PASCALE *****


Ce jour-là, Chantal et moi avions un objectif particulier : observer les autres participants lors du jeu du jour .




Comme une locomotive lancée à grande vitesse, la première à démarrer est ma voisine Renée. Son crayon de bois crache une fumée grise qui noircit la feuille blanche jusqu'à ce que, rail contre rail, les lignes ne soient plus confondues qu’en un seul et unique tableau. D'ores et déjà, je ne doute pas de sa valeur. Tout le monde s'esclaffe : déjà... Oui. Déjà. Prenez le train en marche.
Christiane J. fait partie du second wagon. Elle s'interroge, s'assure de bien avoir interprété la consigne, consigne, comme vous le savez tous, très très élastique. Tout est permis. Elle s’élance. À la fois secrète et sereine me semble-t-il.
Vient ensuite une autre voiture. Solide. Capable de s'adapter à toutes sortes de défis. « Notre » René. Jamais en grève. L'écriture et serrée et étroite mais fluide et peu hésitante. La réflexion est de mise : une demie seconde avant chaque démarrage, pas plus ! Et aucun soubresaut. Aucune rature.
Annie suit le mouvement : gratte, gomme, gratte, gomme mais de là où je suis, myope comme une taupe, je ne vois rien d'autre que le plateau de sa tête. Oui. Plateau : nom donné en coiffure au dessus du cuir chevelu. Elle semble aligner les mots avec élégance. S'applique et la course du crayon est régulière.
Christiane L., sa voisine a mit plus de temps pour se détendre. Trouver sa voie. Mais ça y est : elle est sur de bons rails. Le stylo ne court pas mais avance par à-coups. À-coups réguliers. Petit à petit il trace ainsi sa route.
Marie laisse elle aussi courir son crayon. Elle prend le temps de la réflexion. Parfois songe longuement avant de lâcher son inspiration. Puis elle se relie. Corrige. Porte sur elle un regard désabusé puis détendu. Elle sourit. Christiane L. la regarde, complice. Christiane J. lance un petit rire gai en croisant leurs deux regards ! Certains sont déjà à l’arrêt. Essoufflés. D'autres continuent leur course.
Lucienne donne à l'ensemble son allure tranquille. Si le train était en danger de grande vitesse, elle le ralentirait. S'il était trop statique elle le convaincrait d’avancer plus vite. Elle écrit la réalité, le juste milieu, ce qui fait du bien... Elle prend appui sur son avant-bras gauche comme si elle cachait son travail de ses voisins et elle gratte, gratte, gratte… pas aussi vite et fort que sa voisine toutefois. À mon avis Chantal et moi serons à court d'encre ou de papier avant longtemps. Victime d'une gastrite, le stylo de Chantal est aussi pris de folie que le mien. Il court, vole et je souris en songeant qu'elle me croit à cette heure occupée à écrire quelques lignes sur vous alors que du coin de l’oeil, je lorgne ses actions. Elle est sensée rêver en vous regardant. Mais elle a le coup d'oeil vif. Comme un petit merle, elle tourne vivement la tête à droite, à gauche, à droite, à gauche et vous observe. Puis le stylo s’emballe, griffant de nouveau le papier à toute vitesse et sans souci d'économie. Urgent. Urgent. Urgent. Tchou tchou. Nous avons des choses à vous dire.
La locomotive de départ s'est vraiment essoufflée. Elle réclame nourriture et assistance. (Renée croque un petit biscuit) Il est temps de les lui accorder. Eh bien qu’elle termine son récit (un petit réconfort et hop ça repart !) en petits caractères répandus tout autour de sa feuille, il le faut, c'est l’heure, plus que l’heure : stop. Vous allez conclure...

Pascale jeu du 4 décembre 2006.








Pascale Madame Martin-Debève
Rédigé par Pascale Madame Martin-Debève le 06/12/2006 à 21:49