Les Garibaldiens de France ont honte de Berlusconi et des Italiens qui le portent au pourvoir.



Les Garibaldiens de France ont honte de Berlusconi et des Italiens qui le portent au pourvoir.

L’étrange affaire Berlusconi

13 mai 2009

par Fabio Liberti, Chercheur à l’IRIS




Imaginons un pays dans lequel le Premier Ministre, participe à la fête des 18 ans d’une jeune femme quelconque, dans un restaurant glauque d’une banlieue encore plus glauque. Imaginez un pays dans lequel la femme du même Premier ministre, demande le divorce par presse interposée, et en motivant sa décision par l’attitude de son mari aimant fréquenter des mineurs. Imaginez un pays dans lequel la jeune fille de 18 ans convoque la presse pour montrer le cadeau d’anniversaire reçu par le Premier Ministre, en affirmant qu’elle le connaît depuis quelques temps, au point de le rejoindre dans d’autres villes que la sienne pour « lui faire de la compagnie », « chanter des chansons », et ce, en l’appelant « Papounet ».


Imaginez un pays dans lequel le même Premier Ministre décide d’aller défendre son honneur sur la principale chaîne de télévision (publique et donc financée par les contribuables) du pays, et qui, deux heures durant, défend ses agissements en rejetant la faute sur un complot de l’opposition qui aurait leurré son épouse. Imaginez enfin un pays dans lequel le pouvoir spirituel (la hiérarchie catholique en l’espèce), pourtant très présent dès qu’il s’agit de défendre ses intérêts et supposées valeurs, reste somme toute assez discret, et où les sondages d’opinion montrent un désintérêt total pour les agissements « privés » de leurs leaders politiques.




Ce pays est l’Italie. Mais que se passe-t-il donc dans ce pays depuis bien des années ? Comment les Italiens peuvent-ils encore avoir de l’estime pour un personnage dont l’origine de sa fortune est trouble, qui ne rate aucune occasion pour se vanter de ses prétendus exploits sexuels, qui candidate pour les élections européennes des jeunes starlettes ayant sur leur CV quelques apparitions dans des émissions où leur seul rôle est de danser légèrement vêtues ? Que se passe-t-il dans un pays où des ministres disposent du même CV et seraient à leur place, selon de nombreux observateurs, grâce à la seule décision de M. Berlusconi et contre on ne sait quelle faveur ? Que se passe-t-il dans ce pays dans lequel Veronica Lario, la femme de M. Berlusconi, affirme à la presse que son mari souffrirait de troubles psychiatriques ? Que l’Italie est devenue un pays sans morale, où tous les désirs de l’empereur se doivent d’être satisfaits ?




La sphère privée des hommes d’Etat a souvent été l’objet de longues polémiques. Sans arriver aux Etats-Unis et à l’affaire Lewinski, et si l’on reste en France, on dispose de bien des clichés et anecdotes sur les mœurs des plus hauts dirigeants, qu’il s’agisse d’affaires de divorce ou d’enfants secrets. Mais dans aucun pays on ne retrouve les deux éléments qui forment le cocktail explosif de l’affaire Berlusconi. D’abord, l’ostentation de sa vie privée. Deuxièmement, le désintérêt supposé total de l’opinion publique. Que se passerait-il en France ou en Allemagne s’il pesait le moindre soupçon de détournement de mineure sur M. Sarkozy ou Mme Merkel ? Les Italiens, désabusés vis-à-vis de la classe politique depuis le scandale « Mains propres » n’attendent probablement aucune vertu morale de la part d’un leader politique. Mais peut-on considérer pour autant que leur désintérêt ait atteint de tels pics ? Pour l’instant on serait tenté de répondre par la positive, mais la réalité est probablement bien différente. Deux analyses peuvent être tirées de cette affaire.




D’une part, la banalisation des affaires de mœurs dans les sociétés occidentales. Des histoires de tromperies ne sont pas une nouveauté historique. La publicité qui est faite de l’affaire, oui. Mme Berlusconi plaint des parents prêts à « offrir des vierges au dragon » pour leur assurer un avenir de starlette télévisée. La vulgarité ambiante dans l’offre des chaînes de télévision italiennes contribue probablement à une certaine décadence du civisme collectif. Un pays dans lequel on ne s’inquiète pas trop de la déferlante de l’évasion fiscale, de la façon dont les représentants du peuple sont sélectionnés, a certes du souci à se faire à ce niveau.




Mais, d’autre part, peut-on donc affirmer que les Italiens ont été lobotomisés par l’offre commerciale des télévisions du Cavaliere, et que donc aucune réaction est à attendre ? La réponse est non. Si les Italiens, suite au scandale « Mains propres », ont effectivement perdu toute confiance dans leurs dirigeants, au point de flirter dangereusement avec la démagogie, ils n’ont pas pour autant signé un chèque en blanc à leurs dirigeants, comme le prouve l’alternance systématique qui a eu lieu depuis 1994 et la naissance de la dite « deuxième république ». Les raisons de la fortune politique de M. Berlusconi sont diverses et variées, et dépendent de l’histoire récente du pays, de la sociologie de l’opinion publique, de la faiblesse de la gauche italienne, et ne sauraient être résumées ici. Ce qui est certain, c’est que l’affaire Letizia, du nom de la jeune fille, risque à terme de provoquer un tremblement de terre politique dans le pays. Veronica Lario, semble décidée a distiller des révélations sur les agissements privés et publics de son mari. Par une étrange assonance historique, on peut rappeler d’ailleurs que le scandale « Mains propres » avait éclaté lors de la procédure de divorce de la première personne mise en cause pour corruption. Sa femme, folle de rage, avait expliqué aux juges les circuits de la corruption politique en Italie…




Même si aujourd’hui Silvio Berlusconi est au plus haut dans les sondages, jouissant d’une gestion heureuse du post tremblement de terre dans les Abruzzes (et ce malgré les gaffes sur le « week-end au camping »…), sa popularité sera forcément entachée par la crise économique et financière, mais surtout, comme cela a été le cas en 1994 et en 2006, par sa gestion de la « res publica ». Lorsque l’opposition italienne présentera à nouveau un visage cohérent et uni, et un programme crédible appuyé sur un leader présentable, il est à parier que S. Berlusconi sera jugé non seulement sur ses agissements politiques, mais également sur sa personne. L’histoire politique du pays montre que lorsque des leaders ont atteint de tels sommets de consensus, la désillusion de l’opinion publique n’a été que plus forte, et la chute brutale.




Un jour on évoquera probablement la fin de l’épopée Berlusconi en pensant à la banlieue de Naples, à un restaurant plutôt kitsch, dans lequel une jeune fille de 18 ans appelait le Premier Ministre italien « Papounet »…


http://www.affaires-strategiques.info/spip.php?article1239



Mercredi 13 Mai 2009
philippe guistinati

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