Les messages derrière les films de Guru DUTT
Les films de Guru Dutt expriment, un fort message social qui montre une Inde séculaire et moderne où les artistes, comme les individus qui remontent le courant, doivent lutter contre leurs démons et l'implacable matérialisme.
Beaucoup de films hindis ont un rythme et un récit qui sont souvent répétitifs ; a contrario, chaque composante d'un film de Guru Dutt concourt à la logique de l'histoire.
Chaque plan, tournure de phrase, lieu de tournage, geste ou dialogue crée un monde de poésie et d’intériorité. Les dilemmes et les traumatismes psychologiques de ses personnages reflètent étroitement sa propre vie tout en brouillant la frontière entre le réalisateur Guru Dutt et l'homme Guru Dutt.
Regarder un film de ce grand metteur en scène, c'est entrer dans un monde personnel où sa puissante présence renvoie une émotion et une mélancolie particulièrement évidentes dans les films considérés comme ses classiques (Pyaasa, Kaagaz ke Phool, et Sahib Bibi aur Ghulam).
Une vie tragique
Guru Dutt Padukone naquit à Bangalore le 9 juillet 1925 dans une famille de la communauté saraswat, qui alla s'établir à Calcutta durant quelques années. Pendant son adolescence, Guru Dutt s'intéressa plus à la danse qu'au cinéma ; c'est pourquoi en 1942, grâce à l'attribution d'une bourse, il s'inscrivit à 17 ans à l'India Culture Centre pour y étudier la danse auprès d'Uday Shankar (le frère aîné de Ravi Shankar). Trois ans plus tard, quand l'école dut fermer ses portes, Guru Dutt rejoignit sa famille, qui vivait alors à Bombay. Il réussit finalement à trouver un poste de chorégraphe à Prabhat Film Company à Poona et devint assistant réalisateur à Bombay. En 1951, son ami l'acteur Dev Anand tint la promesse qu'il lui avait faite de produire un film de Guru Dutt ; c'est ainsi que naquit Baazi.
Dans la décennie qui suivit, Guru Dutt réalisa ou produisit des films en noir et blanc dans divers genres : thriller criminel (Jaal, C.I.D.), film en costumes (Baaz), romance musulmane (Chaudhvin ka Chand, qui comprend deux chansons en couleurs), comédie légère (Aar Paar), satire sociale (Mr & Mrs 55), film historique (Sahib Bibi aur Ghulam), et drame psychologique (Pyaasa, Kaagaz ke Phool). Alors qu'il travaillait sur Baaz, Guru Dutt décida de diriger et de jouer simultanément. Après Baaz, il fut le personnage masculin principal de tous les films qu'il réalisa.
Pendant le tournage de Baazi, qui fut un énorme succès, Guru Dutt rencontra la belle chanteuse de play-back Geeta Roy. Malgré la profondeur de leurs sentiments l'un envers l'autre, leur mariage fut si tumultueux que dans la dernière année de sa vie, Guru Dutt quitta sa famille pour vivre seul. Ils avaient deux garçons, Tarun Dutt (qui mourut le 1er janvier 1989), et Arun Dutt, ainsi qu'une fille, Nina. Geeta Dutt décéda en 1972 à l'âge de 42 ans.
Il y a 44 ans, à Bombay, Guru Dutt se suicida le 10 octobre 1964 à l'âge de 39 ans. Depuis cette date, d'année en année, de pays en pays, sa réputation de réalisateur exceptionnel du cinéma populaire indien n'a fait que croître. La prémonition, qui court tout au long de Pyaasa, annonçant que la gloire posthume est le lot de certains artistes, se reflète dans la propre vie de Guru Dutt. Cependant, au-delà de l'empathie provoquée au niveau personnel et émotionnel, on a immédiatement conscience qu'il vient se classer au nombre des maîtres du cinéma mondial .
Sources : Guru Dutt, A Life in Cinema (Oxford University Press, New Delhi), et Yours Guru Dutt (Roli Books, New Delhi). Nasreen Munni Kabir
Le Musée Guimet a rendu hommage cet été à ce metteur en scène, dans le cadre son cycle "l'Eté Indien" où il projetait 5 de ses films.