Tous à vos plumes!
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PASCALE *****
15/02/2008
Mots à insérer
Légende : léger, lande, gorge, gargote, emporter, exact, nouveau, nain, dedans, douve, entendre, euphorie
Jokers : un, berceau, par.
Réalité ou légende ?
À sa naissance, mon bébé ressemblait à n’importe quel autre bébé. Il pesait 2 kilos huit cent grammes et mesurait 52 centimètres ce qui en faisait un grand bébé, mais sans plus.
A l’âge de 9 mois, je constatais que sa tête semblait peser des tonnes et je m’étonnais du fait qu’il ne puisse toujours pas la remuer comme le faisait les autres bébés. Pourtant il me semblait à moi aussi léger et beau qu’à la naissance ! Et soudain, alors que je commençais à craindre pour lui un corps de nain sur une grosse tête, ce fut exactement l’inverse et il se mit à grandir de façon incroyable.
Il possédait une énergie extraordinaire et dès l’âge de 3 ans il était capable de franchir la lande qui bordait la maison en deux fois moins de temps que son père ou moi.
Il mesurait déjà 1 mètre et 47 centimètres.
Avec cette taille, il possédait aussi, bien sûr, une certaine force physique. Un jour, il lança dans les douves du château du village voisin, suffisamment de pneus épars pour boucher l’arrivée du petit filet d’eau, sensé amuser et abuser les touristes. Le maire était furieux et il ne dut son salut qu’à son très jeune âge : 5 ans, vous pensez… De colère, l’agriculteur à qui il avait chapardé les pneus nous somma de lui en offrir autant mais neufs sous peine de porter plainte. Dans les cafés et les gargotes alentours on ne parlait plus que du petit Michel. Enfin, du petit ! Il mesurait alors presque 1 mètre 70 !
Michel aimait beaucoup les vaches et il rêvait de devenir cow-boy. C'est ainsi qu'à 18 ans il nous quitta pour l’Amérique. N’emportant que sa guitare et quelques mélodies de Joe … Malheureusement, sa taille fut plutôt un handicap pour ce métier et pour survivre il dut rapidement offrir ses services à d’autres. C’est dans un cirque que nous le retrouvâmes. 5 ans plus tard. Il avait 23 ans. Mon pauvre garçon n’était plus que l’ombre d’un être humain, déguisé en clown, grotesque à pleurer et objet de tant de tortures morales que nous peinions à le reconnaître. Aussi ravagé dehors que dedans. Evidemment il ne se rebella pas en nous entendant organiser son retour et se réfugia même dans mes bras comme lorsqu’il avait 3 ans : il aurait fallu nous voir, lui, plus de 2 mètres de muscles et de sensibilité, et moi, mon 1 mètre 58 riant à gorge déployée malgré mon chagrin de maman. C’est, de nouveau ensemble, que nous revînmes au pays, dans un climat à demi-euphorique mais parsemé de fausses notes.
Par un beau soir d’été ce furent monsieur le maire et le vieux Marcel qui le retrouvèrent, roulé en boule sous un tas de foin, pleurant toutes les larmes de son corps et hurlant à la mort comme seuls hurlent les loups.
Ils eurent du mal à le calmer, à l’emmener, à le faire monter dans leur voiture. Lorsqu’ils me l’amenèrent il avait cessé de vivre. Pas de respirer, non. De vivre. Il n’avait trouvé que ce moyen pour échapper à son mal-être, pour fuir ce grand corps dont l’âme d’enfant ne savait que faire.
Depuis je vais le voir tous les jours et depuis quelques temps je crois bien qu’il ne reconnaît plus personne. Mais il ne souffre pas : il sourit, rit et ne pleure plus jamais. Moi je souffre le martyr mais je me tais. Je ne pleure plus jamais non plus. Il y a si longtemps et il y a bien pire. Et puis je le préfère là que dans son cirque à servir de souffre douleur à des enfants mal élevés.
Une question pourtant me taraude : que deviendra-t-il lorsque je ne serai plus là ?
Bon chaque chose en son temps et à chaque problème sa solution.
Pour l’heure, il me faut lui préparer une petite fête pour demain : demain il aura 50 ans. 50 ans, ça compte ! Même si on dort encore avec son nounours, en froissant toutes les pages du livre qui vous tient compagnie depuis bientôt 49 ans.
- J’y vais mon chéri. A demain…
- Au revoir madame et vous pouvez fermer la porte s’il vous plait parce que c’est bientôt l’été et il commence à faire froid.
Ça c’est sûr ! J’ai froid dedans, dehors et sur les côtés. Froid dans le cœur, les os et dans l’âme.
- Maman, maman, ah ! T’arrive enfin.
- Oui oui.
- Alors t’es toujours partante pour ce week-end à saint Jean ?
- J’avais oublié ! oh oui, merci chéri, ça va nous changer les idées. Mais dis-moi, quand viendras-tu voir ton frère ?
- On avait dit qu’on en parlerait plus !
- C’est vrai, pardonne-moi.
- Non, ça va. Maman, tu sais.
- Quoi ?
- Je t’aime. T’es une chouette maman.
- T’es sur ?
- Hum hum… allez hop, arrivée saint Jean de Luz vers 11h55, tous les passagers sont priés d’attacher leur ceinture, décollage immédiat.
- T’es bête… mais tu as de la chance, j’aime les bêtes…
- Gneugneugneu
Pascale pour le 11 février 2008.
Pascale Madame Martin-Debève
Rédigé par Pascale Madame Martin-Debève le 15/02/2008 à 08:19