II faut choisir : ça dure ou ça brûle ; le drame, c'est que ça ne puisse pas à la fois durer et brûler. Albert Camus
FLASH-INFO pour ne pas perdre le PHIL
Lundi 12 Février 2018Régis Debray, à travers son dernier ouvrage Le nouveau pouvoir, nous prouve qu'il existe encore des contre-pouvoirs à l'avènement de la philosophie du milieu... Que cache le phénomène de l'ascension si fulgurante d'Emmanuel Macron ?
La promesse de ce livre était séduisante : comprendre le phénomène Macron à travers le spectre de l’avènement du néo-protestantisme.
Mais, si la verve érudite de Régis Debray est là pour nous arracher quelques sourires, à aucun moment est clairement défini ce qu’est le néo-protestantisme. D’ailleurs, à la fin du livre, on a plutôt l’impression qu’il s’agit davantage d’un règlement de comptes avec Paul Ricœur qu’avec le néo-protestantisme… Une raillerie de la philosophie du milieu qui refuserait les contradictions.
Régis Debray s’amuse plutôt à nous décrire le néo-protestantisme à coups de clichés. Il se moque de la nouvelle évangélisation de l’esprit faussement cool des start-up et de la bienveillance. Il voit derrière le néo-protestantisme l’esprit de la mondialisation, de la culture dominante anglo-saxonne protestante, une uniformisation du monde. Cette culture anglo-saxonne engendrerait l’individualisme, la baisse de l’importance du politique avec une approche managériale du traitement des sujets politiques, ainsi que l’obsession de la transparence. Selon lui, la transparence est un phénomène protestant ! « Les pays issus de la Réforme ont un avantage sur leurs voisins, plus arriérés : ils ne mettent pas de volets aux fenêtres. La vertu cultive les maisons de verre, le vice, les maisons closes (les prostituées à Amsterdam sont en vitrine) ».
« Nous étions en France catho-laïques. Pouvons-nous troquer sans regret la virtù contre la vertu ? That is the question ». La nuance entre virtù et vertu est importante. Le mot latin virtus signifie force, courage, il dérive de vir, homme. La vertu impose au contraire une vision du bien plus totalitaire. La virtù au sens de la Rome antique reflète plutôt la volonté de puissance de Nietzsche, la contradiction entre Apollon et Dionysos, l’ordre contre le chaos. Or la vertu au sens protestant embrasse l’ordre harmonieux d’Apollon, en niant les forces souterraines de Dionysos. Dans la vertu, nous n’avons plus de dialectique, une dynamique de la positivité de la négativité. C’est une autre vision du désir, qui n’a plus le droit de manquer sa cible. « Quand le wishful thinking en vient à gommer l’irréductible des rapports de force en ce bas monde, n’est-ce pas courir le risque de survoler une jungle en ignorant la loi de la pesanteur ? ». Vaste débat…
Il est vrai que la désintermédiation numérique a en apparence allégé la loi de la pesanteur… Mais, peut-on pour autant affirmer que le néo-protestantisme est à l’origine de la désintermédiation numérique et qu’il « abolit les hiérarchies ». « Le client est roi, et non plus Dieu ».
Cette victoire de l’homo economicus sur l’homme politique qui l’avait auparavant remporté sur l’homme religieux, irrite Régis Debray. L’histoire collective a disparu et est remplacée par des visions court-termistes comme le monde des start-up et de la disruption. Selon lui, Emmanuel Macron est un « homme qui veut rechercher une profondeur de temps, mais son milieu ne peut que l’en empêcher ». Parce que son maître à penser est Paul Ricœur, un philosophe du milieu. On se doute que le « juste milieu » ne s’ajuste pas du tout avec la personnalité de Régis Debray.
Mais, faut-il une mythologie, des symboles pour échapper à l’individualisme comme le pense Régis Debray ? Paul Ricœur verrait-il ce besoin de mythologie comme un abus de mémoire, une mémoire manipulée ? C’est une vision narrative et sélective d’un récit, plus proche de la virtù romaine que la vertu du juste milieu.
« Un vivre ensemble sans rien qui dépasse ». Régis Debray a des intuitions fulgurantes, probablement visionnaires, mais qui méritent d’être davantage explicitées pour gagner en crédibilité. Sa dénonciation de la transparence a cependant du sens concernant la protection des données personnelles. Les personnes désireuses de protéger leurs données personnelles n’ont pas forcément des choses à cacher… Pour vivre heureux, ne dit-on pas qu’il faut vivre caché et cultiver son jardin secret ?
Alors conservons encore quelque peu des rideaux à nos fenêtres…
Mais, si la verve érudite de Régis Debray est là pour nous arracher quelques sourires, à aucun moment est clairement défini ce qu’est le néo-protestantisme. D’ailleurs, à la fin du livre, on a plutôt l’impression qu’il s’agit davantage d’un règlement de comptes avec Paul Ricœur qu’avec le néo-protestantisme… Une raillerie de la philosophie du milieu qui refuserait les contradictions.
Régis Debray s’amuse plutôt à nous décrire le néo-protestantisme à coups de clichés. Il se moque de la nouvelle évangélisation de l’esprit faussement cool des start-up et de la bienveillance. Il voit derrière le néo-protestantisme l’esprit de la mondialisation, de la culture dominante anglo-saxonne protestante, une uniformisation du monde. Cette culture anglo-saxonne engendrerait l’individualisme, la baisse de l’importance du politique avec une approche managériale du traitement des sujets politiques, ainsi que l’obsession de la transparence. Selon lui, la transparence est un phénomène protestant ! « Les pays issus de la Réforme ont un avantage sur leurs voisins, plus arriérés : ils ne mettent pas de volets aux fenêtres. La vertu cultive les maisons de verre, le vice, les maisons closes (les prostituées à Amsterdam sont en vitrine) ».
« Nous étions en France catho-laïques. Pouvons-nous troquer sans regret la virtù contre la vertu ? That is the question ». La nuance entre virtù et vertu est importante. Le mot latin virtus signifie force, courage, il dérive de vir, homme. La vertu impose au contraire une vision du bien plus totalitaire. La virtù au sens de la Rome antique reflète plutôt la volonté de puissance de Nietzsche, la contradiction entre Apollon et Dionysos, l’ordre contre le chaos. Or la vertu au sens protestant embrasse l’ordre harmonieux d’Apollon, en niant les forces souterraines de Dionysos. Dans la vertu, nous n’avons plus de dialectique, une dynamique de la positivité de la négativité. C’est une autre vision du désir, qui n’a plus le droit de manquer sa cible. « Quand le wishful thinking en vient à gommer l’irréductible des rapports de force en ce bas monde, n’est-ce pas courir le risque de survoler une jungle en ignorant la loi de la pesanteur ? ». Vaste débat…
Il est vrai que la désintermédiation numérique a en apparence allégé la loi de la pesanteur… Mais, peut-on pour autant affirmer que le néo-protestantisme est à l’origine de la désintermédiation numérique et qu’il « abolit les hiérarchies ». « Le client est roi, et non plus Dieu ».
Cette victoire de l’homo economicus sur l’homme politique qui l’avait auparavant remporté sur l’homme religieux, irrite Régis Debray. L’histoire collective a disparu et est remplacée par des visions court-termistes comme le monde des start-up et de la disruption. Selon lui, Emmanuel Macron est un « homme qui veut rechercher une profondeur de temps, mais son milieu ne peut que l’en empêcher ». Parce que son maître à penser est Paul Ricœur, un philosophe du milieu. On se doute que le « juste milieu » ne s’ajuste pas du tout avec la personnalité de Régis Debray.
Mais, faut-il une mythologie, des symboles pour échapper à l’individualisme comme le pense Régis Debray ? Paul Ricœur verrait-il ce besoin de mythologie comme un abus de mémoire, une mémoire manipulée ? C’est une vision narrative et sélective d’un récit, plus proche de la virtù romaine que la vertu du juste milieu.
« Un vivre ensemble sans rien qui dépasse ». Régis Debray a des intuitions fulgurantes, probablement visionnaires, mais qui méritent d’être davantage explicitées pour gagner en crédibilité. Sa dénonciation de la transparence a cependant du sens concernant la protection des données personnelles. Les personnes désireuses de protéger leurs données personnelles n’ont pas forcément des choses à cacher… Pour vivre heureux, ne dit-on pas qu’il faut vivre caché et cultiver son jardin secret ?
Alors conservons encore quelque peu des rideaux à nos fenêtres…
Rédigé par Marjorie Rafécas le Lundi 12 Février 2018 à 22:18
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Marjorie Rafécas
Passionnée de philosophie et des sciences humaines, je publie régulièrement des articles sur mon blog Philing Good, l'anti-burnout des idées (http://www.wmaker.net/philobalade), ainsi que sur La Cause Littéraire (https://www.lacauselitteraire.fr). Je suis également l'auteur de La revanche du cerveau droit co-écrit avec Ferial Furon (Editions du Dauphin, 2022), ainsi que d'un ouvrage très décalé Descartes n'était pas Vierge (2011), qui décrit les philosophes par leur signe astrologique.
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