RISHTE, Najma Akhtar & Gary Lucas, une fusion élégante entre blues et chant indien
Loin de penser qu’il n’y a que les montagnes qui ne se rencontrent pas, Gary Nesbitt, à l’initiative de ce projet, a proposé à la chanteuse britannique Najma Akhtar de collaborer avec le guitariste américain Gary Lucas (Captain Beefheart, Lou Reed, John Cale, Jeff Buckley…) afin de chercher les ponts possibles entre chant indien et blues. Cette dizaine de titres, expérimentée sur scène avant d’être enregistrée en studio dans le New Jersey, laisse toute sa place aux autres intervenants, qu’il s’agisse de la violoniste Alicia Svigals ou des tablistes Nitin Mitta, Dibyarka Chatterjee et Narendra Budhakar. Au sommet de leur art, Najma, Gary et leurs amis signent un album où coulent nonchalamment et avec grâce les eaux du Mississipi et du Gange.
Amoureux de musique indienne depuis sa jeunesse et sa découverte de Ravi Shankhar, Gary Lucas découvre Najma Akhtar dans les années quatre vingt dix avec son album « Atish ». Ebloui par la pureté de sa voix, il répond tout de suite positivement lorsque, quinze ans plus tard, un ami commun, Gary Nesbitt, suggère une collaboration. Les deux artistes se rencontrent au printemps 2007, jamment ensemble, et commencent à travailler sur des bases acoustiques et électriques préparées par Gary Lucas sur lesquelles Najma place des textes enveloppées dans des mélodies dont elle a le secret
Au-delà de ses couleurs interculturelles évidentes, il flotte dans « Rishte » des parfums de psychédélisme, de groove et de blues futuristes.
C'est une musique que l'on croît avoir rêvée, mais qui pourtant est bien là, à la fois appel au rêve et exemple parfait des plus belles fusions qui existent aujourd'hui.
Judy sucks a lemon for breakfast, Cornershop, un album "hindi rock"
Depuis ses origines indiennes à sa terre d'adoption britannique, il y a plusieurs mondes que Tjinder Singh et sa bande se plaisent à mêler avec une belle réussite : la soul, le funk, la pop 60s des Beatles, les sonorités typiquement asiatiques à base de sitar ou même le glam rock de T. Rex se croisent tout au long d'un disque haut en couleurs. Certes le résultat semble bien éloigné des codes en cours et des nécessités de la scène actuelle, mais le résultat se montre si enthousiasmant par instant que cette caractéristique pouvant être perçue de prime abord comme une faute de goût se révèle une vraie force.
S'il ne fallait retenir qu'une seule expression pour décrire l'empreinte laissée par Cornershop sur ces douze titres, « hindi rock » serait celle-ci. La base de la majorité des compositions du groupe est bien évidemment rock, mais la multitude d'instruments utilisés, de la sitar aux cuivres en passant par les claviers, harmonica ou percussions rend l'album exotique sans jamais perdre en accessibilité. Véritable synthèse de l'album du haut de ses dix-sept minutes, The Turned On Truth (The Truth Is Turned On), avec ses chants féminins et une ambiance pour le moins psychédélique, est sans conteste une véritable démonstration de ce cru, même si les très immédiats Who Fingered Rock 'n' Roll et Judy Sucks A Lemon For Breakfast sont à n'en pas douter les deux raisons les plus évidentes pour lesquelles l'auditeur accordera sa confiance à Cornershop lors de la phase de découverte. Cornershop, formation indo-britannique de Leicester, est un groupe de rock pluriculturel, militant, peu commode, viscé-ralement indépendant mais tout sauf barbant. Mélanger, au nom d'une culture large et d'un esprit ouvert, plusieurs styles de musiques populaires est rarement concluant. Le plus souvent, on obtient une sorte de « soul food » sonore, plus indigeste qu'enchanteresse. Pas chez Cornershop. En 1997, après quelques années à produire un passionnant mais radical agit-rock bruitiste, le groupe, mené par l'intrigant (comprendre énigmatique et peu causant) Tjinder Singh, avait concocté When I was born for the 7th time.
Lumineux et inusable album porté par un single magique, Brimful of Asha : une miraculeuse revisitation du cosmic boogie de T. Rex propulsé par d'irrésistibles volutes de sitars. Douze ans après - Cornershop n'a publié entre-temps qu'un seul album, moins éclatant, plus ¬funk -, on le retrouve toujours aussi enthou¬siasmant. Le discours est encore méfiant à l'égard de l'industrie musicale comme du monde en général, mais la musique, elle, reste euphorisante. Une succession impeccable de chansons pop-rock au groove entraînant, où chaque clin d'oeil ou cliché tombe à pic, ne servant qu'à valoriser la singularité du son, des trouvailles, de la coloration à la fois familière et totalement dépaysante de l'ensemble.
La simplicité et l'urgence du glam rock mariées à la sensualité d'un groove princier (pensez Pop Life ou Raspberry Beret), le tout au parfum envoûtant d'hypnotisant voyage au bord du Darjeeling Express. Autant dire que l'esprit salutaire de Rock the Casbah (The Clash) ou des grandes heures des Redskins vit toujours.