Les juifs du Kérala
À Cochin, la communauté juive a presque complètement disparu. En effet, il ne resterait en tout et pour tout qu'une dizaine de juifs. C'est pourtant ici, au Kerala, Etat du sud Ouest de l'Inde, que s'est établie la toute première communauté juive du pays. Après la destruction du second temple de Jérusalem, en 70 après Jésus Christ, arrivent ceux qu'on appellera les "juifs noirs de Cochin".
Située au bout d'une presqu'île paradisiaque, où les cocotiers s'alanguissent le long des plages, Cochin est devenue un comptoir commercial de première envergure après les explorations de Vasco de Gama à la fin du 15ème siècle. Portugais et Hollandais s'installent a leur tour, dont certains juifs. Ils se constituent rapidement en une caste supérieure à celle des "juifs noirs". Ils prennent le nom de pardesi ou "juifs blancs".
Ces derniers élèvent une synagogue en 1568 au coeur du quartier juif de la ville. Mais ils en refusent l'accès aux premiers juifs indianisés. C'est aujourd'hui le principal vestige de la présence juive à Cochin, visitée comme telle par les touristes. Mais même si le lieu ferme le vendredi et le samedi pour Shabbat, il y a bien longtemps qu'il n'y a plus de rabbin ni de cérémonie.
Dans la rue qui mène a la synagogue, les vendeurs de souvenirs ont remplacé les commerçants juifs. Un peu plus loin, derrière une grille fermée, s'étale le cimetière juif. Les tombes gravées en hébreu ne sont plus entretenues et les herbes folles ont envahi les lieux. Le vent de l'histoire a définitivement tourné a Cochin.
Petit historique sur les Bene Israël et les Baghdadis
Rachel, l'héroïne du roman d'Esther DAVID, appartient à la communauté Bné Israel, tout comme son auteur. On estime que l'arrivée des Bene Israël, ainsi que l'on nomme les premiers juifs à s'être établis sur la côte indienne au Sud de Bombay, aurait eu lieu il y a deux millénaires. Ils se sont rapidement intégrés dans le système de castes, connus sous le nom des Shaniwar Telis : les presseurs d'huile du samedi, car ils exerçaient souvent ce métier et observaient le shabbat.
C'est d'ailleurs avec le Shema Israël les seuls éléments qu'ils avaient préservé du judaïsme. Cette diaspora s'est fortement indianisée, de l'adoption de patronymes locaux à la présence de henné dans les mariages. Paradoxalement, c'est cette même indianisation qui leur a permis de survivre : en respectant les coutumes endogames indiennes, les Bene Israël ont conservé la communauté intacte au fil des siècles.
Au 18ème siècle, les opportunités économiques font monter les Bene Israël à Bombay.
Au cours du 19ème siecle, des juifs du Moyen-Orient émigrent en Inde à leur tour à Bombay mais aussi à Calcutta, notamment en 1832 quand le prince David Sasson et sa communauté fuient les pogroms de Bagdad. Les nouveaux venus prennent ainsi le nom de juifs Baghdadis. La famille Sasson développe rapidement un important commerce de coton, de textile et d'opium au point d'être surnommés les "Rothschild de l'Orient".
C'est à leur contact que les Bene Israël vont se rejudaïser. Le processus ne va pas sans heurt et on voit apparaître un nouveau système de caste inconnu dans le judaïsme : les Bagdhadis méprisent les Bene Israël, desservis par leur profil marhate et leurs habitudes de vie indiennes. Ils sont considérés comme des juifs impurs.
Plus que les récentes attaques, c'est un lent déclin qui affaiblit la communauté juive de Bombay. À titre d'exemple, il ne reste plus que 80 juifs Baghdadis (juifs du Moyen-Orient arrivés en Inde au 19ème siècle) à Bombay, alors qu'ils étaient environ 5 000 en 1940. La population vieillit et les jeunes sont tentés par le voyage en Israël. La Terre Promise est une opportunité en tant que telle, mais aussi un tremplin vers l'émigration en Occident, un rêve qui habite beaucoup d'habitants de Bombay, juifs ou non.
L'affaiblissement de la communauté renforce les liens entre Baghdadis et Bene Israël. Pour atteindre le minimum de 10 fidèles requis pour le Shabbat, les Baghdadis et les Bene Israël prient ensemble. Il est ainsi plus facile d'oublier les conflits du passé".
Apres la création d'Israël en 1948, de nombreux juifs d'Inde ont rejoint l'État hébreu. Aujourd'hui, ils sont moins de 10 000 dans le pays.
Les juifs en Inde de nos jours depuis les attentats de novembre dernier.
Malgré les récents attentats de Nariman House, de nombreux juifs de Bombay affirment que les rapports entre juifs et musulmans en Inde sont loin d'être conflictuels comme peuvent l'être ceux entre musulmans et hindous. "Les liens qui unissent les musulmans et les juifs en Inde sont bien plus anciens que le conflit au Proche-Orient. En Inde, les gens ne voient pas les juifs et les musulmans comme des ennemis mais comme des Indiens parmi d'autres". Ils prennent la tragédie qu’ils ont connu comme un acte isolé perpétré par des non-indiens. D’ailleurs beaucoup de juifs Indiens qui vivent encore dans le pays, et Esther DAVID elle-même qui me l’a dit, ne pense pas en termes de "juif ou non-juif", mais pensent en tant qu’Indien".
(inspiré des explications d'Esther DAVID et d'un article d'Aujourd'hui L'Inde)