Anita Desai
C'est une auteur que j'adore... Née en 1937, c'est une romancière et novelliste indienne, particulièrement célèbre pour sa représentation sensible de la vie intérieure de ses personnages féminins.
Plusieurs des romans de Desai explorent des rapports tendus entre au sein du famille et l'aliénation des femmes bourgeoises. Dans certains autres de ses romans, Desai a traité avec de thèmes tels que l'antisémitisme allemand, la fin des traditions et les impressions stéréotypées des occidentaux envers l'Inde.
Elle est régulièrement «nominée» pour le prix Nobel de littérature.
Petite bibliographie de ses romans parus en France
LA CLAIRE LUMIÈRE DU JOUR [1993], trad. de l'anglais par Anne-Cécile Padoux , 320 pages, 140 x 205 mm. Collection Empreinte, Denoël -rom. ISBN 2207240371.
LE JEÛNE ET LE FESTIN , trad. de l'anglais par Anne-Cécile Padoux , 352 pages sous couv. ill., 108 x 178 mm. Collection Folio (No 3762) (2002), Gallimard -rom. ISBN 2070424324.
LE JEÛNE ET LE FESTIN [2001], trad. de l'anglais par Anne-Cécile Padoux , 264 pages sous couv. ill., 140 x 205 mm. Collection Bibliothèque étrangère, Mercure de France -rom. ISBN 2715221711.
JEUX AU CRÉPUSCULE [1994], trad. de l'anglais par Anne-Cécile Padoux , 240 pages, 140 x 205 mm. Collection Empreinte (1995), Denoël -nouv. ISBN 2207241122.
OÙ IRONS-NOUS CET ÉTÉ ? , trad. de l'anglais par Anne-Cécile Padoux , 208 pages sous couv. ill., 108 x 178 mm. Collection Folio (No 3082) (1998), Gallimard -rom. ISBN 2070404714.
OÙ IRONS-NOUS CET ÉTÉ ? [1997], trad. de l'anglais par Anne-Cécile Padoux , 208 pages, 140 x 205 mm. Collection Empreinte, Denoël -rom. ISBN 220724430X.
UN PARCOURS EN ZIGZAG [2006] , trad. de l'anglais par Anne-Cécile Padoux, 208 pages, 140 x 205 mm. Collection Bibliothèque étrangère, Mercure de France -rom. ISBN 2715225555.
POUSSIÈRE DE DIAMANT [2002], trad. de l'anglais par Anne-Cécile Padoux , 264 pages sous couv. ill., 140 x 205 mm. Collection Bibliothèque étrangère, Mercure de France -nouv. ISBN 271522236X.
UN VILLAGE PRÈS DE LA MER [1987], trad. de l'anglais par Paulette Vielhomme-Callais , illustrations de Rozier-Gaudriault, 288 pages, ill., sous couv. illustrée par Rozier-Gaudriault, 108 x 178 mm. Collection Folio Junior (No 400), Gallimard Jeunesse -rom. ISBN 2070334007
Poussière de diamant
Dans ce recueil de nouvelles, son septième ouvrage publié en France, Anita Desai nous fait voyager - en Inde, bien sûr, comme toujours, mais aussi au Canada, en Nouvelle Angleterre, en Cornouailles et au Mexique. Souvent, on pourrait croire qu'il ne se passe pas grand chose : un ami d'autrefois, perdu de vue depuis longtemps, vient à l'improviste s'installer chez un couple de paisibles retraités à New Delhi et bouleverse leur vie de fond en comble. Un jeune Indien, marié à une Canadienne et installé au Canada, révèle à sa femme qu'il a eu en réalité deux mères pour l'élever et lui demande de les accueillir pour quelques mois. Pas grand chose, certes… Mais du passé vont surgir des ombres, des histoires soigneusement enfouies, des souffrances qu'on a voulu oublier… De sa voix calme et douce, Anita Desai sait dire les choses les plus essentielles qui sont souvent aussi les plus cruelles. Sous la surface en apparence lisse des choses, elle nous fait découvrir de redoutables coins de pénombre.
La Claire Lumière du Jour
C'est le premier roman d'Anita Desaï et aussi le premier que j'ai lu d'elle, et en anglais en plus. C'est un très joli roman qui raconte une histoire de famille, un conflit entre deux soeurs...
À Delhi aujourd'hui, Tara, la quarantaine, qui a longtemps vécu à l'étranger avec son mari diplomate, revient séjourner dans la maison de son enfance. Bim, sa sœur aînée, et Baba, leur frère autiste, y vivent encore. Les souvenirs, les querelles, les jeux d'autrefois, tout revient à la surface. Dans la touffeur de l'été, Tara et Bim vont régler à fleurets mouchetés de vieilles dettes, de très anciens comptes.
Dans cette famille d'Old Delhi, en plus des deux soeurs, chacun remonte les fils de leur toile familliale, et se situent les uns par rapport aux autres, mais aussi les uns tellement liés aux autres, malgré les cicatrices, les évolutions divergentes, et par dessus la maladie et la mort. La mélancolie de la ville assoupie, magnifiquement rendue par la plume experte d'Anita Desai sert aussi merveilleusement ce récit d'amour et de solitude.
Le Jeune et le festin
C'est sans aucun doute mon préféré de ses romans. J'en avais déjà parlé dans la rubrique "livres coup de coeur". « Elles se retrouvaient parfois dans d'autres villes, à des mariages familiaux auxquels accouraient les parents des quatre coins du pays, ravies d'exhiber leurs saris et leurs bijoux les plus somptueux... On aurait dit que leurs mères avaient soigné toutes ces jeunes filles comme des fleurs en pot jusqu'au moment où leurs joues seraient assez pleines, leurs lèvres assez brillantes ; petits rires et chuchotements aboutissaient à cette grande décision : le mariage. »
Mais il s'agit presque toujours d'une union arrangée où l'amour ne joue aucun rôle. Possessive, autoritaire, étouffante, la famille indienne se révèle être ici un univers de violence, de cruauté et d'angoisse. Ravissante et intelligente, Anamika doit accepter le mari qu'on lui impose et qui sera son bourreau. Uma, laide, sotte et donc impossible à marier, est condamnée à devenir la vieille fille au service de tous. Quant à Arun, le préféré, celui à qui tout est dû, il se heurtera, aux États-Unis où il croyait pouvoir respirer un air de liberté, à d'autres contraintes...
Dur, lourd de sensualité inexprimée, Le jeûne et le festin est peut-être le plus beau livre d'Anita Desai.
Que ferons-nous cet été
À quarante ans, Sita attend sans l'avoir désiré son cinquième enfant. Épouse d'un riche homme d'affaires de Bombay, elle déteste les charges de la vie quotidienne qui l'épuisent. Lourde, lasse, elle décide de retourner pour les vacances d'été dans l'île où elle a passé toute son enfance auprès de son père, un émule de Gandhi. Mais les souvenirs que l'on a crus heureux peuvent révéler des surprises. Sita va revivre l'angoisse des épisodes troubles qu'elle croyait avoir oubliés, tandis que s'ancre en elle cette idée étrange et folle : il ne faut pas que l'enfant naisse dans ce monde si cruel. Elle continuera à le porter longtemps, peut-être toujours.
Un parcours en zigzag
Le parcours en zigzag, c’est celui d’Eric, un jeune étudiant américain qui se retrouve au Mexique par hasard, simplement parce qu’il y a suivi la jolie étudiante dont il est amoureux et y effectue des recherches pour sa thèse.
Livré à lui-même pendant que sa fiancée travaille, il va entreprendre d’autres recherches, très personnelles celles-là, qui vont le mener à une sorte de quête initiatique. Un de ses grands-pères, il le sait vaguement, a vécu autrefois au Mexique et travaillé dans une mine d’argent. Mais revenu au pays, le vieil homme n’a pratiquement jamais rien raconté de cette période de sa vie — ni parlé de ce qui était arrivé à sa femme, morte très jeune là-bas.
Alors, muni uniquement de quelques lieux, de quelques mots d’espagnol et d’une grande curiosité, Eric part à la découverte, d’abord d’un pays qui va vite l’envoûter, et ensuite d’une histoire qui révélera beaucoup de surprises.
Anita Desai qui, ici, semble quitter définitivement l’Inde, a été elle aussi fascinée par le Mexique où elle vit désormais une grande partie de l’année. Dans ce livre débordant de couleurs, de sons et d’odeurs, où se côtoient de bien étranges personnages dont son héros va croiser la route, elle nous livre de très nouvelles et étonnantes facettes de son talent.
Jeux au Crépuscule
Ce recueil de onze nouvelles, situées dans l'Inde contemporaine, de Bombay à Delhi jusqu'à Manali dans la montagne, nous racontent des histoires de tous les jours, des anecdotes à la limite du banal, dans ces petits villages où, malgré la lutte quotidienne pour la survie du lendemain, l'humour est toujours présent. La tendresse aussi, que la traductrice Anne-Cécile Padoux a su rendre malgré la précision souvent chirurgicale du vocabulaire de l'auteur.
Mais attention, dans chaque regard, chaque sourire, sur chaque visage, entre les lignes, il y a l'essentiel. On y lit la solitude, l'angoisse du lendemain, la terreur d'être incom-pris ou, pire, abandonné... , des abîmes de peur et de cruauté. Et comme toujours, Anita Desai sait à merveille nous faire voir et sentir les couleurs, les odeurs et les musiques multiples de l'Inde.
Nous la suivons avec plaisir à travers cette galerie de portraits, où cohabitent le professeur de bengali qui rêve d'évasion, le peintre qui ne peut vendre ses toiles, la petite-bourgeoise et, surtout, ces deux personnages que tout sépare, le sociologue (américain) et la bohémienne, héros de la nouvelle qui clôt ce cinquième ouvrage d'Anita Desai traduit en français.
La réception d'adieux-(Encre bleue, 1999)
Deux nouvelles composent ce recueil.
"La réception d'adieux" présente la dernière soirée des Raman avant leur départ à Bombay. Pourtant peu présents dans les réceptions mondaines, ils ont invité toutes les personnes qui comptent dans la ville. Madame Raman va de l'un à l'autre comme dans un rêve, étonnée que toutes ces personnes lui expriment des paroles chaleureuses, regrettent son départ ou lui rappellent des souvenirs communs. Toutes ces années vécues presque en solitaire lui semblent irréelles face aux témoignages de sympathie et d'affection qui lui sont prodigués. N'est-ce pas la nuit sans lune et les rares éclairages qui modifient aussi les comportements et donne à cette soirée un éclat inoubliable.
"Le sociologue et la bohémienne" présente un jeune américain venu faire une étude sociologique en Inde accompagné de sa jeune épouse. Celle-ci, oppressée par la climat, la foule et la pauvreté, ne supporte pas le séjour à Bombay. Physiquement et moralement, elle se sent mal et ne rêve que de campagne verte et fraîche. Ils décident de joindre un village situé en hauteur dans les montagnes à quelques heures de bus de Bombay. Là-bas l'air est frais, les temples à taille humaine et les hippies bien sympathiques. Cette Inde là, elle l'aime. Mais ce n'est pas le cas de son mari...
Ces deux récits sont très vivants, faciles à lire, et offrent deux approches très différentes de l'Inde.
Le Bombay de Baumgartner (stock 1991)
Un livre fascinant malgré la banalité de ses ingrédients de base : un juif allemand, émigré en Inde pour fuir le nazisme, sombre dans l’incurie, deux danseuses entraîneuses internationales, quelques hommes d’affaires indiens …L’Inde, Calcutta avant la guerre, Bombay après l’Indépendance, apparaît en toile de fond. Drame, tendresse, drôlerie, bref un grand livre et un succès mérité en librairie.
Sa fille Kirran Desai
Lorsque le Booker Prize a été décerné à Kiran Desai, le 10 octobre dernier, les journaux ont tous mis deux faits en avant : elle est, à 35 ans, la plus jeune des lauréats du Goncourt britannique ; et elle est la fille d’Anita Desai, l’un des grands noms de la littérature indienne de langue anglaise. Comme les personnages principaux de son nouveau roman, Kiran Desai a passé son enfance à Kalimpong, dans l’Himalaya, puis à Delhi. A 14 ans, elle quitte l’Inde avec sa mère pour la Grande-Bretagne et les Etats-Unis, où elle poursuit ses études secondaires et supérieures. En 1998, elle publie son premier roman, Le Gourou sur la Branche, et se fait remarquer par la critique.
Son second roman pour lequel elle a donc été primée, La Perte en héritage, a été écrit entre l’Himalaya, le Brésil, le Chili, le Mexique et New York. Elle réside maintenant à Brooklyn.
La Perte en Héritage- Kiran Desai (éditions les Deux Terres)
C'est son deuxième et dernier livre et c'est avec ce dernier qu'elle a gagné le fameux Booker Prize (le Goncourt anglais), en automne 2006. Je ne l'ai pas lu mais voici un résulé de l'histoire.
Orpheline à seize ans, Sai, qui a passé plusieurs années sous la férule des bonnes soeurs, se retrouve chez son grand-père, juge de district à la retraite, dans le nord de l’Inde. Elle vit les enchantements et désenchantements du premier amour, sous l’oeil distrait du cuisinier de son grand-père, le père de Biju. Biju, lui, attiré par le mythe américain, s’est expatrié à New York. Sa quête d’identité passe par la solitude, le dépouillement, l’exploitation des sans-papiers, et finalement, le retour au pays. La Perte en héritage est l’histoire d’êtres dépouillés de leur culture, déçus par l’Occident, et qui cherchent tant bien que mal à recouvrer leur dignité.
Traduit de l’anglais (Inde) par Claude et Jean Demanuelli
Le Gourou sur la Branche.
Voici un roman qui vous fera passer un très bon moment... Il m'a beaucoup fait rire et je souhaite qu'il vous donne autant de plaisir qu'il m'en a donné à moi.
J'en ai déjà parlé sur Couleur Indienne dans un précédent numéro.
A Shahkot,une petite ville de l’Inde, écrasée de chaleur, les habitants s’occupent en s’épiant les uns les autres. Lorsque Sampath, jeune homme lymphatique et rêveur, décide de fuir ce quotidien oppressant pour se réfugier au sommet d’un goyavier, l’organisation de la cité s’en trouve bouleversée. De bon à rien, critiqué sans cesse et moqué, il devient l’ermite, le sage auprès duquel tous viennent demander conseil. Tandis qu’il retrouve goût à la vie, chacun des membres de sa famille profite de cette situation inespérée pour réaliser ses aspirations personnelles. Mais l’anarchie ne tarde pas à s’installer.
Avec ce roman, son tout premier, qui célèbre la continuité du mariage entre la culture indienne et la langue anglaise (Kiran Desai a vécu en Inde et en Grande-Bretagne), met tous nos sens à contribution. Au-delà de l’énumération de parfums, de couleurs ou d’épices, l’auteur sait décrire, à travers les yeux de Sampath, le moindre souffle de la nature, l’eau qui coule secrètement sous nos pieds et qui sera aspirée par les arbres assoiffés… Sa principale force est l’humour, dans la peinture malicieuse qu’elle fait des travers d’une société qui se complaît dans ses névroses. La galerie des portraits est piquante : une mère coupée de la réalité et obsédée par les inventions culinaires, un père qui confond amour familial et intérêts financiers, un chef des services sanitaires absorbé par son ulcère, un sous-préfet dépassé par la situation et des singes alcooliques qui viennent tenir compagnie au "faux sage" pour catalyser le désordre sous-jacent !
Cette lecture drôle et rafraîchissante nous plonge dans l’imaginaire indien, tout en pointant les travers de notre société mercantile ; elle réunit aspirations spirituelles et préoccupations plus terre-à-terre. Ou comment aborder des sujets sérieux en gardant le sourire…