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Petite visite dans la légende de ces femmes merveilleusement belles au point d'avoir été remarquées par les hommes politiques et les artistes les plus grands.


Avant de nous parler de Campaspe ou Pancaste, Pline l'Ancien dans le 2nd tome de son Histoire naturelle (Livre 35,

chapitre 34) dresse la liste de la plupart des peintres de l'antiquité. Après le monochrome apparaît Eumare d'Athènes,

le premier, pour Pline, qui osa distinguer les sexes dans la peinture (traduction Ed. Panckoucke, 1838).

Le naturaliste romain situe Eumare "beaucoup plus haut que la 18ème Olympiade, c'est à dire bien avant la mort de

Romulus".

Puis il poursuit : "Tous ces peintres ont été surpassés par Apelle de Cos -(IVème siècle avant J. -C.)- parce que, à la

différence des autres peintres, il avait la "kharis", la "grâce".


Le concernant les anecdotes sont nombreuses et Pline rapporte le mot du peintre qui depuis est un proverbe :

au cordonnier qui un jour avait noté un défaut dans la chaussure et qu'Apelle avait aussitôt corrigé, le peintre

dit à ce même cordonnier qui, fier d'avoir été entendu par l'artiste, s'était permis le lendemain de critiquer

la jambe "ne supra crepidam sutor judicaret", "pas au-dessus de la chaussure".

Et cette autre de Sextus Empiuricus, (Esquisses pyrrhoniennes, 1, 28), qui relate cette fameuse peinture à l'éponge

où Apelle n'arrivant pas à retranscrire sur son tableau l'écume du cheval au galop , de rage jeta l'éponge sur

son œuvre ; miracle du hasard, l'écume du cheval au galop apparut merveilleusement réaliste !

Plus véridique sans doute ce que nous rapporte Cicéron, De officiis, lll, 2, 10, sur le talent inégalé de l'artiste ; aucun

peintre ne voulut terminer la Vénus de Cos laissée inachevée par Apelle : "la beauté du visage enlevait tout espoir

que le reste du corps pût l'égaler".

Arrive alors dans l'atelier de notre artiste Alexandre qui, sans s'y connaître, se mit à parler peinture.

"Apelle l'engagea doucement au silence, disant qu'il prêtait à rire aux garçons qui broyaient les couleurs ;

tant ses talents l'autorisaient auprès d'un prince d'ailleurs irascible". Pline l'Ancien.

Loin d'être irrité par cette remarque, "Alexandre donna une marque très mémorable de la considération qu'il avait

pour ce peintre : il l'avait chargé de peindre nue, par admiration de la beauté, la plus chérie de ses concubines, nommée Pancaste"





Campaspe, la concubine préférée d'Alexandre, musée du Louvre, Auguste Ottin, 1811-1890
Campaspe, la concubine préférée d'Alexandre, musée du Louvre, Auguste Ottin, 1811-1890




Et comme dans les plus beaux contes, qui finissent bien, l'artiste en devint amoureux.... et Alexandre la lui donna.

Pline tire cette belle leçon morale : "roi grand par le courage, plus grand encore par l'empire sur soi-même, et à qui

une telle action ne fait pas moins d'honneur qu'une victoire; en effet, il se vainquit lui-même. Non seulement il sacrifia

en faveur de l'artiste ses plaisirs, mais encore ses affections, sans égard même pour les sentiments que dut éprouver

sa favorite en passant des bras d'un roi dans ceux d'un peintre. Il en est qui pensent qu'elle lui servit de modèle pour

la Vénus Anadyomène.




Bernard Bouisset Mercredi 24 Juin 2015