 roupies par jour. Ce n’était pas extraordinaire mais c’était correct.J’ai ainsi fait de la figuration pendant 2 mois sans arrêt ce qui m’a permis de rembourser un prêt que m’avait fait un ami indien.


5) Parles-nous plus en détails de ton expérience « Bollywoodienne » As-tu des anecdotes ?

La première fois quand on vous convoque il faut avoir confiance car on vous donne un rendez-vous dans des endroits touristiques et vous prenez un bus avec des inconnus vers une destination mystérieuse.

Dans de nombreux cas, on demande aux occidentales de prendre des postures vulgaires dans les scènes de danse qui sont mal vues par les indiennes qui refusent de les jouer. Bien sûr ‘vulgaire’ est un terme tout à fait relatif et pour une occidentale en général ces scènes ne posent pas de problème.
Ou bien on propose aux figurants des scènes très stéréotypées. Par exemple si vous êtes grande et blonde vous avez toutes les chance d’attirer l’attention. Les occidentaux ont en général droit à des bouteilles d’eau minérale sur les tournages et sont souvent mieux payés que leurs homologues indiens. Il y peu de mélange entre les figurants indiens et occidentaux mais ça arrive tout de même…
Un jour j’ai eu l’occasion de danser pour un clip vidéo d’une chanson punjabi car la chorégraphe était une amie indienne.

Comme anecdote, je me souviens d’un tournage pour la publicité de la Royal Challenge Golf Cup. Nous étions dans un faux avion de ligne et devions faire semblant de dormir. Nous avions des couvertures sur nous alors qu’il faisait une chaleur incroyable dans le studio.
Sur le tournage de Humraaz lors d’une scène de danse censée se passer sur un paquebot,les motos ailées côtoyaient les danseurs et les danseuses sur la piste et certaines danseuse étaient debout derrière le chauffeur…C’était très kitsch bien sûr mais dangeureux. Tout à coup un incendie a pris dans les ceintres et nous avons du évacuer le studio très rapidement. C’était la panique et c’était assez effrayant.

Il y a eu aussi ce tournage en extérieur pour le film sur Baghat Singh. Cela se passait à Film City et je me suis fait un ami éléphant.D’énormes moyens avaient été mis en œuvre. Il y avait une grosse concurrence entre les productions pour tourner l’histoire de Baghat Singh.Quatre tournages sur son épopée avaient lieu en même temps. L’incendie des studios du film Shaheed juste avant les dates de sortie du film était le signe de la rivalité qui opposait les différentes productions et il n’y avait aucun doute que ce feu était d’origine criminelle.

Plus drôle, j’ai du une fois interpréter le rôle d’un policier anglais dans une scène de nuit sensée se passer à Londres pour le film Roshni. Je portais un uniforme avec une matraque et j’avais un chien en laisse…Ce jour là les chaussures n’étaient pas à ma taille et ce n’était pas évident de courir à travers bois…

Les stars de Bollywood sont assez étonnantes. Elles apprennent les chorégraphies au tout dernier moment et pendant ce temps tout le monde attend. Ce n’est donc pas très bien organisé mais assez efficace car les acteurs indiens sont doués pour la danse en général.

6.Quels conseils donnerais-tu à ceux qui, comme toi, éventuellement seraient recrutés comme figurants ou voudraient tenter l’expérience ?

Je leur conseillerai de ne pas prendre les tournages au sérieux, de prendre tout ça comme un jeu et d’en profiter pour observer tout ce qui se passe autour d’eux. C’est une excellente occasion de connaître un aspect très important de la culture à Bombay. Cela dit il ne faut pas s’arrêter à cette expérience pour connaître la culture de l’Inde et de Bombay bien sûr.

On est amené à beaucoup tourner, beaucoup d’argent circule dans cette industrie…

7. Est-ce que tu le referais ?

Avec du recul je crois que non. J’ai été déçue de la manière dont nous étions considérés…Une équipe de journalistes a même essayé de me faire dire des choses qui ne me convenaient pas lors d’une interview. D’autre part la culture Bollywood est assez incompatible avec la rigueur et la pureté qui caractérise la tradition de la danse classique indienne. Mais le milieu du cinéma à Bombay est comme un laboratoire sociologique où l’on apprend une foule de choses sur les rapports humains. Et c’est le cas d’ailleurs pour l’Inde en général. Où l’on est amené à réviser ses jugements.

8.Pour conclure, quels sont tes désirs actuellement ? Je sais que tu veux repartir en Inde pour continuer ton apprentissage de la danse, dans quelle direction veux-tu t'orienter ?

Olga dans une autre posture Odissi
Olga dans une autre posture Odissi
Ce qui m’intéresse plus particulièrement maintenant c’est tout ce qui a trait au mouvement de la bhakti (courant dévotionnel) et l’Odissi en fait partie. Bien sûr ma démarche est avant tout spirituelle et prendra toutes les formes nécessaires à la recherche.
C'est une belle aventure dans un pays fascinant !

Merci à toi Olga de t'être prêtée aussi consciencieusement à cette interview et de nous avoir donné ces photos de toi en danseuse Odissi. Je te souhaite bonne chance pour l'obtention de ton visa étudiant pour te rendre en Inde afin de continuer ton apprentissage de la danse là-bas et je sais que tu l'attends depuis des mois. Je sais que ta patience est soumise à rude épreuve. Alors bon courage.
ci-contre autre photo d'Olga en danseuse Odissi

QUELQUES POINTS SUR LE CINEMA BOLLYWOOD

On peut dire que l’Inde est le pays du cinéma. En effet dès sa naissance, le 7ème art a engendré en Inde une véritable passion. D’ailleurs la première projection a été donnée à Bombay en 1896 peu après celle de Paris. Les frères Lumière venus présenter là-bas leur invention ont même tourné sur place quelques courts-métrages. Depuis, l’Inde est devenue le premier producteur mondial de films avec trois grands centres : Bombay (films en langue hindi), Calcutta, la région de Satyajit Ray (film en bengali) et Madras (films tamouls). De plus le nombre de films dans les autres langues régionales (ourdou, telugu…) est en constante augmentation (plus de 350 par an).

L’Inde possède aussi plus de 12000 salles de cinéma et produit environ 800 à 900 films par an, soit trois plus que les Etats-Unis. Il y aurait aussi paraît-il, rien qu’à Bombay 10000 acteurs, dont 70 % aurait déjà eu un premier rôle…L’Inde exporte 85%de sa production vers l’Asie et le Moyen Orient . Mais cela concerne les films populaires, dits Bollywood, les films d’auteur et les films sociaux comme Salam Bombay, Fire, Le Mariage des Moussons,Maya (tout récemment) eux sont plus considérés par les pays occidentaux et y gagnent des prix..

L’expression « Bollywood » désigne les super-productions indiennes inspirées des studios hollywoodiens et assaisonnés à la sauce locale (masala). Depuis quelques années heureusement, elles commencent à connaître un certain succès en Occident malgré leur réputation de productions commerciales à l’esthétique kitsch et stéréotypées.

Les principales caractéristiques des films Bollywood

1/ La longueur : ce sont en général des films-fleuves qui durent entre 3 et 4 heures (avec un entracte)

2/ Le mélange des genres : il n’y a pas de cinéma par catégorie comme dans les pays occidentaux, cinéma fantastique, films d’amour…etc. Dans les productions Bollywood, le mélodrame côtoie la comédie musicale, le film d’aventure, le policier et même le merveilleux sans jamais prétendre au réalisme. Il faut qu’un film soit tout à la fois. Et la tradition hindoue transparaît souvent par des allusions au sacré. Les spectacteurs indiens réagissent face au film, ils sifflent, injurient les méchants, applaudissent les héros, les préviennent du danger, chantent avec les acteurs etc…c’est une ambiance très particulière. Pour eux, le cinéma est un fantastique moyen d’évasion de la réalité, et leur permet de se libérer de leur difficile quotidien et de leur dure et parfois très dure condition de vie quelques instants…C’est pourquoi le cinéma indien doit tout être à la fois pour leur offrir encore plus de distraction et de rêve.

3/ Musique et danse . En ce qui concerne l’aspect comédie musicale, toujours présent dans les films, il faut à chaque fois 6 danses et trois chansons en gros dans les productions actuelles, qui expriment les malheurs du héros, les scènes de rencontre amoureuses ou même les scènes d’amour, les moments heureux enfin vers la fin de l’histoire par exemple. Ces morceaux chantés sont destinés à mettre en valeur les acteurs idolâtrés.. Les chansons ne sont pas chantées par les acteurs eux-même, ce n’est pas grave car ce qui compte c’est l’alchimie, le choix judicieux du réalisateur qui a sélectionné la voix qui correspond au visage de son acteur ou actrice…Ce sont souvent les mêmes chanteurs qui sont sollicités. Ainsi, par exemple, Asha Bhosle, a doublé plus d’un millier de rôles de femmes de sa voix sirupeuse et suraiguë. Il en est de même pour Udit Narayan pour les rôles de jeunes premiers, notamment surtout l’acteur Aamir Khan. Les bandes originales sont ensuite commercialisées avec succès, et dans les rues, en Inde, les conducteurs de rickshaws, les chauffeurs de taxi….etc les chantent par cœur…

4/ Les conventions : les acteurs doivent sur jouer afin que leurs expressions soient comprises par tous les Indiens qui ne parlent pas le hindi, la langue principale des tournages des films Bollywood. La barrière de la langue et la censure incitent également les scénaristes à broder sur des thèmes simples avec des personnages manichéens et stéréotypés au service de la moralité.

5/ L’érotisme : il y en a toujours un peu qui pointe sous cet apparent respect de la moralité. Les tenues et les danses des actrices sont souvent suggestives et lascives…Au point que les autorités islamiques s'en offusquent.

Mardi 30 Septembre 2003
Shanti

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