"La vérité est pareille à l'eau, qui prend la forme du vase qui la contient" (Ibn Khaldoun) /// «La vérité est le point d’équilibre de deux contradictions » (proverbe chinois). /// La vérité se cache au mitan du fleuve de l'info médiatique (JM).

NOUVELLES DU FRONT SYRIEN
Des ONG présentes en Syrie accusent la coalition contre Daech de minorer le bilan de ses victimes civiles. - Sipa
 
La coalition anti-EI reconnaît 55 victimes civiles en Irak et en Syrie :
très insuffisant pour les ONG

Vendredi 29 Juillet 2016 à 17:43
Marie Lombard MARIANNE

 
Dans un communiqué daté du 28 juillet, la coalition internationale contre l'Etat islamique reconnaît de nouvelles victimes civiles, mortes sous ses bombardements en Irak et en Syrie, portant le bilan officiel à 55 civils innocents tués ces derniers mois. Un chiffre décrié par les ONG qui dénoncent une sous-évaluation du nombre de morts.
 
La coalition internationale contre l'Etat islamique a reconnu ce jeudi 28 juillet sa responsabilité dans la mort de huit nouveaux civils irakiens en avril dernier, touchés par des frappes aériennes. Ce constat, qui porte le bilan officiel des victimes civiles à 55 morts depuis le début des frappes contre Daech en août 2014, reste toutefois très loin du triste décompte effectué par les ONG sur place.
Dans son communiqué émanant du Centcom (le commandement militaire américain au Moyen-Orient), la coalition évoque sept victimes abattues les 5 et 29 avril avril à Mossoul, en Irak, et une autre victime touchée le 26 avril près de Qayyarah, toujours en Irak. Une reconnaissance bien tardive, puisqu'elle survient entre trois et quatre mois après leur décès. La coalition internationale contre l'EI, menée par les Etats-Unis, n'a en effet l'habitude de reconnaître (ou pas) sa responsabilité qu'après une enquête approfondie - et donc longue - des circonstances du décès de la victime.
Ce communiqué arrive alors que des ONG présentes sur le terrain accusent la coalition de sous-estimer largement le nombre des victimes. Le fossé entre les chiffres officiels et ceux des organisations présentes en Syrie est en effet très large. Face aux 55 victimes reconnues officiellement, l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), disposant de nombreuses sources en Syrie, évoque ainsi 600 morts depuis le début des frappes aériennes,  dont 136 ebfabts. L'ONG londonienne Airwars en décompte 1.500 en Irak et en Syrie.
Les victimes civiles des frappes à Manbij : la "bavure" de trop
Les frappes sur Manbij, effectuées par la force internationale dans la nuit du 18 au 19 juillet dernier, ont cristallisé les tensions. Selon l'OSDH, 56 civils auraient en effet péri dans les bombardements aériens cette nuit-là. Une "bavure" d'envergure qui a déclenché la colère de l'opposition syrienne et une demande d'enquête de la part des Etats-Unis sur la responsabilité de la flotte aérienne de la coalition. A l'issue d'une réunion des ministres de la Défense de la coalition le 20 juillet, le ministre de la défense américain Ashton Carter a ainsi promis la "transparence" dans l'enquête concernant les victimes civiles et s'est engagé à faire le maximum "pour protéger les civils" pendant les bombardements. Reste à savoir combien de victimes seront bel et bien reconnues à la fin de l'enquête.
Anas al-Abdé, le président de l'opposition syrienne, a pour sa part envoyé une lettre aux chefs de la diplomatie des pays membres de la coalition anti-EI, leur demandant "la suspension immédiate des opérations militaires de la coalition en Syrie afin de permettre une enquête approfondie". L'opposition a ainsi souligné que des incidents tels que celui survenu sur Manbij "montrent une grande faille dans les règles opérationnelles actuelles suivies par la coalition lorsqu'elle mène des frappes dans des zones peuplées". Elle dénombre quant à elle pas moins de 125 civils tués dans les frappes du 19 juillet.

A lire aussi  : 

 Syrie : quand les "alliés" modérés de la coalition usent "d'armes prohibées" contre les Kurdes

Syrie : des rebelles "modérés" décapitent un enfant
 
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U Zinu: 

 
Relevons à tout le moins un traitement inégal de l'information en ce qui concerne les "dommages collatéraux" respectifs.
Les "bavures" occidentales sont,  soit passées sous silence, soit minimisées, soit rapidement "évacuées".
Celles des Russes et de Bachar El Assad sont amplifiées, dénoncées, répétées en boucle, et condamnées avec véhémence (of course) .
L'article ci-dessus semble constituer une exception.
Quant aux réactions officielles du pouvoir socialiste, et singulièrement de Hollande, elles sont uniquement consacrées à l'accusation de l'axe Moscou/Damas et à la glorification de la coalition occidentale.
 
Aux dernières nouvelles, Al Qaida aurait "autorisé" le groupe Al Nosra (chanté, louangé et glorifié par Fabius pour son "excellent boulot" en Syrie) à rompre son allégeance.
Il y a lieu de se demander si cette pseudo rupture d'allégeance n'est pas une ruse "conseillée" par les "occidentaux": E.U - Angleterre – France de Hollande and Co, afin de dédouaner ces "bons" djihadistes  de leurs crimes et turpitudes, et les présenter désormais à l'opinion internationale sous un jour plus "avenant", plus présentable et mieux acceptable par les troupeaux de benêts et de jocrisses qui s'abreuvent aux "informations" généreusement  distribuées par les médias mainstream.
Il est bien connu que plus la ficelle est grosse, plus les gobe-mouche accordent crédit à la désinformation.


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Autres articles consacrés par " u zinu" à la Syrie" :

- LA CAMPAGNE DE SYRIE
- LA SYRIE ET LES MEDIAS : ENTRE MAINSTREAM ET ALTERNATIFS.



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U zinu: 

Ci-après, une analyse exhaustive et pertinente du "jeu" à tout le moins trouble des "puissances occidentales" dans le conflit syrien et de leur responsabilité dans la création et le développement de l'E.I à partir du soutien aux "djihadistes" modérés  d'Al Nosra et autres "démocrates" de l'A.S.L.
 


Comment l’Occident a contribué à créer
l’« État Islamique »

par Maxime Chaix  (son site)  
lundi 29 août 2016 -                 AGORAVOX
 
En armant le Front al-Nosra dès 2012, les services secrets occidentaux et leurs alliés proche-orientaux ont directement et massivement soutenu le futur « État Islamique », comme je tente de le démontrer dans ma dernière analyse sur le conflit syrien. Initialement publiée sur mon site personnel, elle inclut de brèves mais percutantes interventions du spécialiste de la Syrie Fabrice Balanche  et du député PS Gérard Bapt. Je les remercie d’avoir pris le temps de répondre à mes questions, et je vous encourage à diffuser largement cet article si vous estimez qu’il est digne d’intérêt.
 
Le site du magazine Foreign Policy vient de publier une enquête  particulièrement instructive sur la rencontre qui a conduit à la séparation entre le Front al-Nosra – la branche syrienne d’al-Qaïda dirigée par Abou Mohammed al-Joulani  –, et le réseau qui était alors connu sous le nom d’État Islamique en Irak (EII). Dans cet article, Foreign Policy nous détaille cette rencontre cruciale entre d’importants commandants jihadistes, dont Abou Bakr al-Baghdadi, qui était alors le leader de l’EII, et Abou Omar al-Shishani, le chef militaire de Daech qui a été tué par une frappe de l’U.S. Air Force en juillet 2016. Initialement, al-Shishani avait été formé par des instructeurs du Pentagone  lorsqu’il combattait au sein des Forces spéciales géorgiennes en 2006, n’étant pas encore radicalisé. Décrit comme un « élève star  » à cette époque, il avait combattu l’armée russe en 2008 lors du conflit en Ossétie du Sud. En 2013, avec les miliciens du mouvement jihadiste qu’il avait fondé, le Jaish al-Muhajireen wal-Ansar, il a joué un rôle déterminant dans la prise de la base aérienne de Menagh, au nord d’Alep – une « victoire hautement stratégique  (…) ayant permis d’ouvrir un corridor pour l’opposition dans le Nord de la Syrie ». Il recevait alors ses ordres du colonel Okaidi, un commandant de l’Armée Syrienne Libre (ASL) soutenu par les États-Unis et la Grande-Bretagne  qui, de son propre aveu, entretenait des relations « fraternelles  » avec les extrémistes du Front al-Nosra et de l’État Islamique en Irak et au Levant (EIIL). Cette même année 2013, Abou Omar al-Shishani prêta allégeance à l’EIIL, s’imposant rapidement comme le « ministre de la guerre  » de Daech. Comme nous le verrons, al-Shishani est loin d’être le seul combattant de cette organisation à avoir bénéficié d’un soutien occidental direct, du moins jusqu’en 2013.
Organisée en avril de cette même année, cette rencontre entre chefs jihadistes a lancé le processus de création de l’« État Islamique », qui fut décrété au mois de juin 2014 par son leader, Abou Bakr al-Baghdadi. Au plan symbolique, elle a conduit au changement de nom de l’EII, qui s’est alors rebaptisé l’EIIL (État Islamique en Irak et au Levant). Interrogé par Foreign Policy, un participant à cette rencontre – surnommé « Abou Ahmad » pour des raisons de sécurité –, décrit  le fonctionnement interne de ces milices terroristes. Essentiellement, cet article nous indique que cette rencontre a abouti non pas à une scission entre ces deux organisations, mais à une véritable absorption des combattants, des cadres et des moyens militaires et logistiques du Front al-Nosra par l’EIIL d’al-Baghdadi au printemps 2013. Nous analyserons donc dans quelle mesure les opérations clandestines de la CIA et de ses alliés, dont les services français, ont alimenté dès 2012  la montée en puissance de l’EII au sein d’al-Nosra, donc de ce qui allait devenir l’EIIL en avril 2013, puis l’« État Islamique » en juin 2014.
Printemps 2013 : l’EII absorbe la majorité des moyens humains et militaires d’al-Nosra
Pour le lecteur averti, l’information la plus importante de cet article  de Foreign Policy se trouve dans sa conclusion. En effet, lors de la séparation d’avril 2013 entre l’EII et le Front al-Nosra, une « large majorité de commandants et de combattants d’al-Nosra en Syrie ne suivirent pas » leur leader Mohammed al-Joulani – le fondateur d’al-Nosra issu de l’EII, qui durant l’été 2011 avait été envoyé en Syrie par Abou Bakr al-Baghdadi pour y mener le jihad. Au contraire, ces combattants prêtèrent massivement allégeance à al-Baghdadi, se séparant du Front al-Nosra et constituant ce qui allait officiellement devenir l’« État Islamique » en juin 2014. Selon Foreign Policy, « le changement de l’EII vers l’EIIL signifiait que tous les groupes ou factions qui avaient rejoint l’EIIL perdraient leur nom. Pour le Front al-Nosra et son leader, Abou Mohammed al-Joulani, ce développement était un potentiel désastre ; il pouvait signifier la fin de leur influence dans le champ de bataille jihadiste le plus important au monde. Al-Joulani ordonna donc aux combattants d’al-Nosra de ne pas rejoindre l’EIIL, et d’attendre que [le numéro un d’al-Qaïda Ayman] al-Zawahiri se prononce sur qui devait diriger le jihad sur le théâtre de guerre syrien. Une large majorité de commandants et de combattants d’al-Nosra en Syrie ne suivirent pas [al-Joulani]. Lorsqu’Abou Ahmad visita Alep quelques semaines plus tard seulement, environ 90 % des combattants d’al-Nosra dans cette ville avaient déjà rejoint l’EIIL. Les nouveaux soldats de Baghdadi ordonnèrent aux quelques derniers loyalistes d’al-Nosra de quitter l’hôpital d’al-Oyoun, qui avait été jusqu’à présent la principale base d’al-Nosra dans cette ville. “Vous devez partir ; nous constituons al-dawla [l’État] et nous regroupons la vaste majorité des combattants” dirent-ils aux hommes d’al-Nosra, selon Abou Ahmad. “Donc ces quartiers généraux nous appartiennent.” Partout dans le Nord de la Syrie, l’EIIL s’empara des QG d’al-Nosra, des caches de munitions et des dépôts d’armes. Étonnamment, la branche d’al-Qaïda en Syrie devait soudain combattre pour sa survie. Une nouvelle époque démarrait – celle de l’État Islamique. »
Interrogé sur ces informations de Foreign Policy, l’expert de la Syrie Fabrice Balanche  confirme leur exactitude, tout en précisant que « ces faits étaient connus à l’époque, mais plutôt du côté des spécialistes ». Selon lui, « entre avril 2013 et janvier 2014, la majorité du Front al-Nosra s’est rangée du côté de l’EIIL. Al-Joulani s’est donc retrouvé en minorité. Le rapport devait être d’un quart de combattants restant loyaux à al-Nosra, contre trois quarts se ralliant à l’EIIL. La majorité des combattants du groupe jihadiste étaient des étrangers, dont beaucoup d’Irakiens. Ils ont donc préféré al-Baghdadi. » D’après ce chercheur, qui travaille actuellement au Washington Institute, «  al-Nosra en Syrie regroupait environ 20 000 combattants avant la scission d’avril 2013. Par conséquent, près de 15 000 auraient rejoint l’EIIL et 5 000 seraient restés combattre sous la bannière d’al-Nosra – même si ces chiffres sont approximatifs. Par la suite, al-Nosra s’est renforcé en s’alliant avec d’autres groupes syriens contre l’EIIL. Dans cette histoire complexe, il faut retenir que la guerre entre al-Nosra et l’EIIL fut particulièrement sanglante durant l’hiver 2013-2014. Elle a laissé des traces, ce qui empêche les deux groupes de joindre leurs efforts. » Également interrogé sur cette scission, le député socialiste Gérard Bapt  précise que « l’EIIL a ensuite été soutenu par les services spéciaux du prince Bandar pour contrer l’influence des Frères Musulmans qui s’exprimait à travers le Front al-Nosra, une milice appuyée principalement par le Qatar et la Turquie. Les Saoudiens n’imaginaient probablement pas les conséquences d’un tel soutien, avec la proclamation désastreuse de l’État Islamique entre l’Irak et la Syrie en juin 2014. »
Les services secrets saoudiens et la CIA : du jihad afghan au takfir syrien
Rappelons alors qu’en juillet 2012, le prince Bandar était nommé à la tête des services spéciaux saoudiens, ce qui avait été analysé par la plupart des experts comme un signe de durcissement  de la politique syrienne de l’Arabie saoudite. Surnommé « Bandar Bush  » du fait de sa proximité avec la dynastie présidentielle du même nom, il était ambassadeur à Washington à l’époque des attaques du 11-Septembre. Depuis plusieurs années, cet homme intimement lié à la CIA  est accusé par l’ancien sénateur de Floride  d’avoir indirectement soutenu certains des pirates de l’air désignés coupables de ces attentats. Après qu’il fut écarté de son poste de chef des services spéciaux en avril 2014, le Guardian souligna que  « Bandar avait dirigé les efforts saoudiens visant à mieux coordonner les livraisons d’armes aux rebelles combattant el-Assad en Syrie. Néanmoins, il a été critiqué pour avoir soutenu des groupes islamistes extrémistes, risquant ainsi le même “retour de bâton” que celui des combattants saoudiens d’Oussama ben Laden rentrant au pays après le jihad contre les Soviétiques en Afghanistan dans les années 1980 – une guerre sainte qui avait été autorisée officiellement. » Or, comme à l’époque du jihad afghan, la CIA et les services secrets saoudiens ont étroitement collaboré en Syrie, la grande proximité  du prince Bandar avec l’Agence facilitant cette politique clandestine.
En réalité, les relations entre la CIA et les services saoudiens sont littéralement fusionnelles. Début 2016, le New York Times révéla  que l’Arabie saoudite avait été « de loin » le principal financeur  de la guerre secrète anti-Assad de la CIA, baptisée « opération Timber Sycamore ». Afin de renverser le gouvernement syrien, l’Agence a mobilisé « environ un milliard de dollars » chaque année depuis 2013, dans le cadre de ce que le Washington Post a décrit comme  un « plus vaste effort de plusieurs milliards de dollars impliquant l’Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie », c’est-à-dire les trois États notoirement connus  pour soutenir les factions extrémistes en Syrie. En d’autres termes, la CIA a facilité et coordonné  dès janvier 2012 les opérations syriennes des services secrets de ces pays, essentiellement financées  par les pétrodollars saoudiens. Comme des experts  et des journalistes américains l’on expliqué à l’automne 2015, cette guerre secrète aurait pu aboutir au renversement de Bachar el-Assad, essentiellement du fait des pertes infligées à l’armée syrienne par les missiles TOW made in USA. En 2013, sous couvert  d’équiper sa garde nationale et son armée de terre, l’Arabie saoudite avait acheté plus de 15 000 missiles TOW  à la multinationale américaine Raytheon – soit un investissement de 1,1 milliard de dollars. En réalité, plusieurs milliers  de missiles ont été distribués aux rebelles anti-Assad par différents services depuis les « MOC  » (Military Operations Centers), des bases secrètes supervisées par la CIA  en Turquie et en Jordanie.
Toujours selon le New York Times, « les efforts saoudiens [en Syrie] furent dirigés par le flamboyant prince Bandar ben Sultan, (…) qui demanda aux espions du royaume d’acheter des milliers [de mitrailleuses] AK-47 et des millions de munitions en Europe de l’Est pour les rebelles. La CIA a facilité certains [sic] de ces achats d’armements pour les Saoudiens, dont un vaste deal avec la Croatie en 2012. Durant l’été de cette même année, ces opérations semblaient être hors de contrôle à la frontière entre la Turquie et la Syrie, les nations du Golfe transmettant de l’argent et des armes à des factions rebelles – y compris à des groupes dont les hauts responsables américains craignaient qu’ils soient liés à des organisations extrémistes comme al-Qaïda.  » En réalité, malgré ces craintes, la CIA coordonnait clandestinement depuis le mois de janvier 2012 au moins deux réseaux d’approvisionnement en armes financés par les pétromonarchies du Golfe et la Turquie : une série de livraisons aériennes depuis les Balkans, qui a récemment fait l’objet d’une enquête approfondie  du BIRN  et de l’OCCRP  confirmant le rôle central de la CIA  dans ce trafic d’armes illégal ; et une autre voie d’approvisionnement maritime depuis la Libye, selon les révélations  jamais démenties du journaliste d’investigation Seymour Hersh. Concernant le trafic en provenance des Balkans, seuls cinq médias francophones ayant rapporté cette enquête sont recensés par Google Actualités. Et parmi eux, seuls Mediapart.fr  et Bruxelles2.eu  ont souligné la coresponsabilité des États-Unis dans ces opérations, contrairement à Liberation.frDirectMatin.fr, et LOpinion.fr  – qui se sont contentés d’articles laconiques pour traiter ce sujet.
En juillet 2013, d’après le parlementaire britannique Lord Ashdown, ces opérations clandestines de la CIA et de ses partenaires avaient armé « presque exclusivement  » les jihadistes du Front al-Nosra, qui incluait jusqu’au printemps 2013 l’EII d’al-Baghdadi. Bon connaisseur des Balkans, cet ancien Haut Représentant des Nations-Unies en Bosnie-Herzégovine  confirmait ainsi les révélations du New York Times, qui nous avait informés en mars 2013 que les services spéciaux turcs, qataris, jordaniens, émiratis et saoudiens avaient introduit au moins 3 500 tonnes d’armements  en Syrie depuis janvier 2012 avec l’aide discrète de la CIA – ce qui a considérablement renforcé la coalition Front al-Nosra/EII avant la séparation d’avril 2013. Et comme nous l’avons démontré, la majorité des combattants d’al-Nosra ont alors été absorbés par l’EII, qui s’est rebaptisé EIIL et qui s’est accaparé les principales ressources humaines, logistiques et militaires d’al-Nosra. Il est donc indéniable que ces politiques clandestines ont grandement encouragé le développement de ce qui allait devenir Daech en juin 2014, du moins sur le théâtre de guerre syrien. En Occident, le fait que si peu d’observateurs l’aient souligné semble être symptomatique d’une réticence collective à accepter que les réseaux d’al-Qaïda en Syrie furent massivement armés et soutenus par nos propres services spéciaux, et ce dans le but de renverser Bachar el-Assad. L’irrésistible montée en puissance de Daech est donc bel et bien une conséquence directe de cette stratégie, comme l’avait prédit  le Renseignement militaire du Pentagone dès 2012. 
La coresponsabilité des alliés occidentaux et israéliens de la CIA dans le chaos islamiste en Syrie
Bien qu’ils aient joué un rôle majeur dans ce désastre, la CIA et ses alliés turcs et pétromonarchiques n’en sont pas les seuls fautifs. Selon les magistrats de la Haute Cour criminelle britannique, les services spéciaux de Sa Majesté ont soutenu la coalition Front al-Nosra/EII, potentiellement pour le compte de la CIA  afin que cette dernière puisse échapper à la supervision du Congrès. Depuis 2014, il est de notoriété publique qu’Israël soigne des combattants d’al-Nosra  et, comme le grand reporter Robert Parry l’a souligné, Tsahal « a également mené des frappes aériennes en Syrie qui ont soutenu les avancées d’al-Nosra, ce qui a notamment impliqué l’élimination de conseillers du Hezbollah et de l’Iran qui aidaient le gouvernement syrien  ». En décembre 2012, le ministre des Affaires étrangères français Laurent Fabius avait repris à son compte les arguments des alliés pétromonarchiques de la France, qui pensaient que le Front al-Nosra faisait du « bon boulot sur le terrain  » alors que le Département d’État plaçait cette milice sur la liste onusienne des organisations terroristes – en contradiction avec la politique clandestine  de la CIA et de ses partenaires. Cette déclaration stupéfiante, qui fut relayée par le journal Le Monde, n’avait pas été reprise dans la presse. Elle avait été prononcée par Laurent Fabius alors que l’EII faisait partie intégrante de ce réseau terroriste ce qui, manifestement, n’a été relevé par aucun observateur.
En mars 2016, le magazine Marianne a révélé  que la direction de la prospective du Quai d’Orsay avait, dès octobre 2012, alerté le ministre des Affaires étrangères et l’Élysée sur le fait que l’Arabie saoudite et le Qatar finançaient les groupes jihadistes en Syrie. Dans une note qui fut ignorée par leur hiérarchie, ces experts soulignaient que le « piège [venait] du Golfe », et que « nous [risquions] d’y tomber ». Finalement, à partir de 2014, plusieurs députés  de l’opposition ont affirmé que la France avait soutenu le Front al-Nosra. Interrogé sur cette question, le député Gérard Bapt confirme un « soutien clandestin de l’État français en faveur des différentes mouvances islamistes en Syrie, au regard de la porosité et de la proximité entre ces groupes alliés sur le terrain. Or, l’aide française aux rebelles en Syrie, et plus généralement le soutien occidental en leur faveur, se sont poursuivis y compris après les attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Casher, pourtant revendiqués par al-Qaïda. » 
Nous pouvons conclure de ces différentes révélations que les services secrets occidentaux et leurs partenaires régionaux ont, au moins jusqu’en 2013, massivement armé et soutenu la milice takfiriste  qui allait devenir Daech l’année suivante, puisque l’EII et al-Nosra constituaient une seule et unique entité avant leur séparation d’avril 2013. Par conséquent, le Pentagone et ses alliés, qui incluent les forces aériennes françaises, sont en train de bombarder une organisation terroriste dont la CIA et ses partenaires ont grandement favorisé la montée en puissance en Syrie à partir de janvier 2012. Hélas, cette schizophrénie stratégique subsiste : depuis deux ans, nos armées sont engagées dans des opérations contre Daech à l’efficacité d’ailleurs contestable, alors que la CIA et ses alliés continuent de soutenir al-Qaïda  pour renverser le gouvernement el-Assad. Or, selon un prestigieux think tank britannique cité par le Guardian  en décembre dernier, « plus de la moitié des combattants rebelles en Syrie qui sont opposés au Président Bachar el-Assad sont favorables aux vues de l’État Islamique ». Dans ce même article, il est précisé que « si Daech est vaincu [en Irak et en Syrie], au moins 65 000 combattants appartenant à d’autres groupes salafistes-jihadistes sont prêts à prendre sa place ».
Ainsi, comme l’avait préconisé  Michel Colomès en octobre 2015, il serait peut-être temps d’arrêter de « jouer les “bons” contre les “méchants” islamistes », une politique qui revient selon lui à « payer la corde qui nous pendra ». Et comme l’avait dénoncé  la représentante au Congrès Tulsi Gabbard le 19 novembre 2015 – soit moins d’une semaine après les attentats de Paris –, « renverser le gouvernement syrien d’el-Assad est le but de Daech, d’al-Qaïda et d’autres groupes islamistes extrémistes. Nous ne devrions pas nous allier avec ces fanatiques en les aidant à remplir leur objectif, car cela est contraire aux intérêts sécuritaires des États-Unis et de la civilisation. » Quinze ans après le 11-Septembre, et dans un contexte de multiplication des attentats en Occident, ces arguments ne peuvent que remettre en cause l’impunité que la raison d’État  légitime, et qui encourage des politiques échappant totalement  aux contre-pouvoirs démocratiques.
 
 
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