VALERIE

01/03/2006


Mots à insérer

PHOTOS : printemps, patrie, hasard, hippopotame, ordinaire, origine, texte, tapis, obscur, objet, soudain, sculpture.
JOKERS : gris, eau, aimer




Nouvelle semaine… nouveau défi ! Je dois aujourd’hui me transformer en animal !
Avec la lettre H, il n’y avait pas énormément de choix, encore que j’aurais pu être un husky aux yeux opalins et au tempérament fougueux, une hirondelle annonçant le printemps et le début des beaux jours, une hyène vivant en meute et crainte de tous, un héron cendré aux pattes longues et fines, un hippocampe, un haddock, un hamster, un hareng, un homard, un hibou, un hérisson, un hanneton, que sais-je… non, il a fallu que ça tombe sur un hippopotame. Merci les copains… je ne sais plus qui l’a proposé celui-là, mais je vous jure de faire une petite enquête et je vous prie de croire que les représailles seront sanglantes !!!
Voilà. Pour couronner le tout, j’aurais pu vivre en Afrique tropicale, entre le Zaïre, le Kenya et le Mozambique, au milieu de paysages magnifiques et entourés de congénères bienveillants qui auraient admiré ma taille et ma force tranquille et n’auraient osé s’approcher de mes petits de peur d’avoir affaire à moi : un regard noir, un sourcil légèrement relevé auraient suffi à les clouer sur place et à les faire ramper devant moi.
Au lieu de cela, je suis né il y a six ans à Thoiry, dans un parc zoologique de la banlieue parisienne et je vis dans un enclos qui ressemble davantage à une prison qu’à un paysage de carte postale. Je passe le plus clair de mon temps dans une piscine artificielle à somnoler pour tenter d’oublier la morosité de mon existence.
Tout se passerait néanmoins relativement bien –je suis placide, coopérant et de bonne composition- si je n’étais sans cesse dérangé par des individus tous plus bêtes les uns que les autres.
Je n’ai par exemple rien contre les photos. C’est vrai, c’est la rançon de la gloire et je me plie volontiers à l’exercice des poses langoureuses dont les visiteurs semblent raffoler si j’en juge par le nombre des crépitements des « clic-clac » attestant qu’ils prennent de nombreux clichés de moi lorsqu’ils me voient bailler ou sortir de l’eau pour y replonger quelques instants plus tard. C’est que si je ne bougeais pas un minimum, ces abrutis passeraient devant moi sans même m’apercevoir… On se demande à quoi leur servent leurs lunettes… Mais, j’apprécierais énormément que quelqu’un leur dise que les flashes, en plein jour, au milieu du mois de juillet, ça n’est pas absolument indispensable et ça constitue un véritable traumatisme pour mes yeux sensibles. On a beau être enrobé (non, pas gros !!), on n’en est pas moins délicat et fragile !
Mais les gens par ici semblent trop cons pour comprendre ces règles de bon sens et de savoir-vivre élémentaires…
Tenez, vous allez rigoler ! Encore que par certains côtés, ça soit triste à en crever…
Hier, un gosse se met à hurler en m’apercevant : « Regarde, maman ! un rhinocéros ! ». Moi qui prends un bain de 5 heures deux fois par jour et me fais des applications d’argile quotidiennes pour avoir la peau douce comme celle d’un bébé, me voir comparer à un animal dont la cuirasse s’apparente à un blindage en acier… ça fait mal ! J’aimerais bien tenir l’abruti qui a dit que la vérité sortait de la bouche des enfants !! Mais il y a encore plus pathétique…
Il y a trois jours, un type m’observe un long moment alors que j’étais tapi dans l’eau, à l’écart de la foule, somnolant béatement. Cet idiot me sort brutalement de ma torpeur en hurlant soudain à sa femme : « Tu vois, chérie, mes problèmes d’embonpoint sont tout relatifs : à côté de ce porc adipeux, je me considère comme très svelte ! » et le voilà parti d’un rire gras qui m’a fait me demander lequel de nous deux descendait du cochon. J’aurais voulu lui dire que j’avais des origines nobles, moi, puisqu’ étymologiquement, je suis le « cheval du fleuve ». Mais je n’en ai rien fait : cet idiot m’avait foutu le moral dans les chaussettes et m’avait gâché mon repas du soir.
En parlant de repas, l’autre jour, un mioche me jette une cacahuète, comme si j’étais un vulgaire chimpanzé, un singe tout ce qu’il y a de plus ordinaire ! Quand le gardien est venu balancer par dessus la rambarde de mon enclos un régime entier de bananes qu’il avait du mal à porter car il devait faire approximativement son poids et que le mioche m’a vu l’engloutir sans même le mâcher, je croyais qu’il allait être pour le moins interloqué. Penses-tu ! Il s’est tourné vers sa mère en lui disant que je puais de la gueule. Quel morpion ! J’te les piquerais tous au formol et sans état d’âme, encore !! sans épargner personne, car les bonnes femmes ne valent pas mieux que les autres.
Hier, j’entends par hasard une pouf -ça devait être une blonde, mais je suis myope et je n’avais pas mes lunettes, donc je n’en mettrais pas ma tête à couper- une pétasse, donc, qui critique en gloussant comme une poule la taille de mes oreilles et celle de ma queue, les jugeant ridicules par rapport au reste de mon corps. Est-ce que je lui ai dit, moi, qu’elle avait à la place de la poitrine deux pis de vache alors qu’elle pèse 5 fois moins qu’un bovin et que la proportion de ses seins par rapport au reste de sa silhouette n’était pas très heureuse ? Est-ce que je lui ai dit qu’elle avait la cervelle d’un serein et qu’un petit pois dans une boîte crânienne comme la sienne, c’était un vrai gâchis ? Mais je peux te montrer la taille de mes dents pour te calmer grosse tâche, à moins que tu ne préfères un coup de pied où je pense, car j’ai les orteils plutôt bien développés, par rapport au reste de mon anatomie, tu vois ?
Y’a des jours, je partirai bien suivre un stage pour booster ma confiance en moi. Ca me permettrait de m’affirmer plus efficacement et de leur apprendre à la fermer quand on n’a rien de gentil à dire.


Valérie pour le 27 février 2006.





Pascale Madame Martin-Debève
Rédigé par Pascale Madame Martin-Debève le 01/03/2006 à 14:12