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Protocole de rééducation pour les tendinopathies patellaires appliqué à des joueurs de volley-ball âgés de 16 à 19 ans



Etude de : 
Biernat R, Trzaskoma Z, Trzaskoma L, Czaprowski D. Rehabilitation protocol for patellar tendinopathy applied among 16- to 19-year old volleyball players. J Strength Cond Res. 2014 Jan; 28(1): 43-52.  doi: 10.1519/JSC.0b013e31829797b4
 
Les lésions pathologiques des tendons peuvent être définies par des syndromes incluant des douleurs dans la zone tendineuse, accompagnées en général d'un gonflement et d'un niveau d'activité limité. Le diagnostic clinique est fréquemment basé sur les rapports subjectifs des patients à propos de leur douleur. 
La douleur pendant l'activité physique est le symptôme de base. La localisation la plus fréquente de la douleur est celle de l'attache patellaire proximale, juste à l'apex de la patella. Une sensibilité lors de la palpation du tendon peut confirmer le diagnostic et peut ensuite être complété par une IRM.
 
De nombreux facteurs de risque influencent la formation de changements dégénératifs au niveau du tendon patellaire. Ils peuvent être classifiés comme externes ou internes. Parmi tant d'autres on retrouve comme facteurs externes l'entraînement et son intensité, la surface de jeu (une surface dure artificielle aurait un impact négatif sur la charge infligée au tendon patellaire), une préparation technique insuffisante, un repos insuffisant ou encore un équipement inadapté. Les facteurs de risque internes incluent quant à eux une extensibilité musculaire limitée. Les muscles les plus importants pour lesquels la limitation fonctionnelle d'extensibilité influencent les changements pathologiques au genou sont le quadriceps et les ischio-jambiers. La limitation en flexion dorsale de cheville serait l'une des raisons les plus citées dans la genèse des tendinopathies patellaires [1]. En effet, environ 60% des forces de réaction au sol sont absorbées uniquement par le genou. Mais cette proportion est augmentée en cas de limitation articulaire de la cheville ou de faiblesse des fléchisseurs plantaires, ce qui entraîne une surcharge de contraintes au genou. Les autres facteurs internes pouvant être cités sont des désordres biomécaniques (malposition des membres inférieurs comme antéversion de la hanche, pied valgus, différence de longueur, etc.)
 
Les recherches de ces dernières années indiquent la présence de néovaisseaux incarnés dans les tendons pathologiques, mais ils seraient davantage en lien avec la douleur qu'avec le potentiel de cicatrisation [2].
 
Les tendinopathies patellaires requièrent un soin particulier du fait du caractère intense et persistant de ce type de lésions. Cette blessure est la plus répandue chez les volleyeurs. Le genou dit du sauteur affecte 38 à 50% des joueurs. Plus la capacité à sauter haut est importante, plus le joueur est susceptible de présenter un syndrome du genou du sauteur à cause des forces de réaction au sol exacerbées, surtout lors de la phase de réception, où la masse corporelle du joueur peut dépasser 4 à 5 fois sa vraie masse [3]. Un tiers des volleyeurs avec des symptômes de tendinopathie patellaire sont incapables de s'entraîner pendant au moins 6 mois.
Bien que l'âge soit un facteur en relation significative avec l'apparition de tendinopathies, certains auteurs, Cook le premier [4], se sont intéressés à l'existence des tendinopathies chez les sujets âgés de 14 à 18 ans.
 
L'évaluation morphologique du tendon est en général réalisée par échographie. On retrouve alors un épaississement local, une structure irrégulière du tendon et des aires hypoéchogènes autour de l'attache proximale. L'intensité des symptômes indiquant une tendinopathie patellaire est décrite selon l'échelle à 4 stades de Blazina, qui rappelons-le, distingue : 
 
- stade 1 : une douleur seulement après l'activité physique,
- stade 2 : une douleur qui apparaît au début de l'activité physique, qui disparaît à l'échauffement et qui réapparaît à la fatigue,
- stade 3 : une douleur au repos et pendant les activités physiques affectant les performances,
- stade 4 : une rupture tendineuse.
 
Cook et al [5], d'après leurs expérimentations, ont mis au point un protocole de rééducation dans le cas des tendinopathies patellaires, incluant : exercices pliométriques, exercices en chaîne fermée, conservation des capacités aérobies, stretching global, et suivi du protocole pendant 6 à 12 mois après la fin du protocole initial, avec évaluation fonctionnelle complexe à la fin du protocole de base. Une douleur modérée pendant les exercices excentriques était acceptable (3 à 4/10 maximum). 
Pour évaluer la douleur dans les tendinopathies patellaires, le questionnaire VISA-P a été créé en Australie et a été prouvé comme étant reproductible et fiable [6,7].
 
Le but de l'étude présentée ici [8] était d'explorer l'efficacité d'un programme de rééducation appliqué pendant la période de compétition pour le traitement des tendinopathies patellaires. Rechercher de tels protocoles à appliquer pendant la saison sportive semble être capital dans le domaine du sport professionnel afin de ne pas entraîner de perte considérable des spécificités sportives et de l'état physique du joueur.
 
METHODES
 
Approche expérimentale du problème
Le propos de l'étude était donc de vérifier les effets d'un protocole de rééducation immédiat incluant des exercices excentriques (plus précisément la combinaison de squats en excentrique combinés à des exercices fonctionnels) sans interruption de la période de compétition chez des joueurs de volleyball souffrant de tendinopathie patellaire.
 
Les participants étaient familiarisés avec les méthodes d'entraînement utilisées dans le protocole. Ils ont été randomisés dans deux groupes d'entraînement.
 
Sujets
Deux groupes de 16 volleyeurs masculins âgés de 16 à 19 ans ont participé à l'étude.
Seuls respectivement 15 et 13 joueurs ont fini l'étude dans le groupe expérimental (E) et dans le groupe contrôle (C).
Les sujets des deux groupes ont réalisé les tests trois fois : 
- 1ères mesures : avant le début du cycle d'entraînement,
- 2e mesures : à 12 semaines,
- 3e mesures : à 24 semaines.
 
Procédure
Programme d'entraînement : l'élément clé du protocole était les squats excentriques sur planche inclinée en avant de 25°. La phase excentrique était réalisée sur un membre inférieur (MI) jusqu'à un angle de 60° de flexion de genou. La phase concentrique était réalisée avec les deux MI. Le tout avec le dos droit pour limiter la participation du grand fessier. L'inclinaison de la planche a permis de limiter le travail des fléchisseurs plantaires.
 
Les joueurs du groupe E ont réalisé les squats une fois par jour sur chaque jambe à raison de 3 séries de 15 répétitions, sauf les jours de match ou d'entraînement intense. Un élément supplémentaire a été introduit dans la 4e semaine du protocole : une surface instable, ce qui a augmenté la nécessité de stabilisation corporelle et causé une rotation du genou pendant le squat.
Les exercices devaient être réalisés avec une douleur inférieure à 4/10, auquel cas ils devaient être arrêtés. Des compresses froides ont été appliquées sur le tendon patellaire après exercice.
Ce programme a été suivi pendant 24 semaines.
 
Echographie : les échographies ont été réalisées par un médecin afin de repérer les éventuels changements structuraux au sein du tendon, notamment la présence ou non de néovaisseaux. 
 
Questionnaire VISA-P : il a été utilisé pour évaluer la douleur (le score 0 représente la douleur maximale). Des joueurs actifs avec un diagnostic posé de pathologie du tendon patellaire ont en moyenne un score entre 50 et 80 points (maximum 100 points) à ce questionnaire.
 
Mesure des pics de force des fléchisseurs et extenseurs de genou : l'utilisation du BIODEX a permis les mesures en conditions statiques et dynamiques. En statique, les extenseurs ont été mesurés à 70° de flexion et les fléchisseurs à 30°. En dynamique, les mesures ont été effectuées à 90°.s-1 et à 240°.s-1 entre 90 et 0° de flexion. Chaque test a été précédé d'un échauffement de 5 minutes sur cycloergomètre et d'étirements dynamiques des fléchisseurs et extenseurs du genou. Le protocole de test a inclus 3 répétitions avec 10 secondes de repos pour les fléchisseurs et extenseurs en statique, 3 répétitions en dynamique à 90°.s-1 et 5 répétitions à 240°.s-1.
 
Mesures de la capacité de saut et de la puissance des MI : chaque joueur a réalisé 3 counter-movement jumps avec 5 secondes entre chaque, l'objectif étant d'atteindre la hauteur de saut la plus importante.
 
RÉSULTATS
 
D'après les échographies dans le groupe E : 
- les 1ères mesures ont montré des changements morphologiques du tendon patellaire chez 7 joueurs, les 2e mesures chez 6 joueurs et les 3e chez 5 joueurs,
- par rapport aux 1ères mesures, une néovascularisation s'est produite chez 3 joueurs ; par rapport aux 2e mesures, on l'observe chez 2 joueurs ; et chez seulement un joueur lors des 3e mesures.
 
Dans le groupe C : 
- les 1ères mesures ont montré des changements morphologiques du tendon patellaire chez 4 joueurs, les 2e mesures chez 4 joueurs et les 3e chez 3 joueurs.
- par rapport aux 1ères mesures, une néovascularisation s'est produite chez 3 joueurs ; par rapport aux 2e mesures, on l'observe chez 2 joueurs ; et chez seulement un joueur lors des 3e mesures.
 
En comparant les deux groupes, les auteurs statuent que : 
- le pourcentage de joueurs avec des changements morphologiques du tendon patellaire est de 40% lors des 1ères mesures, 36% lors des 2e et 29% lors des 3e,
- le pourcentage de joueurs avec néovascularisation du tendon patellaire est de 21% lors des 1ères mesures, 14% lors des 2e et 7% lors des 3e.
 
Les tests cliniques réalisés par le médecin dans le groupe E objectivent des symptômes de tendinopathie patellaire lors des 3 séries de mesure chez 3 joueurs.
Dans le groupe C, les mêmes tests confirment des symptômes de tendinopathie patellaire chez 2 joueurs lors des 1ères mesures, chez 2 joueurs également lors des 2e (incapables de poursuivre les entraînements) et chez un joueur lors des 3e (lui aussi obligé d'interrompre les entraînements).
 
La comparaison des deux groupes montre que : 
- le pourcentage de joueur avec symptômes lors des 1ères et 2e mesures était de 18% et de 14% aux 3e,
- entre 16 et 17 ans, un joueur a été diagnostiqué comme ayant une tendinopathie patellaire,
- entre 17 et 19 ans, ce fut le cas pour 4 joueurs,
- dans le groupe E, la tendinopathie patellaire a touché 3 MI gauches et 2 MI droits lors des 1ères mesures.
 
Aucune différence significative n'a été trouvée entre les deux groupes concernant les mesures de pic de force et de hauteur de saut.
En référence au groupe E, il a été vérifié que le nombre moyen au questionnaire VISA-P lors des 3e mesures était significativement plus élevé que lors des 2 mesures précédentes. Cela signifie que le niveau de douleur dans le groupe E a significativement diminué.
Dans le groupe C, ce score n'a pas eu de changement significatif entre les 3 mesures.
 
DISCUSSION
 
Dans les tests présentés ici, l'apparition de tendinopathie patellaire chez les 16-19 ans jouant au volleyball a été vérifiée.
Il a été confirmé aussi que des changements morphologiques au sein du tendon patellaire n'avaient pas de relation directe avec la douleur, mais qu'ils pouvaient indiquer un risque plus élevé d'apparition de tendinopathie patellaire.