FRANCOISE C.*

Ecrire une déclaration d'amour sous forme de dialogue...

Comme d'ordinaire tout est permis ou presque...




Déclaration d'amour


Une déclaration d'amour à plusieurs à la fois! Je les entends déjà: prostituée? souteneur? au mieux, coeur d'artichaut!
Je m 'entête:
-je t'aime, toi, un de mes plus anciens. Je me souviens plus particulièrement du passage où la petite fille qui va être adoptée reprend la vendeuse d'un magasin: « je ne suis pas cliente, je suis italienne » avec un regard éperdu vers la dame qui peut-être l'amènera vivre avec elle. Inquiète mais résolue à être vraie, sinon elle sait bien déjà , à sept ans, que la vie ensemble sera impossible. J'ai perdu ta jaquette cartonnée mais ta couverture gris clair est intacte, juste cornée par les multiples lectures et les lettres bleu marine se détachent: « on demande une maman ». je t'ai rangé dans la bibliothèque de mes petits enfants. Lorsque ils t'ont choisi pour ces moments de lecture partagée avec un plaisir qui scelle la connivence autour de l'essentiel de la vie, Emma et Clara m'interrompent au paragraphe cliente- italienne. Et toi, quand on te sort du rayonnage, tu t'ouvre à cette page. Complicité, complicité, tout est en ordre.
je t'aime aussi, plus sensuelle ment, toi le premier de l'étagère Pléïade. ta jaquette transparente est écornée, celle de carton est zébrée de petites déchirures et le petit lacet jaune marque la première page des frères Karamazov; Ivan, mon premier amour d'adolescence; je l'imaginais brun, légèrement bouclé, fragile comme tes feuilles, solide comme ta reliure, difficile à posséder comme ces livres prestigieux, très cher pour moi...je suis presque du doigt chaque ligne pour vous caresser, l'odeur si caractéristique de ton papier ne peut être que celle de son galetas où misère et culture se tissent sous mes yeux attendris. Je déteste ces femmes qui ne comprennent rien. Les battements joints de mon coeur et de mon sexe confirment que j'aurais pu t'aimer, t'aimer et te sauver, t'aimer et te garder, Ivan. Je referme le volume et le serre sur ma poitrine, ferme les yeux et me rêve mariée...à la littérature.
te voilà, toi, plus léger, plus voluptueux, donnant toute son importance au corps et à tous les sens. ta couverture brune est usée jusqu'à l'écornement et des traces grisâtres que la gomme n'efface plus disent mon assiduité. je te savais par coeur mais je te lisais quand même: les mots que j'aurais tant voulu écrire, moi, se lisaient sous mes yeux dévoreurs: « quand j'habitais Alger....j'y habiterai avec toi; « je patientais tout l'hiver... » comment peut-on patienter quand le soleil, la mer, la sable chaud, ton corps mince de nageur, tes yeux pétillants d'intelligence et de connivence m'appelaient avec une intensité qui me laissait sans force, pantelante. L'été d'Albert Camus.
J'ai aimé quelques hommes, j'en aimerai encore; mais vous et les autres autour de vous trois, vous qui ne m'avez jamais trahie, qui ne m'avez jamais déçue, rien ne pourra vous enlever à mon adulation. Oui, je vous aime d'amour.


Capbreton, octobre 2007, Françoise C.







Pascale Madame Martin-Debève
Rédigé par Pascale Madame Martin-Debève le 12/10/2007 à 20:33