Tout fut déclaré dès la première note. Ce n’était pas une marche funèbre, non, loin de là, c’était un mystère qui tentait de s’éclaircir, la brume qui se lève petit à petit pour découvrir l’harmonie et la puissance de la nature qui éclate au grand jour. Ce n’est de toutes parts que des appels, des salutations enjouées et discrètes qui nous bercent et nous mènent vers l’aurore qui se déclare. Le cor, ce cor, rarement il n’en fut de plus touchant, de plus doux et sonore ; puis quand la larme a perlé, juste le temps qu’elle roule le long de la joue, le bastion des rossignols cachés dans les sapins reprend le dessus, jusqu’à ce que le violoncelliste intervienne.
Mais comment décrire cette entrée en la matière ? Un archet un peu rêche pour palper la rugosité du bois de la forêt, puis c’est l’indécision, ces notes qui vacillent comme les flocons qui tourbillonnent près du sol, sont emportés ensuite par le vent, dans les airs ils se secouent langoureusement et puis le calme revient, le violoncelle a rattrapé sa danseuse étoile qui tombait et les voici qui tournent dans un parfait accord, appuyé par les caresses tempérées des contrebasses en pizz. L’angoisse du début que nous donnait ce thème rabâché et rejoué se transforme en printemps puis enfin en havre de paix, où telles les voiles du Parfum exotique baudelairien, nous nous reposons de la tempête introductive.
Le second mouvement est entamé par l’orchestre, là encore pour mieux laisser entrer le violoncelle. Notes longues, majestueuses, que Kniazev suggère, appuie, envoie, reprend au cours d’un échange avec le reste, l’ensemble, le tout qui l’a introduit. C’est le jeune poulain qui, au crépuscule, cherche une place tranquille pour dormir, exténué. Les blés murmurent à ses pieds, encore tous frais, verts et ondulants. Le voilà qui se transforme en patineur, danseur étoile. Soudain la glace se brise, elle choît, et le violoncelle chante toute sa beauté dans un moment où une seconde larme perle au coin de l’œil. Il ne peut y avoir d’autre impression, aucun autre sentiment, seule la larme peut conter combien ces instants étaient magiques et merveilleux. L’orchestre nous rappelle comme un entremets, une douce cloche qui sonne parfois, la froideur de la neige et la dureté de la vie. Et puis naît un dialogue entre le soliste et l’orchestre qui d’abord n’est que l’écho du maître mais qui s’affirme peu à peu et discute enfin, d’une manière douce et mélancolique, avec l’âme du violoncelle. Car c’est bien un être que Kniazev fait vibrer ce soir, un second cœur qu’il regarde souffrir et bondir, ce n’est pas un instrument qu’il enlace, c’est la vie de l’œuvre qu’il malaxe. Un bal masqué où tous les invités se pressent dans la nuit enneigée où
Une marche rythmée et scandée nous invite à la conclusion...Alors que tout semble plié d’avance par la marche du temps qui inexorablement va de l’avant et refuse tous les appels des violons, les cloches de la troïka apportent le messager du violoncelle, qui raisonne et tente d’infléchir le cours du temps, ce à quoi ne peuvent répondre que les clochettes accrochées à l’encolure de ces chevaux qui mènent la troïka. Le soliste donne toute son énergie pour exprimer aux Dieux la nécessité d’attendre un peu, mais rien n’y fait. De rage ou de désespoir il se met à rêver, rêver un été dans les campagnes où blondit l’orge, qui, comme son voisin le blé, ondule sous la caresse du vent que lui souffle la clarinette. L’Olympe s’était tue, bouche bée elle s’est prise à la rêverie, et elle s’exclame aussi, elle affirme et confirme tous les dires du violoncelle, c’est lui qui prend le dessus. Il nous rappelle enfin le thème initial mais les flocons de l’hiver sont déjà là et tombent sur le chant du soliste. Dans des nuances folles, du murmure imperceptible à l’exultation finale, Kniazev maîtrise chaque infime crin de son archet, chaque ondulation de ses cordes. La nature se réconcilie petit à petit avec son danseur qu’elle a blessé, ils fusionnent à chaque note un peu plus ; le phare n’est plus, c’est l’orchestre qui conclut.
Mais comment décrire cette entrée en la matière ? Un archet un peu rêche pour palper la rugosité du bois de la forêt, puis c’est l’indécision, ces notes qui vacillent comme les flocons qui tourbillonnent près du sol, sont emportés ensuite par le vent, dans les airs ils se secouent langoureusement et puis le calme revient, le violoncelle a rattrapé sa danseuse étoile qui tombait et les voici qui tournent dans un parfait accord, appuyé par les caresses tempérées des contrebasses en pizz. L’angoisse du début que nous donnait ce thème rabâché et rejoué se transforme en printemps puis enfin en havre de paix, où telles les voiles du Parfum exotique baudelairien, nous nous reposons de la tempête introductive.
Le second mouvement est entamé par l’orchestre, là encore pour mieux laisser entrer le violoncelle. Notes longues, majestueuses, que Kniazev suggère, appuie, envoie, reprend au cours d’un échange avec le reste, l’ensemble, le tout qui l’a introduit. C’est le jeune poulain qui, au crépuscule, cherche une place tranquille pour dormir, exténué. Les blés murmurent à ses pieds, encore tous frais, verts et ondulants. Le voilà qui se transforme en patineur, danseur étoile. Soudain la glace se brise, elle choît, et le violoncelle chante toute sa beauté dans un moment où une seconde larme perle au coin de l’œil. Il ne peut y avoir d’autre impression, aucun autre sentiment, seule la larme peut conter combien ces instants étaient magiques et merveilleux. L’orchestre nous rappelle comme un entremets, une douce cloche qui sonne parfois, la froideur de la neige et la dureté de la vie. Et puis naît un dialogue entre le soliste et l’orchestre qui d’abord n’est que l’écho du maître mais qui s’affirme peu à peu et discute enfin, d’une manière douce et mélancolique, avec l’âme du violoncelle. Car c’est bien un être que Kniazev fait vibrer ce soir, un second cœur qu’il regarde souffrir et bondir, ce n’est pas un instrument qu’il enlace, c’est la vie de l’œuvre qu’il malaxe. Un bal masqué où tous les invités se pressent dans la nuit enneigée où
Une marche rythmée et scandée nous invite à la conclusion...Alors que tout semble plié d’avance par la marche du temps qui inexorablement va de l’avant et refuse tous les appels des violons, les cloches de la troïka apportent le messager du violoncelle, qui raisonne et tente d’infléchir le cours du temps, ce à quoi ne peuvent répondre que les clochettes accrochées à l’encolure de ces chevaux qui mènent la troïka. Le soliste donne toute son énergie pour exprimer aux Dieux la nécessité d’attendre un peu, mais rien n’y fait. De rage ou de désespoir il se met à rêver, rêver un été dans les campagnes où blondit l’orge, qui, comme son voisin le blé, ondule sous la caresse du vent que lui souffle la clarinette. L’Olympe s’était tue, bouche bée elle s’est prise à la rêverie, et elle s’exclame aussi, elle affirme et confirme tous les dires du violoncelle, c’est lui qui prend le dessus. Il nous rappelle enfin le thème initial mais les flocons de l’hiver sont déjà là et tombent sur le chant du soliste. Dans des nuances folles, du murmure imperceptible à l’exultation finale, Kniazev maîtrise chaque infime crin de son archet, chaque ondulation de ses cordes. La nature se réconcilie petit à petit avec son danseur qu’elle a blessé, ils fusionnent à chaque note un peu plus ; le phare n’est plus, c’est l’orchestre qui conclut.
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