FRANCOISE C.*


Proposition : avec un objet, pour moi un carnet (premier temps) puis le calendrier de ma voisine (au top de l'animatrice) ...




Travail suspendu

Il cherche une phrase dont il a besoin pour préparer sa prochaine intervention...Zeigarnik, un psychologue et cette phrase qui sera une courte préface à ce qu'il veut leur communiquer. Zeigarnik, un inconnu pour lui; il aurait aimé chercher sa nationalité et son obédience mais il n'a pas eu le temps. Où? Dans cette boîte... où il fourre tout ce qui l'a intéressé et qui risque de lui servir?
Des post-it de toutes les couleurs et de toutes les formes avec des citations, un bloc sténo dans lequel il avait imaginé classer méthodiquement les écrits à utiliser, ceux qu'il aime, ceux qu'il déteste aussi, pour y répondre....un jour.....peut-être, le vieux carnet rouge à spirale dans lequel, de seize à dix-huit ans, il a calligraphié les poèmes qu'il aimait le plus, qui devaient être couchés sur le papier d'une écriture parfaite....Et ce petit carnet jaune et bleu à spirale. Cent pages, quatre-vingts grammes. Carrefour.
Il a été si longtemps dans la poche arrière de ses pantalons. C'était une des premières choses qu'il vérifiait en achetant un nouveau pantalon: y avait-il une poche arrière et son carnet y rentrait-il? Quelles que soient les qualités de celui qu'il essayait, si la poche était trop courte, trop étroite ou munie d'un bouton rendant l'échancrure trop basse, il y renonçait. Il a perdu le petit stylo noir, court et mince qui se glissait parfaitement au milieu des spirales.
Il se souvenait parfaitement du jour où il l'avait acheté. Il devait aller à la librairie Mollat copier les titres des ouvrages nécessaires à ses ateliers de l'année, il voulait un carnet maniable, bon marché et avec du bleu...oui, les choses qui lui appartiennent ont souvent du bleu. Cette première liste établie, il l'avait glissé dans la poche arrière de son jean...A sa place, tout naturellement. Et depuis, combien de listes! des références de livres surtout mais aussi des sorties, des expos, des numéros de téléphone qui n'étaient pas toujours accompagnés du nom de leurs propriétaires, des petits textes copiés dans des bouquins, chez lui, chez des amis souvent, chez Mollat quelques fois, accroupi sur une marche quelconque....quelques rappels de choses à prévoir...et oubliées souvent...le coeur de sa vie sur sa fesse droite. Un jour, il fut plein. Le suivant est vert, plus de bleu ce jour là au supermarché.
La dernière phrase: « tous les dragons de votre vie ne sont sans doute que des princesses qui appellent au secours »Reiner Maria Rilke et pas de mention du titre, quelle erreur!
Exactement la même dimension, coincé dans le couvercle de la boîte, un calendrier 2008. Il ne se souvient pas de l'avoir déposé là à son retour de Lyon. Bien sûr, il y a déjà coché le dates et les lieux de ses interventions de l'année à venir. Pas le petit format habituel, pour une fois le caviste offrait un grand calendrier à la mesure exacte de ses classeurs. Guignol et son ami hirsute, plus banalement quelques vues de la ville et ce mur peint en trompe l'oeil qu'il avait fini par dénicher tout seul. La première photo lui plaît. Il n'aime pas la plaisanterie que lui lance la marotte aux cheveux de crin; Guignol est raide et ses cheveux sont peints comme il se doit pour un pantin de marionnette mais la lumière qui reflète dans ses yeux les rend joyeux,vivants et le sourire à demi narquois semble l'accueillir, lui, le passant ordinaire.
Il revient à son vieux carnet; ce n'est pas dans celui-ci qu'il peut trouver la phrase qu'il cherche mais peut-être en trouvera-il une autre, tout aussi efficace. Il le feuillette,sourit à des citations qui restent d'actualité, en coche quelques unes devenues saugrenues ou bien vieillottes, décorne les coins de pages et le range à sa place.
Peut-être est-il nécessaire de fouiller dans le classeur jaune fourre- tout du tiroir gauche du grand bureau? Il soupire d'incertitude mais il n'a pas le choix. Il se baisse et se relève en riant: il est salutaire de pouvoir de temps en temps se moquer de soi-même; sensible à son mouvement de bascule avant, le petit carnet imprime sa marque à la hauteur de la poche arrière droite.


Françoise, Capbreton, novembre 2007






Pascale Madame Martin-Debève
Rédigé par Pascale Madame Martin-Debève le 25/11/2007 à 18:33