ARELACOR

A ses traits on pouvait aisément reconnaître sa mère et son

père;

on lui donna même un nom qui les rappelait tous les deux.


C'est par ces mot qu'Ovide présente le jeune fils d'Hermès et de la déesse de Cythère, Aphrodite.

Ce n'est pourtant pas sous cet aspect que les sculpteurs nous présentent le fruit

des amours des deux divinités.

Voici le chef-d’œuvre admiré de la collection Borghèse : cette œuvre ne cesse

de fasciner par l'ambivalence et les courbes voluptueuses

d'Hermaphrodite, lascivement endormi.







La nudité alanguie
La nudité alanguie

Effet de surprise
Effet de surprise

C'est près des thermes de Dioclétien, à Rome, que fut découverte en 1608 cette statue.

Le matelas sur lequel repose Hermaphrodite est l’œuvre du sculpteur baroque italien

Le Bernin.

En 1807, Napoléon Ier l'achète et la fait entrer au Louvre.


On ne peut échapper à une double impression ; d'abord une émotion esthétique

devant la grâce sensuelle de ces courbes féminines, et puis la surprise

face à la révélation de la nature androgyne du personnage, faite avec

le réalisme le plus cru.

Cet art de la mise en scène poussée à son paroxysme

ne manque pas d'inspirer de profondes réflexions philosophiques

apolliniennes ou dionysiaques sur l'amour.







Comment cet éphèbe s'est-il ainsi métamorphosé ?

Laissons Ovide, le seul à rapporter cet épisode, nous le raconter.


"Quand il eut accompli trois fois cinq années, il quitta les montagnes qui

l'avaient vu naître... Il visita la Carie; là il voit un étang dont les eaux claires

laissaient le regard pénétrer jusqu'au fond"


Près de cette onde limpide habite une nymphe qui n'entend rien au javelot,

au carquois ni à la chasse. Cette naïade, Salmacis, préfère baigner son beau corps

dans la fontaine, ou bien, enveloppée d'un voile transparent, s'étendre sur un lit de feuilles

et d'herbes moelleuses.


C'est en cueillant des fleurs qu'elle découvre le jeune homme.

"Sitôt qu'elle le vit, elle voulut qu'il fût à elle.

"Si tu as une épouse, accorde-moi un plaisir furtif;

si tu n'en as pas, puissé-je l'être et partager ta couche."


A cette déclaration passionnée, la rougeur couvre le visage de l'enfant

(il ignore ce que c'est que l'amour), rougeur qui l'embellit encore.

Sans se lasser la nymphe implore des baisers et finit par excéder le jeune homme.


"Cesseras-tu, ou veux-tu que je prenne la fuite et te laisse seule en ces lieux?"


La rusée Salmacis, fait semblant d'abandonner la place, et court se cacher

derrière un fourré.

Se croyant seul, l'éphèbe "dépouille son corps délicat du souple tissu qui l'enveloppe... "

pour se plonger dans l'onde pure.

"Sa beauté mise à nu enflamme Salmacis de désir, ses yeux étincellent,

elle veut sur le champ une étreinte; elle ne parvient plus à contenir son délire.

Ayant rejeté au loin tous ses vêtements, elle s'élance au milieu des eaux;

le jeune homme se débat, et malgré sa résistance, elle lui ravit des baisers ;

c'est en vain qu'il lutte. Elle l'enlace comme fait un serpent ; le descendant

d'Atlas résiste toujours et refuse à la nymphe la joie qu'elle espère."






Un voile transparent l'enveloppe
Un voile transparent l'enveloppe


La jeune nymphe ne s'avoue pas vaincue : elle invoque les dieux :

"Faites que jamais ne vienne le jour qui nous éloignerait, lui de moi ou moi de lui."


Alors leurs corps se mêlent et se confondent, ils ne sont plus deux et pourtant

conservent une double forme : "On ne peut dire que ce soit là une femme ou

un jeune homme ; ils semblent n'avoir aucun sexe et les avoir tous les deux."


Le jeune homme n'est plus mâle qu' à moitié, ses membres ont perdu leur vigueur,

et d'une voix où toute virilité a disparu,il demande une grâce à ses parents :

"Que tout homme qui se sera plongé dans cette fontaine ne soit plus homme

qu'à moitié quand il en sortira et qu'au contact de ces eaux il perde soudain sa vigueur!"



Sa prière fut exaucée.

Un suc impur et malfaisant fut répandu dans la fontaine.





Ovide, Les Métamorphoses, Livre IV, vers 272-390.

Le collier de Salmacis est une création d'Emma Marlard, atelier LM création, Ajaccio

La douce Salmacis
La douce Salmacis

Bernard Bouisset Dimanche 9 Octobre 2016




Comment résoudre un problème inextricable ?...

Alexandre a tranché dans le vif et brutalement.

Aurait-il usé de la même violence dans ces cas-là ?!..




Gordias, le père de Midas, aurait fondé le royaume de Phrygie.

Midas entre dans la ville sur son char, symbole de la royauté chez les Perses.

Le timon dudit char est lié par le fameux nœud gordien.

L'Asie reviendra à celui qui parviendra à le dénouer !


Alexandre s'y serait essayé en 333 av J. -C., en vain,


... avant de le trancher d'un coup d'épée.






Écoute bûcheron, arrête un peu le bras !....


pourrait-on , en parodiant Ronsard.

Arrête ta violence, Alexandre, point de hache ni de scie.

Et n'en irait-il pas de même avec cette jeune Leucothoé

qui décore le Louvre de sa grâce ?

Hélios aussi succomba à son charme ; il en tomba même

passionnément amoureux.

Hélas ! l'amante qu'il avait délaissée et abandonnée, de jalousie dénonça

cette union au père de la jeune Leucothoé qui la fit enterrer vivante.









Bernard Bouisset Jeudi 26 Mai 2016





Le héros du film de Kubrick mit en danger la République romaine.

Son but pourtant était autre :

rentrer chez lui en homme libre.



Une distribution haut de gamme pour des scènes inoubliables :

le poète Antoninus (Tony Curtis) qui déconcerte Spartacus (Kirk Douglas) quand

il lui apprend "son métier", à quoi peut servir un poète dans une armée ?..

Batiatus (Peter Ustinov) qui cache maladroitement le buste de Gracchus

(Charles Laughton) sous un torchon pour le dérober aux regards de

Crassus (Laurence Olivier) et la douce Varinia offrant à Spartacus crucifié

leur fils.












Et l'on ne peut pas ne pas citer l'ignoble Marcellus,

le noble gladiateur rétiaire qui refuse d'achever Spartacus

pour viser Crassus, pas plus que ne s'oublie cette scène où,

après la défaite finale des esclaves, les rares survivants se dressent

autour de Spartacus pour crier à Crassus "Je suis Spartacus ! C'est moi Spartacus !"







Mais, bien sûr, Spartacus n'a pas attendu les cinéastes pour être représenté.

Passons sur les historiens latins, pour regarder comment nos artistes

voyaient l'esclave Thrace. Des Spartacus dans l'arène, d'autres crucifiés,

mais a priori il a peu inspiré nos sculpteurs.

La statue la plus célèbre est celle de Denis Foyatier, (1793-1863),

un Spartacus brisant ses chaînes.



Spartacus brisant ses chaînes, Denis Foyatier
Spartacus brisant ses chaînes, Denis Foyatier



Voici l'étude de l’œuvre de Foyatier par la présentation du Louvre :

"Foyatier présente au Salon de 1827 le modèle en plâtre de Spartacus.

La sculpture connut un succès rapide. Pour certains, elle venait régénérer

la statuaire néo-classique.

Elle répond en effet aux canons académiques.

Spartacus est nu comme les héros antiques.

Sa stature imposante répond aux exigences du grand style qui établit

une corrélation entre les dimensions d'une statue et l'impression qu'elle produit.

Caractère expressif du personnage, fureur contenue, associés à la sensibilité romantique.







Le succès de l’œuvre résulta aussi de son sujet.

Spartacus est une iconographie particulièrement rare en sculpture.

On y vit un symbole de la contestation du régime de Charles X.

Telle n'était pas, semble-t-il, l'intention initiale de l'artiste.

Lorsqu'il eut terminé sa statue, les Trois Glorieuses (juillet 1830)

avaient abattu le régime de Charles X.

Opportunément, Foyatier fit de Spartacus une icône républicaine en datant

l’œuvre du 29 juillet 1830, dernière journée de la Révolution."






Bernard Bouisset Dimanche 15 Mai 2016


Hermès… messager des dieux, gardien des routes
et des carrefours, dieu des voyageurs, du commerce…
et des voleurs !




On sait aussi que de la carapace d’une tortue il fabriqua la lyre,

lyre qu’il offrit à Apollon après lui avoir révélé où il avait caché

le troupeau qu’il lui avait volé. Il inventa aussi la syrinx.


Ses attributs : les sandales ailées, le caducée, don d’Apollon,

le pétase, chapeau rond. De son union avec Aphrodite naquit l’Hermaphrodite.


Voilà, rapidement résumées les connaissances essentielles du dieu.


Dans le Cratyle, (407e-408b) Socrate rapproche Hermès du sens

« interprète » (erméno, en grec). Mais on s’accorde plutôt sur l’étymologie

qui signifie : « celui du tas de pierre ». Ermaïon, en grec désigne

un cairn ou un amoncellement de pierres servant à jalonner le terrain.

Ce tas de pierre prit par la suite une forme anthropomorphique et doté

d’un phallos pour finalement se transformer en figure totalement humaine.




Ces « ermaïa » étaient disposés devant les maisons et au bord des chemins

où ils servaient de bornes.

Dieu protecteur des routes, la fonction d’Hermès était de guider les voyageurs,

de les aider : envoyé par Zeus, il accompagne le vieux Priam jusqu’à la tente d’Achille ;

il donne à Ulysse une plante magique qui l’immunise contre la magie de Circé…

Enfin, certains font d'Hermès le dieu des immigrants qui vinrent s’installer sur le sol de l’Hellade.


Ce dieu des gens simples fut l’objet d’un scandale qui secoua la Grèce

dans cette fin du Vème siècle.

Quand les Athéniens se réveillent en cette douce matinée du 11 du mois

de Thargélion (juin) 415 –précision de spécialistes- ils sont loin de se douter

du drame qui s’est déroulé dans la nuit.

C’est horrifiés qu’ils apprennent que toutes les statues d’Hermès ont été mutilées

« sur la face avant » comme le dit pudiquement Thucydide,

c’est-à-dire qu’on s’est attaqué aux phallus de ces grossières représentations.



Tous mutilés ! Et quand on sait qu’en cette fin de siècle encore on tenait

compte de tous les signes qui pouvaient marquer la volonté divine on comprend

que l’émotion fût aussi vive, que cette offense délibérée envers un dieu tutélaire

pût terrifier les gens.




Mais en plus, pourquoi ?

Que tous les Hermès aient été mutilés impliquait bien une intention

et l’on ne pouvait accuser de jeunes excités pris de boisson.

Il s’agissait donc bien d’un complot. Mais un complot, pourquoi ?

Et qui sont donc ces Hermocopides ?

Dans cette Athènes si hostile à la tyrannie, on crut la démocratie menacée,

d’autant qu’à cette époque Athènes allait se lancer dans cette formidable

expédition navale vers la Sicile expédition à la tête de laquelle se trouvait

le bel Alcibiade.




On fit alors appel à cette action en justice si redoutable « eisaggélie »

qui permettait à chaque citoyen de dénoncer un homme soupçonné

d’agir contre la démocratie pour instaurer une royauté ou une oligarchie.

Et tout cela tombe bien car justement un homme est associé à ce soupçon : Alcibiade.

Andocide écrit qu’il faut se méfier des citoyens qui s’élèvent trop haut,

car « ce sont ceux-là qui établissent les tyrannies ».




L’ « esisaggélie » demandait aussi de dénoncer tout autre sacrilège.

Et si Alcibiade ne fut en rien inquiété pour la mutilation des Hermès,

on l’accusa d’avoir participé à des cultes étrangers qui parodiaient

les mystères d’Eleusis.

Malgré son désir d’être jugé pour se voir lavé de telles accusations

avant de s’embarquer dans cette expédition navale,

Alcibiade n’obtint pas satisfaction et partit vers ce qui devait être

un des plus grands désastres militaires qu’Athènes ait jamais connu.



Sources : W. K. C. Guthrie Les Grecs et leurs dieux (Payot 1956)
Jacqueline de Romilly, Alcibiade (Texto, 1995)

Bernard Bouisset Samedi 7 Mai 2016

La sieste....

un mode de vie,

une philosophie et

une activité délicieusement relaxante...


Pour nous perdre dans l'univers soyeux des bras de Morphée, abandonnons un temps

nos sculpteurs classiques et retrouvons cette période néo-classique ("perfection

de la ligne, noble simplicité et sereine grandeur").

Contemporain de Jean Jacques -James- Pradier (Les Trois Grâces, Musée du Louvre),

Denis Foyatier (1793-1863) connut la célébrité lorsqu'il réalisa, à la Villa Médicis,

la première version de son Spartacus brisant ses chaînes (Musée du Louvre, 1847).

Au Jardin des Tuileries, on découvre son Lucius Quinctus Cincinnatus (1832-1834),

et au Jardin du Luxembourg la statue de Montesquieu.

Au salon du 1er mai 1834, il expose La Sieste.





Noble immobilité dans un abandon total
Noble immobilité dans un abandon total

Et si une douce rêverie s'emparait de ce doux abandon ?..

Un livre qui fait voguer l'imagination,

un corps qui s'abandonne,

calme et volupté....




L'Art d'aimer et l'art de rêver
L'Art d'aimer et l'art de rêver

Bernard Bouisset Lundi 25 Avril 2016
1 ... « 16 17 18 19 20 21 22 » ... 35