PASCALE *****


En écoutant : Le Viel Icare du groupe landais "BON TEMPS ROULER", laissez-vous aller à vos émotions, souvenirs...
Pour écouter la chanson aller sur "mes vidéos" et chercher "le Vieil Icare"


TEMPS DE QUOI


- Vous plaidez quoi Maître ?
- Coupable votre Honneur…

Coupable… de plagiat… elle qui s’était crue invincible venait d’être découverte. Trahie par les siens.

C’est en écoutant un disque très ancien que le pot aux roses fut découvert. Elle était pourtant de bonne foi. Avait même, disait-elle, « pompé » de bonne foi. Inconsciemment. Involontairement. Mot pour mot sur une seule ligne parmi cent. Texte tellement imprégné en elle qu’il devenait en partie sien.

- pouvez-vous, Maître, procéder à la lecture du texte délictueux.
- Le voici votre Honneur. Je vous prie de noter que ma cliente, tout en plaidant coupable, tient à ce que le jury sache qu’elle…
- Objection votre Honneur.
- Oui. Laquelle ?
- Votre Honneur. Elle est COUPABLE. Elle le reconnaît. Point final.
- Objection rejetée. Si « point » il y a à déposer, permettez-moi de penser que je puis le faire moi-même, Maître !

L’homme un peu déconfit reprend sa place.

- procédons donc à la lecture.


Il est temps
Il est temps d’approcher le soleil
De décro… la lune
De jeter un gra…ile
Dessus mes infortunes

Il est temps
Il est temps de les mettre …

Le pinceau a …in
Je trace mon …
Retouche mes lende…
Pour qu’ils me …ns durs
Ma palette est …

De rage la prévenue se lève d’un bond et s’écrie :

- il manque des mots, il manque des mots.
- Maître, calmez votre cliente !

Rien n’y fait : « il manque des mots, il manque des mots » crie la femme déchaînée.

L’âme et le cœur en rage, le front en nage, la femme hystérique ne contient plus sa colère !

- ce n’est pas ça. Ce n’est pas juste. Les mots appartiennent à tout le monde…

Les deux policiers qui l’entourent la maîtrise avec peine.
Dans la salle monte un sourd grondement.

- « elle a raison. Elle a raison ». l’homme aux cheveux longs qui harangue la foule semble se régaler de ces imprévus. « Les mots ne sont pas qu’aux autres. Ils sont aussi à nous. A vous. A elle ! Mort aux donneurs de leçons. »

Le bruit devient assourdissant. Le juge s’époumone et tape, mais en vain, sur le rebord de son pupitre de bois qui en a vu bien d’autres.

- taisez-vous, taisez vous ou je fais évacuer la salle.

A ce moment-là l’immense porte de bois du tribunal en folie s’ouvre tout grand. Apparaît un homme plutôt petit, tout en rondeur, souriant et respirant la joie de vivre et le don de soi, générosité de cœur accrochée jusque dans ses chansons.

En le voyant la salle médusée devient tellement silencieuse qu’on entend voler les deux mouches qui, depuis quelques minutes, se demandaient dans quel monde de fous elles voletaient…

- Monsieur ?
- Votre Honneur…
- Pouvez-vous nous expliquer cette intrusion ?
- Voilà votre Honneur. J’ai entendu dire qu’aujourd’hui on jugeait l’une de mes fans et je vous prie de bien vouloir me pardonner mon retard. Je tenais à témoigner en sa faveur.
- Mais vous n’êtes pas le plaignant ?
- Non en effet. Pourtant il me semble qu’en tant qu’auteur originel de ces textes livrés à la vindicte législative (car le peuple a bien autre chose à faire que ces batailles de mots ou d’articles de lois) je suis en mesure d’autoriser qui je veux à s’en bien ou mal inspirer car là n’est pas l’objet du délit.
- Cela n’est pas faux…
- Les mots votre Honneur, quel qu’en soit l’agencement premier ou final, ne m’appartiennent pas en effet et sur ce plan l’accusée a raison. Pas plus à moi qu’aux autres. Et la personne que vous vous apprêtez à juger voire à condamner est une fan de première heure dont les vagues balbutiements artistiques ne font d’ombre à personne ! juste un peu de bien à elle-même et aux rares amies à qui elle ose offrir sa prose…
- Votre Honneur…
- Oui Maître !

L’avocat de la défense, le sourire jusqu’au oreilles s’avance vers le prêtoir….

- en vertu de l’article 174375 du code 354RZ40 et selon la jurisprudence du…
- Maître…
- Oui votre Honneur…
- Cessons-là ces déballages de chiffres. Votre cliente est largement absoute. Il se tourne vers l’auteur du texte d’origine.
- La maison de disque que représente l’avocat de la partie civile n’est-elle pas vôtre ?
- Non votre honneur : je l’ai quittée bien avant que le succès n’advienne et c’est pourquoi elle tente par tous les moyens de discréditer mon œuvre. En s’attaquant à mes fans, elle espère ainsi s’attaquer à moi…
- Je le pressentais et je suis bien heureux que vous ayez pu intervenir à temps. Bon, mais voilà : « il est temps » de nous quitter et voyez, messieurs et mesdames du jury, comme je pourrais moi-même être accuser à cette heure du même plagiat. La vie n’attend pas, allons, bonne soirée à tous et toutes.

Digne et souriant, l’homme rejoint la petite salle attenante au tribunal dans laquelle il rédigera son non-lieu. « Non lieu » car il n’y a pas lieu en effet d’user d’un autre mot.

Pascale en écoutant « le vieil Icare » de Bon Temps Rouler le 10 décembre 2007.






Pascale Madame Martin-Debève
Rédigé par Pascale Madame Martin-Debève le 16/12/2007 à 12:44