Écriture à partir d'un objet.

Cet objet est porteur d'une énigme. Si on l’observe avec suffisamment d'attention, il va révéler quelque chose de caché. Ce jeu se fera en deux temps.

1/ Premier temps : 15 minutes.

Chacun commence un texte : il écrit dans le but de prendre en compte cet objet, sans intention préconçue au départ, en lançant des pistes et sans se soucier de faire un texte abouti. Chacun écrit autour de cet objet, de ses usages, de rêveries, de supputations. Suspense en prime…

2/ Deuxième temps : idem

Au signal, transmettre son texte au voisin qui le poursuit pour résoudre énigme qui doit aboutir : il n’introduit plus de personnages, il resserre l’action et trouve la chute…





L'oeil : jeu du 15 mai 2006.
Pascale au départ (italique) et René à la fin .


Au début, cet oeil indiscret me faisait un peu peur. J’avais le sentiment qu’un étranger espionnait mon intérieur. Pourtant, il me fut offert par un proche. Nullement étranger. Bien au contraire. Je songeais, oui, Marie, à cet oeil de Moscou qui me permettait d'apprécier à sa juste valeur ma liberté d'expression et d'action. Je songeais à l’oeil de Dieu. Puisqu'il serait, dit-on, partout. Pourquoi pas là ? De lui, j’avais moins peur car je n’ignorais pas mes quelques défauts mais je savais aussi que je n'étais pas non plus l'enfant du diable.
Toutefois, même Dieu n'a pas besoin de tout savoir ! Enfin, je songeais que cet œil grand ouvert, même acheté dans un magasin bon marché, pouvait être celui de quelque marabout, voyant anonyme et indiscret, trouvant par ce biais l'occasion de nourrir ses soi-disant visions terrestres.
Mais je n'allais pas me laisser envahir par un banal objet de décoration. Je n'allais pas non plus m’en séparer, lui tourner le dos, car j'ai un gros défaut, je suis sentimentale et cet hologramme était chargé de beaucoup d'affection.
Il me fallait pourtant trouver une solution, une parade, afin que, sans l’ignorer, il ne me trouble plus. Ou moins en tout cas.
Je n'avais plus le temps de réfléchir plus avant ce jour-là. Dans trois minutes, j'avais rendez-vous avec des amis. Pour rien au monde je n'aurais failli à mon engagement. L'oeil attendra. Chargé de mystère, il pourra bien scruter ma pièce de vie : je file...


Pénélope était partie depuis près d’une demi-heure lorsque l’œil s’anima comme si un esprit l’animait et voulait s’échapper. La pupille se dilatait à en devenir grotesque, elle émettait un halo fluorescent d’intensité variable dont les couleurs glauques éclairaient la pièce d’ombres et de lumières de fin de monde. Ce devait être un esprit coléreux et même rageur car l’hologramme se mit à tressauter en entraînant des déplacements désordonnés.
De nouveau spasmes l’agitaient comme ceux d’un agonisant. Peu à peu, la fluorescence de l’œil décrut en virant au marron. Soudain, un sursaut le saisit qui le fit basculer sur le bord du meuble. L’esprit perçut subliminalement sa chute vertigineuse qui le fracassa sur le carrelage. Tout s’éteignit avec une dernière fumerolle de chandelle morte.
A deux mille kilomètre de là, le Marabout qui avait confectionné cet envoûtement –il avait été grassement rémunéré par Luisito, ex-amoureux débouté de Pénélope- ressentit un impact de flèche transperçant sa poitrine. IL sut que c’était la fin d’un de ses maléfices.

En rentrant chez moi -vers un heure du matin, Bulle m’accueillit en se frottant voluptueusement à mes jambes et en ronronnant bruyamment. Je me remémorai cette soirée un peu singulière marquée par la rencontre avec l’un de mes ex. . Pourquoi m’a-t-il entraînée un peu à l’écart pour me faire part de ses remords, s’excuser de son comportement et solliciter mon pardon. Je le lui ait accordé sans trop comprendre, je ne suis pas rancunière, puis nous avons repris place dans le groupe.
Tiens, ces morceaux de verre éparpillés, mais, qu’est-il advenu à mon hologramme ? Je n’ai pas ressenti de secousse tellurique, ce ne peut-être qu’une bêtise de plus de Bulle. Trois coups de balayette, pelle puis poubelle, affaire réglée. Qu’elle coincidence, c’était, j’y pense, un cadeau de Luisito. Pourquoi ais-je la sensation que ce soir une page se tourne ?
Comme l’air est vivifiant ! Je pense que je vais bien dormir en rêvant à des lendemains qui chantent. Bulle, comme épuisée par ses épanchement sommeille déjà sereinement lovée au coin du lit.


René et Pascale le 15 mai 2006.






Pascale Madame Martin-Debève
Rédigé par Pascale Madame Martin-Debève le 26/05/2006 à 19:06