FRANCOISE C.*

L'école, enfer ou paradis? vous êtes institutrice, dans une grande ville, un petit village..Vous êtes élève...vous visez à une époque précise...racontez.



La semaine dernière, sa mère l'a amené à la commission, à Dax. Elle l'a grondé parce qu'il n'arrive jamais à prononcer ce nom de ville avec sa fin de syllabe qui siffle mais jamais de la bonne façon. Des hommes, des femmes l'ont regardé avec des airs très différents mais qui faisaient plutôt peur; une seule femme s'est adressée à lui, en l'appelant par son prénom mais c'était trop surprenant et trop doux pour qu'il entende vraiment la question.
Celui qui commandait-il n'en avait pas l'air pourtant avec ses lunettes qui lui faisaient plisser le nez et sa façon de demander l'avis de tous ces gens bien habillés mais pas le sien à lui- a dit: lundi à l'école et à la cantine à l'essai.
L'essai, il ne sait pas où ça se trouve mais sa mère lui a expliqué qu'il irait à l'école comme tous les enfants et qu'il avait intérêt à bien se tenir parce qu'on l'enverrait ailleurs, très loin si la maîtresse n’est pas contente de lui.
Premier jour, c'est sa mère qui le conduit à la maternelle. Ca maîtresse et l'autre dame l’accueillent. Il a un porte-manteau tout exprès pour lui avec sa photo et deux écritures. Comment ont-elles eu sa photo? Il faudra qu'il demande à son père qui sait bien plus de choses que sa mère quand il est de bonne humeur. La maîtresse lui dit que les deux étiquettes, c'est son nom et son signe qui veut dire lui mais avec un dessin plus facile. C'est vrai que c'est plus facile, peut-être qu'il arrivera lui aussi à le dessiner si on lui donne plusieurs feuilles pour recommencer.
Autour de lui, les autres enfants ont chacun porte-manteau et étiquettes comme lui mais il est le seul dont la mère donne une poche de vêtements à la maîtresse « au cas où » disent-elles d'un air entendu. Ça ne lui plaît pas, il va essayer d'être comme les autres, propre....déjà, il vient à l'école comme tout le monde, il sait dire bonjour, merci, oui, non, demander s'il a besoin, répondre si on lui demande et répéter les mots qui ne sont pas trop difficiles. L'école, c'est fait pour apprendre, il apprendra le reste et peut-être qu'il saura bientôt chanter comme son petit voisin.
Il s'applique à la ronde, rate le ballon mais court très bien pour le rattraper et le renvoie vers un autre dans la bonne direction.
En classe, il a su faire des tours très hautes avec les cubes, a eu le droit de les renverser e d'en rire, il a partagé le garage avec deux autres garçons et feuilleté un livre qu'il a pensé à poser sur la bonne étagère quand il a eu fini.
La peinture, il ne voulait pas, même avec la grande chemise boutonnée dans le dos; il a ses beaux habits et s'il les tâche, sa mère sera fâchée, si fâchée qu'il croira encore qu'elle ne va pas continuer à s'occuper de lui et le mettra en pension.
Pension, il ne sait pas ce que c'est mais un jour son père lui a montré les murs de la prison, expliqué qui était dedans et allez savoir pourquoi pension et prison, lui, il trouve que c'est deux mots presque pareils.
Juste avant la récréation de l'après-midi, il s'appliquait tant à faire les traits demandés qu'il a oublié de demander à aller aux cabinets. La dame l'a changé, la maîtresse a amené les autres dans un coin, personne ne l'a grondé et lui, ça lui adonné encore plus honte.
Un mois plus tard; des moments où il est content avec les autres, les jeux, le travail quelquefois bien difficile mais ça, impossible de se contrôler. Tous les jours, la dame doit le laver et le changer, les autres se bouchent le nez, la maîtresse et la dame se fâchent ou ont l'air si triste que c'est pire encore. Quand elle vient, sa mère n'en dit rien, elles la regardent, attendant une excuse, une explication mais non, elle ne dit rien.
Un jour, la maîtresse laisse ce qu'elle était en train de faire, le prend par la main, se tourne vers la dame: « vous, occupez-vous des autres! » sur un tel ton que chacun comprend qu'il y a intérêt à filer doux. Elle lui montre comment se déshabiller, défaire les boutons, enlever les chaussures, les chaussettes puis pantalon et slip. Elle fait semblant de faire comme lui mais ne l'aide à aucun moment. Et, bon, le voilà lavé et rhabillé tout seul pour la première fois de sa vie. Elle prend les vêtements sales, les mets dans une double poche. A 16h30, elle lui donne la poche: « tiens, tu donneras ça à ta mère ». Et lui, en gambadant jusqu'au portail: « je porte un cadeau à ma mère... »
Que c'est-il passé à la maison et surtout dans la vie de Jean-Pierre. Il n'eut plus jamais à être changé à l'école.
Il va aller à une autre commission à Dax qu'il ne sait pas mieux prononcer. Si la dame lui demande encore son avis, il dira qu'à l'école, il veut continuer à y aller.



Françoise pour le 7 avril 2008.




Pascale Madame Martin-Debève
Rédigé par Pascale Madame Martin-Debève le 09/04/2008 à 22:37