M-FRANCE *****

21/01/2008


Mots à insérer
Pierre, poussiére, parfait, ironie, intense, erreur, énervé, rive, rêve, requin, rare, œuf, éclat.
Jokers
Rouge, mais, toujours.



La complainte de la statue

Ecoutez, braves gens, la triste histoire de celle qui se croyait pour toujours indestructible. Pleurez avec elle son rêve évanoui. Oyez, oyez…
Après des années de gloire, je me retrouve aujourd’hui, minable statue de pierre, abandonnée au fond d’un jardin. Le temps et les éléments se complaisent à me détruire, et bientôt je finirai comme les humains, poussière, alors que j’étais faite pour briller longtemps. Qui se souviendra de moi après cette génération ? Superbe œuvre d’art, d’une structure parfaite, je régnais sur la rive droite du lac. Mon socle, installé au milieu d’un parterre de roses rouges me permettait d’être le point de mire, on me voyait de loin et les touristes, les promeneurs du dimanche ne se lassaient pas de venir m’admirer, caresser mon grain de peau…Ma silhouette ne laissait personne indifférent, les hommes s’extasiaient sur la forme de mon buste, sur la fermeté de mes fesses, les femmes, elles m’enviaient. Je vivais des jours heureux. Vous souriez, incapables de concevoir qu’une sculpture puisse éprouver des sentiments, et pourtant….
Mais la vie n’est qu’ironie et mon créateur commit une grave erreur. Lui, si intelligent, si pur, si propre ne sut.résister à l’offre d’un de ces requins de la finance sans foi ni loi. Un homme riche à qui rien ne manquait, sauf moi, fut à l’origine de ma déchéance. Pour mon maître j’étais une œuvre d’art, rare mais sans valeur marchande, il n’avait nullement l’intention de se séparer de moi, quel que soit le prix offert. J’assistais à l’affrontement des deux antagonistes, les scènes se passaient en ma présence, sans aucun égard pour moi. Mon ami l’artiste savait bien, pourtant, que l’amour qui avait contribué à ma naissance m’avait donné une âme. Les excès de colère, les éclats de voix m’impressionnaient. Pourquoi se gêner pour moi, après tout, je n’étais qu’un objet inanimé. Après une dernière colère, énervé mais riche, mon sculpteur céda. On me déménagea et je me retrouvai reine d’un somptueux jardin. Le temps passa ; l’homme d’affaires, poursuivi pour des malversations se retrouva en prison. Je n’avais plus de visiteurs, je restais seule, brûlée par le soleil, égrainée par le vent et la pluie. Je perdais ma superbe. De nouveaux propriétaires achetèrent le domaine, je n’eus pas l’heur de leur plaire, Ils me cachèrent au fond du jardin et m’oublièrent.
Pauvre déesse délaissée, que me reste-t-il aujourd’hui ? Les oiseaux facétieux m’inondent de leurs fientes, ils creusent mes orbites avec leur bec pointu ; en automne les feuilles pourries me font un manteau de misère ; ma décrépitude s’accélère de saison en saison.
Si ce témoignage a éveillé votre curiosité et peut-être votre sympathie, rendez-moi une ultime visite et lorsque le moment de ma destruction, qui ne saurait tarder, sera venu, je m’écroulerai, digne, sans un cri.


Marie France pour le 21 janvier 2008.




Pascale Madame Martin-Debève
Rédigé par Pascale Madame Martin-Debève le 21/01/2008 à 20:32