RENE

Jeu : écrire à partir d’un objet.

Par René suivi de Chantal (en italique)



Le Bougeoir.

Elle posa sa valise sur le lit, l’ouvrit et commença à chercher une place pour chacune de ses affaires. Elle prenait ainsi possession de son nouveau logement, comme on reconstituerait un nid pour une nouvelle phase de vie. Heureusement, son interlocuteur à l’agence avait été compréhensif et discret, comme s’il devinait ce passé difficile, cette plaie encore trop douloureuse -combien c’était vrai- et lui portait secours.

Les quelques vêtements, les chaussures -qu’une paire- la trousse de toilette, trouvèrent naturellement leur place. Elle prit alors un paquet informe, enveloppé d’une serviette dont elle écarta les pans et elle en sortit le bougeoir de cuivre. En le découvrant, elle resta figée, comme subjuguée, puis délicatement, comme si elle en craignait un sursaut, elle le dressa sur son pied dans un équilibre un peu mouvant, en laissant la serviette intercalée sur le dessus de lit. Des jeux de traits et de tâches de lumière et d’ombres subtils, venaient, dans la légère pénombre de la pièce, se poser sur les surfaces convexes, concaves, cylindriques du bougeoir qui en devenait magique et sacré comme un objet de culte. Elle restait à le regarder tant il lui avait manqué durant ces longs mois d’expiation. Il n’avait pas été une journée absent de ses pensées jusqu’au jour de sa libération. Et signe d’un destin à présent propice, il lui était maintenant revenu.

Il avait été son porte-malheur ou, du moins, avait fait partie de ce pourquoi Juliette s’étaient retrouvée aux Baumettes pour deux « petites » années avait dit le juge, une éternité pour cette jeune femme. Ce n’était pourtant pas un crime que de vouloir retrouver des souvenirs d’enfance qui vous ont été injustement volés… Elle pensait avoir droit aux circonstances atténuantes quand elle avait expliqué au juge qu’elle s’était réappropriée ce qui avait été dérobé à ses parents et grands-parents après leur départ pour Dachau et jamais rendu. Elle en avait dressé la liste et tant bien que mal, elle en avait retrouvé quelques-uns. N’ayant pas le moindre sous d’avance pour les racheter à des propriétaires trop heureux de leurs affaires faites le plus légalement et le plus injustement du monde, Juliette n’avait plus que la ressource du « vol ». Ma foi, on pourrait dire qu’elle avait même du talent à ce genre d’exercice…Mais voilà, il lui avait été plus facile de dissimuler certains bijoux ou autres petits objets peu encombrants que de sortir ce bougeoir du magasin d’antiquités...

A partir de cet instant où l'antiquaire appela la police, tout s'enchaîna très vite et défila comme un véritable cauchemar: la garde à vue, le transfert chez le juge, le procès ou visiblement son histoire dérangeait, puis le verdict et la peine qui firent d'elle une voleuse "comme les autres".
Pendant sa détention elle avait malgré tout gardé en mémoire le regard maternel et bienveillant de la greffière qui , seule, avait semblé lui dire combien elle la comprenait. Elles n'avaient échangé que des regards furtifs pendant le procès mais quelle ne fut pas sa surprise de se retrouver face à ce regard , là, dans la rue ,dès sa sortie de prison... Cette femme douce l'invita à la suivre jusqu'à sa voiture ...C'est alors là qu'elle lui présenta un cabas d'où elle dégagea, emmitouflé dans une serviette brodée, le bougeoir que Juliette avait dérobé...Celle-ci resta pétrifiée et essaya de balbutier quelques mots d'incompréhension... Madame Hermann, puisque tel était son nom, lui expliqua qu'elle s'était sentie à la fois impuissante et tellement touchée par l'histoire de Juliette qu'elle se préoccupa aussitôt de connaître la destination de l'objet pour en faire immédiatement l'acquisition afin de réparer l'injustice dont Juliette avait été la victime. Madame Hermann fit promettre à la jeune femme de ne jamais rien en dire à personne .

Non elle n'en dirait rien, mais comme il était encore plus cher à son cœur ce petit bougeoir de cuivre....



René et Chantal le 15 mai 2006.





Pascale Madame Martin-Debève
Rédigé par Pascale Madame Martin-Debève le 16/06/2006 à 00:02