II faut choisir : ça dure ou ça brûle ; le drame, c'est que ça ne puisse pas à la fois durer et brûler. Albert Camus
Au mois sonnant des vœux, nul n’arrête la progression du temps. Les années se succèdent et le passé paraît irréversible. Pourtant, 2020, ce chiffre miroir donne l’impression de créer une boucle. Le temps est-il vraiment linéaire ?
Einstein n’a pas réussi à remodeler notre vision du temps avec sa théorie de la relativité. Et pourtant...
Je viens de finir Se souvenir du futur de Romulald Leterrier et Jocelin Morisson, qui explique la rétrocausalité du temps : le futur pourrait, selon eux, changer le présent. Les synchronicités seraient des signes provenant du futur. Alors, les machines à remonter le temps, ne seraient-elles pas de la pure fiction ?
Notre notion du temps reste intuitive (au sens philosophique du terme). L’imaginer autrement sera peut-être la prochaine révolution.
En philosophie, le temps est la notion la plus difficile à appréhender. C’est un concept aussi passionnant qu’insaisissable. Aussitôt, on essaie de penser « le temps », qu’il a déjà glissé entre nos doigts. Comment s’extraire du temps pour pouvoir l’observer ? Alors que c’est notre conscience qui crée ce temps. Bergson écrivait « La conscience est un trait d’union entre ce qui a été et ce qui sera, un pont jeté entre le passé et l’avenir ». Bergson est un des philosophes qui a tenté de théoriser le temps, notamment sur la notion de durée et de temps vécu. Selon lui, la durée est une sensation créée par notre conscience. Il donne l’exemple de la musique, notre conscience transforme la succession de notes musicales en mélodie. Selon Jankélévitch, la musique est l’art par excellence qui permet d’expérimenter la temporalité. Par sa temporisation, la musique est l’expression de l’ineffable. Le temps vécu n’a rien à voir avec le temps mécanique des horloges. Pour le philosophe de l’ineffable, le temps est à l’endroit et irréversible, on ne peut pas le remonter. Pourtant, rien n’est moins sûr…
Il n’est pas aisé de transposer ou du moins de trouver un parallélisme entre les théories philosophiques et celles de la physique. Le 6 avril 1922, le débat entre Einstein et Bergson a été très tendu. D’ailleurs, en 1932, Gaston Bachelard, explique dans son essai L’intuition de l’instant pourquoi la théorie d’Einstein invalide celle de Bergson. « Ce que la pensée d’Einstein frappe de relativité, c’est le laps de temps, c’est la « longueur » du temps. Cette longueur, elle se révèle relative à sa méthode de mesure. On nous raconte qu’en faisant un voyage aller et retour dans l’espace à une vitesse assez rapide, nous retrouverions la terre vieillie de quelques siècles alors que nous n’aurions marqué que quelques heures sur notre propre horloge emportée dans notre course. Bien moins long serait le voyage nécessaire pour ajuster à notre impatience le temps que M. Bergson postule comme fixe et nécessaire pour fondre le morceau de sucre dans le verre d’eau. »
Penser le temps est un vrai casse-tête chinois…
Penser le temps est un vrai casse-tête chinois…
Le temps est-il chronologique ?
Einstein écrivait « les gens comme nous qui croient à la physique, savent que la distinction entre le passé, le présent et l’avenir n’est qu’une illusion obstinément persistante ». Pour Eckhart Tolle, avec son best seller Le pouvoir du moment présent, le temps est lié au mental. Le temps est une illusion. Le présent est en dehors du temps. L’instant présent est éternel et est la vraie existence.
Nietzsche, par son intuition, pressent cette non linéarité du temps. Il évoque l’éternel retour et la nécessité d’oublier. Le concept d’éternel retour est hérité d’Héraclite et des stoïciens. L’éternel retour est une réfutation d’une idée de progrès linéaire. L’humain ne progresse pas. Le surhomme est celui qui dit oui à l’éternel retour. « Tout s’en va, tout revient ». Dans l’éternel retour, il est donc possible de connaître l’avenir, car il rejoint le passé, et vice-versa.
Dans cette boucle de l’éternel retour, on peut aussi imaginer un ordre inversé à celui de la chronologie, où l’avenir peut influencer le passé. Dans le livre Se souvenir du futur, les auteurs reprennent une théorie de Philippe Guillemant, physicien : « Le futur, sans nécessairement être totalement réalisé, pourrait l’être suffisamment pour contenir des conditions finales ». Et ces « conditions finales » peuvent jouer un rôle d’attracteur sur le présent. L’univers serait une création mentale et la conscience humaine existe en dehors des limites de l’espace et du temps selon Bernardo Kastrup.
Mais attention le futur n’est pas figé, il est « modulé en permanence par la conscience collective » (Philippe Guillemant).
Einstein écrivait « les gens comme nous qui croient à la physique, savent que la distinction entre le passé, le présent et l’avenir n’est qu’une illusion obstinément persistante ». Pour Eckhart Tolle, avec son best seller Le pouvoir du moment présent, le temps est lié au mental. Le temps est une illusion. Le présent est en dehors du temps. L’instant présent est éternel et est la vraie existence.
Nietzsche, par son intuition, pressent cette non linéarité du temps. Il évoque l’éternel retour et la nécessité d’oublier. Le concept d’éternel retour est hérité d’Héraclite et des stoïciens. L’éternel retour est une réfutation d’une idée de progrès linéaire. L’humain ne progresse pas. Le surhomme est celui qui dit oui à l’éternel retour. « Tout s’en va, tout revient ». Dans l’éternel retour, il est donc possible de connaître l’avenir, car il rejoint le passé, et vice-versa.
Dans cette boucle de l’éternel retour, on peut aussi imaginer un ordre inversé à celui de la chronologie, où l’avenir peut influencer le passé. Dans le livre Se souvenir du futur, les auteurs reprennent une théorie de Philippe Guillemant, physicien : « Le futur, sans nécessairement être totalement réalisé, pourrait l’être suffisamment pour contenir des conditions finales ». Et ces « conditions finales » peuvent jouer un rôle d’attracteur sur le présent. L’univers serait une création mentale et la conscience humaine existe en dehors des limites de l’espace et du temps selon Bernardo Kastrup.
Mais attention le futur n’est pas figé, il est « modulé en permanence par la conscience collective » (Philippe Guillemant).
Le hasard existe-t-il ? Le temps n’est-il pas cet instant qui permet les rencontres et les synchronicités ?
« le hasard c’est le purgatoire de la causalité » écrivait Jean Baudrillard.
Lors de mes études de droit, cette histoire de causalité me rappelle un cours sur la responsabilité délictuelle, où le professeur avait expliqué que la cause d’un dommage pouvait être indirecte et lointaine dans le temps, de sorte que l’on n’identifie plus la cause et que l’on attribue ce dommage au hasard. Or il existe bien une cause, mais le problème est de la prouver. Or ce n’est pas parce que l’on ne perçoit pas ou que l’on ne comprend pas la cause d’un phénomène, qu’elle n’existe pas. Le doute cartésien devrait être de rigueur. Ce que nous appelons le hasard, désigne peut-être juste des causes qui ne sont pas visibles.
Par ailleurs, les auteurs de l’ouvrage Se souvenir du futur nous font douter de l’ordre chronologique du temps « passé-présent-futur ». Est-ce que les évènements se déclenchent vraiment de façon chronologique ? Le futur peut-il causer des effets dans le présent ? ce qui retirerait le côté irréversible du passé...
Si notre conscience appréhende le temps, il en est probablement différemment pour notre inconscient qui ne connaît pas l’écoulement du temps. L’inconscient est peut-être immuable. Ainsi, nous portons dans nos vies cette dualité : celle de notre conscience et celle de notre inconscient qui se manifeste dans nos rêves et nos actes manqués… et qui pourquoi pas, interagit avec le futur en créant des synchronicités. C’est très jungien comme approche.
Finalement, si on réfléchit bien à l’utilité du temps, c’est celle de permettre des rencontres à un instant T. C’est le temps/l’instant qui permet les rencontres, ce fameux hasard des croisées des chemins. L’heure nous permet de vivre en harmonie avec la société et la nature, et peut-être aussi en symbiose avec le futur ou le passé...
Le temps, conjugué à l’espace, reste la joie des rencontres, de toute sorte, dont la succession joue une belle mélodie.
C’est le temps qui nous sort de notre solitude.
Mais il demeure un profond mystère…
Se souvenir du futur, Romulald Leterrier et Jocelin Morisson, Guy Trédaniel éditeur, 2019
« le hasard c’est le purgatoire de la causalité » écrivait Jean Baudrillard.
Lors de mes études de droit, cette histoire de causalité me rappelle un cours sur la responsabilité délictuelle, où le professeur avait expliqué que la cause d’un dommage pouvait être indirecte et lointaine dans le temps, de sorte que l’on n’identifie plus la cause et que l’on attribue ce dommage au hasard. Or il existe bien une cause, mais le problème est de la prouver. Or ce n’est pas parce que l’on ne perçoit pas ou que l’on ne comprend pas la cause d’un phénomène, qu’elle n’existe pas. Le doute cartésien devrait être de rigueur. Ce que nous appelons le hasard, désigne peut-être juste des causes qui ne sont pas visibles.
Par ailleurs, les auteurs de l’ouvrage Se souvenir du futur nous font douter de l’ordre chronologique du temps « passé-présent-futur ». Est-ce que les évènements se déclenchent vraiment de façon chronologique ? Le futur peut-il causer des effets dans le présent ? ce qui retirerait le côté irréversible du passé...
Si notre conscience appréhende le temps, il en est probablement différemment pour notre inconscient qui ne connaît pas l’écoulement du temps. L’inconscient est peut-être immuable. Ainsi, nous portons dans nos vies cette dualité : celle de notre conscience et celle de notre inconscient qui se manifeste dans nos rêves et nos actes manqués… et qui pourquoi pas, interagit avec le futur en créant des synchronicités. C’est très jungien comme approche.
Finalement, si on réfléchit bien à l’utilité du temps, c’est celle de permettre des rencontres à un instant T. C’est le temps/l’instant qui permet les rencontres, ce fameux hasard des croisées des chemins. L’heure nous permet de vivre en harmonie avec la société et la nature, et peut-être aussi en symbiose avec le futur ou le passé...
Le temps, conjugué à l’espace, reste la joie des rencontres, de toute sorte, dont la succession joue une belle mélodie.
C’est le temps qui nous sort de notre solitude.
Mais il demeure un profond mystère…
Se souvenir du futur, Romulald Leterrier et Jocelin Morisson, Guy Trédaniel éditeur, 2019
Rédigé par Marjorie Rafécas le Lundi 20 Janvier 2020 à 23:31
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PHILI-FLASH back
Mardi 4 Juin 2013Depuis l'adaptation de L'écume des jours de Boris Vian au cinéma, on peut constater actuellement un léger frémissement dans la presse pour rappeler l'effervescence historique de ce quartier chic de la rive gauche Parisienne. Aux dires des "Pisses-copies", l'esprit fantaisiste et littéraire y règnerait encore... Même si "les trois bassins principaux" de Saint-Germain-des-Près, comme dirait Boris Vian, constitués du Flore, des Deux Magots, du Lipp, un peu plus loin de la Rhumerie Martiniquaise et encore un peu plus loin, du Vieux Colombier, sont effectivement toujours là, l'esprit troglodyte rebelle de l'époque semble s'éteindre à petit feu.
Et dire que "Pour Sartre dans les années 42, la clientèle se répartissait ainsi : Flore jeune littérature ; Deux Magots vieux littérateurs ; Lipp : politique" (Extraits du Manuel de Saint-Germain-des-Près de Boris Vian). Et aujourd'hui ? Il faudrait aller vérifier... Ce qui est certain en revanche est que le Montana a été repris par l'équipe du Baron = tout droit arrivé de la rive droite, et que le mythique club Chez Castel est maintenant dirigé par Tony Gomez, ex-gérant du Queen, également un envahisseur de la rive droite... Que reste-t-il alors de l'esprit rive gauche ? Des pâles copies architecturales garnies de fauteuils club et de velours rouge avec des dorures...
Pourtant ce quartier doit sa notoriété aux artistes et écrivains qui l'ont fréquenté comme Boris Vian et les existentialistes dans les années 40-50. D'ailleurs, comme c'est actuellement la fête de la philosophie, rappelons que c'est le couple célèbre Sartre et Beauvoir qui a largement contribué à lancer ce quatier. Boris Vian a raison : "Sur Simone de Beauvoir (...) on a raconté des tas de salades, comme sur Sartre d'ailleurs. Je ne pense pas, quant à moi, qu'on puisse expédier leur philosophie en vingt lignes ; Je rappelle simplement que le lancement récent de Saint-Germain-des-Près est en grande partie dû à leur renom littéraire, et que si les tôliers du coin avaient trois sous d'honnêteté, Simone de Beauvoir et Sartre devraient consommer gratis dans tous les bistrots qu'ils ont lancés. N'est-ce pas, Castor, que c'est une bonne idée ?"
Nous apprenons aussi dans le Manuel de Saint-Germain-des-Près que Merleau-Ponty était le seul philosophe à inviter les dames danser. Et que Camus était susceptible...
On y trouve des descriptions succulentes du quartier, qui sont toujours d'actualité :
"Rue de Rennes : un grand billard dégueulasse et affreux au bout duquel on voit une gare infecte qui s'appelle gare Montparnasse, laquelle mène à Rennes". Et pourtant la tour Montparnasse n'a été construite que dans les années 70 !
"Rue du Sabot : encore une petite rue très marrante et toute tordue." C'est toujours le cas !
"Rue du Dragon : le plus court chemin du Flore au Vieux Colombier." Je n'ai pas chronométré mais ça doit être ça.
"Rue de Fürstemberg : c'est la rue qui a l'air construite pour un film, avec son petit square et son lampadaire à cinq boules blanches." Mais qui est aujourd'hui l'une des plus chères rues de Paris...
Grâce à Sartre et Beauvoir, le prix au m2 du 6ème arrondissement est le plus cher de Paris. Comme quoi la philosophie peut générer de la croissance économique, ou tout du moins contribuer à l'inflation :-)
Mais rassurons-nous tout de même, à Saint-Germain, il y a encore des choses qui perdurent ; il y a toujours des pisse-copie, des pantalons rouges et des chemises à carreaux (mais peut-être est-ce l'effet de Nirvana...). (Pisse-copie : un individu dont la vessie se prend pour la lanterne et qui se figure qu'on est journaliste parce que l'on écrit dans un journal.)
A lire pour retrouver l'âme de Saint Germain de 1950 : Manuel de Saint-Germain-des-Près de Boris Vian. Un guide touristique et historique, très fantaisiste et bouffon.
Pourtant ce quartier doit sa notoriété aux artistes et écrivains qui l'ont fréquenté comme Boris Vian et les existentialistes dans les années 40-50. D'ailleurs, comme c'est actuellement la fête de la philosophie, rappelons que c'est le couple célèbre Sartre et Beauvoir qui a largement contribué à lancer ce quatier. Boris Vian a raison : "Sur Simone de Beauvoir (...) on a raconté des tas de salades, comme sur Sartre d'ailleurs. Je ne pense pas, quant à moi, qu'on puisse expédier leur philosophie en vingt lignes ; Je rappelle simplement que le lancement récent de Saint-Germain-des-Près est en grande partie dû à leur renom littéraire, et que si les tôliers du coin avaient trois sous d'honnêteté, Simone de Beauvoir et Sartre devraient consommer gratis dans tous les bistrots qu'ils ont lancés. N'est-ce pas, Castor, que c'est une bonne idée ?"
Nous apprenons aussi dans le Manuel de Saint-Germain-des-Près que Merleau-Ponty était le seul philosophe à inviter les dames danser. Et que Camus était susceptible...
On y trouve des descriptions succulentes du quartier, qui sont toujours d'actualité :
"Rue de Rennes : un grand billard dégueulasse et affreux au bout duquel on voit une gare infecte qui s'appelle gare Montparnasse, laquelle mène à Rennes". Et pourtant la tour Montparnasse n'a été construite que dans les années 70 !
"Rue du Sabot : encore une petite rue très marrante et toute tordue." C'est toujours le cas !
"Rue du Dragon : le plus court chemin du Flore au Vieux Colombier." Je n'ai pas chronométré mais ça doit être ça.
"Rue de Fürstemberg : c'est la rue qui a l'air construite pour un film, avec son petit square et son lampadaire à cinq boules blanches." Mais qui est aujourd'hui l'une des plus chères rues de Paris...
Grâce à Sartre et Beauvoir, le prix au m2 du 6ème arrondissement est le plus cher de Paris. Comme quoi la philosophie peut générer de la croissance économique, ou tout du moins contribuer à l'inflation :-)
Mais rassurons-nous tout de même, à Saint-Germain, il y a encore des choses qui perdurent ; il y a toujours des pisse-copie, des pantalons rouges et des chemises à carreaux (mais peut-être est-ce l'effet de Nirvana...). (Pisse-copie : un individu dont la vessie se prend pour la lanterne et qui se figure qu'on est journaliste parce que l'on écrit dans un journal.)
A lire pour retrouver l'âme de Saint Germain de 1950 : Manuel de Saint-Germain-des-Près de Boris Vian. Un guide touristique et historique, très fantaisiste et bouffon.
PHILI-FLASH back
Mardi 8 Mai 2007
En 1959, Simone de Beauvoir choque les institutions québécoises. Comparant le mariage routinier à une pseudo-prostitution, Simone de Beauvoir rivalise avec son compagnon Sartre, pour qui "tout anti-communiste est un chien".
Le couple inséparable et infernal de Saint Germain des Près intrigue le monde entier... Ecouter cette interview de 1959, en 2007, est un véritable bijou historique disponible sur http://archives.radio-canada.ca/IDC-0-72-366-2015-11/index_souvenirs/arts_culture/
Nous connaissons Simone de Beauvoir à travers ses livres, mais avouons que nous n'avons jamais eu trop l'occasion d'entendre sa voix, et son accent bourgeois un peu sec !
Simone, à travers cette vidéo, a l'air froide, mais sincère. Contrairement à Sartre, elle semble avoir des convictions et est plus concrète dans sa façon d'interpréter la scène internationale.
Les questions du journaliste québécois sont pertinentes, et ne manquent pas de temps en temps de la mettre mal à l'aise !
Notamment lorsqu'il la conduit sur le sujet de l'amour et de la jalousie... Il lui demande si elle trouve cela bien d'éprouver le sentiment de jalousie. Pas évident de répondre à cette question quand on est une fervente avocate de l'amour libre et contingent ! En bonne philosophe, Simone contourne la question, en prétextant qu'il existe différentes sortes de jalousie, dont certaines peuvent être très néfastes....
Ceci dit, avec Sartre, Simone avait-elle vraiment eu le choix ?
Mais, le journaliste ne poussera pas plus loin l'interview sur le plan sentimental. Il lui demandera simplement à quel moment elle aurait décidé de ne pas se marier et de ne pas avoir d'enfant.
Autre question anecdotique : y avait-il un quelconque rapport entre la jeunesse insouciante de Saint Germain des près (caves enfumées, jazz, légèreté...) et l'existentialisme ? L'existentialisme aurait-il libéré la jeunesse ? D'après Simone de Beauvoir, ce n'est qu'une simple coïncidence, il n'y a pas de rapport de causalité. L'existentialisme est une chose sérieuse !
Enfin, cette interview est surtout un document historique inédit. Ecouter Simone de Beauvoir s'exprimer sur la femme en Chine, la position de la femme américaine, le communisme... nous rappelle dans quel contexte les idées du Castor et de Sartre sont nées.
Remettre certains mots dans leur contexte historique est un exercice utile.
En 1996, Jean-Christophe Grellety ("voir son blog") m'a donné l'opportunité d'écrire un article sur Schopenhauer dans le magazine qu'il avait créé "Socrate&co", qui était pour l'époque un pari exceptionnel pour insuffler un nouveau souffle dans l'ère de la pensée unique… Malheureusement, faute d'avoir voulu rester indépendant, le magazine a disparu.
La rediffusion de cet article est donc un petit clin d'œil à ce magazine… Il avait été rédigé suite à la lecture du livre "les femmes ? De leur émancipation" (Marc Sautet, 1998, Editions JC Lattès, pour en savoir plus sur Marc Sautet "http://www.philos.org/marc.html", que je vous recommande.
"Connaître, c'est s'éclater vers, par là soi, vers ce qui n'est pas soi…"… Certes, mais notre for intérieur est parfois bien plus rusé que notre raison…
Schopenhauer, dans "les femmes ? De leur émancipation", est loin de s'arracher de son intimité pour connaître ce singe bizarre, qu'est la femme. Ecrire en toute impunité est une suprême liberté… Mais, cette liberté devrait-elle s'arrêter au moment où la pensée est capable de justifier le mal comme le mâle ?
On ne sait pas si Schopenhauer s'engage à démontrer l'infériorité de la femme ou s'il subit simplement la haine qu'il éprouve envers l'humanité. Il est obnubilé par une vision maligne de la femme. Dénigrant le culte de la beauté, il cherche à réduire la femme à un vulgaire animal dont le charme serait l'outil parfait de la torture.
En bref, sa finalité est de briser l'image du deuxième sexe. Cependant, la fin peut-elle justifier les moyens ?
La haine ne devrait pas en principe tuer la raison. Et pourtant, cher Arthur, votre philosophie ressemble parfois à de la subjectivité rationalisée.
Mettre du soi dans ses écrits, c'est se trahir. Et Schopenhauer excelle dans ce domaine, à sa grande perte peut-être… En fait, les défauts qu'il reproche aux femmes sont en fait les siens : manque de logique, compassion avec son propre malheur. Paradoxalement, ses arguments se retournent contre lui. Le mal semble être un éternel retour… Nous avons donc un effet boomerang, Schopenhauer est dévoilé.
Tout d'abord, Monsieur Schopenhauer, de quelle femme parlez-vous ? Avez-vous considéré la femmes in concreto ou in abstracto ?
Schopenhauer a une cible : sa mère, cette femme qui l'exaspère. La philosophie devient alors le siège de la rancune. La "dame en Europe" n'est en fait qu'inspirée du portrait hypocrite et égoïste de sa mère. Ainsi lorsqu'il oppose "l'homme intelligent et prudent" à la femme "arrogante", il ne fait que reproduire le couple disparate qu'étaient son père, un commerçant dépressif et sa mère, une femme frivole, dépensière, voleuse d'héritage. Cette irruption de détails autobiographiques vient troubler l'objectivité. S'agit-il alors d'œuvres philosophiques ou autobiographiques ?
Mais, vous n'avez pas encore vu à quel point Schopenhauer peut être acerbe. Continuons donc à parcourir ses pensées. Il prive la femme de sa liberté en soutenant qu'elle est déterminée par sa nature. Selon lui, tous les défauts des femmes sont innés et toutes ses qualités inventées par la société. Mais n'aurait-il pas lui-même été déterminé par la nature ? Par ses gênes ? Atteint d'une sorte de symptômes dépressifs ? Ses oncles furent internés dans un hôpital psychiatrique et son père, rappelons-le, s'est suicidé. La mélancolie, le pessimisme, la dépression, seraient-ils héréditaires ?
Il se permet de juger aussi du QI des femmes, comme si d'ailleurs l'intellect pouvait servir de rempart à la bêtise humaine… Mais, amusons-nous nous-aussi à juger son sens de la logique, car ses arguments sont parfois de véritables calembredaines…
Voici l'énoncé posé par Schopenhauer… A vos stylos !
"l'homme peut sans peine engendrer en une années plus de 100 enfants, s'il a sa disposition un nombre égal de femmes, tandis qu'une femme, même avec un pareil nombre d'hommes ne pourrait toujours mettre au monde qu'un enfant dans l'année".
Cela pourrait ressembler de loin à un problème d'algèbre… Mais, c'est plutôt un argumentaire malhonnête. En effet, il part de l'hypothèse de 100 femmes. On en déduit corrélativement un nombre égal de 100 hommes. Si un seul d'entre eux féconde 100 femmes, alors les 99 restants sont alors inutiles… Dès lors la puissance des hommes reste subordonnée aux capacités des femmes. Les femmes rendent donc l'homme impuissant…
Pour Schopenhauer, l'homme est par définition un être rationnel et intelligent. Acceptons alors négligemment un tel principe. Deux contradictions surviennent encore :
- Première contradiction : "elles excitent constamment ce qu'il y a de moins noble en nous ; elles sont faites pour commercer avec notre faiblesse, notre folie, mais avec notre raison". Pourquoi l'homme si rationnel, n'arrive-t-il pas à maîtriser ses pulsions ? D'ailleurs, ne serait-ce pas quelques peu idéaliste, cartésien de dissocier le corps de la raison ? Il ose en plus énoncer qu'il "faut aux femmes sans cesse un tuteur". Mais, c'est l'homme l'incapable ! C'est lui qui n'a aucun pouvoir sur ses désirs. C'est donc lui qui a besoin d'être protégé par un tuteur contre lui-même. Schopenhauer, oserait-il imputer la faute aux femmes lorsqu'elles sont violées ?
- Seconde contradiction… "L'homme rationnel est victime de son éducation". Remarquons la mauvaise foi de Schopenhauer. Lorsque la femme dissimule, c'est inné, purement biologique. Elle est assimilable à une "sépia". Par contre, lorsque les hommes dissimulent, attention, NUANCE : c'est l'œuvre de l'éducation. Oui, mais voilà, l'homme a le privilège de pouvoir choisir entre sa véritable nature et son éducation. Et pourtant il se conduit en vrai lâche. "La femme a besoin d'un maître", et l'homme est esclave de son surmoi. Nous voilà, donc bien partis, à moins que la dialectique hégélienne vienne à notre secours…
Pour un maître du désespoir, Schopenhauer ne s'est pourtant pas totalement libéré de ses illusions, telles que la polygamie, le mythe de Don Juan, Iseult, la femme fidèle… Selon lui, l'homme a besoin de changement, or nous savons aujourd'hui que seule la femmes est sujette aux variations hormonales…
Pour Arthur, la femme doit satisfaire le désir primaire de l'homme. Elle est ainsi réduite à un produit de consommation. "Le génie de l'espèce est un industriel qui ne veut que produire".
On en revient alors au mythe de Rome, fusionné avec la pensée de Hobbes : la femme est une louve pour l'homme. Elle ne cherche que la perpétuation de l'espèce à travers sa coquetterie.
En fait, Schopenhauer hait la femme, le foyer de l'existence, parce qu'il hait la vie. "L'ascète sauve de la vie des générations entières; les femmes ne l'ont pas voulu; c'est pourquoi je les hais".
L'odeur de pessimisme qui s'en dégage est assez proche de la conception fataliste de la chrétienté du moyen âge : la vie est une souffrance et la mort sa délivrance. Il fait indirectement référence au péché originel.
Il reproche à la femme de susciter l'amour. "L'amour, c'est le mal". La femme n'est pourtant pas l'unique responsable de la reproduction de l'espèce.
Schopenhauer est donc aveuglé par ses sentiments de misanthrope invétéré. Mais pourquoi n'a-t-il pas nommé comme Flaubert, ses écrits torturés de désillusion "Mémoires d'un fou"…
A sa décharge, il a quand même reconnu qu'il existait "quelques individualités, et quelques exceptions", qui se démarquaient de la femme en général. Mais, fidèle à lui-même, il rajoutera que ceci ne changerait rien… Et bien, le temps, l'évolution, lui donneront tort.
"Deviens ce que tu es" ou "Connais-toi toi-même", ne l'ont décidément par marqué. Pourtant, mieux vaut encore suicider ses aspérités de caractère, que d'enterrer les autres dans un cercueil.
Et même si les femmes étaient comparables aux fleurs du mal, comme disait Baudelaire " La sensibilité de chacun, c'est son génie". Ne méprisons donc aucune sensibilité…
Pour cela, Arthur, nous respectons ta sensibilité et tes mauvaises pensées… et ce, sans rancune!
Schopenhauer, dans "les femmes ? De leur émancipation", est loin de s'arracher de son intimité pour connaître ce singe bizarre, qu'est la femme. Ecrire en toute impunité est une suprême liberté… Mais, cette liberté devrait-elle s'arrêter au moment où la pensée est capable de justifier le mal comme le mâle ?
On ne sait pas si Schopenhauer s'engage à démontrer l'infériorité de la femme ou s'il subit simplement la haine qu'il éprouve envers l'humanité. Il est obnubilé par une vision maligne de la femme. Dénigrant le culte de la beauté, il cherche à réduire la femme à un vulgaire animal dont le charme serait l'outil parfait de la torture.
En bref, sa finalité est de briser l'image du deuxième sexe. Cependant, la fin peut-elle justifier les moyens ?
La haine ne devrait pas en principe tuer la raison. Et pourtant, cher Arthur, votre philosophie ressemble parfois à de la subjectivité rationalisée.
Mettre du soi dans ses écrits, c'est se trahir. Et Schopenhauer excelle dans ce domaine, à sa grande perte peut-être… En fait, les défauts qu'il reproche aux femmes sont en fait les siens : manque de logique, compassion avec son propre malheur. Paradoxalement, ses arguments se retournent contre lui. Le mal semble être un éternel retour… Nous avons donc un effet boomerang, Schopenhauer est dévoilé.
Tout d'abord, Monsieur Schopenhauer, de quelle femme parlez-vous ? Avez-vous considéré la femmes in concreto ou in abstracto ?
Schopenhauer a une cible : sa mère, cette femme qui l'exaspère. La philosophie devient alors le siège de la rancune. La "dame en Europe" n'est en fait qu'inspirée du portrait hypocrite et égoïste de sa mère. Ainsi lorsqu'il oppose "l'homme intelligent et prudent" à la femme "arrogante", il ne fait que reproduire le couple disparate qu'étaient son père, un commerçant dépressif et sa mère, une femme frivole, dépensière, voleuse d'héritage. Cette irruption de détails autobiographiques vient troubler l'objectivité. S'agit-il alors d'œuvres philosophiques ou autobiographiques ?
Mais, vous n'avez pas encore vu à quel point Schopenhauer peut être acerbe. Continuons donc à parcourir ses pensées. Il prive la femme de sa liberté en soutenant qu'elle est déterminée par sa nature. Selon lui, tous les défauts des femmes sont innés et toutes ses qualités inventées par la société. Mais n'aurait-il pas lui-même été déterminé par la nature ? Par ses gênes ? Atteint d'une sorte de symptômes dépressifs ? Ses oncles furent internés dans un hôpital psychiatrique et son père, rappelons-le, s'est suicidé. La mélancolie, le pessimisme, la dépression, seraient-ils héréditaires ?
Il se permet de juger aussi du QI des femmes, comme si d'ailleurs l'intellect pouvait servir de rempart à la bêtise humaine… Mais, amusons-nous nous-aussi à juger son sens de la logique, car ses arguments sont parfois de véritables calembredaines…
Voici l'énoncé posé par Schopenhauer… A vos stylos !
"l'homme peut sans peine engendrer en une années plus de 100 enfants, s'il a sa disposition un nombre égal de femmes, tandis qu'une femme, même avec un pareil nombre d'hommes ne pourrait toujours mettre au monde qu'un enfant dans l'année".
Cela pourrait ressembler de loin à un problème d'algèbre… Mais, c'est plutôt un argumentaire malhonnête. En effet, il part de l'hypothèse de 100 femmes. On en déduit corrélativement un nombre égal de 100 hommes. Si un seul d'entre eux féconde 100 femmes, alors les 99 restants sont alors inutiles… Dès lors la puissance des hommes reste subordonnée aux capacités des femmes. Les femmes rendent donc l'homme impuissant…
Pour Schopenhauer, l'homme est par définition un être rationnel et intelligent. Acceptons alors négligemment un tel principe. Deux contradictions surviennent encore :
- Première contradiction : "elles excitent constamment ce qu'il y a de moins noble en nous ; elles sont faites pour commercer avec notre faiblesse, notre folie, mais avec notre raison". Pourquoi l'homme si rationnel, n'arrive-t-il pas à maîtriser ses pulsions ? D'ailleurs, ne serait-ce pas quelques peu idéaliste, cartésien de dissocier le corps de la raison ? Il ose en plus énoncer qu'il "faut aux femmes sans cesse un tuteur". Mais, c'est l'homme l'incapable ! C'est lui qui n'a aucun pouvoir sur ses désirs. C'est donc lui qui a besoin d'être protégé par un tuteur contre lui-même. Schopenhauer, oserait-il imputer la faute aux femmes lorsqu'elles sont violées ?
- Seconde contradiction… "L'homme rationnel est victime de son éducation". Remarquons la mauvaise foi de Schopenhauer. Lorsque la femme dissimule, c'est inné, purement biologique. Elle est assimilable à une "sépia". Par contre, lorsque les hommes dissimulent, attention, NUANCE : c'est l'œuvre de l'éducation. Oui, mais voilà, l'homme a le privilège de pouvoir choisir entre sa véritable nature et son éducation. Et pourtant il se conduit en vrai lâche. "La femme a besoin d'un maître", et l'homme est esclave de son surmoi. Nous voilà, donc bien partis, à moins que la dialectique hégélienne vienne à notre secours…
Pour un maître du désespoir, Schopenhauer ne s'est pourtant pas totalement libéré de ses illusions, telles que la polygamie, le mythe de Don Juan, Iseult, la femme fidèle… Selon lui, l'homme a besoin de changement, or nous savons aujourd'hui que seule la femmes est sujette aux variations hormonales…
Pour Arthur, la femme doit satisfaire le désir primaire de l'homme. Elle est ainsi réduite à un produit de consommation. "Le génie de l'espèce est un industriel qui ne veut que produire".
On en revient alors au mythe de Rome, fusionné avec la pensée de Hobbes : la femme est une louve pour l'homme. Elle ne cherche que la perpétuation de l'espèce à travers sa coquetterie.
En fait, Schopenhauer hait la femme, le foyer de l'existence, parce qu'il hait la vie. "L'ascète sauve de la vie des générations entières; les femmes ne l'ont pas voulu; c'est pourquoi je les hais".
L'odeur de pessimisme qui s'en dégage est assez proche de la conception fataliste de la chrétienté du moyen âge : la vie est une souffrance et la mort sa délivrance. Il fait indirectement référence au péché originel.
Il reproche à la femme de susciter l'amour. "L'amour, c'est le mal". La femme n'est pourtant pas l'unique responsable de la reproduction de l'espèce.
Schopenhauer est donc aveuglé par ses sentiments de misanthrope invétéré. Mais pourquoi n'a-t-il pas nommé comme Flaubert, ses écrits torturés de désillusion "Mémoires d'un fou"…
A sa décharge, il a quand même reconnu qu'il existait "quelques individualités, et quelques exceptions", qui se démarquaient de la femme en général. Mais, fidèle à lui-même, il rajoutera que ceci ne changerait rien… Et bien, le temps, l'évolution, lui donneront tort.
"Deviens ce que tu es" ou "Connais-toi toi-même", ne l'ont décidément par marqué. Pourtant, mieux vaut encore suicider ses aspérités de caractère, que d'enterrer les autres dans un cercueil.
Et même si les femmes étaient comparables aux fleurs du mal, comme disait Baudelaire " La sensibilité de chacun, c'est son génie". Ne méprisons donc aucune sensibilité…
Pour cela, Arthur, nous respectons ta sensibilité et tes mauvaises pensées… et ce, sans rancune!
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Marjorie Rafécas
Passionnée de philosophie et des sciences humaines, je publie régulièrement des articles sur mon blog Philing Good, l'anti-burnout des idées (http://www.wmaker.net/philobalade), ainsi que sur La Cause Littéraire (https://www.lacauselitteraire.fr). Je suis également l'auteur de La revanche du cerveau droit co-écrit avec Ferial Furon (Editions du Dauphin, 2022), ainsi que d'un ouvrage très décalé Descartes n'était pas Vierge (2011), qui décrit les philosophes par leur signe astrologique.
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