PASCALE *****

16/10/2006

Mots à insérer :

CHALEUR : comédie, cœur, hardi, habitude, adieu, artiste, logghorée, lueur, époque, énoncer, urgence, union, ramer, râleur.

JOKERS : doux, jaune, dire.






Grand, brun, belle âme, cherche …



Ce matin, elle n’avait pas très envie d’aller aider, encore et encore alors qu’elle même se trouvait dans une situation délicate. Elle n’avait pas fini de « ramer » mais elle commençait à s’y faire ! La chaleur inssupportable incitait plutôt à de savoureuses baignades. Mais par solidarité, elle avait hardiment proposé ses services gracieux à la propriétaire du magasin dans lequelle elle était employée à temps partiel. A une époque ou l’indifférence tient trop souvent lieu de religion, elle était heureuse de pouvoir le faire.
Cela faisait à peine une semaine que la petite boutique avait brûlé en partie et le travail était immense puisqu’il fallait, de toute urgence, compter le plus petit sac, la plus petite épingle, de quoi satisfaire la fringale d’assureurs anxieux à l’idée de payer ! De jaune d’or, les pochettes cadeaux étaient devenues grisâtres et hideuses.
Bousculant ses habitudes, elle avait pourtant accepté l’invitation d’un inconnu. Il avait de l’humour, semblait correct et puis, depuis le temps que ses amies la taquinaient à ce sujet : « hé, Blanche Neige, t’attends quoi ?? » .
Le site sur lequel elle avait fait sa conaissance était réputé pour son sérieux et malgrè ses réticences, elle voulait se donner une chance : essayer, au moins essayer ! Prendre un verre n’engage à rien. Un seul et puis on verra… Elle eut une pensée pour son ami René !

En quittant le magasin vers 16h30 elle se demandait comment elle ferait pour ôter toute cette suie et paraître reposée alors qu’elle était plutôt épuisée !

Mais, mais, elle se l’était promise à elle, elle lui avait dit oui à lui et tiendrait sa promesse. Ce soir elle allait franchir un pas ! Un tout petit certes : oser rencontrer. Rien de plus. Rien de moins non plus.

Ils s’étaient donnés rendez-vous devant la mairie et elle s’appliqua à ne pas arriver trop tôt : au cas ou l’homme serait en retard, elle se connaissait, elle serait morte de trouille et peut-être même tomberait dans les pommes ! Là, elle songea à son amie Marie !!

A 17h50, elle commençait son manège discret devant l’hôtel de ville. Elle se sentait un peu bête mais enfin, se disait-elle, le ridicule ne tue pas !

Une femme aux cheveux gris lisait tranquillement assise sur un banc. Devant la mairie…
Un homme vêtu d’une chemisette fouillait son sac à dos posé à même le sol . Devant la mairie lui aussi. Mais ses cheveux gris-blanc ne laissait pas supposer qu’il puisse être ce grand brun mystérieux qu’elle cherchait ! Ou alors, il y a très très très longtemps !! Elle en était plutôt soulagée d’ailleurs car il ne lui inspirait rien mais alors rien du tout .

L’air était doux à cette heure de la journée et elle tournait, tournait puis apercevait enfin un homme qui pouvait correspondre : il était lui aussi assis sur un banc et lisait. Comme s’il en avait l’habitude. Ses cheveux correspondaient à la description succinte qu’elle avait eu mais il stationnait devant la banque postale ! Elle n’allait quand même pas demander à tous les inconnus bruns s’ils s’apellaient Pierre !! Il lui avait écrit qu’il était grand : cet homme là semblait immense, bien que la position assise qu’il avait adoptée ne lui permette que de supputer. Son cœur battait à tout rompre ! Une lueur d’espoir venait d’éclairer son quotidien maussade.

Alors, elle approcha à pas de loup, feignant regarder à droite alors qu’elle ne regardait que cet homme. Il ne pouvait pas ne pas la voir mais il ne semblait chercher personne. A peine libérée, elle se dit que c’était quand même à l’homme de faire le premier pas !A 6h02 pétante à l’horloge de la banque postale, l’homme, impatient, se leva : pas plus de 10 mètres les séparaient mais il fit un grand détour. Non pas en passant par l’hôtel de ville, le chemin le plus direct, mais en l’évitant. Sans un regard d’adieu, sans râler mais sans un seul sourire dans sa direction, il quitta les lieux.

Elle était pourtant presque certaine, presque… Mais non, il l’aurait abordée ! A moins que s’attendant à mieux, à autre-chose (si tant est qu’une personne puisse être une chose !) il avait tout simplement changé d’avis. Car sinon, comment expliquer qu’il fasse un détour pour finalement prendre le trottoir opposé, juste à droite de la mairie. Pour y accéder directement, il aurait du passer à côté d’elle ! Non, sa fuite était volontaire. Enfin, si c’était lui !

L’homme était vêtu d’un pantalon beige et d’une chemise de la couleur du ciel. Elégant en tous cas. Sans doute qu’il n’avait pas envie de « perdre » plus de temps ! Ce qu’il avait vu lui suffisait pour savoir que ce n’était pas la peine…

Elle s’interdit de le traiter de goujat en pensée (encore que !) parce que de toutes façons, cet homme qu’elle ne connaissait pas ne pouvait la blesser déjà, camouflet ou pas ! Mais cette fois, elle en était certaine : rien de bon ne peut advenir lorsque l’on prend le risque de faire confiance à l’autre sans le connaître vraiment.

Il y avait bien longtemps qu’elle ne comptait plus que sur elle et elle continuerait. Ce soir elle allait reprendre la lecture d’un vieux livre qu’elle affectionnait autrefois : « la tête contre les murs » d’Hervé Bazin : ça lui changerait surement les idées !!

Et puis se dit-elle comme pour se consoler un peu : peut-être qu’elle l’a échappé belle en fait ou que lui a raté quelque chose ! Ou l’inverse. Ils ne le sauront jamais ! De l’union improbable de deux êtres, plus rien sauf quelques mots sur une feuille hâtivement griffonnée. Comme on énonce un verdict, elle écrivait sa surprise, ses doutes, et se gaussait d’elle-même en relisant la comédie vaudevillesque qu’elle voyait peu à peu se dessiner sur le papier.

Pauvre artiste en solo qui fait son numéro de clown comme pour conjurer le sort !

Aucune larme. Aucun regret : si ça tombe finit-elle par penser, ce grand brun mystérieux n’est qu’une femme qui se fait passer pour un homme et qui se délecte en regardant ses proies en prise à d’horribles questions sans réponse.

Non, il ne viendra pas et le monde entier devient coupable à tort : tiens, cette femme qui s’esclaffe sur le banc est-elle l’auteur de cette farce odieuse ??
Tant pis : il n’y aura pas d’autres fois. Pour personne…


Pascale pour le 19 octobre 2006.

Pascale Madame Martin-Debève
Rédigé par Pascale Madame Martin-Debève le 16/10/2006 à 18:45