Albeiro Vargas
Albeiro, l’ange du quartier Nord
Le 26 octobre 1991, le magazine de TF1 « Reportages », révélait aux Français Albeiro Vargas, un enfant de douze ans qui, dans le quartier Nord de Bucaramanga, en Colombie, apportait amour, soins, nourriture... à des vieillards abandonnés. Deux mois plus tard naissait l’association « Un coin de Colombie ».
Avec son million d’habitants, Bucaramanga est la cinquième ville de Colombie. C’est une ville moderne située sur un plateau, à 1000 m d’altitude mais, dans les contreforts de ce plateau, des quartiers entiers, constitués de cabanes en carton et en tôle, s’accrochent aux pentes abruptes. C’est là, dans le quartier Nord – où vivent 300 000 personnes – que naît, le 7 juin 1979, Albeiro Vargas, cadet d’une famille de huit enfants. Son père travaille dans le bâtiment, sa mère comme aide-soignante. De retour chez elle, on l’appelle souvent pour soigner des malades, des blessés et Albeiro la suit partout.
Dans ces quartiers insalubres et pauvres, chacun, des enfants aux vieillards, doit participer à la survie de la famille. Ceux qui ne peuvent pas ou plus travailler, sont quelquefois mis dehors ou abandonnés dans un coin.
L’ange du quartier Nord
Albeiro a commencé à s’occuper des abuelitos (vieillards) de son quartier après la mort de son grand-père. Deux ans plus tard – il a alors huit ans –, bouleversé par sa rencontre avec une femme de 108 ans, il va frapper aux portes pour quémander de la nourriture pour elle. Conscient de la situation dramatique de beaucoup de ces abuelitos, il décide de continuer.
Chaque jour, à cinq heures du matin, il leur porte le tinto (le café), puis il va à l’école jusqu’à midi (les horaires de classe en Colombie). A la sortie des cours, il part en ville et, dans les magasins, demande de quoi manger pour ses vieillards. Si beaucoup de commerçants ne le croient pas, une boulangère lui fait confiance – demeurée fidèle aujourd’hui – et lui donne un sac de pain qu’il distribue à ses amis avec un peu de lait.
Un article paru dans un journal local va lui faire gagner la confiance des commerçants. Intitulé « El angel del Norte » (l’ange du quartier Nord) l’article conclut : « S’il y avait plus d’Albeiro sur la terre... les nouvelles dans les journaux seraient bien différentes. »
Pris par l’ampleur de la tâche, Albeiro fait appel à ses deux sœurs et à une cousine. Puis aux gamins du quartier : une douzaine d’entre eux acceptent de l’aider, pour rien. Avec lui, ceux que l’on appellera « les Anges Gardiens », apportent dans les hauts-quartiers, nourriture et tendresse aux paralytiques et aux malades.
Un deuxième article, publié dans un journal de Bogota va, cette fois, lui amener... la télévision française. Diffusé le 26 octobre 91, dans le cadre du magazine « Reportage » d’Henri Chambon sur TF1, ce reportage suscite un élan formidable : des centaines de téléspectateurs envoient du courrier et des chèques. Un deuxième reportage de Patrick Sabatier, sur « Tous à la Une », le 22 décembre 91, bouleverse encore une fois le public français.
L’itinéraire d’Albeiro est très lié à celui d’un autre Colombien : le célèbre matador César Rincon... même s’ils ne se connaissent pas encore ! Après Madrid, le 17 août 91, le matador triomphe aux arènes de Bayonne. Invité par l’aficionado Patrick Beuglot (1) à une conférence de presse au Forum du Mercure, César Rincon parle avec un peu de tristesse de la mauvaise image de marque – drogue, violence... – de son pays. « La Colombie, c’est aussi, rectifie-t-il, des honnêtes gens qui travaillent et se battent pour leur famille sans compter leurs efforts, et qui n’aspirent qu’à la paix. »
Patrick Beuglot propose à ses amis de donner une suite aux propos du matador et tous sont d’accord pour organiser une petite campagne entre aficionados au profit d’une œuvre colombienne.
Un coin de Colombie
Le 26 octobre 91, après avoir vu le reportage sur Albeiro Vargas, Patrick Beuglot comprend que c’est avec et pour cet enfant qu’il faut agir. Le 17 décembre 1991, naît l’Association « Un coin de Colombie » (2). De cette succession de circonstances et de rencontres, sans lien apparent entre elles, vont naître des liens très forts entre la Colombie et la France.
Mardi 2 juin 98, Palais de l’Europe à Strasbourg. Patrick Beuglot, président de « Un coin de Colombie » reçoit, au nom de l’Association, le prix Albert Schweitzer. Institué par la Fondation Johann Wolfgang von Goethe, de Bâle, ce prix récompense une œuvre qui travaille dans l’esprit du docteur Schweitzer.
En fait, « Un coin de Colombie » a permis de démultiplier l’action d’Albeiro, lui-même continuant à agir auprès des abuelitos de Bucaramanga. Suite à la première campagne de l’Association, le 4 avril 1992, au théâtre de Bayonne, un chèque est remis à César Rincon qui, à son tour, le remet à l’enfant. Beaucoup d’autres suivront.
De son côté, Albeiro organise des fêtes, des tombolas, des bingos dans le quartier pour récolter un peu d’argent. Et, au jour le jour, il inscrit sa comptabilité sur un cahier d’écolier. En avril 92, il s’occupe de 30 vieillards mais il reçoit en permanence des demandes d’aide qu’il examine une à une, essayant de répondre aux situations les plus dramatiques...
Un coin de France
L’achat d’une veille maison délabrée dans le quartier, donne naissance à « la Maison des souvenirs », inaugurée en juillet 1993 : elle offre un accueil de jour à une soixantaine d’abuelitos, qui viennent y prendre les repas et suivre les activités organisées. Agrandie en 1995, elle accueille aujourd’hui 90 personnes.
De janvier à mars 94, la première partie du centre « Un coin de France » est construite dans le cadre du chantier jeune, réalisé par la Mission locale de Bayonne. Pendant deux mois, douze jeunes de la Côte Basque et douze jeunes Colombiens, en formation professionnelle, ont mis toutes leurs énergies pour réaliser cette construction.
Le centre héberge à présent une trentaine de vieillards dont une douzaine, au deuxième étage, sont placés par leur famille qui paie une pension. Au premier étage : les abuelitos sans aucune ressource.
Pour seconder les six employés salariés qui travaillent dans les deux centres, une vingtaine d’« anges gardiens », recrutés par Albeiro. Les « anges gardiens » ne reçoivent pas de rétribution en échange de leur aide, mais ils sont pris en charge pour la nourriture, l’habillement et les soins de santé. Et Albeiro finance également leur scolarité à laquelle il attache beaucoup d’importance.
Sa comptabilité sur cahier d’écolier est devenue à présent une comptabilité d’entreprise, gérée sur informatique par des comptables professionnels bénévoles, sous le contrôle d’un juriste, commissaire aux comptes.
Impossible de citer toutes les actions menées, contre vents et marées, par l’Association « Un coin de Colombie ». « Dire que les miracles se sont succédés, c’est aller un peu vite en besogne résume Patrick Beuglot. A chaque fois, il a fallu expliquer, démontrer. Le miracle est d’avoir eu la force et les mots pour convaincre. »
Impossible de dénombrer tous les liens suscités par cette action entre les deux pays : séjours de délégués de l’Association auprès d’Albeiro ; jumelage des enfants d’un foyer de Lons-le-Saulnier avec les « anges gardiens » ; correspondance des adultes avec les abuelitos qu’ils parrainent (30 FF par mois pour améliorer le quotidien) : « Avec l’aide d’Albeiro, les abuelitos répondent ! » ; collaborations d’enfants des écoles : Saint-Palais, Saint-Jean de Luz, Pau, Toulouse, Evreux... Sans compter les subventions – Lions Club... – et les opérations montées ici ou là : par exemple, par un organisme de gestion de Franche-Comté auprès de ses adhérents.
Impossible de réaliser à quel point la vie d’Albeiro a été « moteur » pour d’autres : des jeunes, par exemple, ont commencé à aller visiter des personnes âgées hospitalisées. A Bucaramanga, des jeunes des écoles et des collèges viennent offrir des animations et des moments de joie aux abuelitos.
La présence de César Rincon, aux côtés d’Albeiro a été fondamentale, d’autant que c’est de lui aussi qu’est partie cette action de France. Enfin, depuis 1997, le célèbre groupe vocal corse « I muvrini » a accepté de parrainer « Un coin de Colombie » et de porter l’image de l’Association liée à l’œuvre d’Albeiro.
Depuis 1991, Albeiro Vargas est venu plusieurs fois en France. Simplement, comme à ses débuts, il témoigne et conquiert... surtout par sa vie. Demain ? Il veut être avocat, pour continuer à donner sa vie pour son peuple.
Anne Bazalgette
(1) Patrick Beuglot est aficionado (amateur de courses de taureaux) depuis trente ans. Archiviste et photographe taurin (non-professionnel), il est responsable d’un programme taurin hebdomadaire radiodiffusé depuis 89 sur Anglet F.M.
(2) Association « Un coin de Colombie », 42 rue de l’Océan 62400 Biarritz. Tél. 05 59 59 82 60 - Fax 05 59 25 65 44
http://www.saintantoine.org/messaggero/pagina_articolo.asp?R=Foi+et+t%E9moignage&ID=58
Depuis 1997, I Muvrini soutient avec affection, l’œuvre magnifique d’Albeiro Vargas, ce jeune Colombien qui sauve « les Abuelitos de la calle », ces petits vieux que le misère a jetés, seuls, abandonnés dans la rue. Depuis l’âge de six ans, Albeiro a ramené le sourire de la vie, et la dignité, sur des centaines de ces pauvres visages.
« DES VOIX… POUR ALBEIRO VARGAS »
UN EMAIL, UN COURRIER,
POUR DES VIES SAUVEES,
DES DIGNITES RETROUVEES…
LA-BAS, DANS LES RUES DE COLOMBIE
www.voixpouralbeiro.com
http://www.fundacionalbeirovargas.org/ns_ciudadbonita.php]b
http://perso.wanadoo.fr/sintineddi/da_colombie.htm
1999 : LA FINCA « UN RINCON DE FRANCIA »
Fin 1997, il arriva un de ces miracles que ne peuvent vivre que ceux qui ont la conviction, ceux que rien ne peut arrêter dans la mission qu’ils se sont fixée. Albeiro est de ceux-là…
A quelques centaines de mètres de la Casa de los Recuerdos, mais en limite du quartier et, bien protégée par des bâtiments publics voisins, qui sont gardés jour et nuit… une finca ! une propriété, pleine de verdure et de fraîcheur. Elle est vide, fermée, parce que son riche propriétaire ne peut y vivre, à cause de l’insécurité.
Cet homme est âgé, et quand Albeiro va le voir, il comprend bien son œuvre et son projet.
Dans un premier temps, il demande une forte somme, mais, peu à peu, le charisme, la conviction d’Albeiro et la réalité de l’oeuvre accomplie vont émouvoir le vieil homme. Il finira par céder sa propriété… en échange du « Coin de France », où il pense installer un foyer pour « los gamines de las calles », les gosses des rues.
C’est ainsi qu’est né le nouveau « Coin de France »
Albeiro, bien sûr, redoubla d’énergie et parvint à obtenir une subvention officielle, qui lui permit de « remodeler » le propriété, en fonction des activités à y développer. (Cette subvention ne tombait pas du ciel. En fait, elle était la reconnaissance d’une mission qu’Albeiro avait pris en charge, deux ans durant : gérer entièrement la distribution de matériel et denrées « de premier secours » à 3000 familles pauvres de Bucaramanga)
Peu à peu, la grande ferme devint un vrai centre de vie pour personnes âgées. Les bâtiments furent reconstruits, réhabilités. On installa une grande salle, des dortoirs spacieux, des cuisines, des ateliers, le tout relié par des galeries ombragées. Tout autour, la verdure, la paix, la sécurité. Les Abuelitos y viendraient le jour, et regagneraient leur « ranchitos », le soir. Mais il y aurait place pour trente d’entre eux, malades ou dépourvus de tout.
Mais, à l’habitude, Albeiro pense aux activités qui valorisent l’ancien, et aident au fonctionnement de la structure. Certes, il reçoit l’aide de la France, mais, pour combien de temps encore ? Certes, l’Etat Colombien lui alloue quelque subvention, comme à d’autres foyers dits « de charité »… mais tellement insuffisantes, vu les terribles situations rencontrées.
Donc, on fait l’état des lieux…L’imagination, l’intelligence et l’énergie font le reste. Comme un vrai chef d’entreprise, Albeiro crée, calcule, prévoit, et agit.
La propriété comporte des dépendances où l’on pourra faire de l’élevage, et une grande surface libre où l’on fera de l’agriculture vivrière. Les petits vieux viennent tous d’un milieu agricole. Ils ont tous travaillé la terre. Ils seront donc heureux de revenir à leurs premières activités, à leur rythme, et selon leur volonté. De plus, ils pourront « enseigner la terre » aux petits anges gardiens, ce qui resserrera encore ces liens « inter générations ».
On fera de l’élevage de poulets, de lapins, et de cochons. Il y a une installation pour faire de la pisciculture. On verra plus tard.
Le jardin fournira une grande partie de la nourriture, que l’on complétera par les marchés du samedi, et l’achat du reste.
On pourra vendre une partie des produits de la Finca. Certes, cela ne rapportera pas beaucoup, aussi, il faut trouver d’autres activités… C’est ainsi que son nés les "ateliers occupationnels"
« Le travail, c’est la santé », disait le chanteur… Albeiro propose aux abuelitos de travailler, et de participer au fonctionnement de leur centre de vie. Et l’on s’aperçoit que cela marche ! Ils travaillent, ils ses sentent utiles, et ils revivent…
Deux actions principales sont mis en place :
L’opération « Galleteros », les distributeurs de biscuits
L’atelier de récupération et recyclage du papier administratif usager…
Les « Galleteros » : Très simple ! Une planchette vernie, où est collé un bocal de verre, dans lequel on a entreposé des petits biscuits sablés, achetés en vrac et mis sous sachet plastique par les abuelitos. A côté du bocal, une petite tirelire de bois et cette inscription : « Pour les Abuelitos de la Fondation Albeiro Vargas. 200 Pesos. Merci ».
Près de 200 de ces « distributeurs de biscuits » ont été installés dans les commerces, les banques, en tous lieux publics où l’on va, à un moment, faire une pause café. Ceux qui veulent grignoter quelque chose en buvant leur tinto, mettent volontiers 200 pesos, et prennent un sachet. Trois fois par semaine, on réapprovisionne les « galleteros », et on vide les tirelires… Les Abuelitos travaillent et sont tenus au courant de la progression du chiffre d’affaires. Simple et efficace.
Le recyclage du papier : Un travail beaucoup plus élaboré. C’est un véritable atelier, avec du matériel acheté grâce à la subvention allouée en 2000, par la Ville de Fontarabie, (en Pays Basque Espagnol) et son maire, auquel Albeiro avait présenté son projet.
Ce projet était simple : Des tonnes de papier sont jetées, chaque jour, dans les poubelles de milliers de bureaux, de commerces … Il s’agit de les récupérer, les recycler et les transformer en cartes de vœux, d’anniversaire ou d’invitation, conçues et décorées par les abuelitos.
Depuis un an, ces activités aident au fonctionnement du centre, et si l’on sait bien que ces ateliers ne mèneront jamais à une totale autonomie financière de l’œuvre d’Albeiro, ils sont cependant d’une importance primordiale car ils valorisent les personnes âgées, et leurs réalisations. Ils prouvent au monde extérieur, qu’elles sont encore capables de mener à bien des tâches au bénéfice de la Communauté. Les abuelitos mettent tout leur cœur à travailler, certes à leur rythme, mais heureux d’être actifs et dignes. Ils revivent.
Albeiro ne manque aucune occasion de promouvoir cette méthode, et ses résultats. Et pour bien souligner que l’on ne va pas « exploiter » les Abuelitos, Albeiro rémunère le travail.
Cependant, un problème se posait, et le jeune directeur y a trouvé solution. A son habitude : réflexion, imagination, action…
Comme il avait « une double crainte » s’il les payait en pesos, il a créé une monnaie qui ne circule et n’a cours qu’à l’intérieur de la Finca. Le petit vieux est payé, et lorsqu’il a un besoin matériel précis, Albeiro échange ses gains, à parité avec la monnaie nationale. Ainsi, ses craintes sont effacées : La première étant que l’abuelito aille tout dépenser, tel un enfant. La seconde, que sa propre famille vienne lui dérober ses gains… Un exemple de plus de la créativité bienfaitrice d’Albeiro Vargas.
La Finca, ce nouveau « Coin de France », est aujourd’hui un havre de paix et de douceur de vivre, qui accueille près de 140 personnes, chaque jour. A sa tête, un jeune hommes et une petite équipe de six employés qu’appuie un groupe d’une douzaine de petits Angeles Custodios. La propreté et la sécurité règnent sur cette petite « République d’Amour », ouverte à tous. En effet, Albeiro invite le public à visiter le centre, en particulier le dimanche, à l’occasion de la messe. Double objectif : permettre, encore une fois, aux abuelitos d’être entourés et valorisés ; puis, démontrer à tous, « qu’avec très peu », on peut faire de grandes choses. Et, afin de bien conforter cette idée, dans les esprits de « La Colombie de demain… », Albeiro multiplie les rencontres et les actions « inter générations », avec la jeunesse de Bucaramanga : Des gamins du quartier, aux enfants des collèges, et aux jeunes des universités.
Telle est la réalité d’une œuvre qui a commencé lorsqu’un gosse de six ans se mit à donner la main à quelque papi, perdu dans quelque mauvais sentier.
Telle est l’histoire d’Albeiro Vargas, qui, aujourd’hui, de par son expérience et sa formation, a vocation de porter plus loin des méthodes qui réussissent à "rendre la vie" à ceux que tout espoir avait fui.
Une histoire qui, grâce à vous, peut-être, ne fait que commencer…
N’hésitez pas à consulter le site de cette action humanitaire, qui ne vous demande pas d’argent, mais seulement votre cœur… et votre voix.
Voyez, agissez et parlez-en autour de vous. Merci
Les Garibaldiens
Le 26 octobre 1991, le magazine de TF1 « Reportages », révélait aux Français Albeiro Vargas, un enfant de douze ans qui, dans le quartier Nord de Bucaramanga, en Colombie, apportait amour, soins, nourriture... à des vieillards abandonnés. Deux mois plus tard naissait l’association « Un coin de Colombie ».
Avec son million d’habitants, Bucaramanga est la cinquième ville de Colombie. C’est une ville moderne située sur un plateau, à 1000 m d’altitude mais, dans les contreforts de ce plateau, des quartiers entiers, constitués de cabanes en carton et en tôle, s’accrochent aux pentes abruptes. C’est là, dans le quartier Nord – où vivent 300 000 personnes – que naît, le 7 juin 1979, Albeiro Vargas, cadet d’une famille de huit enfants. Son père travaille dans le bâtiment, sa mère comme aide-soignante. De retour chez elle, on l’appelle souvent pour soigner des malades, des blessés et Albeiro la suit partout.
Dans ces quartiers insalubres et pauvres, chacun, des enfants aux vieillards, doit participer à la survie de la famille. Ceux qui ne peuvent pas ou plus travailler, sont quelquefois mis dehors ou abandonnés dans un coin.
L’ange du quartier Nord
Albeiro a commencé à s’occuper des abuelitos (vieillards) de son quartier après la mort de son grand-père. Deux ans plus tard – il a alors huit ans –, bouleversé par sa rencontre avec une femme de 108 ans, il va frapper aux portes pour quémander de la nourriture pour elle. Conscient de la situation dramatique de beaucoup de ces abuelitos, il décide de continuer.
Chaque jour, à cinq heures du matin, il leur porte le tinto (le café), puis il va à l’école jusqu’à midi (les horaires de classe en Colombie). A la sortie des cours, il part en ville et, dans les magasins, demande de quoi manger pour ses vieillards. Si beaucoup de commerçants ne le croient pas, une boulangère lui fait confiance – demeurée fidèle aujourd’hui – et lui donne un sac de pain qu’il distribue à ses amis avec un peu de lait.
Un article paru dans un journal local va lui faire gagner la confiance des commerçants. Intitulé « El angel del Norte » (l’ange du quartier Nord) l’article conclut : « S’il y avait plus d’Albeiro sur la terre... les nouvelles dans les journaux seraient bien différentes. »
Pris par l’ampleur de la tâche, Albeiro fait appel à ses deux sœurs et à une cousine. Puis aux gamins du quartier : une douzaine d’entre eux acceptent de l’aider, pour rien. Avec lui, ceux que l’on appellera « les Anges Gardiens », apportent dans les hauts-quartiers, nourriture et tendresse aux paralytiques et aux malades.
Un deuxième article, publié dans un journal de Bogota va, cette fois, lui amener... la télévision française. Diffusé le 26 octobre 91, dans le cadre du magazine « Reportage » d’Henri Chambon sur TF1, ce reportage suscite un élan formidable : des centaines de téléspectateurs envoient du courrier et des chèques. Un deuxième reportage de Patrick Sabatier, sur « Tous à la Une », le 22 décembre 91, bouleverse encore une fois le public français.
L’itinéraire d’Albeiro est très lié à celui d’un autre Colombien : le célèbre matador César Rincon... même s’ils ne se connaissent pas encore ! Après Madrid, le 17 août 91, le matador triomphe aux arènes de Bayonne. Invité par l’aficionado Patrick Beuglot (1) à une conférence de presse au Forum du Mercure, César Rincon parle avec un peu de tristesse de la mauvaise image de marque – drogue, violence... – de son pays. « La Colombie, c’est aussi, rectifie-t-il, des honnêtes gens qui travaillent et se battent pour leur famille sans compter leurs efforts, et qui n’aspirent qu’à la paix. »
Patrick Beuglot propose à ses amis de donner une suite aux propos du matador et tous sont d’accord pour organiser une petite campagne entre aficionados au profit d’une œuvre colombienne.
Un coin de Colombie
Le 26 octobre 91, après avoir vu le reportage sur Albeiro Vargas, Patrick Beuglot comprend que c’est avec et pour cet enfant qu’il faut agir. Le 17 décembre 1991, naît l’Association « Un coin de Colombie » (2). De cette succession de circonstances et de rencontres, sans lien apparent entre elles, vont naître des liens très forts entre la Colombie et la France.
Mardi 2 juin 98, Palais de l’Europe à Strasbourg. Patrick Beuglot, président de « Un coin de Colombie » reçoit, au nom de l’Association, le prix Albert Schweitzer. Institué par la Fondation Johann Wolfgang von Goethe, de Bâle, ce prix récompense une œuvre qui travaille dans l’esprit du docteur Schweitzer.
En fait, « Un coin de Colombie » a permis de démultiplier l’action d’Albeiro, lui-même continuant à agir auprès des abuelitos de Bucaramanga. Suite à la première campagne de l’Association, le 4 avril 1992, au théâtre de Bayonne, un chèque est remis à César Rincon qui, à son tour, le remet à l’enfant. Beaucoup d’autres suivront.
De son côté, Albeiro organise des fêtes, des tombolas, des bingos dans le quartier pour récolter un peu d’argent. Et, au jour le jour, il inscrit sa comptabilité sur un cahier d’écolier. En avril 92, il s’occupe de 30 vieillards mais il reçoit en permanence des demandes d’aide qu’il examine une à une, essayant de répondre aux situations les plus dramatiques...
Un coin de France
L’achat d’une veille maison délabrée dans le quartier, donne naissance à « la Maison des souvenirs », inaugurée en juillet 1993 : elle offre un accueil de jour à une soixantaine d’abuelitos, qui viennent y prendre les repas et suivre les activités organisées. Agrandie en 1995, elle accueille aujourd’hui 90 personnes.
De janvier à mars 94, la première partie du centre « Un coin de France » est construite dans le cadre du chantier jeune, réalisé par la Mission locale de Bayonne. Pendant deux mois, douze jeunes de la Côte Basque et douze jeunes Colombiens, en formation professionnelle, ont mis toutes leurs énergies pour réaliser cette construction.
Le centre héberge à présent une trentaine de vieillards dont une douzaine, au deuxième étage, sont placés par leur famille qui paie une pension. Au premier étage : les abuelitos sans aucune ressource.
Pour seconder les six employés salariés qui travaillent dans les deux centres, une vingtaine d’« anges gardiens », recrutés par Albeiro. Les « anges gardiens » ne reçoivent pas de rétribution en échange de leur aide, mais ils sont pris en charge pour la nourriture, l’habillement et les soins de santé. Et Albeiro finance également leur scolarité à laquelle il attache beaucoup d’importance.
Sa comptabilité sur cahier d’écolier est devenue à présent une comptabilité d’entreprise, gérée sur informatique par des comptables professionnels bénévoles, sous le contrôle d’un juriste, commissaire aux comptes.
Impossible de citer toutes les actions menées, contre vents et marées, par l’Association « Un coin de Colombie ». « Dire que les miracles se sont succédés, c’est aller un peu vite en besogne résume Patrick Beuglot. A chaque fois, il a fallu expliquer, démontrer. Le miracle est d’avoir eu la force et les mots pour convaincre. »
Impossible de dénombrer tous les liens suscités par cette action entre les deux pays : séjours de délégués de l’Association auprès d’Albeiro ; jumelage des enfants d’un foyer de Lons-le-Saulnier avec les « anges gardiens » ; correspondance des adultes avec les abuelitos qu’ils parrainent (30 FF par mois pour améliorer le quotidien) : « Avec l’aide d’Albeiro, les abuelitos répondent ! » ; collaborations d’enfants des écoles : Saint-Palais, Saint-Jean de Luz, Pau, Toulouse, Evreux... Sans compter les subventions – Lions Club... – et les opérations montées ici ou là : par exemple, par un organisme de gestion de Franche-Comté auprès de ses adhérents.
Impossible de réaliser à quel point la vie d’Albeiro a été « moteur » pour d’autres : des jeunes, par exemple, ont commencé à aller visiter des personnes âgées hospitalisées. A Bucaramanga, des jeunes des écoles et des collèges viennent offrir des animations et des moments de joie aux abuelitos.
La présence de César Rincon, aux côtés d’Albeiro a été fondamentale, d’autant que c’est de lui aussi qu’est partie cette action de France. Enfin, depuis 1997, le célèbre groupe vocal corse « I muvrini » a accepté de parrainer « Un coin de Colombie » et de porter l’image de l’Association liée à l’œuvre d’Albeiro.
Depuis 1991, Albeiro Vargas est venu plusieurs fois en France. Simplement, comme à ses débuts, il témoigne et conquiert... surtout par sa vie. Demain ? Il veut être avocat, pour continuer à donner sa vie pour son peuple.
Anne Bazalgette
(1) Patrick Beuglot est aficionado (amateur de courses de taureaux) depuis trente ans. Archiviste et photographe taurin (non-professionnel), il est responsable d’un programme taurin hebdomadaire radiodiffusé depuis 89 sur Anglet F.M.
(2) Association « Un coin de Colombie », 42 rue de l’Océan 62400 Biarritz. Tél. 05 59 59 82 60 - Fax 05 59 25 65 44
http://www.saintantoine.org/messaggero/pagina_articolo.asp?R=Foi+et+t%E9moignage&ID=58
Depuis 1997, I Muvrini soutient avec affection, l’œuvre magnifique d’Albeiro Vargas, ce jeune Colombien qui sauve « les Abuelitos de la calle », ces petits vieux que le misère a jetés, seuls, abandonnés dans la rue. Depuis l’âge de six ans, Albeiro a ramené le sourire de la vie, et la dignité, sur des centaines de ces pauvres visages.
« DES VOIX… POUR ALBEIRO VARGAS »
UN EMAIL, UN COURRIER,
POUR DES VIES SAUVEES,
DES DIGNITES RETROUVEES…
LA-BAS, DANS LES RUES DE COLOMBIE
www.voixpouralbeiro.com
http://www.fundacionalbeirovargas.org/ns_ciudadbonita.php]b
http://perso.wanadoo.fr/sintineddi/da_colombie.htm
1999 : LA FINCA « UN RINCON DE FRANCIA »
Fin 1997, il arriva un de ces miracles que ne peuvent vivre que ceux qui ont la conviction, ceux que rien ne peut arrêter dans la mission qu’ils se sont fixée. Albeiro est de ceux-là…
A quelques centaines de mètres de la Casa de los Recuerdos, mais en limite du quartier et, bien protégée par des bâtiments publics voisins, qui sont gardés jour et nuit… une finca ! une propriété, pleine de verdure et de fraîcheur. Elle est vide, fermée, parce que son riche propriétaire ne peut y vivre, à cause de l’insécurité.
Cet homme est âgé, et quand Albeiro va le voir, il comprend bien son œuvre et son projet.
Dans un premier temps, il demande une forte somme, mais, peu à peu, le charisme, la conviction d’Albeiro et la réalité de l’oeuvre accomplie vont émouvoir le vieil homme. Il finira par céder sa propriété… en échange du « Coin de France », où il pense installer un foyer pour « los gamines de las calles », les gosses des rues.
C’est ainsi qu’est né le nouveau « Coin de France »
Albeiro, bien sûr, redoubla d’énergie et parvint à obtenir une subvention officielle, qui lui permit de « remodeler » le propriété, en fonction des activités à y développer. (Cette subvention ne tombait pas du ciel. En fait, elle était la reconnaissance d’une mission qu’Albeiro avait pris en charge, deux ans durant : gérer entièrement la distribution de matériel et denrées « de premier secours » à 3000 familles pauvres de Bucaramanga)
Peu à peu, la grande ferme devint un vrai centre de vie pour personnes âgées. Les bâtiments furent reconstruits, réhabilités. On installa une grande salle, des dortoirs spacieux, des cuisines, des ateliers, le tout relié par des galeries ombragées. Tout autour, la verdure, la paix, la sécurité. Les Abuelitos y viendraient le jour, et regagneraient leur « ranchitos », le soir. Mais il y aurait place pour trente d’entre eux, malades ou dépourvus de tout.
Mais, à l’habitude, Albeiro pense aux activités qui valorisent l’ancien, et aident au fonctionnement de la structure. Certes, il reçoit l’aide de la France, mais, pour combien de temps encore ? Certes, l’Etat Colombien lui alloue quelque subvention, comme à d’autres foyers dits « de charité »… mais tellement insuffisantes, vu les terribles situations rencontrées.
Donc, on fait l’état des lieux…L’imagination, l’intelligence et l’énergie font le reste. Comme un vrai chef d’entreprise, Albeiro crée, calcule, prévoit, et agit.
La propriété comporte des dépendances où l’on pourra faire de l’élevage, et une grande surface libre où l’on fera de l’agriculture vivrière. Les petits vieux viennent tous d’un milieu agricole. Ils ont tous travaillé la terre. Ils seront donc heureux de revenir à leurs premières activités, à leur rythme, et selon leur volonté. De plus, ils pourront « enseigner la terre » aux petits anges gardiens, ce qui resserrera encore ces liens « inter générations ».
On fera de l’élevage de poulets, de lapins, et de cochons. Il y a une installation pour faire de la pisciculture. On verra plus tard.
Le jardin fournira une grande partie de la nourriture, que l’on complétera par les marchés du samedi, et l’achat du reste.
On pourra vendre une partie des produits de la Finca. Certes, cela ne rapportera pas beaucoup, aussi, il faut trouver d’autres activités… C’est ainsi que son nés les "ateliers occupationnels"
« Le travail, c’est la santé », disait le chanteur… Albeiro propose aux abuelitos de travailler, et de participer au fonctionnement de leur centre de vie. Et l’on s’aperçoit que cela marche ! Ils travaillent, ils ses sentent utiles, et ils revivent…
Deux actions principales sont mis en place :
L’opération « Galleteros », les distributeurs de biscuits
L’atelier de récupération et recyclage du papier administratif usager…
Les « Galleteros » : Très simple ! Une planchette vernie, où est collé un bocal de verre, dans lequel on a entreposé des petits biscuits sablés, achetés en vrac et mis sous sachet plastique par les abuelitos. A côté du bocal, une petite tirelire de bois et cette inscription : « Pour les Abuelitos de la Fondation Albeiro Vargas. 200 Pesos. Merci ».
Près de 200 de ces « distributeurs de biscuits » ont été installés dans les commerces, les banques, en tous lieux publics où l’on va, à un moment, faire une pause café. Ceux qui veulent grignoter quelque chose en buvant leur tinto, mettent volontiers 200 pesos, et prennent un sachet. Trois fois par semaine, on réapprovisionne les « galleteros », et on vide les tirelires… Les Abuelitos travaillent et sont tenus au courant de la progression du chiffre d’affaires. Simple et efficace.
Le recyclage du papier : Un travail beaucoup plus élaboré. C’est un véritable atelier, avec du matériel acheté grâce à la subvention allouée en 2000, par la Ville de Fontarabie, (en Pays Basque Espagnol) et son maire, auquel Albeiro avait présenté son projet.
Ce projet était simple : Des tonnes de papier sont jetées, chaque jour, dans les poubelles de milliers de bureaux, de commerces … Il s’agit de les récupérer, les recycler et les transformer en cartes de vœux, d’anniversaire ou d’invitation, conçues et décorées par les abuelitos.
Depuis un an, ces activités aident au fonctionnement du centre, et si l’on sait bien que ces ateliers ne mèneront jamais à une totale autonomie financière de l’œuvre d’Albeiro, ils sont cependant d’une importance primordiale car ils valorisent les personnes âgées, et leurs réalisations. Ils prouvent au monde extérieur, qu’elles sont encore capables de mener à bien des tâches au bénéfice de la Communauté. Les abuelitos mettent tout leur cœur à travailler, certes à leur rythme, mais heureux d’être actifs et dignes. Ils revivent.
Albeiro ne manque aucune occasion de promouvoir cette méthode, et ses résultats. Et pour bien souligner que l’on ne va pas « exploiter » les Abuelitos, Albeiro rémunère le travail.
Cependant, un problème se posait, et le jeune directeur y a trouvé solution. A son habitude : réflexion, imagination, action…
Comme il avait « une double crainte » s’il les payait en pesos, il a créé une monnaie qui ne circule et n’a cours qu’à l’intérieur de la Finca. Le petit vieux est payé, et lorsqu’il a un besoin matériel précis, Albeiro échange ses gains, à parité avec la monnaie nationale. Ainsi, ses craintes sont effacées : La première étant que l’abuelito aille tout dépenser, tel un enfant. La seconde, que sa propre famille vienne lui dérober ses gains… Un exemple de plus de la créativité bienfaitrice d’Albeiro Vargas.
La Finca, ce nouveau « Coin de France », est aujourd’hui un havre de paix et de douceur de vivre, qui accueille près de 140 personnes, chaque jour. A sa tête, un jeune hommes et une petite équipe de six employés qu’appuie un groupe d’une douzaine de petits Angeles Custodios. La propreté et la sécurité règnent sur cette petite « République d’Amour », ouverte à tous. En effet, Albeiro invite le public à visiter le centre, en particulier le dimanche, à l’occasion de la messe. Double objectif : permettre, encore une fois, aux abuelitos d’être entourés et valorisés ; puis, démontrer à tous, « qu’avec très peu », on peut faire de grandes choses. Et, afin de bien conforter cette idée, dans les esprits de « La Colombie de demain… », Albeiro multiplie les rencontres et les actions « inter générations », avec la jeunesse de Bucaramanga : Des gamins du quartier, aux enfants des collèges, et aux jeunes des universités.
Telle est la réalité d’une œuvre qui a commencé lorsqu’un gosse de six ans se mit à donner la main à quelque papi, perdu dans quelque mauvais sentier.
Telle est l’histoire d’Albeiro Vargas, qui, aujourd’hui, de par son expérience et sa formation, a vocation de porter plus loin des méthodes qui réussissent à "rendre la vie" à ceux que tout espoir avait fui.
Une histoire qui, grâce à vous, peut-être, ne fait que commencer…
N’hésitez pas à consulter le site de cette action humanitaire, qui ne vous demande pas d’argent, mais seulement votre cœur… et votre voix.
Voyez, agissez et parlez-en autour de vous. Merci
Les Garibaldiens