II faut choisir : ça dure ou ça brûle ; le drame, c'est que ça ne puisse pas à la fois durer et brûler. Albert Camus
Au mois sonnant des vœux, nul n’arrête la progression du temps. Les années se succèdent et le passé paraît irréversible. Pourtant, 2020, ce chiffre miroir donne l’impression de créer une boucle. Le temps est-il vraiment linéaire ?
Einstein n’a pas réussi à remodeler notre vision du temps avec sa théorie de la relativité. Et pourtant...
Je viens de finir Se souvenir du futur de Romulald Leterrier et Jocelin Morisson, qui explique la rétrocausalité du temps : le futur pourrait, selon eux, changer le présent. Les synchronicités seraient des signes provenant du futur. Alors, les machines à remonter le temps, ne seraient-elles pas de la pure fiction ?
Notre notion du temps reste intuitive (au sens philosophique du terme). L’imaginer autrement sera peut-être la prochaine révolution.
En philosophie, le temps est la notion la plus difficile à appréhender. C’est un concept aussi passionnant qu’insaisissable. Aussitôt, on essaie de penser « le temps », qu’il a déjà glissé entre nos doigts. Comment s’extraire du temps pour pouvoir l’observer ? Alors que c’est notre conscience qui crée ce temps. Bergson écrivait « La conscience est un trait d’union entre ce qui a été et ce qui sera, un pont jeté entre le passé et l’avenir ». Bergson est un des philosophes qui a tenté de théoriser le temps, notamment sur la notion de durée et de temps vécu. Selon lui, la durée est une sensation créée par notre conscience. Il donne l’exemple de la musique, notre conscience transforme la succession de notes musicales en mélodie. Selon Jankélévitch, la musique est l’art par excellence qui permet d’expérimenter la temporalité. Par sa temporisation, la musique est l’expression de l’ineffable. Le temps vécu n’a rien à voir avec le temps mécanique des horloges. Pour le philosophe de l’ineffable, le temps est à l’endroit et irréversible, on ne peut pas le remonter. Pourtant, rien n’est moins sûr…
Il n’est pas aisé de transposer ou du moins de trouver un parallélisme entre les théories philosophiques et celles de la physique. Le 6 avril 1922, le débat entre Einstein et Bergson a été très tendu. D’ailleurs, en 1932, Gaston Bachelard, explique dans son essai L’intuition de l’instant pourquoi la théorie d’Einstein invalide celle de Bergson. « Ce que la pensée d’Einstein frappe de relativité, c’est le laps de temps, c’est la « longueur » du temps. Cette longueur, elle se révèle relative à sa méthode de mesure. On nous raconte qu’en faisant un voyage aller et retour dans l’espace à une vitesse assez rapide, nous retrouverions la terre vieillie de quelques siècles alors que nous n’aurions marqué que quelques heures sur notre propre horloge emportée dans notre course. Bien moins long serait le voyage nécessaire pour ajuster à notre impatience le temps que M. Bergson postule comme fixe et nécessaire pour fondre le morceau de sucre dans le verre d’eau. »
Penser le temps est un vrai casse-tête chinois…
Penser le temps est un vrai casse-tête chinois…
Le temps est-il chronologique ?
Einstein écrivait « les gens comme nous qui croient à la physique, savent que la distinction entre le passé, le présent et l’avenir n’est qu’une illusion obstinément persistante ». Pour Eckhart Tolle, avec son best seller Le pouvoir du moment présent, le temps est lié au mental. Le temps est une illusion. Le présent est en dehors du temps. L’instant présent est éternel et est la vraie existence.
Nietzsche, par son intuition, pressent cette non linéarité du temps. Il évoque l’éternel retour et la nécessité d’oublier. Le concept d’éternel retour est hérité d’Héraclite et des stoïciens. L’éternel retour est une réfutation d’une idée de progrès linéaire. L’humain ne progresse pas. Le surhomme est celui qui dit oui à l’éternel retour. « Tout s’en va, tout revient ». Dans l’éternel retour, il est donc possible de connaître l’avenir, car il rejoint le passé, et vice-versa.
Dans cette boucle de l’éternel retour, on peut aussi imaginer un ordre inversé à celui de la chronologie, où l’avenir peut influencer le passé. Dans le livre Se souvenir du futur, les auteurs reprennent une théorie de Philippe Guillemant, physicien : « Le futur, sans nécessairement être totalement réalisé, pourrait l’être suffisamment pour contenir des conditions finales ». Et ces « conditions finales » peuvent jouer un rôle d’attracteur sur le présent. L’univers serait une création mentale et la conscience humaine existe en dehors des limites de l’espace et du temps selon Bernardo Kastrup.
Mais attention le futur n’est pas figé, il est « modulé en permanence par la conscience collective » (Philippe Guillemant).
Einstein écrivait « les gens comme nous qui croient à la physique, savent que la distinction entre le passé, le présent et l’avenir n’est qu’une illusion obstinément persistante ». Pour Eckhart Tolle, avec son best seller Le pouvoir du moment présent, le temps est lié au mental. Le temps est une illusion. Le présent est en dehors du temps. L’instant présent est éternel et est la vraie existence.
Nietzsche, par son intuition, pressent cette non linéarité du temps. Il évoque l’éternel retour et la nécessité d’oublier. Le concept d’éternel retour est hérité d’Héraclite et des stoïciens. L’éternel retour est une réfutation d’une idée de progrès linéaire. L’humain ne progresse pas. Le surhomme est celui qui dit oui à l’éternel retour. « Tout s’en va, tout revient ». Dans l’éternel retour, il est donc possible de connaître l’avenir, car il rejoint le passé, et vice-versa.
Dans cette boucle de l’éternel retour, on peut aussi imaginer un ordre inversé à celui de la chronologie, où l’avenir peut influencer le passé. Dans le livre Se souvenir du futur, les auteurs reprennent une théorie de Philippe Guillemant, physicien : « Le futur, sans nécessairement être totalement réalisé, pourrait l’être suffisamment pour contenir des conditions finales ». Et ces « conditions finales » peuvent jouer un rôle d’attracteur sur le présent. L’univers serait une création mentale et la conscience humaine existe en dehors des limites de l’espace et du temps selon Bernardo Kastrup.
Mais attention le futur n’est pas figé, il est « modulé en permanence par la conscience collective » (Philippe Guillemant).
Le hasard existe-t-il ? Le temps n’est-il pas cet instant qui permet les rencontres et les synchronicités ?
« le hasard c’est le purgatoire de la causalité » écrivait Jean Baudrillard.
Lors de mes études de droit, cette histoire de causalité me rappelle un cours sur la responsabilité délictuelle, où le professeur avait expliqué que la cause d’un dommage pouvait être indirecte et lointaine dans le temps, de sorte que l’on n’identifie plus la cause et que l’on attribue ce dommage au hasard. Or il existe bien une cause, mais le problème est de la prouver. Or ce n’est pas parce que l’on ne perçoit pas ou que l’on ne comprend pas la cause d’un phénomène, qu’elle n’existe pas. Le doute cartésien devrait être de rigueur. Ce que nous appelons le hasard, désigne peut-être juste des causes qui ne sont pas visibles.
Par ailleurs, les auteurs de l’ouvrage Se souvenir du futur nous font douter de l’ordre chronologique du temps « passé-présent-futur ». Est-ce que les évènements se déclenchent vraiment de façon chronologique ? Le futur peut-il causer des effets dans le présent ? ce qui retirerait le côté irréversible du passé...
Si notre conscience appréhende le temps, il en est probablement différemment pour notre inconscient qui ne connaît pas l’écoulement du temps. L’inconscient est peut-être immuable. Ainsi, nous portons dans nos vies cette dualité : celle de notre conscience et celle de notre inconscient qui se manifeste dans nos rêves et nos actes manqués… et qui pourquoi pas, interagit avec le futur en créant des synchronicités. C’est très jungien comme approche.
Finalement, si on réfléchit bien à l’utilité du temps, c’est celle de permettre des rencontres à un instant T. C’est le temps/l’instant qui permet les rencontres, ce fameux hasard des croisées des chemins. L’heure nous permet de vivre en harmonie avec la société et la nature, et peut-être aussi en symbiose avec le futur ou le passé...
Le temps, conjugué à l’espace, reste la joie des rencontres, de toute sorte, dont la succession joue une belle mélodie.
C’est le temps qui nous sort de notre solitude.
Mais il demeure un profond mystère…
Se souvenir du futur, Romulald Leterrier et Jocelin Morisson, Guy Trédaniel éditeur, 2019
« le hasard c’est le purgatoire de la causalité » écrivait Jean Baudrillard.
Lors de mes études de droit, cette histoire de causalité me rappelle un cours sur la responsabilité délictuelle, où le professeur avait expliqué que la cause d’un dommage pouvait être indirecte et lointaine dans le temps, de sorte que l’on n’identifie plus la cause et que l’on attribue ce dommage au hasard. Or il existe bien une cause, mais le problème est de la prouver. Or ce n’est pas parce que l’on ne perçoit pas ou que l’on ne comprend pas la cause d’un phénomène, qu’elle n’existe pas. Le doute cartésien devrait être de rigueur. Ce que nous appelons le hasard, désigne peut-être juste des causes qui ne sont pas visibles.
Par ailleurs, les auteurs de l’ouvrage Se souvenir du futur nous font douter de l’ordre chronologique du temps « passé-présent-futur ». Est-ce que les évènements se déclenchent vraiment de façon chronologique ? Le futur peut-il causer des effets dans le présent ? ce qui retirerait le côté irréversible du passé...
Si notre conscience appréhende le temps, il en est probablement différemment pour notre inconscient qui ne connaît pas l’écoulement du temps. L’inconscient est peut-être immuable. Ainsi, nous portons dans nos vies cette dualité : celle de notre conscience et celle de notre inconscient qui se manifeste dans nos rêves et nos actes manqués… et qui pourquoi pas, interagit avec le futur en créant des synchronicités. C’est très jungien comme approche.
Finalement, si on réfléchit bien à l’utilité du temps, c’est celle de permettre des rencontres à un instant T. C’est le temps/l’instant qui permet les rencontres, ce fameux hasard des croisées des chemins. L’heure nous permet de vivre en harmonie avec la société et la nature, et peut-être aussi en symbiose avec le futur ou le passé...
Le temps, conjugué à l’espace, reste la joie des rencontres, de toute sorte, dont la succession joue une belle mélodie.
C’est le temps qui nous sort de notre solitude.
Mais il demeure un profond mystère…
Se souvenir du futur, Romulald Leterrier et Jocelin Morisson, Guy Trédaniel éditeur, 2019
Rédigé par Marjorie Rafécas le Lundi 20 Janvier 2020 à 23:31
|
Commentaires (0)
Dernières notes
"socrate au pays de la pub"
Adam Smith
Adèle Van Reeth
Alexandre Lacroix
Aliocha Wald Lasowski
Anne-Laure Buffet
Art
Arthur Rimbaud
Balthasar Thomass
Benoït Heilbrunn
Café-philo
Christian Perronne Covid
Classe moyenne
Christophe Guilluy
Coaching global Spinoza
Daniel Levitin
De la note au cerveau
Freud
Frédéric Vayr
Jean-Christophe Grellety
Jung
LaRevancheDuCerveaudroit
Le nouveau malaise dans la civilisation
Louis Braille
Luc Ferry
Marc Sautet
Marie-France Castarède
marx
Nietzsche
philosophie
schopenhauer
Rubriques
Profil
Marjorie Rafécas
Passionnée de philosophie et des sciences humaines, je publie régulièrement des articles sur mon blog Philing Good, l'anti-burnout des idées (http://www.wmaker.net/philobalade), ainsi que sur La Cause Littéraire (https://www.lacauselitteraire.fr). Je suis également l'auteur de La revanche du cerveau droit co-écrit avec Ferial Furon (Editions du Dauphin, 2022), ainsi que d'un ouvrage très décalé Descartes n'était pas Vierge (2011), qui décrit les philosophes par leur signe astrologique.
Archives
Infos XML