FRANCOISE C.*

18/01/2008

Mots à insérer ?


Un père

L'aileron du requin file sur la mer aux éclats argentés selon une trajectoire parfaite. Loin de la rive, tu vogues toi-même dans le silence rare du petit matin. Tu as passé la nuit en mer, fasciné par la poussière d'étoiles de la voie lactée. Ton rêve, participer à l'harmonie du monde transcendée par la certitude d'être dans le réseau intense de la vie humaine en ce qu'elle a de plus complexe.
Ton fils naîtra dans quelques jours. Depuis longtemps tu l'espères, depuis toujours, te semble-t-il. Cette naissance semble le vrai accomplissement de toi-même.
La puissance de ton désir s'altère en impatience ces derniers jours où tu te sens exclu de ce qui leur arrive à tous les deux, même si vous partagez tout ce qui est partageable. Mais c'est son ventre à elle qui le porte et c'est son arrivée à lui qui durcit son téton.
« Comme tu es énervé! » s'étonnait ta compagne, hier. Un mot inapproprié, une erreur même mais tu peux être insupportable et il valait mieux t'éloigner.
Oeuf d'une heure, pain d'un jour, viande d'un an, poisson de dix, maîtresse de quinze, ami de trente: le proverbe revient en boucle comme un clin d'oeil plein d'ironie. Repas frugal à bord avec les provisions amenées, l'ami est resté à quai et ta compagne n'a plus quinze ans mais c'est pour elle que tu t'es éloigné.
L'aileron du requin trace sa trajectoire rectiligne. Guidé par le feu rouge clignotant de la digue nord, apaisé, il est temps de suivre son exemple. Ton port d'attache, la maison en haut du chemin, ta nouvelle fonction t'y appellent, rien ne saurait mieux te convenir.

Françoise, Capbreton, janvier 2008





Pascale Madame Martin-Debève
Rédigé par Pascale Madame Martin-Debève le 18/01/2008 à 08:08