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PASCALE *****
17/05/2007
si j'étais ...
Lorsque j'étais encore entier, tout rose et joufflu comme un nouveau-né, faisant la joie des enfants qui venaient visiter notre petit paradis, alors, alors, tout allait si bien. Comment est-ce arrivé?
Quel triste destin que le mien ! Et me voila soudain vautré au milieu d'un bouquet de pissenlit, le cuisseau à peine recouvert d'une corolle argentée... Me voyez-vous ? J’ai l’air bête, n'est-ce pas ?
Les convives qui déjà se pressent autour du plat ignorent qu’au creux même de ce plat, rôti ou pas, d'autres yeux que les leurs des observent.
Ils ne savent pas, non. Pourtant, moi, je les vois. Ma chair tendre et maintenant plus dorée que rosée mais mes cellules du centre, celles de mon coeur donc, sont indemnes et toujours actives. Et je les vois. Je vous vois. Vos grosses mains boudinées et grasses s'emparent de morceaux de moi mais je suis toujours là. Vos bouches avides m’engouffrent mais je suis toujours là. Et je vous vois. Mes yeux ne sont pas des yeux ordinaires. Mon cœur n’est pas non plus un coeur ordinaire. Je viens d’une autre galaxie. Inconnue de vous. Trempé dans le lait puis rôti façon méchoui, je n'ai rien perdu de ma superbe. Je côtoie lardons et petits oignons, les uns pleurants pour les autres. Mais moi, je ne pleure pas ! J'accepte mon sort et je regarde...
Ce n’est pas pour rien d’ailleurs que l'on entend dire :
- en tout homme il y a un cochon qui sommeille…
Alors j’attends mon heure.
Toi, gros plein de soupe qui te lèche les doigts après avoir planté tes crocs de carnivore dans mon tendre cuisseau, prend garde, un jour viendra où tu paieras pour ta gourmandise et ta voracité. Tu regretteras alors ta cruauté à mon égard quand ton ventre arrondi se dégonflera et se raidira dans l'immobilité de la mort. Mais il sera trop tard. Et les vers qui pullulent dans la terre viendront se détecter de ta chair faisandée... Et toi l’explorateur... Qui peut assurer que dans la lointaine Afrique, des tribus de cannibales ne te dévorera pas, rôti comme un mouton, comme tu me dévores aujourd'hui. Et pourtant. Je suis certain que tu ne seras aussi tendre, ni aussi délicieux que moi...
Mais, merci à toi, fraîche végétarienne, qui a refusé le met qui lui était présenté, disant autour de toi : « vous n’avez pas honte de tuer et de manger un animal aussi mignon et qui ne vous a fait aucun mal? »
Ta tendre compassion a été pour mon coeur sensible un tendre réconfort. À toi je souhaite tout le bonheur du monde
Et j’ajouterai à la végétarienne ma petite musulmane. Qui déteste le « hulouf ». Sa religion lui interdit d'en consommer et d'ailleurs elle n'en a jamais vu. Et si par hasard on montre un porcelet à la télé, elle refuse de regarder comme si c'était le diable !
Donc moi petit cochon, je sais que ma vie n'est pas en danger de ce côté-là. Seulement on m’empêche d'y vivre et puis je ne veux pas représenter le diable, je préfère ma vie en Europe, même si je sais que c'est pour être mangé.
Autrefois dans les campagnes j'étais honoré à chaque visite. on demandait des nouvelles du cochon, s’il profitait bien et on venait me voir.
Aujourd'hui même la médecine fait appel à mon corps pour réparer celui des hommes, à partir de mes organes. On arrive à réparer des pièces défectueuses de l'humain : je suis donc bien utile dans le monde.
Pascale (normal) Renée B (italique) et christiane L (gras)
Pascale Madame Martin-Debève
Rédigé par Pascale Madame Martin-Debève le 17/05/2007 à 17:10