PASCALE *****

13/12/2006

Mots à insérer :
MUSIQUE : moment, miel, usure, urgent, silence, sol, infini, icône, qualité, quête, unité, urbain, évident, école.

JOKERS : jaune, feu, léger.




Réglée comme du papier à musique, c'est dans un moment de douce folie qu'elle avait recouvert le bois de son piano d'une fine couche de miel. L’usure du temps l'avait pourtant rendue presque aussi solide qu'une pâte de coings. Mais elle avait insisté. Frotté. Et gagné...
Il lui semblait alors tellement urgent de renoncer à ses terribles manies.
Le silence de la pièce, à peine rompu par le balancement de l'horloge, lui était devenu insupportable. Tic tac. Tic tac. Lui décomptant son temps bien trop vite...
Alors, peu à peu, elle avait instauré quelques rites. Vite devenus troublants, obsessionnels, irrésistibles. Toc toc lui chuchotait le sol en grinçant de toute la force de ses vieilles planches. Toc toc reprenait la pendule, aussi dérangée que le reste de la maisonnée.
À l'infini, à part quelques icônes à qui les pieuses qualités servaient de protection, à l'infini donc, ce n'était que vaines quêtes, récriminations en tous genres, désapprobation et elle sentait bien qu'elle flirtait dangereusement avec la folie.
Elle avait à peine 30 ans. Mais de la règle des trois unités, action, lieux et temps, il ne lui restait plus grand-chose, l'urbanisme ayant accompli son oeuvre jusqu'à ignorer ses propres enfants. Anonyme. Oubliée du monde.
Ce piano, c'était sa dernière richesse. Son dernier lien avec sa vie d’avant. Il lui était évidemment nécessaire. Vital même. De l'école de musique qu'elle fréquentait jadis, il ne lui restait que quelques feuillets épars et jaunis. Le reste, tout le reste, avait terminé sa course dans le feu de l’âtre. Elle avait brûlé ses souvenirs, un autre soir de douce folie. Aussi légère qu'une chrysalide vide, elle n'avait pas pu, pas su, qui peut le dire, déployer ses ailes. Elle s’était donc isolée, repliée puis recroquevillée...
Toc toc... Elle n’attendait personne. Toc toc...
Elle fit glisser ses pantoufles usées jusqu'à la porte, l'entrebâilla et sans même un regard pour le notaire, prit la lettre que l'homme souriant lui tendit :

-- Maitre Goupillon. Bonsoir Madame. Vous ne vous souvenez plus de moi ? Eh bien je vous confirme vous êtes bien l'unique héritière de feu votre grand oncle. C'est qu'il nous a fallu du temps pour vous retrouver... Vous voilà riche...

La jeune femme sourit vaguement. Du geste elle pria l'homme d'entrer. Puis elle indiqua un fauteuil usé que l'homme de loi refusa poliment. Elle s'approcha du piano. S’empara d’un chiffon doux. Et taquinant le silence, commença à caresser le dos de l’instrument pour y faire pénétrer l’onguent. Puis, toujours silencieusement, elle tira le tabouret, découvrit les dents blanches et noires et soudain, elle-même surprise, fit voler ses doigts sur le clavier. La pièce, comme par magie, devient soudain vivante, la femme transformée et le notaire abasourdi, assista au plus beau concert de sa vie.

Alors, je pourrais vous le demander :

- Qui donc a dit que l’argent ne fait pas le bonheur ! (hi hi)

Pascale pour le 12 décembre 2006.

Pascale Madame Martin-Debève
Rédigé par Pascale Madame Martin-Debève le 13/12/2006 à 19:13