II faut choisir : ça dure ou ça brûle ; le drame, c'est que ça ne puisse pas à la fois durer et brûler. Albert Camus

2013, un siècle après la naissance d'Albert Camus, nous a permis d'assister à un foisonnement de publications de cet auteur génial, décédé décidément trop tôt... Cet été, j'ai profité de la lumière estivale pour lire le Camus de Michel Onfray (L'ordre libertaire, la vie philosophique d'Albert Camus) et relire Le premier homme (livre sur lequel d'ailleurs s'est beaucoup appuyé Michel Onfray pour les éléments biographiques), pour me replonger dans l'humilité de cette philosophie si lumineuse. Mais aussi pour assister au procès de Sartre contre Camus, car l'essai de Michel Onfray ressemble surtout à une réhabilitation de l'image de Camus contre Sartre. Une plaidoirie vigoureuse contre la mauvaise de foi de l'auteur de la nausée et du néant. "Camus a dû faire face à la haine de tant de gens pour avoir eu raison trop tôt." Quand on pense que Brochier et BHL ont vu dans "Noces", ce bel ouvrage de Camus, une philosophie pétainiste... Les bras nous en tombent.


Pour 2014, pourquoi ne pas s'inspirer de la pensée lumineuse de Camus ?
Quelle serait alors la "Camus Attitude" pour savourer la nouvelle année autrement ? Voici quelques pistes...

Apprendre la comparaison descendante
Vous devez vous demander, mais qu'est-ce donc que la "comparaison descendante" ? On entend souvent que se comparer rend malheureux, oui mais, tout dépend avec qui l'on se compare. Si l'on se compare avec des moins chanceux que soi, on prend nécessairement de la hauteur. Peut-être que c'est grâce à ce mécanisme psychique inconscient que Camus a toujours été lumineux, car il n'a jamais oublié d'où il venait. "La pauvreté a appris à Camus l'incapacité à l'amertume, mais aussi l'incertitude d'avoir réussi. Fils de pauvre pour lequel la culture n'est pas un héritage mais une conquête et qui se trouvera toujours illégitime dans le milieu intellectuel".
Sa maladie lui a donné également la bonne distance concernant les autres et le monde. "La comédie humaine préserve de l'envie ou du ressentiment".

Pour ne plus envier
"Devant ma mère, je sens que je suis d'une race noble : celle qui n'envie rien".
Enfant, Camus constate que, chez les riches, les objets disposent d'un nom. "Dans une maison bourgeoise, on parle du grès flambé des Vosges, du service de Quimper ; dans une maison de pauvre, il n'existe que des assiettes creuses, le vase posé sur la cheminée ou le pot à eau". Mais, "Ne rien désirer, ne rien envier" reste sa force.


Etre fidèle à la lumière de son enfance
Camus a toujours glorifié l'intensité qu'a pu lui procurer la "modeste" lumière du soleil dans sa vie."La pauvreté avec le soleil n'est pas la misère ; sans la lumière méditerranéenne la même pauvreté définit l'enfer sur terre." Chacun d'entre nous a au fond de lui sa madeleine de Proust qui l'extirpe du sentiment du vide. C'est ce refuge, ce Tipasa si bien décrit dans les Noces de Camus, qu'il faut cultiver et y être fidèle même dans ses moments les plus sombres.
"Au plus noir de notre nihilisme, j'ai cherché seulement des raisons de dépasser ce nihilisme. Et non point d'ailleurs par vertu, ni par une rare élévation de l'âme, mais par fidélité instinctive à une lumière où je suis né et où, depuis des millénaires, les hommes ont appris à saluer la vie jusque dans la souffrance".
"Je sais cela de science certaine, qu'une œuvre d'homme n'est rien d'autre que ce long cheminement pour retrouver par les détours de l'art les deux ou trois images simples et grandes sur lesquelles le cœur une premier fois, s'est ouvert" Noces à Tipasa.


Dépasser la pensée binaire
Camus n'est pas dans les schémas binaires de la pensée classique. Au moment de son accident fatal, se trouvait dans sa serviette Le gai savoir de Nietzsche en plus de son manuscrit sur le premier homme. L'amour de Camus pour le philosophe allemand dure depuis l'âge de ses 19 ans où il a découvert la théorie de Nietzsche sur la musique. "Camus a un rôle de Méditerranéen qui propose des solutions solaires, nietzschéennes, radieuses, indexées sur la pulsion de vie, aux antipodes du tropisme français et européen, nocturne, hégélien et marxiste, indexé sur la pulsion de mort."
Sujet d'actualité : Michel Onfray à travers Camus nous conseille de nous méfier des politiques qui se nourrissent du ressentiment. "Nietzsche s'oppose au socialisme de ressentiment : animé par l'envie de revanche, conduit par le désir de vengeance, ce socialisme-là s'installe du côté des passions tristes." Ainsi, s'habituer aux aphorismes contradictoires de Nietzsche permettrait peut-être d'échapper à la pensée binaire ambiante...


Etre courageux et avoir une éthique
Même si de nos jours, tout encourage à ne pas avoir d'éthique, c'est évident que pour se sentir bien dans sa peau, il est préférable d'en avoir une et surtout d'avoir des convictions. Comme le fait remarquer Michel Onfray, "Camus fit du journalisme une éthique, un combat politique. il dénonce les mœurs de la classes politique, les politiciens corrompus, la logique clientéliste.". "Le journalisme est le plus beau des métiers du monde - quand il n'est pas le pire : le plus beau s'il prend le parti de la vérité et de la justice, s'il défend la veuve et l'orphelin, s'il enquête et dénonce les scandales - le pire s'il se met aux ordres d'une idéologie, d'un système, des puissants ou s'il donne à l'homme du ressentiment les pleins pouvoir et l'impunité de son support". Alors quand Closer dévoile la nouvelle relation du Président avec Julie Gayet, est-ce du journalisme "poubelle" ou au contraire une mise en lumière de l'utilisation du pouvoir pour des fins personnelles ? A voir...

L'ordre libertaire, la vie philosophique d'Albert Camus, Michel Onfray, Flammarion.

le Samedi 11 Janvier 2014 à 10:48 | Commentaires (0)

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Marjorie Rafécas
Marjorie Rafécas
Passionnée de philosophie et des sciences humaines, je publie régulièrement des articles sur mon blog Philing Good, l'anti-burnout des idées (http://www.wmaker.net/philobalade), ainsi que sur La Cause Littéraire (https://www.lacauselitteraire.fr). Je suis également l'auteur de La revanche du cerveau droit co-écrit avec Ferial Furon (Editions du Dauphin, 2022), ainsi que d'un ouvrage très décalé Descartes n'était pas Vierge (2011), qui décrit les philosophes par leur signe astrologique.




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