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Pierre PASCALLON
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Un plan Marshall contre les djihadistes du Sahel
Un plan Marshall contre les djihadistes du Sahel
LE CERCLE. par Pierre Pascallon - L'idée peut paraître provocante. Elle l'est sans doute en partie. En effet, contre les djiadistes, on s'attend d'abord et surtout à une politique d'élimination des "terroristes" et de sécurisation de la zone Sahel-Sahara.
Et il faut bien sûr poursuivre cet objectif sécuritaire. Cette politique - n'en doutons pas- va être une politique de longue haleine, difficile. Il convient en effet de ne pas se laisser leurrer par les succès à court terme de l'opération "Serval" qui a empêché - et il le fallait - les bandes djihadistes de prendre la capitale Bamako. Oui, cette opération "Serval" était indispensable et elle a bien été dans un premier temps une réussite. On peut penser pourtant que les choses ne seront pas aussi faciles à moyen et long terme. Comment - avec en particulier les difficultés de terrain que l'on sait au Nord du Mali, dans le massif des Ifoghas proche de la frontière algérienne - penser éradiquer complètement et définitivement les foyers djihadistes, ces combattants pouvant se replier sur d'autres territoires et disséminer leurs forces.
De façon plus large, on n'ignore pas que l'arc de crise sahélo-saharien allant du Mali à la Somalie en passant par le Nigéria et le Kenya est de toujours une zone grise de conflictualité latente et endémique. Le Mali a été la "rampe de lancement" en quelque sorte d'un nouveau djihadisme islamique régional à l'échelle de ce territoire sahélo-saharien frappé par l'onde de choc des "révoltes arabes" et plus particulièrement par la défaite de Kadhafi. A vrai dire, cette "poussée" de l'Islam radical - on peut le penser - sur les prochains mois dans toute cette zone s'inscrit dans le temps long puisque des accès de fièvre islamique ont jalonné l'histoire de la bande sahélienne tout au long des siècles : qu'on pense en ce sens en particulier au mouvement Almoravide qui sévissait dans cette zone en 1054.
Il faut donc se préparer à une longue et difficile politique de sécurisation au niveau de la bande sahélo-saharienne.
On ne peut donc que dire notre préoccupation - compte tenu des incertitudes qui demeurent sur le déploiement effectif et efficace de la "Mission de l'ONU de stabilisation" (MINUMA), en relais de la "Mission internationale de soutien au MALI sous conduite africaine" (MISMA-CEDEAO) - à voir la France annoncer le début de son retrait militaire à partir de fin avril. Il est irréaliste de penser que la mission de l'Armée française sera vraiment accomplie à cette date compte tenu, on l'a vu, de l'ampleur que va prendre inéluctablement à moyen terme le phénomène djihadiste sur cette zone sahélo-saharienne. On comprend bien sûr, ceci étant, que notre pays veuille éviter là-bas l'enlisement.
Aussi bien, le début de désengagement de la France n'est à notre sens acceptable... que si, simultanément, sans attendre d'avoir réglé la question sécuritaire, nous nous engageons très activement dans une politique de reconstruction et surtout une politique de développement dans et pour cette partie du continent africain.
Favoriser la reconstruction politique du Mali ?
On sait que l'Etat malien et de façon plus large les Etats du SahelL sinon de l'Afrique sont faibles et désorganisés, lorsqu'ils ne sont pas "décomposés", "désagrégés", - sur des territoires aux frontières souvent incertaines. On aurait bien sûr à s'arrêter plus avant - c'est la caractéristique centrale des zones grises - sur ces Etats "déchus", "défaillants", "échoués", "effondrés", … La reconstruction politique de "l'Etat Nation" est donc prioritaire, au Mali plus spécialement.
Le Pouvoir, on ne l'ignore pas, a été paralysé dans ce pays depuis le coup d'Etat militaire du 22 mars 2012 et l'annulation de l'élection présidentielle qui était prévue en avril suivant. Le flou institutionnel s'est installé, laissant la corruption gagner du terrain, le pouvoir réel passant de plus en plus aux entreprises publiques privatisées par la Banque Mondiale et le FMI.
Il convient donc de s'attacher à favoriser au mieux le processus de "re-composition" de "l'Etat-Nation" malien que les autorités locales actuelles entendent mettre en oeuvre grâce à la mise en place d'une "Commission du dialogue et de la réconciliation" devant préparer la tenue d'une élection présidentielle en juillet 2013. Mais on perçoit en ce début avril combien les choses sont et vont être difficiles : les militaires maliens ne trouveront-ils pas prétexte à la lenteur du processus de reconstruction face à l'urgence de la situation pour revenir au Pouvoir ? Par ailleurs, la déchirure entre le Nord et le Sud du Mali est sérieuse. On voit mal que les maliens puissent revenir au statu-quo antérieur sans prise en compte du problème touareg. L'indépendance de l'Azawad paraît exclue. Elle ne serait reconnue par personne et surtout pas par les pays voisins. Reste peut-être une certaine forme d'autonomie de l'Azawad qui permettrait de regagner "les coeurs et les esprits" des touaregs en les convaincant que le pouvoir éloigné de Bamako vaut mieux que la dictature de proximité des fous de Dieu.
Mais face aux incertitudes de la reconstruction politique du Mali, il faut avant tout, il faut surtout que la France s'attache à encourager le développement de la bande sahelo-saharienne... si l'on ne veut pas la laisser aux mains des djihadistes.
Engager le développement rural du Sahel ?
Le Sahel est une bande de terres arides, désertiques, sans aucune richesse ; c'est une région d'une pauvreté extrême et vulnérable à la moindre sécheresse qui se traduit par un risque de famine. Le Sahel est par suite un territoire où s'est installé - à moins qu'ils n'y soient déjà - la misère et le désespoir, un espace de décomposition et de désagrégation sociales marqué par le quasi-dénument et la marginalisation.
Il est sûr que ce "non développement" a amené une minorité de ceux qui le subissent à se tourner vers des circuits d'économie parallèle et des activités illicites (trafics, contrebande, …) ; il est certain que ce "sous développement" - qui a gangrené toute la société sahélienne et malienne - a fait et continue à être le terreau du djihadisme, le désoeuvrement et l'absence de perspectives jetant en particulier la jeunesse touareg dans les bras des salafistes.
Il faut donc absolument s'attacher au développement de l'agriculture rurale et pastorale des régions arides du Sahel-Sahara. Il serait bien sûr excessif de croire que l'on peut - en donnant à manger aux populations - régler le problème culturel, la foi irrépressible mise en l'Islam par certains. Mais, ne reproduisons pas au Sahel l'erreur commise en Afghanistan où l'on a trop mis l'accent sur la sécurité au détriment du développement rural. Les conflits s'atténueront s'ils ne disparaîtront pas totalement en Afrique et au Sahel plus spécialement lorsqu'un vrai développement économique et social - revenant sur l'abandon du secteur rural - s'y produira. On dira -et pour beaucoup c'est vrai - que la France et l'Union Européenne ont déjà adopté une stratégie pour le Sahel (dès mars 2011), ont distribué une enveloppe financière significative à des projets de développement dans les Etats du Sahel...
Il s'agit pourtant d'aller plus loin demain et - corrélativement au début du retrait militaire français à la fin avril - il faut que nous puissions annoncer - et démarrer effectivement - un plan global de grande ampleur pour tout le monde rural sahélien. Le cadre de mise en place - et de suivi - de ce plan existe : il s'agit du CILSS (Comité permanent inter-Etats de lutte contre la sécheresse dans le Sahel) créé en 1973 par les Etats sahéliens après la sécheresse aigüe qui a frappé la région de 1968 à 1973 ; et du Club du Sahel (créé par les pays développés en 1976), désormais Club du Sahel et de l'Afrique de l'Ouest (CSAO). Il n'est pas interdit de penser à rapprocher plus encore sinon à fusionner ces deux organismes pour leur espérer plus d'efficacité dans cette ambitieuse démarche pour le Sahel.
Le contenu de ce plan qui doit permettre de revenir sur une agriculture sahélienne aujourd'hui marginalisée ? Il s'agit au Sud de relancer la culture de céréales et du coton, de promouvoir la culture attelée, d'exploiter le potentiel des grands fleuves, … Au nord, il conviendra d'ouvrir des pistes, d'aménager les bas-fonds, d'organiser le retour de l'eau par des travaux de terrassement, de réhabiliter l'économie fragile des oasis, d'organiser la transhumance, …
C'est sans doute quelque 1,5 milliards d'euros par an pendant 10 ans au moins qu'il convient de consacrer à cette formidable entreprise pour relancer le développement rural du Sahel. Oui, il nous faut un grand plan Marshall dans cet esprit contre les djihadistes du Sahel.
De façon plus large, on n'ignore pas que l'arc de crise sahélo-saharien allant du Mali à la Somalie en passant par le Nigéria et le Kenya est de toujours une zone grise de conflictualité latente et endémique. Le Mali a été la "rampe de lancement" en quelque sorte d'un nouveau djihadisme islamique régional à l'échelle de ce territoire sahélo-saharien frappé par l'onde de choc des "révoltes arabes" et plus particulièrement par la défaite de Kadhafi. A vrai dire, cette "poussée" de l'Islam radical - on peut le penser - sur les prochains mois dans toute cette zone s'inscrit dans le temps long puisque des accès de fièvre islamique ont jalonné l'histoire de la bande sahélienne tout au long des siècles : qu'on pense en ce sens en particulier au mouvement Almoravide qui sévissait dans cette zone en 1054.
Il faut donc se préparer à une longue et difficile politique de sécurisation au niveau de la bande sahélo-saharienne.
On ne peut donc que dire notre préoccupation - compte tenu des incertitudes qui demeurent sur le déploiement effectif et efficace de la "Mission de l'ONU de stabilisation" (MINUMA), en relais de la "Mission internationale de soutien au MALI sous conduite africaine" (MISMA-CEDEAO) - à voir la France annoncer le début de son retrait militaire à partir de fin avril. Il est irréaliste de penser que la mission de l'Armée française sera vraiment accomplie à cette date compte tenu, on l'a vu, de l'ampleur que va prendre inéluctablement à moyen terme le phénomène djihadiste sur cette zone sahélo-saharienne. On comprend bien sûr, ceci étant, que notre pays veuille éviter là-bas l'enlisement.
Aussi bien, le début de désengagement de la France n'est à notre sens acceptable... que si, simultanément, sans attendre d'avoir réglé la question sécuritaire, nous nous engageons très activement dans une politique de reconstruction et surtout une politique de développement dans et pour cette partie du continent africain.
Favoriser la reconstruction politique du Mali ?
On sait que l'Etat malien et de façon plus large les Etats du SahelL sinon de l'Afrique sont faibles et désorganisés, lorsqu'ils ne sont pas "décomposés", "désagrégés", - sur des territoires aux frontières souvent incertaines. On aurait bien sûr à s'arrêter plus avant - c'est la caractéristique centrale des zones grises - sur ces Etats "déchus", "défaillants", "échoués", "effondrés", … La reconstruction politique de "l'Etat Nation" est donc prioritaire, au Mali plus spécialement.
Le Pouvoir, on ne l'ignore pas, a été paralysé dans ce pays depuis le coup d'Etat militaire du 22 mars 2012 et l'annulation de l'élection présidentielle qui était prévue en avril suivant. Le flou institutionnel s'est installé, laissant la corruption gagner du terrain, le pouvoir réel passant de plus en plus aux entreprises publiques privatisées par la Banque Mondiale et le FMI.
Il convient donc de s'attacher à favoriser au mieux le processus de "re-composition" de "l'Etat-Nation" malien que les autorités locales actuelles entendent mettre en oeuvre grâce à la mise en place d'une "Commission du dialogue et de la réconciliation" devant préparer la tenue d'une élection présidentielle en juillet 2013. Mais on perçoit en ce début avril combien les choses sont et vont être difficiles : les militaires maliens ne trouveront-ils pas prétexte à la lenteur du processus de reconstruction face à l'urgence de la situation pour revenir au Pouvoir ? Par ailleurs, la déchirure entre le Nord et le Sud du Mali est sérieuse. On voit mal que les maliens puissent revenir au statu-quo antérieur sans prise en compte du problème touareg. L'indépendance de l'Azawad paraît exclue. Elle ne serait reconnue par personne et surtout pas par les pays voisins. Reste peut-être une certaine forme d'autonomie de l'Azawad qui permettrait de regagner "les coeurs et les esprits" des touaregs en les convaincant que le pouvoir éloigné de Bamako vaut mieux que la dictature de proximité des fous de Dieu.
Mais face aux incertitudes de la reconstruction politique du Mali, il faut avant tout, il faut surtout que la France s'attache à encourager le développement de la bande sahelo-saharienne... si l'on ne veut pas la laisser aux mains des djihadistes.
Engager le développement rural du Sahel ?
Le Sahel est une bande de terres arides, désertiques, sans aucune richesse ; c'est une région d'une pauvreté extrême et vulnérable à la moindre sécheresse qui se traduit par un risque de famine. Le Sahel est par suite un territoire où s'est installé - à moins qu'ils n'y soient déjà - la misère et le désespoir, un espace de décomposition et de désagrégation sociales marqué par le quasi-dénument et la marginalisation.
Il est sûr que ce "non développement" a amené une minorité de ceux qui le subissent à se tourner vers des circuits d'économie parallèle et des activités illicites (trafics, contrebande, …) ; il est certain que ce "sous développement" - qui a gangrené toute la société sahélienne et malienne - a fait et continue à être le terreau du djihadisme, le désoeuvrement et l'absence de perspectives jetant en particulier la jeunesse touareg dans les bras des salafistes.
Il faut donc absolument s'attacher au développement de l'agriculture rurale et pastorale des régions arides du Sahel-Sahara. Il serait bien sûr excessif de croire que l'on peut - en donnant à manger aux populations - régler le problème culturel, la foi irrépressible mise en l'Islam par certains. Mais, ne reproduisons pas au Sahel l'erreur commise en Afghanistan où l'on a trop mis l'accent sur la sécurité au détriment du développement rural. Les conflits s'atténueront s'ils ne disparaîtront pas totalement en Afrique et au Sahel plus spécialement lorsqu'un vrai développement économique et social - revenant sur l'abandon du secteur rural - s'y produira. On dira -et pour beaucoup c'est vrai - que la France et l'Union Européenne ont déjà adopté une stratégie pour le Sahel (dès mars 2011), ont distribué une enveloppe financière significative à des projets de développement dans les Etats du Sahel...
Il s'agit pourtant d'aller plus loin demain et - corrélativement au début du retrait militaire français à la fin avril - il faut que nous puissions annoncer - et démarrer effectivement - un plan global de grande ampleur pour tout le monde rural sahélien. Le cadre de mise en place - et de suivi - de ce plan existe : il s'agit du CILSS (Comité permanent inter-Etats de lutte contre la sécheresse dans le Sahel) créé en 1973 par les Etats sahéliens après la sécheresse aigüe qui a frappé la région de 1968 à 1973 ; et du Club du Sahel (créé par les pays développés en 1976), désormais Club du Sahel et de l'Afrique de l'Ouest (CSAO). Il n'est pas interdit de penser à rapprocher plus encore sinon à fusionner ces deux organismes pour leur espérer plus d'efficacité dans cette ambitieuse démarche pour le Sahel.
Le contenu de ce plan qui doit permettre de revenir sur une agriculture sahélienne aujourd'hui marginalisée ? Il s'agit au Sud de relancer la culture de céréales et du coton, de promouvoir la culture attelée, d'exploiter le potentiel des grands fleuves, … Au nord, il conviendra d'ouvrir des pistes, d'aménager les bas-fonds, d'organiser le retour de l'eau par des travaux de terrassement, de réhabiliter l'économie fragile des oasis, d'organiser la transhumance, …
C'est sans doute quelque 1,5 milliards d'euros par an pendant 10 ans au moins qu'il convient de consacrer à cette formidable entreprise pour relancer le développement rural du Sahel. Oui, il nous faut un grand plan Marshall dans cet esprit contre les djihadistes du Sahel.
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