II faut choisir : ça dure ou ça brûle ; le drame, c'est que ça ne puisse pas à la fois durer et brûler. Albert Camus

FLASH-INFO pour ne pas perdre le PHIL

Samedi 19 Décembre 2015

Le 11 novembre, comme Facebook, mon anti-alzheimer, me le proposait gentiment, j'ai rediffusé l'article que j'avais écrit en 2012 La culture rock, un mode de pensée aussi révolutionnaire que la psychanalyse, soit 2 jours avant la tuerie du Bataclan. Mauvais pressentiment ou pur hasard ? Qu'importe... Ecouter du rock reste une façon saine et artistique d'affirmer son goût pour la liberté et l'anticonformisme. Ce genre musical impétueux qui ne veut jamais se soumettre est aussi un excellent remède pour exorciser ses névroses.


Photo Jesse Hugues (Eagles of death metal) credit-boris-allin
Photo Jesse Hugues (Eagles of death metal) credit-boris-allin
Le rock, un bon remède contre la névrose narcissique ?

Comme l'explique Francis Métivier dans son essai Rock'n philo*, le rock surfe merveilleusement bien sur la dichotomie du "moi", un moi haïssable qui cherche à se dépasser. Le rock aide à dépasser le narcissisme propre à l'adolescence. Je me rappelle d'ailleurs d'un cours de terminale de mon ancien excellent professeur de philosophie qui m'avait marquée à ce sujet : pour nous expliquer la philosophie de Hegel, il avait utilisé la métaphore d'un chanteur de rock. D'après lui, un rocker qui avait survécu à ses 30 ans avait nécessairement dépassé son narcissisme. Or notre société souffre en ce moment de nombreux narcissismes. Le narcissisme non dépassé peut conduire à des catastrophes, comme celle que l'on vient de vivre ces derniers jours. Samuel Dock, dans son article "Attentats de Paris : Samuel Dock, Psychologue clinicien témoigne", pointe justement du doigt le problème de notre société qui engendre des générations narcissiques. Pourquoi faut-il se méfier du narcissisme ? Les individus qui vivent une grosse carence narcissique peuvent se retourner vers des idéologies totalitaires qui promettent de briser le système. Or les chansons de type "I'm a loser baby" de Beck permet de tuer métaphoriquement son « moi idéalisé » pour mieux se connaître et devenir ce que l'on est vraiment. Les chansons servent toujours de catharsis pour nous aider à progresser et à sortir de nos schémas de pensée obsessionnelle.

Le rock aime le paradoxe, ce que ne tolère pas les idéologies totalitaires

"Il y a des gens rock qui ne jouent pas du rock and roll : Jean-Paul Sartre n'a rien à voir avec le rock et pourtant il est rock ! C'est pour cela que, finalement, je crois qu'il s'agit d'une culture.", disait Pete Townshend de The Who. Jean-Paul Sartre, un rocker ? Ce n'est pas vraiment l'image qui nous avons naturellement du philosophe de La nausée. Mais en y réfléchissant bien, notre philosophe existentialiste savait parfaitement jongler avec les paradoxes. Or, le rock aime s'amuser des paradoxes, remettre en cause les notions du bien et du mal, bousculer les idées reçues à travers des guitares dissonantes. Le rock ne supporte pas le côté absurde de l'existence, en cela il est proche aussi de la sensibilité d'Albert Camus et de son Homme révolté. " Je me révolte, donc nous sommes".

Malheureusement, les victimes du Bataclan et des terrasses du 10 et 11ème arrondissements ont vu leur vie brisée par des extrémistes narcissiques qui auraient mieux fait de se rebeller contre eux-mêmes... La vie reste absurde.

Méfions-nous des gens qui ne comprennent pas le second degré et ne savent pas accepter l'échec. Pour cela, rien de tel qu'un petit rock, comme "Creep" de Radiohead, pour sortir de soi et fuir sa mauvaise conscience.

Une pensée émue pour toutes ces victimes qui aimaient la vie.

"Let's rock your mind"*



* Rock'n philo, Francis Métivier, Breal.


Rédigé par Marjorie Rafécas le Samedi 19 Décembre 2015 à 16:01 | Commentaires (0)

LIVRES PHILous

Lundi 28 Septembre 2015

Ces dernières années, la Génération "Y" a fait couler beaucoup d'encre, mais existe-t-elle vraiment ? Enième concept marketing comme celui des "hipsters" inventé par on ne sait quel bureau de tendance ou au contraire réel phénomène sociologique, le débat s'échauffe, surtout chez les Directeurs de Ressources Humaines. Le concept de la "génération Y" qui désignerait les personnes nées au début des années 1980 jusqu'à 2000, n'existerait pas selon certains d'entre eux. Elle serait juste une invention de la génération "X" pour tenter de révolutionner le management des entreprises, afin de trouver un meilleur équilibre entre vie privée et vie professionnelle. X, Y, Z ? Est-ce bien sérieux d'utiliser les dernières lettres de l'alphabet pour décrire des générations ? En attendant, loin des bruitages de twitter, le dialogue fort intéressant entre Marie-France Castarède et Samuel Dock sur le "nouveau choc des générations" peut nous éclairer efficacement sur le sujet.


Le choc des générations aura-t-il lieu ?
Marie-France Castarède née en 1940 et Samuel Dock né en 1985, tous deux psychologues, ont décidé d'écrire un livre à deux voix pour croiser leurs regards sur leur époque et expliquer en quoi la génération Y pourrait par certains aspects être en danger. En effet, les nouvelles générations ont un rapport au temps, au corps et aux autres, bien différent de celles qui les ont précédé. La vitesse, l'ultraconnexion, l'idolâtrie du corps parfait, pourraient à terme leur causer un certain désarroi.

"Le corps est partout mais ne dit rien"

Cette phrase dévoile monstrueusement bien les failles de notre société d'images. Samuel Dock constate que "ce vide froid sur papier glacé" "attire ma génération". Les nouvelles générations sont en effet très attachées aux signes de jeunesse, à l'esthétisme et au bien-être. Elles sont exigeantes sur leur santé et scrutent le moindre dysfonctionnement : "on désire avant tout un corps confortable". D'après Marie-France Castarède, les autres générations étaient plus dans la fantasmagorie, des romans comme Comme le temps passe ou Belle du seigneur ont nourri leur imaginaire. Le problème de cet excès d'attention au corps est que, selon Julia Kristeva, les nouveaux patients présentent un manque d'intériorité, de psyché. M.F Castarède explique ce phénomène par le fait que la simplification à laquelle les jeunes d'aujourd'hui consentent élimine l'intériorité et la profondeur qui donnaient jusqu'à présent sa valeur à la vie psychique. Trop d'images uniformisent leurs émotions. Le corps ne peut remplacer la pensée. Samuel Dock en conclut : "Pour ma génération, la vieillesse sera vécue comme une atteinte narcissique spontanée voire brutale, injuste et antinaturelle".


Comment désirer sans se donner le temps ?

La génération Y ne semble plus connaître la lenteur des amours naissants. Or, pour que l'amour se développe, il faut du temps, du secret, des petits signes du mystère, de l'imagination. Afin d'illustrer ses propos, MF Castarède s'appuie sur Le désordre amoureux de Pascal Bruckner, Le mariage d'amour de Luc Ferry, Et si l'amour durait de Finkielkraut et les notions d'Eros, Philia et Agape chères à André Comte-Sponville. Mais l'amour vu par la génération post68 requiert un certain recul, que la génération Y n'a pas le temps de prendre. Le temps est un art. Le désir a besoin de temps. Peut-on désirer sans attendre ? Pour comprendre cette nécessité de la lenteur et la délicatesse, MF Castarède utilise la métaphore de la caresse, cet attouchement subtil, délicat et respectueux de l'autre. "La caresse, comme le vent ou la musique, est un effleurement tendre, une ode à la liberté de l'Autre qui la garde et la goûte dans son for intérieur. Loin du déchaînement pulsionnel, elle exprime une conduite authentique d'altérité".

Ultraconnectés mais totalement désynchronisés avec l'instant

Toujours aller plus vite, accélérer, communiquer à n'importe quel moment, voilà les injonctions de nos sociétés contemporaines. "Etre connecté pour être en phase avec son temps, pour rester dans les temps". "Tels ces jeunes autour d'une table chacun les yeux rivés sur l'écran de leur téléphone portable, chacun en train de préparer sa soirée, de répondre à des mails, de finaliser un achat bizarrement urgent, de dialoguer avec un ami impalpable". "Personne n'est vraiment avec personne, chacun est désynchronisé avec l'instant". Cette notion de désynchronisation est fort intéressante, car en croyant être dans les temps, on est en fait hors de l'instant. Quel exemple plus pertinent que Twitter ? "On s'essouffle à courir après l'actualité et à créer la sienne sans le moindre enrichissement personnel, sans même se souvenir de ce que l'on a tweeté." Samuel Dock s'indigne : "Cette technologie n'est pour moi synonyme que de contenus volatils et de relations jetables, d'un émoussement de l'esprit critique et d'une zombification affective. A quoi sert encore une information si elle est si vite remplacée par une autre et qu'elle n'engendre aucune pensée qu'elle ne participe même plus à l'élaboration d'une plus grande conscience du monde ?". "Ma génération se défonce au vide."

MF Castarède partage le même point de vue en précisant que "les relations aseptisées s'inscrivent dans la logique d'un monde plus rapide que jamais, constitué d'identités fluides où il s'agit de passer au plus vite d'une chose à l'autre et où un désir en chasse un autre. Comment résister à la simplification de soi à laquelle disposent les technologies des téléphones portables." Quand tout n'est qu'expérience, on peut se demander quelles expériences sont encore susceptibles de compter... "Sur Twitter, on diffuse de la sorte des informations sitôt que l'évènement a eu lieu , l'idée à peine s'est-elle présentée dans la conscience. Le délai entre la pensée et la réaction est presque abrogé. Sur Facebook, on envoie les photos d'une promenade... alors que celle-ci n'est pas encore terminée. " Le rythme de vie s'est indéniablement accéléré par rapport aux autres générations. "L'impression que le temps passe de plus en plus vite, voire qu'il n'y a plus de temps, qu'il n'est plus possible de suivre, se révèle une réaction naturelle à la densification des épisodes d'actions".

D'après MF Castarède, de par leur rythme trépidant de vie et la multiplication des expériences, les nouvelles générations manquent également de naïveté. Or, la naïveté, comme la caresse d'ailleurs, "ne vaut-elle pas mieux que la brutalité des affects d'aujourd'hui ? ". Vaste débat...

Alors le choc des générations aura-t-il lieu ? Pas sûr. Surtout si tout le monde a les yeux rivés sur sa tablette ! Car pour qu'il y ait un choc, encore faut-il un échange de regards. A la lecture de ce livre, ce que l'on pressent en fait n'est pas un fossé intergénérationnel, mais un fossé entre le "moi" des réseaux sociaux et le moi profond. Et surtout un manque d'idéal. Car au fond, quels sont les idéaux des générations X, Y et Z ? Le livre n'en parle pas. Et c'est bien cela qui paraît inquiétant... Car pour qu'il y ait un choc, il faudrait des convictions fortes, des valeurs opposées. Or, les générations anciennes et futures ont l'air de très bien cohabiter dans cet univers de fluidité des données, de facilité et d'instantanéité.

Finalement ce livre nous permet de prendre conscience du caractère contradictoire de certaines injonctions de notre société : aller toujours plus vite tout en voulant arrêter le temps pour rester éternellement jeune.
Pourtant, "c'est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante" dit le renard au Petit Prince. La parole psychanalytique doit être cultivée comme la rose dans son jardin".
"Le nouveau choc des générations" est un livre à méditer par toutes les générations.

Le nouveau choc des générations, février 2015, 362 pages, 19 €
Ecrivains : Marie-France Castarède et Samuel Dock Editeur : Plon

Rédigé par Marjorie Rafécas le Lundi 28 Septembre 2015 à 21:36 | Commentaires (0)

LIVRES PHILous

Mercredi 5 Août 2015

Le snobisme d'Adèle Van Reeth et Raphaël Enthoven, ce petit livre subtil et ironique ne laisse pas indifférent et modifie instantanément le regard que l’on peut avoir sur le snobisme. Car même si on fuit le snobisme, il y a des grandes chances d’en être sévèrement atteint !


Le snobisme, une maladie incurable ?
Dans une dialectique captivante et limite tournoyante, Adèle Van Reeth par ses questions qui piquent là où il fait bon d’appuyer et les éclairages sans tabou de Raphaël Enthoven, les différents visages du snobisme se dévoilent au fur et à mesure dans tout leur paradoxe. Le snobisme ne désigne pas un individu type, mais un comportement qui peut frapper n’importe quel commun des mortels, celui de croire que nos goûts (ou nos pensées) sont supérieurs aux autres. C’est ce qu’appelle R. Enthoven : l’anticartésianisme, soit l’absence de doute.

Mais n’est-il pas surprenant que ce soit un philosophe qui nous explique les rouages du snobisme, alors que cette discipline dégouline à foison de cette image de snobe bien trop intellectuelle ? Contrairement aux apparences, « la philosophie donne les moyens de penser le snobisme ». Alors que l’histoire présente le snobisme comme un phénomène ponctuel et que la sociologie le situe au niveau de la lutte des classes. La philosophie permet en effet d’aller plus loin dans le décorticage de ce type de comportement, qui consiste à vivre comme « indubitables des vérités qui n’en sont pas ».

De la masse comme de l’élite, le snobisme est partout, et surtout là où on ne l’attend pas. C’est dans cette description peu courante du snobisme que réside l’originalité de cet essai. Il nous sort de sentiers battus. « Pour parodier Schopenhauer, on pourrait dire que la vie est une oscillation perpétuelle entre le snobisme du snob (snobisme de classe, snobisme clanique, snobisme de l’intelligence, de la culture…) et le snobisme de l’antisnob (snobisme de la marquise de gauche, snobisme du libertaire qui fait fortune en dénonçant l’économie de marché, etc.) ».

Le livre commence par une entrée en matière assez classique du snobisme, à travers les univers de Proust, d’Oscar Wilde et de certaines scènes de théâtre de Marivaux, puis élève le débat avec les voix de Pascal, de Tocqueville à propos du snobisme du « peuple », de Kant, de Hume et de Nietzsche. Puis vers la fin, Raphaël Enthoven change de rythme en adoptant un ton plus caustique envers certains snobismes comme l’art contemporain ou des snobs célèbres « obséquieux » comme Sartre ou Bourdieu. Le snobisme serait un « rêve d’immuable ». Nous retiendrons la formule fort subtile : « le snobisme est un conservatoire, plus qu’un conservatisme », « un conservatoire de certitudes ponctuelles, d’évidences fragmentaires, de private jokes, de gestes, d’usages et d’attitudes ». Même la démocratie peut être tyrannique par le biais de sa majorité. C’est la théorie de Tocqueville. Le snobisme collectif est d’ailleurs très redoutable.

Prendre son goût pour le bon goût, voilà l’un des travers les plus irritants du snobisme. « Le snob cherche à brandir une étiquette comme révélatrice de son identité, aux dépens de ce qu’il pense vraiment ». Mais le snob n’est pas que celui qui écoute du slam ou de l’opéra, c’est aussi celui « qui déclare, haut et fort, qu’il ne va au cinéma que pour manger du blockbuster, admirer les biceps de Van Damne et revoir Matrix pour la vingtième fois ». Difficile par conséquent de s’extirper des rouages du snobisme…

Raphaël Enthoven n’épargne personne, même pas lui-même. Car qui mieux qu’un snob pour décrire le snobisme ? Il s’en prend aux dérives du goût démocratique pour l’égofiction : « la littérature est de partir de soi non de parler de soi ». Sinon, « il suffirait de vomir ou de chier pour produire quelque chose ». Mais le point culminant de la critique arrive quand le philosophe évoque l’art contemporain, cette pépite du snobisme qui avait déjà été quelque peu égratignée par Luc Ferry en 2014. « S’il suffisait de mettre tout objet en cage, pour qu’il éveille librement le sentiment du beau » ou « traiter le banal comme s’il était unique »… Tout le monde serait artiste ! « Le retour à l’inutile est une condition nécessaire mais non suffisante à la création que l’art contemporain réduit à la créativité et la promotion du n’importe quoi ». « L’extase qu’éveille un monochrome est à la mesure du néant qu’il représente ». Pour R. Enthoven, l’art contemporain est victime d’une spéculation financière qui masque sa nudité et qui s’appuie sur une « conception régalienne de l’individu ». Bref, c’est « du niveau d’un micro-trottoir ».

Le procès ne s’arrête pas là, il s’en prend également (ce qui est moins courant dans le petit monde de la philosophie) aux snobs « du ressentiment » : Bourdieu et Sartre. « Bourdieu croit dire vrai mais il mathématise le ressentiment ». Tout comme Michel Onfray qui s’en est pris violemment au snobisme de Sartre le bourgeois envers le modeste Camus, R. Enthoven donne également un dernier petit coup de marteau à la réputation du père de l’existentialisme. Il rappelle cette phrase d’une présomption écœurante écrite par Sartre à Camus : « Je n’ose vous conseiller de vous reporter à la lecture de l’Etre et le Néant, la lecture vous en paraîtrait inutilement ardue : vous détestez les difficultés de penser ».

Bref, un livre qui ne manque pas de panache pour nous aider à sortir de l’engrenage du snobisme et d’en rire ! Mais, vouloir tuer le snob qui est en nous, « c’est comme l’athéisme militant qui est encore une religion ». Adèle Van Reeth et Raphaël Enthoven nous auront avertis…


Le snobisme, mars 2015, 157 pages, 12,50 €
Ecrivain(s): Adèle Van Reeth et Raphaël Enthoven Edition: Plon
Le snobisme, Adèle Van Reeth et Raphaël Enthoven

(Article rédigé pour la Cause littéraire)

Rédigé par Marjorie Rafécas le Mercredi 5 Août 2015 à 07:28 | Commentaires (2)

FLASH-INFO pour ne pas perdre le PHIL

Samedi 4 Avril 2015

Lors du dernier salon du livre à Paris, Christophe André a animé une conférence avec Florence Servan-Schreiber sur le thème "Le bonheur ne tombe pas tout cru dans la bouche des enfants". Certes, le bonheur est un dur à cuir et ne tombe pas tout cru, mais les enfants par leur spontanéité et leur capacité à vivre l'instant présent, ont plus de talent pour le bonheur que les adultes. Ce qui manque souvent aux adultes : la capacité à s'émerveiller. Christophe André a raison de remercier Bach de l'émerveillement que lui procure sa musique. Car si Bach était allé boire des bières au lieu de composer, cette musique ne serait pas là pour enchanter nos oreilles. "C'est le problème de notre société qui est dans l'hyperstimulation mais oublie de nous faire apprécier les choses simples". Mais nous sommes libres de choisir. S'émerveiller. Réenchanter le monde avec ce que l'humanité nous a légué et continuer à créer. Nous sommes comme des "poupées russes", où l'enfance constitue notre première couche. En vieillissant, certains s'attendrissent et d'autres au contraire s'endurcissent. Mais que sépare ces individus ? Le regard sur la vie ?


L'hyperstimulation ne doit pas nous faire oublier le goût des choses simples
Christophe André annonce en préambule qu'il n'a jamais été naturellement doué pour le bonheur. Qu'il n'a d'ailleurs pas toujours compris l'engouement des philosophes pour la joie (en témoigne le dernier roman de Charles Pépin, La joie). Nous ne sommes pas tous formatés pour être heureux, d'où la nécessité de se centrer sur nos émotions positives. Ce qui va dans le sens du livre de Florence Servan-Schreiber "3 Kifs par jour". Il faut se muscler et s'exercer à la gratitude. Merci pour ce bon repas, merci pour cette conversation passionnante, merci pour ce sourire, merci pour cette petite attention... Bref, savoir dire merci et être reconnaissant, sont autant de petits pas pour se diriger vers le bonheur. D'ailleurs, C. André nous conseille le livre "Love 2.O" de Barbara Fredrickson, la "rock star" des émotions positives aux Etats-Unis.

Afin de nous exercer aux émotions positives, Florence Servan-Schreiber a alors demandé à la salle quelles avaient été nos émotions positives de la journée. On s'en rendu compte que finalement elles étaient simples et nombreuses. D'ailleurs, celui qui a pris la parole dans la salle n'était autre que le père de Florence, Jean-Louis Servan-Schreiber, qui était heureux que sa femme Perla lui ait préparé un gâteau avec amour le matin même. Le père de "Psychologies Magazine" nous donne une belle leçon de simplicité et de gratitude. Cet esprit de gratitude qui est tellement éloigné des héros houellebecquiens lassés de tout.

Alors à la question "Qui nous fera voir le bonheur", le titre du dernier livre de Christophe André et de Martin Steffens, nous avons juste envie de répondre "merci".
Merci pour ce moment !

Livres à lire pour développer ses émotions positives :
- Love 2.0, Barbara Fredrickson
- 3 kifs par jour, Florence Servan-Schreiber
- Qui nous fera voir le bonheur, Christophe André et Martin Steffens (livre qui sera prochainement commenté sur le blog)


Rédigé par Marjorie Rafécas le Samedi 4 Avril 2015 à 12:28 | Commentaires (0)

FLASH-INFO pour ne pas perdre le PHIL

Mercredi 1 Avril 2015

Contrairement aux bobos qui se racontent des histoires et les hipsters qui se prennent pour des artistes, les botulistes assument leur névrose imaginative tout un cultivant un humour décoiffant. Pourquoi être soi-même ? Halte à l'authenticité, place à la créativité !


les botulistes, la nouvelle tendance qui va détrôner les bobos et les hipsters...
Cette nouvelle tendance vient de faire des ravages en Californie. Les early adopters californiens (toujours très en avance sur l'innovation) ont immédiatement adopté l'esprit new age décalé de Jean-Baptiste Botul (philosophe des années 30 et créateur en personne de la tendance botulienne), qui pour eux incarne avec classe l'ironie du pays de Voltaire. Ils organisent désormais chaque jeudi soir des apéros avec concours de botulèmes (phrases célèbres déformées à la sauce socratique). La sexualité de Kant raconté par Botul les a fait mourir de rire, quant au démon de midi de Nietzsche, les Californiens ont pris le problème très au sérieux et ont reconnu qu'ils avaient tous un côté Nietzschéen en eux et que désormais ils auraient toujours sur leur chevet un gai savoir. Grâce à Botul, la philosophie prend un nouveau tournant au pays du botox et des start up. Elle combat la cellulite de la pensée et détend les névroses du corps.
Pour en savoir plus sur le botulisme : http://www.botul.fr/

Joyeux Poisson d'avril !!

Rédigé par Marjorie Rafécas le Mercredi 1 Avril 2015 à 22:34 | Commentaires (0)

Dans la lignée de Rock'n Philo de Francis Métivier, l'esprit Pop philo continue à frapper fort avec un nouveau titre "La playlist des philosophes", qui fait le pari audacieux d'expliquer les grands concepts philosophiques à partir de chansons de variétés. Plus besoin désormais pour les futurs bacheliers de lâcher leurs écouteurs pour réfléchir et réviser leurs cours de philosophie. Leurs MP3 vont les aider à sortir de leur caverne et à "kiffer" la philosophie platonicienne avec Starmania, voire même comprendre la philosophie ardue de Heidegger avec Alain Souchon !


La playlist des philosophes, une autre façon d'écouter la musique
Philosopher grâce à Céline Dion et à Stevie Wonder ? Certains vont en tomber de leur chaise pour s'écraser dans la théorie de la gravité (sous le poids de la lourdeur de leur sérieux). Comme le dénonce ironiquement Marianne Chaillan "Aimer la chanson de variétés semble bel et bien constituer un signe extérieur d'affliction culturelle". Pourtant, cette "affliction culturelle" invite aussi bien les connaisseurs de la philosophie que les néophytes, à ré-interpréter en musique leurs idoles de la pensée ou à faire "raisonner" autrement les tubes que l'on fredonne à tue-tête sous sa douche. En somme, faire "varier" son approche grâce aux vibrations de la variété. N'est-ce pas en effet surprenant de discerner dans "Elle me dit" de Mika l'ombre de la philosophie Nietzschéenne, celle de l'homme fort attaqué par les faibles ? Ou encore dans la chanson "Carmen" de Stromae la dénonciation de "l'amour zéro risque" d'Alain Badiou : "L'amour est comme l'oiseau de Twitter, On est bleu de lui seulement pour 48 heures, D'abord on s'affilie, ensuite on se follow, On en devient fêlé et on finit solo".
N'y a-t-il pas aussi plus belle illustration que la phrase "Y a que les routes qui sont belles et peu importe où elles mènent" de Jean-Jacques Goldman pour évoquer la théorie de Montaigne selon laquelle seule la route compte et non la destination ? Enfin, qui aurait cru que dans le "Résiste" de France Gall qui vient d'être adapté en comédie musicale, s'y cache une théorie de Heidegger ? "Ca appelle" ("Es ruft"), comme dirait Heidegger ! "Résiste" nous exhorte à sortir en effet de notre existence inauthentique, du Dasein déchu. Enfin, ce livre nous permet de décoder des chansons en anglais que nous n'avons jamais cherché à comprendre... Tellement nous avons l'habitude de les entendre mécaniquement, nous laissant guider aveuglément par la mélodie. C'est le cas de "Let it be" des Beatles qui est bien plus profonde qu'elle en a l'air. L'auteur nous le prouve.

L'ouvrage est organisé comme un Ipod en différentes playlist. On peut sauter de playlist en playlist pour changer d'ambiance sonore ou philosophique : de la playlist de Nietzsche à celle de Sartre ou des Stoïciens, de celle du bonheur à celle de la foi. Le lecteur pourra y trouver également les bibliothèques de Stromae et de Jean-Jacques Goldman.

Au final, quelle playlist garder dans le hit-parade ? Celle de la morale est particulièrement intéressante car elle met en exergue le rôle moralisateur que joue en toute discrétion la musique de variétés. Sous son apparente légèreté, la variété vaporise de nombreuses injonctions moralisatrices et philosophiques. Grâce à Eminem, M. Chaillan nous explique efficacement la différence entre morale déontologique et celle conséquentialiste. Alors, la variété, moralisatrice ? En témoigne en tout cas le rejet intergénérationnel que vient de provoquer la dernière chanson des Enfoirés "Toute la vie", jugée trop donneuse de leçons.

Morale de l'histoire, la variété peut déranger, comme la philosophie !

Un livre à conseiller à tous les futurs bacheliers et aux professeurs de philosophie souhaitant surprendre leurs élèves

La playlist des philosophes, Marianne Chaillan, Le Passeur Editeur, 2015.

Rédigé par Marjorie Rafécas le Dimanche 22 Mars 2015 à 23:21 | Commentaires (0)

Grande amatrice des couleurs (disons que je n'hésite pas à les utiliser aussi bien dans ma garde robe que dans ma décoration d'intérieur, en total contre-pied de la tendance bobo très épurée et inodore), je ne pouvais qu'acquérir cet ouvrage si flatteur aux yeux, l'étonnant pouvoir des couleurs de Jean-Gabriel Causse sorti en 2014. Juste avant, j'ai également pris le temps de savourer le "petit livre des couleurs" de Michel Pastoureau et Dominique Simonnet, un petit bijou historique très coloré qui ouvre l'esprit.


L'étonnant pouvoir des Couleurs, dommage que le rose soit réservé aux filles !
Ce qui paraît évident après la lecture du livre L'étonnant pouvoir des couleurs est que la couleur n'est pas qu'une question de coquetterie. Mais cela, vous vous en doutiez... C'est au contraire très scientifique à la base : les couleurs sont des faisceaux de photons, des longueurs d'ondes électromagnétiques, décodés par notre rétine et ses petits bâtonnets. Certains médecins n'hésitent pas à y recourir pour soigner certaines maladies, notamment la dépression. Elles influent également sur notre comportement, le bleu favorise la créativité alors que le rouge stimule le désir. Le violet renvoie vers le mysticisme et la méditation, alors que le vert est la couleur de l'équilibre, celle qui baisse la tension artérielle. On peut également associer la couleur à un son, car la musique est aussi une histoire de longueur d'onde. Il faut savoir que Wagner composait sa musique dans des pièces rouges (ce qui ne surprend pas quand on écoute sa musique) et si l'on associe plus spontanément le jazz au bleu, ce n'est pas un hasard !


Elle Décoration sept 2014
Elle Décoration sept 2014
Le rose n'est pas que la couleur des princesses, c'est surtout une couleur relaxante. Elle est parfois utilisée dans les écoles pour apaiser les enfants hyperactifs, dans les prisons et les hôpitaux psychiatriques. "Le rose réduit le rythme cardiaque, la pression sanguine et les pulsations. C'est une couleur tranquillisante qui sape votre énergie et réduit votre agressivité", d'après Alexander Schauss. Les enfants font des dessins plus positifs quand ils sont dans un univers rose. Alors pourquoi dans l'histoire des genres, le bleu est associé aux garçons et le rose aux filles ? L'auteur ne l'explique pas dans l'ouvrage. Dommage ! D'ailleurs, à quelle époque, le rose est-il devenu féminin ? Car si le bleu est aujourd'hui très consensuel, Michel Pastoureau nous explique dans Le petit livre des couleurs qu'il ne l'a pas toujours été. C'est seulement au XVIIIème siècle que le bleu est devenu la couleur préférée en Europe. Dans la Rome antique, le bleu était le symbole des barbares et les yeux bleus, signe de mauvaise vertu pour les femmes... Quel revirement ! Le bleu est un petit malin ! Ce qui est en tout cas prouvé scientifiquement est que le bleu favorise l'intuition. Méfiez-vous aussi des restaurants qui décorent leurs tables de nappes à carreaux rouges, c'est pour ouvrir votre appétit et vous tenter de prendre un dessert !




Tous les animaux n'ont pas la même perception des couleurs, celle de l'Homme se rapprocherait de celle de la musaraigne et de l'écureuil. Les nouveaux nés n'ont d'ailleurs pas non plus la même perception des couleurs, avant 6 mois, leur champ visuel est très limité. Ainsi, même si la science arrive à mettre en évidence certaines généralités, il n'en reste pas moins que les couleurs restent avant tout une expérience personnelle et qu'il faut suivre son instinct.


Ce que l'on retient au final de l'étonnant pouvoir des couleurs est que l'influence des couleurs, bien que scientifiquement prouvée, est aujourd'hui encore largement sous-estimée. L'auteur s'appuie sur de nombreuses études scientifiques pour prouver l'influence des couleurs sur le comportement, notre odorat, nos papilles gustatives, nos actes d'achat etc. Mais, on n'arrive pas à savoir si c'est instinctif ou culturel. Si vous voulez en savoir plus sur la symbolique ou l'histoire des couleurs, je vous recommande aussi le petit livre des couleurs de Michel Pastoureau.

En attendant, broyez du rose, pensez bleu et prenez un petit shot de rouge !

L'étonnant pouvoir des Couleurs, dommage que le rose soit réservé aux filles !
L'étonnant pouvoir des couleurs, Jean-Gabriel Causse, Editions du Palio, 2014.
Le petit livre des couleurs, Michel Pastoureau et Dominique Simonet, Editions Points, 2014 (réédition des Editions du Panama de 2005).

Pour aller plus loin :
- www.pourpre.com pour les appellations de couleurs
- Se soigner par les couleurs, J-M Weis (Editions du Rocher)
- Le langage secret des couleurs, C. Agrapat (éditions Granger)

Pour le plaisir des yeux :
- Les Couleurs, vues par Philippe Model (éditions Chêne).

Pour les amateurs d'astrologie :
- Home astrology, Paul Wade (Editions Hamly), pour associer les couleurs à son signe astrologique.

Rédigé par Marjorie Rafécas le Dimanche 1 Février 2015 à 16:10 | Commentaires (0)

FLASH-INFO pour ne pas perdre le PHIL

Mercredi 7 Janvier 2015

Hommage aux victimes de Charlie Hebdo, qui ont su utiliser l'humour comme une arme intelligente pour faire vivre la liberté d'expression et n'ont pas cédé à la peur. Deux ans plus tôt, Charb, confiait au Monde lors d'une interview « C'est peut-être un peu pompeux ce que je vais dire, mais je préfère mourir debout que vivre à genoux. ».


Charb
Charb
Cette phrase courageuse est un bel écho à l'Homme révolté d'Albert Camus, ce livre qui avait d'ailleurs valu à ce dernier une brouille irrévocable avec Sartre. Les extraits de cet ouvrage n'ont pourtant pas pris une ride : "Dans l'épreuve quotidienne qui est la nôtre, la révolte joue le même rôle que le "cogito" dans l'ordre de la pensée : elle est la première évidence. Mais cette évidence tire l'individu de sa solitude. Elle est un lieu commun qui fonde sur tous les hommes la première valeur. Je me révolte, donc nous sommes."
Par leur esprit satirique de rébellion et leur refus de se soumettre, ces dessinateurs et journalistes nous ont tiré de notre solitude.

Merci pour votre courage.

Rédigé par Marjorie Rafécas le Mercredi 7 Janvier 2015 à 23:50 | Commentaires (0)

En ces temps d'intense néant d'élan, j'ai été immédiatement attirée par le livre de Vincent Cespedes "L'ambition ou l'épopée de soi". Une sorte d'invitation à sortir de soi. S'abreuver d'ambition, de cette "joie de vivre qui dérange", m'est apparu comme une bonne thérapie pour ne pas sombrer dans le confort de l'ectoplasme.
Avouons qu'en France, l'ambition est un mot tabou avec une connotation très paradoxale. "Qualifier un individu d'ambitieux est une attaque sournoise mais le sans ambition est une insulte". Nous nous laissons bien trop souvent influencer par ceux qui voient "l'ambition comme une forme de névrose. Une infirmité qui consisterait à ne pas se satisfaire de celui que l'on est". Le monde a pourtant besoin d'ambitieux pour avancer et se remettre en question. D'ailleurs, la philosophie par ses questions dérangeantes n'est-elle pas une forme d'ambition ? "L'ambitieux nous désécurise sans le vouloir, nous fait ouvrir les yeux. Il déconfortabilise, relance le questionnement que trop de satiété tarit". Alors pourquoi se priver de cette énergie grisante ?


"L'ambition ou l'épopée de soi" ou comment sortir de l'empire du fade ?
Fourier écrivait que pour avoir une vraie démocratie il faut une libération de l'ambition. "En détruisant les gradations prévient-il on mécontente la classe intermédiaire, on prive d'aliment une passion très incompressible, qui est l'ambition". Il vaut mieux se méfier de la tentation d'un excès d'égalitarisme... Mais comment devient-on ambitieux ?
Le célèbre tube des Rolling Stones "I can't get no satisfation" peut nous mettre sur la piste. En effet, comme le rappelle V. Cespedes, les parents satisfaits de leur vie ne font guère d'ambitieux, "car l'ambition marche à l'insatisfaction tutorale". "Dans un pays médiaticomonarchique comme la France, on pense au système des fils et des filles de", ces progénitures clonées." Vincent Cespedes les appelle ironiquement les "ectoplasmes". "L'ectoplasmie de la bourgeoisie mériterait une vaste étude à elle (...). Car c'est elle qui est la principale responsable de la montée des incompétences aux postes de décision". "Ainsi s'édifie l'empire des fades : un millefeuille bureaucratique d'ectoplasmes se flairant et se cooptant, avec quelques véritables ambitieux perdus dans les strates pour boulonner ensemble". Les expressions "empire des fades" et "millefeuille bureaucratique d'ectoplasmes" m'ont bien fait rire...

Mais attention toutes les ambitions ne se ressemblent pas. Il y a l'ambition par émulation et celle nourrie par la rivalité. L'ambition par émulation est vraisemblablement plus noble et constructive. "Emulation ne désigne que la concurrence, et la rivalité dénote le conflit. Il y a émulation quand on court la même carrière, et rivalité quand les intérêts se combattent." "L'émulation excite ; la rivalité irrite. L'émulation suppose en vous de l'estime pour vos concurrents : la rivalité porte la teinte de l'envie". A travers l'exploration des différents profils d'ambitieux comme les savants, artistes, chanteurs, sportifs, écrivains, navigateurs, philosophes, entrepreneurs et politiques, V. Cespedes fait sans cesse référence à 3 styles d'ambition : les CQFD, les CQFE et les CQFC. J'avoue ne pas toujours avoir bien suivi la singularité des ces trois sigles mais voici en résumé ce qu'ils signifient :
- CQFD : ambition démonstrative. Hélas + mépris/hostilité = CQFD (ambition névrotique, but : davantage de pouvoir)
- CQFE : ambition expressive. Hélas + amour/admiration = CQFE (ambition exhilare, but : davantage de puissance)
- CQFC : l'ambition refoulée, dont le "club des 27" en est le parfait exemple (les rockers décédés à l'âge de 27 ans). Hélas + culpabilité = CQFC (ambition refoulée, but : davantage d’impuissance.
L'ambition expressive, étant bien sûr la plus noble et la plus humaniste des trois. Et l'on se demande dans laquelle des trois catégories se situe V. Cespedes, car pour écrire sur l'ambition, ne faut-il pas être soi-même animé d'une terrible ambition ?!

Le philosophe qui incarnerait le mieux l'ambition est Nietzsche, avec son concept de la volonté de puissance. Ce philosophe que l'on chérit généralement à l'adolescence, l'âge où l'on croit que l'on peut changer le monde. Et que l'on oublie dès que l'on entre dans l'âge de raison... "Nietzsche fait tonner une autre musique, dérangeante au possible. Toute sa pensée tente justement de sauver l'ambition de l'eau bénite et de la "moraline"". Côté littérature, c'est Balzac qui est l'un des "plus profonds romanciers de l'ambition". Dès lors, n'hésitez pas à glisser dans votre sac "Le Gai savoir" de Nietzsche et un des livres de la saga de la comédie humaine pour renouer avec l'ambition.

Être ambitieux, c'est aussi ne pas avoir peur de l'échec. Aller même à sa rencontre de façon volontaire. Car comment réussir si on n'a pas essuyé quelques échecs au préalable ? Est-ce la réussite qui nous pousse à être meilleur ou au contraire nos échecs ? Pour illustrer l'importance de l'échec dans la construction de l'ambition, V. Cespedes donne l'exemple de la créatrice américaine de la marque "Spanx", Sara Blakely. Le père de Sara avait un rituel pendant le dîner qui consistait à demander à sa fille et son fils leurs non-succès de la semaine : "Quelles choses vous n'avez pas réussies cette semaine ?". Ne rien trouver n'était pas apprécié. En revanche, citer un échec donnait droit à un "give me five". Comme l'explique V. Cespedes, "Il s'agit d'une inversion méthodique de la honte de perdre - honte engendrant un stress chronique, préconisé par les éducations anti-ambitionnelles qui sécurisent les démocraties de sélection (en France notamment)".

Derrière ce livre, vous l'avez compris, V. Cespedes en profite pour dénoncer le mal français, trop d'éducation anti-ambitionnelle, trop d'ectoplasmes et de platitudes, et surtout la peur de l'échec. C'est un livre à lire avec ses tripes. Mais, attention vous n'y trouverez pas de mode d'emploi pour devenir ambitieux. Il ne s'agit pas de l'un de ces livres de coaching avec recettes toutes faites dont raffolent les américains. Néanmoins pour ceux qui aiment les conseils, voici un résumé de ce que j'en ai retenu :
- connaître des "hélas" au début de son existence
- sortir de sa zone de confort
- se familiariser avec l'échec
- être ambitieux par émulation plutôt que par rivalité (admirez mais ne détestez pas)
- et rêver !

Ce livre m'a finalement rappelé un autre ouvrage que j'avais lu il y a une dizaine d'années "La noblesse des vaincus" de Jean-Marie Rouart, un livre qui honore les ambitieux vaincus, car les vainqueurs sont très ennuyeux. Jean-Marie Rouart y écrit d'ailleurs : "Le succès n'apprend rien, c'est aussi bête que la chance". "Les écrivains, les artistes qui songent si souvent au succès (...) qu'ils en soient conscients ou pas, ont choisi l'échec. Ils savent que dans l'aventure qu'ils ont entreprise, on n'arrive jamais à la fin du voyage, on meurt de soif au bord de la fontaine. "

Morale de l'histoire, choisir l'échec peut être une façon de renouer avec l'ambition...

L'ambition ou l'épopée de soi, Vincent Cespedes, Flammarion, 2013.




Rédigé par Marjorie Rafécas le Dimanche 21 Septembre 2014 à 15:06 | Commentaires (0)

Louis, Enzo, Charlotte, Océane, Léa... Souvent choisis par effet de mode, les prénoms ne sont pourtant pas anodins. Les parents n'en ont pas forcément conscience et privilégient la plupart du temps le prénom "coup de cœur" qui les fait rêver. Ont-ils raison ? Pas toujours car le prénom peut conditionner quelques aspects de l'avenir de leur enfant. Et ce, non pas pour des raisons d'astrologie ou de numérologie ! En effet, de nombreuses études en psychologie ont été réalisées pour évaluer l'impact d'un prénom sur les comportements de celui qui le porte que de ceux qui peuvent le juger. Le livre de Nicolas Gueguen sur la psychologie des prénoms est à ce titre fort intéressant et instructif.


Attention : choisir le prénom d'un enfant n'est pas anodin pour son futur
On sait déjà qu'un prénom renseigne sur l'origine sociale de la personne. L'impact sociologique d'un prénom est manifeste si l'on compare des faire-part publiés dans des journaux comme le Figaro ou des magazines plus populaires. "Le prénom est chargé de transmettre une information sociale sur son porteur". Il faut savoir tout de même que cette différenciation par le prénom était moins forte avant les années 70. Mais, notre société recherchant à tout prix la singularisation, le prénom en est déjà la première empreinte. Le prénom peut même renseigner sur le niveau éducatif de la mère de l'enfant !

Dis-moi comment tu t'appelles, je te dirai si ta mère a fait des études...
D'après une étude américaine (Lieberson et Bell 1992), plus le niveau d'éducation de la mère est élevé, plus le prénom a tendance à être commun. Cela s'expliquerait par le fait que les femmes qui font des études ont davantage la volonté de s'adapter à la société, savent généralement se montrer plus conformistes et par conséquent moins enclines à choisir des prénoms trop singuliers.

Plus c'est court, plus c'est tendance !
Si vous avez choisi pour votre enfant un prénom court, vous êtes pile dans la mouvance du moment. Le top : deux syllabes, sinon rien. Cette tendance aux prénoms courts est d'ailleurs paradoxale car elle est plus difficilement compatible avec le besoin de singulariser son enfant. D'après d'autres études, plus un prénom contient de lettres, plus on l'estime féminin et empreint de moralité. Mais moins on l'estime populaire... "Les plus longs sont associés avec le succès, la moralité (qui sont des caractéristiques du statut social) tandis que les plus courts sont associés à la popularité, la gaieté (qui sont des caractéristiques de la familiarité)." Gaieté ou moralité, à vous de choisir !


Tant pis pour les féministes, la théorie des genres est toujours aussi infiltrée dans le choix des prénoms
Les prénoms des garçons sont en général moins singuliers que ceux des filles : les parents cherchant surtout pour leurs garçons un prénom qui les pose socialement, alors que pour les filles, la recherche de l'esthétique prend souvent le dessus. Mais attention les jeunes filles ayant un prénom inhabituel ont tendance à être plus névrotiques. Aider votre future fille à éviter des futures séances de psychanalyse interminables peut être utile...

Apprécier son nom et son prénom favorisent l'estime de soi
Et cela est vrai également pour mesurer son niveau de rigueur, plus on aime son prénom, plus on s'estimerait consciencieux. Etrange, non ? Après, on peut se demander quel est l'effet, quelle est la cause. Est-ce que c'est parce que l'on est consciencieux que l'on aime davantage son prénom, ou l'inverse ? Les paris sont ouverts.

Les prénoms pourraient également avoir un effet sur notre santé...
Alors que des publicités nous rabâchent quotidiennement qu'il faut manger 5 fruits ou légumes par jour pour préserver sa santé, nos initiales pourraient également jouer un rôle dans notre état de santé. Des initiales à connotation positive comme "VIP" au lieu de "FAT" favoriseraient une longévité plus importante que la moyenne. Un gain de 4,48 ans ! Les parents doivent se méfier des acronymes négatifs..


L'influence du nom sur notre crédibilité professionnelle : un professeur de maths dénommé Mr Py aura plus de succès que Mr Durand
D'après une étude réalisée avec des annonces pour proposer des cours particuliers de mathématiques, les parents ont davantage appelé les professeurs qui avaient un nom évocateur comme Mr Clair ou Mr Py que Mr Dupont.
Nous sommes aussi en général plus cléments envers ceux qui portent le même prénom que nous, par l'effet de familiarité que ce prénom produit sur nous. Il ne faut pas pour autant s'inquiéter de ce manque d'objectivité, car ces critères inconscients comme le prénom nous influencent que quand nous n'avons pas d'autres critères plus objectifs : "lorsque nous ne trouvons pas de différence entre 2 personnes et que nous devons pourtant faire un choix, nous refusons de nous remettre au hasard. Nous cherchons donc des variables certes peu pertinentes (beauté, prénom)les éléments nécessaires qui vont permettre d'effectuer cette différenciation."


Et enfin, la grande question : existe-t-il une personnalité des prénoms ?
Sur la question des personnalités, les psychologues sont sceptiques et parlent d'un "effet Barnum". Les portraits décrits par prénom seraient toujours suffisamment généralistes pour s'adapter à n'importe quel type de personnalité. Ils ne seraient par conséquent pas fiables. En revanche, une étude prouverait qu'il y aurait un déterminisme du jour de naissance. D'après cette étude, les délits les plus graves seraient commis par des garçons nés un mercredi... Alors que les enfants nés un lundi seraient plus calmes. Effet de prophétie s'autoréalisant ? Les croyances peuvent affecter le comportement des enfants. Dans tous les cas, cela donne du grain à moudre à l'astrologie !



Pour en savoir plus :
Psychologie des prénoms, pour mieux comprendre comment ils influencent notre vie, Nicolas Gueguen, Editions Dunod (100 Petites expériences de psychologie).




Rédigé par Marjorie Rafécas le Mardi 27 Mai 2014 à 09:34 | Commentaires (0)

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Marjorie Rafécas
Marjorie Rafécas
Passionnée de philosophie et des sciences humaines, je publie régulièrement des articles sur mon blog Philing Good, l'anti-burnout des idées (http://www.wmaker.net/philobalade), ainsi que sur La Cause Littéraire (https://www.lacauselitteraire.fr). Je suis également l'auteur de La revanche du cerveau droit co-écrit avec Ferial Furon (Editions du Dauphin, 2022), ainsi que d'un ouvrage très décalé Descartes n'était pas Vierge (2011), qui décrit les philosophes par leur signe astrologique.




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