FRANCOISE C.*

19/11/2007

Mots à insérer

JOURNEE : journal, jalousie, or, ouverture, unique, uniforme, rêve, raillerie, nuit, naturel, ébahie, élégant, étoile, euh.

JOKER : rire, facile, pur.




Médecin de campagne


Il est trop tôt pour le journal. Quand le téléphone a sonné pour la troisième fois en cette nuit de garde, un rêve l'agitait, si semblable à la scène de la semaine dernière que le temps se contracta et bascula plusieurs fois de l'imaginaire à la réalité en une spirale qui lui donna le tournis. Il y était question de jalousie. Martine les avait surpris, Nini et lui, et persiflait: « Tu n'es pas très élégant! cette fille dans votre lit de garde, portes ouvertes, je me suis arrêtée; qu'avait-il pu se passer? pas de voiture, la veilleuse tremblotante du fond du couloir visible de la route; quel appel avait pu te mobiliser ainsi, laissant le cabinet ouvert à tous vents? » Et sur un ton de raillerie mordante: « La voiture planquée, et vous, vous... n'importe qui aurait pu arriver à ma place! »
Vlan! elle flambe la porte pour la fermer avec le plus de violence possible.
Driiing! Ebahi, il ne sait plus ce qui le sonne.
La sonnerie insiste.
Il décroche en enfilant son unique pantoufle et tandis que son pied tâtonne à la recherche de l'autre.
-euh! Docteur Martin, j'écoute...
-.......
-oui, vous avez donc bien donné l'unique prise...
-........
-non, l'effet aurait du se faire sentir en une demi-journée....si, si vous avez fait ce matin tout ce que vous aviez à faire, or, les symptômes persistent, vous les décrivez très bien...l'attitude du petit, son inquiétude, la vôtre....j'arrive.
Les étoiles brillent encore dans le ciel apuré par la petite gelée de la nuit. Il fait si clair dans le douillet de la véranda. Toutes les ouvertures mettent le jardin à portée de main; derrière, les premiers contreforts des Corbières se détachent sombres et encore indifférenciés dans cette aube bleutée, si présents qu'il pourrait s'y croire immergé. Pourtant, rien d'uniforme dans ce décor qui organise sa vie. Jamais, il ne pourrait aller vivre ailleurs.
Il vérifie le contenu de sa trousse de médicaments, le répertoire des adresses des médecins hospitaliers ou spécialistes et divers secours d'urgence. Il n'oublie pas la liste des visites de la journée: celle, incontournable à James dont l'appareil respiratoire complexe doit être vérifié deux fois par jour, mamie Julienne et ses plaies variqueuses qui ne cicatrisent pas, le bébé des Camlat, en couveuse: il faut préparer son arrivée chez lui, la petite Isabelle et son taux d'insuline, chez Bétous, les résultats de Roger et la mise en place de soins plus lourds...un ami qui va mourir, une épouse aux aguets.... inquiétude camouflée sous les protocoles à expliquer.
Puisque la tournée le permet,il prendra son petit déjeuner à Terre Blanche avec Eric et Gisèle et commandera le « Vieux Parc » à amener à Dax, le mois prochain. Chez eux,un moment de détente et de rire...plus facile de repartir, énergie ressourcée.
Il met le contact, laisse chauffer la voiture et revient dans la véranda. du café réchauffé, c'est tout ce qu'il a le temps d'avaler; pur arabica peut-être, le café de micro-ondes ne vaut jamais grand chose. Il ne peut s'empêcher de sourire au souvenir de Nini lui préparant un vrai petit noir serré après leur nuit digne des époques estudiantines. Et comment apaiser Martine quand nul remord ne l'habite?
Il n'est pas temps de penser à cela; la première visite pourrait bien être difficile et la journée déjà chargée réclame toute son attention. Il ferme la porte du cabinet, enclenche la marche arrière et se concentre déjà sur les complications de la grave bronchiolite de son premier petit patient.


Françoise, Capbreton novembre 2007

Pascale Madame Martin-Debève
Rédigé par Pascale Madame Martin-Debève le 19/11/2007 à 18:22