PASCALE *****


Devant quelques grammes d'épices (deux sortes distribuées à deux moments différents) laissez-vous aller aux souvenirs évoqués...




Quelques grains éparpillés ici ou là comme des grains de sable venus gripper une machine pourtant bien rodée et résistante. Miettes rassemblées du bout des doigts dans l’espoir de rassembler, du même coup, quelques idées cohérentes.
Mais rien n’y fait. Au moindre souffle, une simple respiration, un soupir un peu trop appuyé sur le papier, si je n’y prends garde, le petit tas se défera et se répandra de nouveau…
J’ai beau connaître la nature exacte de cette poussière et de ces brins d’herbe, ce sont toujours les mêmes images qui s’imposent à mon esprit. Je vois le sable. Je vois la mer. Je la sens. J’hume l’air du large. Puis je cueille une branche de thym qui traîne le long des dunes. J’avance tout en égrenant la fleur. La mer s’est retirée sans bruit. De mes pieds nus j’effleure la vase puis, avec autant de frissons de délices que de dégoût, je regarde le sable mouillé se faufiler entre mes doigts de pieds, tentant de s’emparer aussi de mon âme…
Je reviens aux herbes broyées. Dans ma main le thym se le dispute à la sauge, au laurier et je marche maintenant et avec précaution le long du chemin sablonneux mais parsemé de « piquants » qui m’amènera à la « mielle ». Mielle qui fut la nôtre. Un champ de carottes recouvert d’herbes sèches puis, au fil des années, un petit paradis boisé et si plein de l’écho de nos rires d’enfants.
La mer recule. Moi aussi. Je connais la dangerosité des petits récifs qui affleure à la surface de l’eau, jouant avec le soleil jusqu’à paraître inoffensifs. Je recule. Rejoint le temps, le lieu, l’instant, la pointe de mon stylo, les vôtres…
L’heure a sonné me semble-t-il. Je ramasse une poignée de sable. Il est à cet endroit plus ocre et plus fin aussi. Je compte le temps qu’il me reste.
Je le laisse filer entre mes doigts. Le sable ne sent rien. Mais il est si doux au toucher. Lorsqu’il est sec vous pouvez bien vous rouler dedans jusqu’à n’en plus pouvoir, vous ne vous salirez jamais…
De retour « au terrain » je sens l’odeur du bois qui brûle. Quelques grillons accompagnent mon cheminement se faisant naturellement plus discret lorsque mon désir de solitude devient plus vif. Papa prépare le barbecue. Je sens gronder mon estomac. A moins que ce ne soit mes larmes.
Aie. Une épine plus hardie que d’autres vient de titiller mon humeur. Voilà ce que c’est que d’avancer sans vraiment regarder ou l’on va, se moque ma conscience.
Je la fais taire elle aussi.
De la branche de thym il ne reste que la tige, triste et nue.
Je la jette au loin regrettant soudain mon acharnement contre elle. Elle aurait pu mourir de sa belle mort, allongée contre un délicieux rôti…
Je ne retrouve pas le portail. J’ai du rêver. Le terrain existe-il vraiment ? Encore ?

Ce soir nous irons dîner chez l’indien. Pour fêter le non événement.

Je suis jalouse. Jalouse d’un futur que je ne connaîtrais pas. D’autres enfants que les nôtres joueront bientôt dans la cabane perchée en haut du plus gros des sapins.

Puis je m’en réjouis enfin : car personne ne pourra jamais nous ravir nos souvenirs.

Pascale Martin-Debève jeu du 12 novembre 2007.





Pascale Madame Martin-Debève
Rédigé par Pascale Madame Martin-Debève le 18/11/2007 à 15:12