< indien >

Quatre questions à Susheela RAMAN

Lors de mes pérégrinations internautiques sur facebook, j'ai eu l'occasion d'échanger avec une de mes chanteuses préférées : Susheela RAMAN (rien que pour ça je ne regrette pas de m'être inscrite sur ce site).
Quand je lui ai demandé si elle acceptait de répondre à quelques questions, elle a accepté...Mais c'est plus en terme d'un échange entre elle et moi qu'elle a voulu que cette interview se fasse. A moi les thèmes de discussion, à elle les questions et les réponses...Une sorte d'interview inversée.



Do you think the soul has an identity? Pensez-vous que l'âme a une identité ?


Maybe France is not racially defined nation so its inclusive in india you can be anything (fair skined, dark skinned, muslim, hindu, whatever) but there is a sense of being 'indian' that is to do with family and therefore ethnicity blood etc. so your ancestry makes you indian.

Peut-être que la France n'est pas une nation fortement marquée racialement, alors qu'en Inde vous pouvez être n'importe quoi (avoir la peau claire, être musulman, hindou ou autre chose...) mais ça a un sens quand on dit qu'on est Indien, ça a à voir avec la famille, et par conséquent avec le sang ethniquement, donc tes ancêtres ont fait de toi une Indienne.

I dont know if there is such a thing as the 'soul' as a seperate entity, i think one picks up fragments as one rolls thorugh life and its a myth to say you are exclusively or essentially one thing or another. one has to respond pragmatically to the place you are.

Je ne sais pas s'il existe une "âme" en tant qu'entité séparée, distincte. Je pense que chacun prend des fragment au fur et à mesure que sa vie se déroule. Je crois que c'est un mythe de dire que nous sommes exclusivement ou essentiellement une chose ou une autre, on doit répondre pragmatiquement de l'endroit où l'on se trouve.

I suppose i am definitely a human and apparently a woman, although part of me is male for sure. it seems I am indian and tamil and certainly also english.european, australian and a londoner and a sydneyite and now a madras-wali.

Je suppose que je suis certainement un humain et apparemment une femme, bien qu'une partie de moi soit masculine à coup sûr. Il semble que je sois Indienne et tamoule et certainement aussi Anglaise, Européenne, Australienne et je suis aussi une londonnienne et une habitante de Sidney et maintenant une "madras-wali" une habitante de Madras".

Being in India is a very important nourishment...there is a chance to connect with so many things and to learn things that I already programmed to receive.
I am lucky because music makes it easy to relate to anywhere.


Étre en Inde est extrêment nourrissant et enrichissant... il y a une telle opportunité de se connecter avec tant de choses et ad'pprendre des choses que j'ai déjà programmée de recevoir. J'ai de la chance parce que la musique facilite le contact n'importe où.

Does your taste in music match your taste in other things?


I grew up on some different kinds of music : soul music, jazz music, and pop then I heard african japanese and middle eastern music. It all mixes together for me
i like learning new ways of singing.
i don't like the indian music i hear on the radio or see on tv
the best place for Indian Music is you tube.
I dont watch tv except on tour after a gig to wind down
i like music that has rough edges and assymetries
i like peanut butter crunchy not smooth
i like orange juice with all the bits still in it
i like coffee grains in the bottom of the cup
i don't want to have a meal cooked by a computer
i don't want to have an amorous liason with a computer
i feel music played by people more than computers
i love dogs

What are your projects ?


My current work, I am in india learning some very interesting music from some very wonderful teachers.

Actuellement je suis en Inde et j'apprends une musique très intéressante avec plein de professeurs merveilleux. Je travaille sur un album qui doit paraître en 2010. J'entame ce printemps et l'été, une petite tournée Européenne. Après Londres en mai, je passe en concert le 26 juin au Théâtre des Bouffes du Nord où j'ai été invitée dans le cadre du festival "Fragile". Venez nombreux.

Susheela en concert à Paris le 26 juin 2009


Dans le cadre de leur deuxième édition, le Festival Fragile a invité Susheela Raman pour un concert exceptionnel au Théatre des Bouffes du Nord le 26 Juin 2009.

Susheela, en ce moment en préparation d’un nouvel album à paraître en 2010, était accompagnée sur scène de Sam Mills (Guitare), Aref Durvesh (tabla) & Kumar Raghunathan (violon).

Le Festival Fragile : L’idée de Fragile -l’audace par l’épure- est étroitement liée à la magie du lieu, ses matières, sa disposition qui impose aux artistes de s’interroger sur leur pratique artistique et leur relation au public. La seconde édition poursuit donc sa quête de « l’inhabitude », la cohérence de la programmation naissant de l’originalité de chaque scénographie retenue par les artistes invités.

J'étais au concert et ce fut un moment absolument magique. Je vous en parle dans la rubrique "Impressions".

a href="http://www.susheelaraman.com"/>site de Susheela Raman

Petite bio-discographie de l'artiste


Née à Londres en 1973 de parents tamouls, Susheela RAMAN grandit en Australie. Son père et sa mère, tous deux mélomanes, lui transmettent leur passion pour la musique de leur pays d'origine. A l'adolescence, la chanteuse découvre les charmes du blues, du rock et de la soul. Ce mélange de genres forme l’identité musicale de Susheela. En 1997, elle part s’installer à Londres. Elle y rencontre Sam Mills, guitariste et producteur. Ensemble, ils produisent Salt Rain, le premier album de la jeune femme, dans les bacs en 2001. Deux ans plus tard, elle sort l'opus Love Trap. Son troisième album débarque en 2005 et s'intitule Music for Crocodiles. En 2007, elle sort son quatrième album, 33 1/3. Voici une petite analyse de ces différents albums.

L'album "Salt Rain"

Quatre questions à Susheela RAMAN

L'idée fixe, l'obsession de Susheela Raman, c'est la fusion, la rencontre entre les cultures. Elle-même est faite de cela, c'est sa force, sa richesse, affirme-t-elle. "C'est la réalité du monde. Les gens n'arrêtent pas de se déplacer, alors forcément les cultures se mélangent." Et tant mieux. L'idée de transposer cette évidence en musique lui vient après avoir écouté "Passion", la bande-son du film de Martin Scorsese, "La Dernière Tentation du Christ" , album avec lequel Peter Gabriel inaugura son label Real World en 1989. Ce disque a été un déclic, à partir de ce jour Susheela a commencé à penser qu'effectivement il pouvait y avoir des possibilités de mélanger des cultures différentes en musique. Même si elle y avait déjà réfléchi elle ne savait pas encore comment s'y prendre, elle n'était pas prête. Ainsi est né Salt Rain, en 2001, un album subtil, au charme envoûtant, construit et pensé avec le guitariste et producteur anglais Sam Mills. C'est ce disque qui la fera se lancer.

On y a découvert une jeune femme anglaise d'origine indienne au regard brûlant qui affiche sans ambiguïté un parti pris de fusion entre musique classique de l'Inde du Sud, sonorités occidentales et même échos d'Afrique. De l'ethno-pop, dirait-on paresseusement. Elle y interprète des adaptations de pièces anciennes comme Ganapati, dédié au dieu Ganesh, composée au XVIIIe siècle par Dikshitar, Mahima, écrite à la même époque par Tyagaraja, autre compositeur de référence dans la musique carnatique ; des relectures originales, Song to The Siren de Tim Buckley, ou Trust in Me, la chanson du perfide serpent Kaa dans Le Livre de la jungle de Walt Disney. Une certaine idée de la culture universelle en somme.

A la base, le pari de Susheela n’était pourtant pas gagné. Son répertoire, rappelons-le, puise dans la tradition savante du chant carnatique (soit de l’Inde du Sud) et n’était pas à priori pas destiné à séduire la foule des non-initiés. Mais en la mariant avec d’autres expressions plus occidentales comme la pop, le funk, la soul et le blues, et grâce au savoir-faire du producteur Sam MILLS, Susheela RAMAN a développé une forme de variété métissée raffinée et travaillée dans ses moindres détails de manière à séduire le plus grand nombre tout en évitant de galvauder ses racines, ce que je trouve très appréiable. Restait à savoir si ce difficile équilibre, pourtant garant de sa qualité et de sa crédibilité artistique, n’allait pas être rompu pour satisfaire aux exigences mercantiles que suscite tout succès médiatique.

Un bouquet sonore original sur des harmonies simples et des rythmes indiens, une belle voix, des instruments aux sonorités riches, quelque-chose de très personnel mais toujours accessible. C'est parfait. Produit de la fusion de la musique tamoule et de son éducation londonienne, Susheela Raman, dans ce premier album, nous aiguise les oreilles en nous diffusant des ondes positives.

On attendait donc au tournant son deuxième album, Love Trap.

Love trap, son deuxième album

Quatre questions à Susheela RAMAN

Ce "piège de l’amour" risque d’en capturer plus d’un. Deux ans après le très acclamé Salt Rain, la chanteuse anglo-indienne déploie mille nouveaux sortilèges, issus des métissages délicats qu’elle affirmait avec son premier disque. Le lien naturel de ces compositions illuminées par l’aube rougeoyante est tissé par le batteur Tony Allen qui pose ses tempos versatiles mais toujours fermes. La voix délicatement sourde de Susheela Raman se fera alors volontaire, ou parfois incantatoire, et le groove implacable ("Manusoloni"). L’idée de la chanteuse, avec la complicité du producteur Sam Mills, reste d’être allé chercher à la pointe de l’Espagne la Corne de l’Orient. Enregistré au studio El Cortijo, Love Trap accueille un rayon de flamenco avec le pianiste David Dorantes, et même des mélodies aussi marquées par la tradition indienne que "Sakhi Maro" résonne d’hispanité. À des lieues de la world music fourre-tout, Susheela Raman invente une langue d’éternité. Comme on ne change pas une équipe qui gagne, on retrouve sur Love Trap les musiciens qui avaient joué sur Salt Rain, et avec lesquels Susheela a nourri une complicité grandissante au fur et à mesure des concerts donnés ensemble : le percussionniste du groupe TAMA Djanuno DABO (congas, bongos, shakers...), le percussionniste Aref DURVESH (tablas, dholak...), le bassiste Hilaire PENDA, le violoncelliste Vincent SEGAL, et bien sûr le guitariste Sam MILLS, qui, une fois de plus, tire toutes les ficelles de la production. Simple invité sur un morceau du disque précédent, le clarinettiste et flûtiste grec Manos ACHALINOTOPOULOS a gagné du galon et étale davantage ses couleurs ici. Mais histoire d’élargir encore les possibilités d’arrangements à connotation ethnique, il a été de plus fait appel aux talents de diverses personnalités, comme le célèbre batteur nigérien Tony ALLEN (qui a joué avec Fela KUTI).

On trouve même quelques sonorités hispanisantes dans Bliss et Dhamavati grâce au pianiste David DORANTES, tandis que le vent des steppes sibériennes souffle sur Amba et sur Manasuloni (la pièce la plus rock n’roll de tout l’album !) avec la présence des chanteurs de gorge Albert KUVEZIN et Radik TIULIUSH (également à la vièle), du groupe YAT-KHA. Ailleurs, on surprendra aussi quelques notes de kora, de saxophone, de guitare hawaienne, etc. Love trap est un album qui affiche la volonté de faire World à tout prix, peut-être un peu trop sans doute par endroits. Mais il reste envoutant et sincère malgré tout.

Mais sur le fond, Love Trap poursuit l’exploration et la réadaptation, définie par son prédécesseur, des séduisantes arcanes du chant carnatique, des langues sanskrite et tamoule et puise en majorité dans les répertoires des compositeurs "saints" TYAGARAJA et DIKSHITAR. Susheela impose son timbre de voix chaleureux, ornementé et onduleux dont elle a le secret, et tente aussi l’aventure du chant en anglais, le temps d’une reprise bon teint du Save me de Joan ARMATRADING et du morceau éponyme à l’album (une variante d’un morceau de Mahmoud AHMED), chanson à mon avis qui est la moins bonne de l'album.

Sur la fin du disque, les conventions inhérentes à un album "World" et "Fusion"semblent cependant avoir été abandonnées avec le capiteux Ye Meera Divanapan Hai, tiré d’un film hindi des années 1960, et l’ultime Blue Lily Red Lotus, un hymne à Shiva qui, en gardant ses traits acoustiques et traditionnels, nous plonge dans un contexte éminemment contemplatif et dévotionnel avant de s’achever dans une accélération rythmique éloquente. Où l’on voit que sa reconnaissance médiatique galopante n’a pas fait totalement perdre à Susheela RAMAN le goût de l'audace. Qu'en est-il de son troisième album "Music for crocodiles" ?

Music for Crocodiles, son troisième album

Quatre questions à Susheela RAMAN
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Dans ce troisième album, on découvre des titres plutôt pop bien rythmés. Trop modernes diront certains. En effet, ces nouveaux morceaux sonnent radicalement plus urbains, plus actuels. L'artiste s'essaie entre autres au français (ce qui est touchant) avec deux titres dont l'excellent: « L'âme volatile». Ecrit par un poète franco-pakistanais, ce texte aborde les déboires amoureux de la vie.

Un très beau documentaire en 2005, raconte la genèse de cet album. Mark Kidel a suivi cette artiste unique, cette voix d’or de la world music, dans le sud de l’Inde, le Tamil Nadu (région d'où je suis aussi originaire moi aussi, je vous le rappelle) où elle a enregistré la majeure partie de Music for Crocodiles. Ce documentaire, passé sur Arte, évoque un voyage musical envoûtant et joyeux, émouvant et fort.

Dans ce reportage, on y découvre des échanges entre musique occidentale et musique indienne...deux univers contradictoires mais proches en fait, que Susheela n'a de cesse de rapprocher dans ces albums. Elle même incarne cette contradiction, confrontée à ces origines hindoues et son éducation occidentale...L'artiste, en Inde, se retrouve elle dans les deux mondes. On y voit de vrais dialogues, où se mêlent tradition sacrée du Tamil Nadu et le répertoire complexe et métissé que Susheela Raman approfondit d’année en année. Entre autres un passage qui montre bien cet échange : des jeunes filles en sari de l’école de chant carnatique (de Thiruviyar, au Tamil Nadu) qui après avoir vocalisé avec la belle chanteuse, arrêtent à leur tour de chanter, suspendues à la voix chaude et au sourire éclatant de leur aînée Susheela Raman, qui leur susurre une version douce de “Voodoo child”, de Jimmy Hendricks accompagnée par la guitare complice de Sam Mills, son fidèle musicien alter ego...Les jeunes filles, qui ne connaissent pas cette musique finissent ensuite par la fredonner avec elle...Un joli moment. Plein de moments magiques de ce type parsèment ce film où l'émotion transparait à travers l'héroïne.. et qu'on retrouve dans cet album, très différent des deux précédents. Il y a aussi un moment où elle rencontre un chanteur classique indien, star carnatique , quasi mythique et un joli échange artistique se produit entre eux...

Et les échanges se répètent tout au long d’un voyage aux images somptueuses : de Madras, la capitale de l’état, à Thiruviyar, la ville de la mère de Susheela, haut lieu de la musique carnatique. Née à Londres, elle a grandi en Australie et s’est nourrie des influences contradictoires du jazz et du rock, et du chant classique de ses origines, appris dès l’enfance.

D’abord douloureuse, la contradiction est devenue l’essence de son art et d’un inlassable désir d’ouverture. La redécouverte de ses sources la conduit désormais régulièrement à Thiruviyar. A un moment on l'entend dire dans le film “Je me sens chaque fois plus enracinée et plus déracinée. Car plus on en sait, plus on s’aperçoit que l’on ne sait pas.”

C'est souvent ce que je ressens moi-même, dans cette quête de mon identité indienne, surtout depuis le décès de ma mère...et peut-être que cela touche aussi vos propres quêtes. d'identités...

D'où le bouleversement que j'ai ressenti en découvrant les images de ce documentaire, que j'ai vu en avant-première à Paris. A l'issue de la projection, Susheela, comme par enchantement sortie de l'écran, nous a offert un mini concert en direct avec 6 chansons, magie de l'instant...envie d'aller la voir et de lui dire combien j'étais touchée, que moi aussi je suis à la recherche de mes sources indiennes, mais ensuite elle est partie très vite et je n'ai pas pu lui parler.

Music for Crocodiles, c'est tout ça à la fois, tout ce que l'on voit dans le documentaire, l'âme de Susheela, les échanges musicaux, sa quête d'identité etc... et on y retrouve, plus que dans Love Trap, l'esprit de Salt Rain...

33 1/3

Quatre questions à Susheela RAMAN

Encore un album très différent des précédents et suprenant. Susheela aime aller là où on l'attend pas et plus sa carrière avance, plus elle se tient à cette volonté, oser toujours, et échanger, mélanger les influences musicales à l'envi. Avec "33 1/3", elle revisite de sa voix chaude et sucrée quelques uns des grands standards musicaux internationaux. Au programme : The Velvet Underground, Bob Dylan, Jimi Hendrix, Nirvana… baignés de sonorités traditionnelles indiennes. Résultat ? Envoûtant et intéressant ! Susheela a même changé les intonations de sa voix, qui est encore plus grave et donne à cet album une empreinte très particulière. Pourtant cet album m' a moins convaincue que les précédents, même si c'est aussi un bel ouvrage. J'apprécie cependant beaucoup cette volonté perpétuelle que Susheela a de se remettre en question dans chaque album, d'offrir un univers différent dans chacun d'entre eux.

Mardi 2 Juin 2009
Fabienne-Shanti DESJARDINS

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