Les principes du tantrisme
Ainsi la réalité avérée n'est qu'un jeu de pouvoir, à savoir l'acte de se nourrir d'énergies qui en retour nous dévorent. Le Tantrika prenant conscience de ce principe cosmique, tel un guerrier partant au combat, décide d'offrir à la conscience son propre devenir. Il voit l'illusion des énergies cognitives qui le poussent à entreprendre des combats qui ne sont pas les siens. En échange, il s'en sert comme aliments pour les jeter dans le feu de sa propre purification, et dépasser ainsi le doute et la peur qui le tiennent prisonnier, qui l'empêchent et limitent sa vue sur la Réalité.
Par conséquent l'adepte épuise graduellement le pouvoir d'attraction des objets de la connaissance relative, et fait grandir par-là même sa puissance personnelle afin de se consacrer au véritable enjeu, qui est, à travers l'art de son alchimie et de sa distillation personnelle, la reconquête de la totalité de son être.
Il est délivré ici une liste non exhaustive des sources dans lesquelles le pouvoir est puisé :
En premier lieu vient la somme des énergies primordiales que le divin, dans sa grâce, a fait don par le sacrifice de la procréation, soit l'inné.
En deuxième lieu il s'agit de l'excès, de la démesure, de l'ivresse, de la dérision, des émotions, des rituels, de la dérégulation des sens, de la douleur, du plaisir, du sexe, des peurs, de la folie contrôlée, du non-sens, du non-faire, du rire, de la provocation, de la maladie, .... .
Mais jamais ! L'individu ne doit perdre de vue la cible véritable, qui est toute intérieure, car ce que le Tantrika vise ce n'est pas le pouvoir sur les autres ou sur la mort du corps lui-même, mais bien le pouvoir de transcender sa propre personnalité. Car si l'ego phénoménal permet à l'individu d'avoir dans ce monde l'attribut de la conscience, il est par sa nature même ce qui le limite et le conditionne. Le Tantrika vise à passer les gardiens de ce qui doit être gardée, à savoir la conscience elle-même dans son état de pure virginité, qui ne peut être objet de jouissance, car étant la jouissance elle-même.
Le Tantrika cherche le pouvoir des énergies, et y fait de son vivant complète allégeance. Mais le pouvoir qu'il acquiert est le pouvoir de mettre à bas ce qui le tenait attaché à une vue particulière, et par-là même de faire émerger en lui ce qui subsiste, c'est-à-dire la conscience plénière. Le Tantrika cherche à se libérer de ce qui le tenait attaché, à savoir le complexe obligé par lequel, sur le plan cosmique, la conscience se sait exister, et par lequel, sur le plan relatif, elle se limite. Le Pouvoir du Tantrika est de se servir des modalités de la personnalité pour accepter le don de la conscience, qui est paradoxalement amour et don de soi, à travers la privation et la limitation. Le Tantrika vise la faille toute intérieure où la conscience, du point de vue cosmique, existe en elle-même dans une métaphysique affranchie des histoires personnelles et des contenus particuliers.
Les paradoxes et les principes de réalité du tantrisme.
Pour se savoir exister, la vie a besoin de la limitation dans le temps et dans l'espace. La limitation dans l'espace est ce qui préside à l'individuation et à la différenciation. La limitation dans le temps est ce qui préside à la mort et à la jouissance.
Nous avons là le sacrifice cosmique sans lequel la conscience ne pourrait être affectée, et ne pourrait vibrer à l'amour de Soi.
À l'éclairage des maîtres du Tantra :
- N'a pas de réalité la forme, l'apparence, la dynamique car étant passagère et éphémère, en vérité insaisissable, transformable, effaçable, inconstante et vouée exclusivement à la perte et à la déchéance.
- N'a pas de réalité l'informe, l'essence, le statique, car par définition vide, impalpable, insondable, sans mesure, inexpressif, invisible, sans substance et voué exclusivement à l'inconscience.
- Seul n'a de réalité que l'union de ces deux mêmes principes considérés alors comme conscience en acte, la forme exprimant ce qui est sans forme, le statique s'émancipant du dynamisme, l'un fait pour l'autre. Et en dernier ressort cette relation est de nature amoureuse et faite de jouissance car elle ne saurait se diriger vers ce qu'elle haït, si elle n'était sûre de ne jamais y perdre ce qu'elle sait toujours obtenir : béatitude et repos absolus.