Quand Bossak et Garibaldi défendaient la Côte-d'Or
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Les Garibaldiens de France, dans leur local rue des Vinaigriers à Paris, présentant l'affiche des manifestations organisées à Talant le 22 janvier 1983, illustrée par « Les chemises rouges aux Montoillots » (photos BP-LD) |
D imanche 7 novembre, sous l'arc de Triomphe, le nom de la préfecture de la Côte-d'Or a claqué dans le vent de novembre sur des étoffes rouges et vertes.
Peu de Côte-d'Oriens sauraient précisément expliquer pourquoi l'expression « Dijon 1870 » figurait sur l'un des drapeaux levés dans le ciel parisien qu'emplissait Fratelli d'Italia, l'hymne national italien : En cette commémoration italienne de l'armistice de 1918, le public ne pouvait manquer l'étendard où brillait le nom de Dijon. La chemise rouge du porte-drapeau tranchait en effet avec les costumes sombres des soldats et anciens combattants italiens.
Pour l'Association nationale Les Garibaldiens de France, Eugène Locatelli, Michel Bernier ou Fernand Batut défendaient ce soir-là comme depuis des décennies la mémoire d'une facette de l'histoire de Dijon, intimement liée à la destinée de l'Europe et du monde. Derrière leurs présidents Darno Maffini puis Gelsomino Giustinati, les Garibaldiens Aldo Bardini, Simone Bénini, Anna Fratenale-Ladner, Lazaradis Théodorakis, Maria Marchetti ou Giorgio Marzaro perpétuent la vitalité du souvenir de Garibaldi.
Leur chemise rouge est un hommage à Guiseppe Garibaldi, acteur essentiel du volontariat international armé au XIXe siècle. C'est dans cette tenue que de nombreux volontaires internationaux rejoignirent Garibaldi en Côte-d'Or et défendirent Dijon en 1870-1871.
A peine Napoléon III avait-il déclaré la guerre à la Prusse, le 19 juillet 1870, que capturé à Sedan en septembre, il capitulait, laissant la France effarée face au désastre.
Victor Hugo, à l'Assemblée de Bordeaux, restitua le 8 mars 1871 ces cruels moments : « La France accablée, en présence des nations, a rencontré la lâcheté de l'Europe. De toutes les puissances européennes, aucune ne s'est levée pour défendre cette France qui, tant de fois, avait pris en main la cause de l'Europe. pas un roi, pas un Etat, personne ! Un seul homme excepté. » Le poète, ce jour-là, parlait à la tribune pour Garibaldi, défenseur de Dijon, élu député le 8 février 1871 par Paris, Dijon, Nice et Alger.
Le 4 septembre 1870, la République fut proclamée à Paris. Des volontaires se groupèrent en corps francs pour résister à l'invasion prussienne. Garibaldi vivait sur l'île italienne de Caprera. Le sort funeste de la France aurait pu le réjouir : à Mentana, le 3 novembre 1867, les armées de Napoléon III avaient écrasé ceux qui voulaient arracher Rome au pape pour donner la ville à l'Italie. Sans hésiter, à 63 ans, le héros romantique débarqua le 7 octobre 1870 à Marseille. « Je viens donner à la France ce qui reste de moi », déclara-t-il. « La France est une patrie que j'aime. J'étais trop malheureux quand je pensais que les républicains luttaient sans moi ». Ses fils, Menotti et Ricciotti, et des fidèles comme Canzio, le rejoignirent. Le 13 octobre 1870, Garibaldi prenait la tête d'une « armée des Vosges » dont le nom resta. L'un des volontaires, P. Barrallon, inaugurant à Dijon le 26 mars 1900 une statue à Garibaldi évoqua des « combats heureux » contre les Badois de Werder « à Brazey, Mont-Dragon, Saint-Jean-de-Losne, Genlis, Pont-de-l'Ognon, Seurre », n'empêchant pas l'Allemand de « s'emparer de Dijon le 30 octobre (1870), malgré une défense héroïque des habitants ».
« Comme en Italie, on l'appelle familièrement le papa », notait encore P. Barrallon. « Garibaldi, (.) à la tête de sept mille hommes, dans la nuit du 24 novembre 1870, marche sur Dijon ». Le 8 janvier 1871, il réoccupait Dijon, évacuée par l'ennemi.
Le 21 janvier, il fallut défendre la ville : « L'ennemi, tente nombre de fois l'assaut de Talant et de Fontaine où sont établies des batteries de l'armée des Vosges ; il est toujours repoussé avec des pertes énormes » (P. Barrallon). Dans la vallée du Suzon, l'intrépide volontaire polonais, le général Bossak-Haucke, tomba pour la défense de Dijon. Son souvenir est évoqué à Hauteville, au bois des Chênes. Le 23 janvier 1871, les Allemands attaquèrent Dijon par le Nord mais Ketteler perdit un fanion, entré dans l'histoire comme le « drapeau du 61e poméranien », pris à l'ennemi par Curtat chasseur du Mont-Blanc. « Dijon est sauvé ! Garibaldi a tenu sa promesse », se souvenait, ému, P. Barrallon en 1900. Le 31 janvier 1871, Garibaldi apprend qu'un armistice avec la Prusse a été signé par le gouvernement français. Le combattant volontaire italien en France organise alors la retraite.
Humilié à Bordeaux par les députés conservateurs, il repartit finalement en Italie, où il devait mourir en 1882 sur l'île de Caprera.
Restait à Victor Hugo à ramasser l'honneur bafoué de la France en partageant l'affront. Hugo, député de la Seine, démissionna le 8 mars 1871 : « Il y a trois semaines, l'Assemblée a refusé d'entendre Garibaldi ; aujourd'hui elle refuse de m'entendre. Cela me suffit. Je donne ma démission. »
Certes, Vichy arracherait la statue en bronze de Garibaldi érigée à Dijon par souscription nationale, mais en 1900, P. Barrallon, avait su montrer la dimension collective de Garibaldi : « En même temps que son souvenir, évoquons celui de tous nos chers morts de l'armée des Vosges, Italiens, Espagnols, Polonais et autres étrangers ou Français tombés aussi au champ d'honneur ».
Figure romantique et idéaliste du volontariat international armé, Guiseppe Garibaldi introduisit dans Dijon assiégée la preuve d'une amitié combattante franco-italienne ; il illustra aussi l'idée d'une « République universelle » que sa mémoire rend vivante.
Jérémie DUBOIS
Pendant la guerre de 1870-1871, la Côte-d'Or fut défendue intrépidement par un Polonais, le général Bossak-Haucké, et par l'Italien Garibaldi, accompagné par ses fils. Ces volontaires internationaux servaient un idéal d'actualité.
http://www.bienpublic.com/archives/article.php?a=art&num=000003754&aaaammjj=20041114&g