RENE

05/04/2006

Mots à insérer:

Pâques : parole pardon abandon abstrait quête qualité utile unisson essai escalier saveur saison
Joker : mer joie prière




Nantes le 3 avril 2006


Bonsoir V. B.

J’ai longtemps hésité à t’écrire, de crainte, pour tout te dire, de venir aviver le souvenir de peines de ta vie.

C’est que j’avais trop besoin de te « parler » alors qu’ approche un anniversaire qui n’est pas des plus joyeux : celui de ma première année d’hospitalisation. S’agissant d’anniversaire (celui du mois dernier), j’ai la joie de savourer chaque jour une des pastilles au cognac que tu m’avais offertes et ton petit mot d’accompagnement, que j’ai rangé dans le coin du tiroir, est mon meilleur compagnon.

J’ai changé quatre fois de Service, de Spécialiste, de personnel soignant et de traitement. Me voici à présent au dernier étage. J’ai fais connaissance de mes voisins et voisines avec leurs misères. Je peux vaquer dans le couloir, toutefois, l’escalier m’est défendu. Les aides soignantes me toilettent toujours à l’unisson, recto-verso comme un sou neuf. La qualité gustative de l’alimentation laisse encore à désirer, sauf celle des fruits de saison. Tu vois, ce n’est pas la mer à boire. Néanmoins, il m’arrive de fantasmer sur la tête de veau que tu aimais préparer, dans l’arrière bar, pour nos petites bouffes.

La grande nouvelle, c’est mon opération qui aura lieu après Pâques. Le docteur m’a expliqué, en tête à tête, qu’il s’agira d’une nouvelle technique d’emploi de thérapie génique. Son vocabulaire médical était pour moi bien abstrait. En fait, ce sera un essai. Je lui ai donné mon accord aussitôt, sans me faire prier. J’ai bien peu à perdre (et sans doute aussi, peu à gagner). Peut-être serais-je ainsi d’une petite utilité ?

Depuis que j’ai pris cette décision et signé les papiers -pour l’essentiel, une décharge de la responsabilité du docteur- je vis dans un état d’apaisement et de sérénité. Je crois que je me suis pardonné de ce que j’ai été, comme de ce que je n’ai su être. Ce n’est pas un abandon de l’envie de vivre, mais je suis libéré de ma quête existentielle. Non, je ne regrette rien.

Ma vielle branche, le vieux bois prêt à tomber te salue bien bas.


Petit supplément :

Nostalgie, nostalgie

Caboulot sans prétention
Miroir de nos déchéances
Des hommes sans condition
Le havre des complaisances.



René pour le 03 avril 2006





Pascale Madame Martin-Debève
Rédigé par Pascale Madame Martin-Debève le 05/04/2006 à 10:03