VIVE LE KURDISTAN LIBRE !
Cf. http://www.sciencespo.fr/ceri/fr/content/dossiersduceri/ce-que-le-kurdistan-d-irak-fait-au-grand-kurdistan-enjeux-et-modalites-de-la-constitution-d-
Ce que le Kurdistan d’Irak fait au « grand » Kurdistan. Enjeux et modalités de la constitution d’un espace transfrontalier
Auteur(s) :
Olivier Grojean et Merve Özdemirkiran
Date :
2014/04
Ce dossier est le fruit du colloque Le Kurdistan d’Irak et la question kurde au Moyen-Orient. Nouvelles dynamiques, nouveaux enjeux, qui s’est tenu à Paris au Centre d’études et de recherches internationales (CERI), le 22 novembre 2013 sous la direction scientifique de Nazand Begikhani, Hamit Bozarslan, Olivier Grojean, Akil Marceau et Luis Martinez, ce colloque a été organisé en partenariat avec le CERI (Sciences Po – CNRS), la Représentation du Gouvernement régional du Kurdistan en France, l'Université du Kurdistan, et le Centre d’études et de recherches internationaux et communautaires (CERIC, UMR 7318 - Aix-Marseille Université/CNRS). A l’initiative de Nazand Begikhani, une délégation de Sciences Po a été invitée, en octobre 2013, à Erbil afin d’établir un partenariat entre l’Université du Kurdistan et Sciences Po. Le colloque est la mise en œuvre du volet recherche de ce partenariat. Réunissant près de vingt chercheurs travaillant sur les quatre parties du Kurdistan et consacré aux évolutions récentes de la question kurde, il a permis d’évaluer les conséquences de la formation d’un quasi-État kurde en Irak sur l’ensemble de l’espace kurde au Moyen-Orient et au sein de la diaspora.
La fin de la Première Guerre mondiale et la défaite de l’Empire ottoman ont offert de nouvelles opportunités aux cercles nationalistes kurdes. Ces derniers cherchent alors à obtenir l’indépendance du Kurdistan, cet espace divisé entre ce qui reste de l’Empire ottoman, la Perse et les régimes mandataires français en Syrie et anglais en Irak. Cette option, avalisée par le traité de Sèvres (1920), ne survivra néanmoins pas à la guerre d’indépendance turque (1919-1922) ni au traité de Lausanne (1923). Les logiques d’empires cèdent alors la place à des projets d’Etats-nation dans les quatre pays concernés. La République est proclamée en 1923 en Turquie, le nationalisme turc devient le fer de lance d’une modernisation à marche forcée et toute expression culturelle ou politique kurde est interdite. En Syrie sous mandat français, les Kurdes peuvent être encouragés dans leurs activités culturelles, mais ne disposent d’aucun statut. En Irak, la Grande-Bretagne accorde un certain nombre de droits aux Kurdes, mais combat toutes leurs revendications d’autonomie. Enfin, en Perse, le nationalisme persan devient avec Reza Shah l’idéologie officielle du pays et les Kurdes ne disposent d’aucun droit ni d’aucune reconnaissance spécifique. En dépit des différences notables existant entre les quatre pays, le nouvel ordre étatique devient ainsi synonyme de centralisation, d’assimilation et de répression des Kurdes. Ces politiques vont peu ou prou se poursuivre après l’indépendance de l’Irak (1932) et de la Syrie (1946), aussi bien qu’en Turquie et en Iran.
Dès lors, si les frontières sont régulièrement contestées, voire dépassées (par les révoltes, les activités de contrebande mais aussi les solidarités linguistiques, confrériques, tribales ou familiales, les influences politiques et culturelles, etc.), elles contribuent néanmoins à inscrire les questions kurdes dans leurs « Etats-nations » respectifs. D’autant plus que des phases plus importantes d’ancrage nationaux, ou de « nationalisation », peuvent être repérées quand les Etats sont plus forts et peuvent s’allier aux autres Etats de la région afin de conserver un statu quo durable (entre les années 1930 et 1960 pour tous les acteurs kurdes, et dans les années 1960 et 1980 pour les Kurdes de Turquie par exemple, quand l’Etat turc est parvenu à isoler ses propres populations kurdes du contexte moyen-oriental).
Néanmoins, des phases de « régionalisation », c’est-à-dire de passage à une échelle intégrant l’ensemble du Kurdistan, peuvent également intervenir à des moments où les Etats sont en crise ou plus faibles : les acteurs kurdes peuvent alors monnayer le soutien d’un autre Etat afin de faire avancer leur cause (durant la guerre Iran-Irak ou dans la Turquie des années 1990 par exemple)1 . Ces dynamiques, qui ont parfois eu pour corollaires de très violents conflits intra-kurdes (notamment dans les années 1980 et 1990) comme des événements liés ayant eu des répercussions importantes à l’échelle internationale (révolution iranienne, coup d’Etat en Turquie, guerre civile en Syrie) et les interventions militaires extérieures (les guerres du Golfe de 1991 et 2003) ont conduit les chercheurs à concevoir un Kurdistan à géométrie variable selon les enjeux et les acteurs impliqués.
Les années 1990 et 2000 ont été marquées par une régionalisation sans précédent de la question kurde, régionalisation liée à l’action des Etats mais aussi à celles des acteurs « kurdistes ». Mais au delà, il semble que l’on assiste depuis une à deux décennies à la constitution d’un espace transfrontalier singulier : depuis 1992, et surtout depuis l’intervention américaine en Irak en 2003, la construction d’une entité kurde autonome en Irak est en effet un phénomène inédit, qui a des répercussions importantes sur l’ensemble du Kurdistan. La transformation d’un acteur contestataire en acteur quasi-étatique, qui vise le monopole de la violence légitime sur son territoire, doté de véritables moyens économiques et diplomatiques, et capable de négocier d’égal à égal avec les Etats, bouleverse la donne régionale. Couvrant un territoire de plus de 40 000 km22 et possédant 17% des revenus pétroliers de l’Irak, le Kurdistan d’Irak possède en effet presque tous les attributs d’un Etat : un gouvernement, un parlement, une armée, des services de sécurité, un budget, un système fiscal, etc.3 Et avec le déclin spectaculaire de l’Union patriotique du Kurdistan de Jalal Talabani (UPK), le Kurdistan Regional Government (KRG) est aujourd’hui largement dominé par le Parti démocratique du Kurdistan de Massoud Barzani (PDK), une position qui l’autorise à faire pression ou à négocier avec les autres acteurs kurdes de Turquie, d’Iran ou de Syrie dans une certaine continuité avec le système d’interaction jusque-là en vigueur entre les partis kurdes au Moyen-Orient (soit une relation d’égal à égal avec les autres partis). Ajouté au soutien turc et à la marginalisation du gouvernement central irakien sur la scène régionale, le cumul de ces deux « statuts » – ou plus précisément cette double légitimité – fait ainsi du KRG-PDK un acteur incontournable au Moyen-Orient pour les Etats mais également pour les partis « kurdistes » autorisés en Turquie, l’opposition syrienne ou iranienne et les institutions internationales. Rien d’étonnant alors à ce qu’il cherche à constituer un pôle idéologique et politique régional puissant - qui ne lui est d’ailleurs contesté que par le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) - afin de (re)devenir l’acteur de référence du mouvement kurde dans son ensemble. L’articulation complexe entre politiques internes, processus régionaux et dynamiques internationales est donc cruciale pour comprendre les récentes évolutions de la question kurde. Celles-ci sont précisément l’objet de ce dossier, fruit du colloque Le Kurdistan d’Irak et la question kurde au Moyen-Orient. Nouvelles dynamiques, nouveaux enjeux du 22 novembre 2013. Notre dossier comprend six articles rédigés par des chercheurs qui travaillent sur différents phénomènes et dimensions de l’espace kurde autour de la question de l’influence de l’autonomisation des Kurdes d’Irak sur la construction d’un espace transfrontalier régional 4 .
Le KRG a donc en effet obtenu le statut d’Etat fédéré par l’entrée en vigueur de la Constitution du nouvel Irak fédéral en 2005. Ce texte lui accorde le contrôle de 13% des revenus pétroliers de l’Irak, permettant ainsi aux dirigeants kurdes de renforcer l’autonomie de la région. Dans un texte-manifeste intitulé Kurdistan is Possible!, Khaled Salih, vice-président de l’Université du Kurdistan - Hewler (Erbil, Kurdistan d’Irak), décrit les interactions existant entre le processus historique de construction politique de la région depuis la première Guerre du Golfe et la nature de l’Etat kurde dans le système fédéral irakien. Comme nous l’avons souligné plus haut, les dimensions politiques ne peuvent être dissociées des questions économiques : c’est aussi grâce à ses revenus pétroliers que le Kurdistan d’Irak peut se construire en véritable acteur politique, capable de traiter d’égal à égal avec les Etats voisins. Dans son article, Gareth Stanfield, professeur à l’Institut of Arab and Islamic Studies de l’Université d’Exeter (Royaume-Uni), analyse les conséquences des accords pétroliers et gaziers signés par le gouvernement d’Erbil. En rappelant les origines historiques du partage des ressources naturelles au Moyen-Orient, ce texte met en évidence à la fois les enjeux liés au nouveau statut de la région kurde d’Irak et les tensions qui en découlent. Dans la continuité de ces dimensions économiques, Merve Özdemirkiran, maître de conférences à l’Université Bahçesehir à Istanbul et chercheuse invitée au CERI, étudie les échanges économiques entre la Turquie et le Gouvernement régional du Kurdistan et montre, à partir de l’action des hommes d’affaires, les conséquences politiques et sociales que pourrait avoir une éventuelle intégration économique régionale sur le Kurdistan de Turquie. Clémence Scalbert Yücel, chargée de recherches à l’Institute of Arab and Islamic Studies de l’Université d’Exeter, quitte le terrain économique pour investir celui de la culture. Elle analyse dans son texte les dynamiques transfrontalières de la littérature pan-kurde, en insistant tout à la fois sur les obstacles à la constitution d’un véritable champ littéraire transfrontalier et sur les singularités de cet espace en formation. Dans une optique davantage politique, Yohanan Benhaim, doctorant à l’Université Paris 1-Panthéon Sorbonne et pensionnaire à l’Institut français d’études anatoliennes (IFEA) à Istanbul, examine dans son article les nouvelles relations entre le quasi-Etat kurde d’Irak et Ankara : la nouvelle politique étrangère turque, impensable il y a encore quelques années, a en effet des incidences importantes sur les Kurdes d’Irak, mais aussi sur ceux de Turquie et de Syrie. Enfin, Olivier Grojean, maître de conférences à Aix-Marseille Université, s’attache à décrire et à analyser le processus de régionalisation qui affecte le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) depuis le début des années 2000. Il montre ainsi les liens de dépendance entre le PKK et ses organisations sœurs en Iran, Irak et Syrie, tout en soulignant la fluidité des agendas politiques de chacun de ces partis : il semble bien que l’on assiste surtout à la constitution d’un pôle idéologique régional pro-PKK visant à contrer l’influence grandissante du Parti démocratique du Kurdistan.
Ce processus de régionalisation ne signifie par pour autant un rétrécissement des marges de manœuvre des Etats, qui continuent généralement de dominer les sphères militaires et diplomatiques, et peuvent toujours tenter de contenir ces dynamiques transfrontalières. L’« instrumentalisation du fait minoritaire » et la « diplomatie parallèle » autorisent toujours les revirements d’alliances soudains et spectaculaires, le plus souvent aux dépens des acteurs kurdes5 . Tous ces textes, qui n’épuisent évidemment pas les multiples dimensions de la question kurde aujourd’hui, soulignent néanmoins la densification des interactions entre les acteurs à l’échelle régionale et sonnent comme une invitation à mieux comprendre les enjeux et les modalités de la constitution d’un espace transfrontalier singulier. Le cas kurde est ici presque idéal-typique, mais de nombreux autres espaces pourraient lui être comparés, qu’il s’agisse de l’espace palestinien au Proche-Orient, de l’espace afghano-pakistanais ou encore de l’espace sahélien, qui sont tous traversés par des dynamiques régionales associant États et acteurs contestataires pouvant déboucher sur des engrenages particulièrement violents.
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2. Sur les frontières de la région voir Roussel, Cyril, « Le Kurdistan irakien : le défi des cartographes », Moyen-Orient, n°21, janvier-mars 2014, p. 79.
3. Le gouvernement kurde ne délivre pas de passeport mais il appose son propre tampon sur les passeports des étrangers qui entrent en Irak par le Kurdistan. Il est aussi encore relativement dépendant de Bagdad dans ses accords pétroliers avec l’étranger.
4. Le format des Dossiers du CERI interdisait la publication de l’ensemble des communications. Mais ce dossier doit beaucoup à toutes les discussions lancées au cours de ce colloque, et notamment aux interventions d’Alex Danielovic, Nazand Begikhani, Said Shams, Michael Leezenberg, Gilles Dorronsoro, Jordi Tejel, Joseph Bahout, Hamit Bozarslan, Laurence Louër et Alain Dieckhoff. Qu’ils en soient tous ici remerciés.
5. Bozarslan, Hamit, op. cit., pp. 311-321.
Les problématiques actuelles de l'Irak, de la Syrie, voire de l'Iran, trouvent en partie leurs sources dans ces "accords" de dépeçage.
La Russie et accessoirement l'Italie ont été contraintes de les avaliser.
A titre personnel, en vertu d'un principe qui m'est cher, celui du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, mes sympathies se sont toujours portées vers le peuple kurde plutôt que vers ses dominateurs.
Il ne me serait donc pas indifférent, (et je dirais même que je me réjouirais) qu'aujourd'hui parvienne à se reconstituer la nation kurde historique, une nation dégagée des frontières héritées des volontés respectives (nous pourrions dire aussi des appétits) des "grandes puissances" et de leurs "créations" étatiques artificielles.
Je reste sceptique quant aux intentions réelles de ceux qui au motif d'une intervention humanitaire, viennent en aide à une partie des Kurdes (Irak et Syrie) sans trop se préoccuper de ceux qui continuent à subir l'oppression turque, voire iranienne.
Ceci dit, je ne me suis pas mis à aimer les Kurdes dès lors qu'ils sont devenus les auxiliaires des Occidentaux dans leur lutte contre l'Etat islamique. Ma sympathie pour eux est commandée par mes convictions relatives au droit des peuples à disposer d'eux-mêmes
Vive le Kurdistan libre, aussi bien en Turquie qu'en Irak ou en Iran !
Vive la Palestine libre ! Vive aussi, soit dit en passant, l'Azawad libre, ou tout au moins autonome, au Mali.
Dix pays arabes ont accepté de rejoindre la coalition bricolée par Barack Obama pour aller combattre l'Etat Islamique. Pour la première fois, l'Arabie saoudite paraît se porter à l'avant-garde du combat contre cet ennemi. Menacé à ses frontières, le royaume saoudien combat en fait un adversaire qu'elle a contribué à faire naître. Car il ne faut surtout pas oublier que la montée en puissance de l'EI doit beaucoup à l'Arabie saoudite et à sa volonté de répandre le wahhabisme dans le monde musulman.
L’histoire a connu des coalitions hétéroclites mais celle que tente de bricoler Barack Obama pour combattre l’Etat islamique s’annonce comme un modèle du genre. L’Iran a ainsi immédiatement exprimé ses doutes quant à la volonté réelle de la coalition internationale de lutter contre les djihadistes sitôt le discours du président américain achevé : « Certains membres de la coalition internationale ont soutenu ces dernières années financièrement et militairement des groupes terroristes en Irak et en Syrie », a déclaré Marzieh Afkha, la porte-parole du ministère des Affaires étrangères iranien, dans une claire allusion au Qatar et surtout à l’Arabie saoudite
Le président américain s’est lui montré plus optimiste puisqu’en marge de son allocution du 10 septembre, ses conseillers ont annoncé que l’aide de l’Arabie saoudite se manifesterait notamment par l'accueil de camps d'entraînement de rebelles syriens dits « modérés »… Un accord censé témoigner de la préoccupation des Saoudiens face à la menace constituée par l'Etat islamique dans la région.
L’Arabie saoudite, incubateur historique de salafistes, aurait-elle enfin choisi son camp ? Il était temps compte tenu de ses anciennes relations pétrolifères avec les Etats-Unis et des milliards d’euros d’armes que la France lui refourgue depuis des années (En 2013, l’Arabie saoudite a été le premier client de la France avec 1,92 milliard d'euros d’achat d’armes). C’est surtout que la menace se fait plus pressante à ses frontières.
Une « ligne Maginot 2.0 » à la frontière irako-saoudienne
Déjà en juillet, la lettre spécialisée Intelligence online décrivait un royaume saoudien en « état d’alerte » :« Riyad craint que les troupes de l'Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL ou Daech) ne décident de fondre sur le royaume. Celles-ci ne sont plus qu'à 100 kilomètres de la frontière irako-saoudienne et ne cessent d'avancer vers le sud. Après plusieurs années passées à s'équiper en matériel de combat dernier cri et à nouer de discrètes alliances militaires, Riyad se prépare à subir l'épreuve du feu ». Près de 30 000 soldats de la garde nationale avaient alors été dépêchés à la frontière avec l’Irak, épaulés par des unités pakistanaises d’élite et encadrés par une société militaire privée américaine (Vinnell).
L’Arabie saoudite s’est même équipée d’un véritable mur anti-jihadiste, une sorte de « Ligne Maginot 2.0 » : ce rempart de 900 kilomètres, comprend cinq épaisseurs et est équipé de matériel de sécurité ultrasophistiqué. Caméras infrarouges, senseurs, radars (au nombre de 50), tours de surveillance, le système peut en principe détecter toute intrusion extérieure. Le système qui répond au doux nom de « Saudi border guard development program » (SBGDP) a été installé et est encore contrôlé par des expatriés européens, travaillant pour Cassidian, une filiale de défense du groupe Airbus.
Depuis que la menace se fait sentir, le royaume saoudien se montre donc un peu plus regardant quant à ses relations avec les mouvements islamistes de la région et le changement de discours est net. Le royaume saoudien craint pour ses puits de pétrole mais redoute autant la puissance mobilisatrice qu’aurait l’EI auprès de jeunes musulmans que le risque d’une hypothétique offensive sur les sites sacrés de La Mecque et Médine.
La sortie la plus virulente a été celle du grand mufti d’Arabie saoudite, la plus haute autorité religieuse du pays. Une fois n’est pas coutume, celui qui appelait régulièrement à la destruction de toutes les églises chrétiennes du Golfe s’est trouvé un autre ennemi avec l’Etat islamique : « Les idées extrémistes, militantes et terroristes qui répandent la ruine sur la terre détruisant la civilisation humaine, ne font en aucune façon partie de l’Islam mais sont son premier ennemi et les musulmans en sont ses premières victimes » a-t-il déclaré le 20 août dernier, probablement sur ordre de la famille royale saoudienne.
L'Etat Islamique, clone idéologique de l'Arabie saoudite
Mais les preuves de la bonne volonté saoudienne arrivent bien tardivement, comme le rappelait récemment le chercheur Ed Husain, au parcours iconoclaste pour avoir lui-même était enrôlé dans un groupe islamiste lors de ses études en Angleterre et avoir passé plusieurs années dans le royaume. Dans une tribune au New York Times il rappelait combien le refus de l’Arabie saoudite,en novembre 2013, d’occuper un siège provisoire au Conseil de sécurité de l’ONU était symbolique de l’ambiguïté du royaume : « Cette posture est le reflet de sa paralysie interne dans le traitement du radicalisme islamiste sunnite. Al-Qaïda, l’Etat islamique, Boko Haram, Al-Shabab sont tous des groupes sunnites salafistes violents et pendant cinq décennies, l’Arabie Saoudite a été le sponsor officiel du salafisme sunnite dans le monde entier. L’Arabie saoudite a créé le monstre qu’est le terrorisme salafiste. C’est aussi aux racines théologiques et idéologiques de cet extrémisme qu’il faudrait s’attaquer ».
Ce n’est que très récemment que l’Arabie saoudite a changé d’ennemi prioritaire : après la mort de Zarqaoui, en 2006, le chef d’Al-Qaïda en Irak, soit la préhistoire de l’Etat islamique, l’organisation a été reprise en main par son chef actuel qui a continué de bénéficier du soutien actif des services saoudiens dans la perspective de s’opposer à la mainmise totale des chiites sur le pouvoir irakien et à la connivence de plus en plus marquée entre Bagdad et Téhéran.
« Les choses se sont compliquées début 2011 avec l’émergence des troubles en Syrie. Les services spéciaux saoudiens du Prince Bandar Ben Sultan et le Qatar se sont lancé dans des initiatives rivales pour accélérer la chute de Bachar al-Assad. Les Saoudiens ont organisé en Syrie l’émergence d’un front salafiste anti-régime sous la désignation de Jabhat al-Nosra tandis que les Qataris ont lancé une "OPA hostile" sur l’EIIL en diversifiant ses activités sur la Syrie en complément de l’Irak et en concurrence avec les autres groupes djihadistes », commente Alain Chouet, ancien responsable de la DGSE.
Selon certains observateurs, c’est néanmoins dans la dualité de la doctrine historique du royaume saoudien que l’EI trouve ses origines : « C'est grâce à son adoption volontaire de cette langue wahhabite que l’Etat islamique porte en lui le potentiel d’une grande explosion régionale. Cet idéal puritain et prosélyte a été formulé par al-Wahhab, le "père" de l'ensemble du "projet" saoudien. L’Etat islamique tend aujourd’hui un miroir à la société saoudienne en revendiquant cet héritage. Aujourd'hui, le travail de sape de l'EI contre le royaume saoudien n'est pas perçu comme un problème, mais comme un retour aux véritables origines du projet wahhabite saoudien » écrit le diplomate et historien anglais Alastair Crooke dans une longue étude sur l’histoire parallèle de l’Arabie saoudite et de l’Etat islamique. Une enquête qu’il conclut par une sentence qui dit le combat intérieur que représente la lutte du royaume saoudien contre l'EI : « Depuis sa renaissance dans les années 1920, le projet saoudien porte en son sein, le "gène" de sa propre destruction ».
COMMENTATEURS MARIANNE
Posté par Jean-Pierre BRAX
http://twitter.com/JeanPierreBRAX
citant Le Monde Diplomatique de septembre 2014:
« L’Etat islamique a peu à offrir. La situation désastreuse à Mossoul l’illustre amplement. » (…) « Ses principes de gouvernement relèvent de l’anachronisme : une résurrection des pratiques du prophète de l’islam, ce qui serait incommode même si elles étaient bien comprises. Au-delà de cette utopie mal dégrossie, il ne s’appuie, paradoxalement, sur aucune théorie de l’Etat islamique – une lacune dans le monde sunnite en général, par contraste avec le chiisme de la révolution iranienne. » (…)
« Au fond, il se contente surtout de combler un vide. L’Etat islamique occupe le nord-est de la Syrie parce que le régime, pour l’essentiel, l’a abandonné, et parce que l’opposition qui aurait éventuellement pu y suppléer a été laissée en déshérence par ses parrains présumés, notamment les Etats-Unis. » (…) « Hormis en Tunisie, les espoirs nés des soulèvements de 2011 ont viré, pour l’instant du moins, au désastre. Vers qui se tourner pour trouver une source d’inspiration, de confiance en soi, de fierté ? Les réactionnaires du Golfe et de l’Egypte ? Les Frères musulmans, aujourd’hui laminés ? Le Hamas palestinien, pris au piège d’une sempiternelle impasse dans sa résistance à Israël ? » (…)
« Le plus inquiétant, peut-être, c’est que l’Etat islamique est devenu le cache-sexe d’une vacuité politique généralisée. » (…) Représentant peu de chose en lui-même, L’Etat islamique se nourrit d’un effet de système. Il peut tout à la fois constituer une forme de rédemption par défaut, un allié de circonstance, un ascenseur social ou une identité en prêt-à-porter pour des milieux sunnites qui traversent une crise profonde. Il sert de repoussoir ou de distraction utile à ses détracteurs les plus cyniques, et d’épouvantail concentrant les peurs d’acteurs confrontés à leurs propres échecs. Cette polysémie, dans la confusion qui caractérise cette ère des changements chaotiques, est ce qui fait son succès. »
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Fifibrindacier
http://twitter.com/FifiBrind_acier
[...] Ce que nos Mamamouchis de la Coalition ne nous expliquent pas, c'est comment on reconnaît un islamiste modéré d'un islamiste radical? Silence radio sur la question.
[…] L'Arabie Saoudite a été soumise aux USA […]
La question qui se pose est plutôt: les USA ont -ils encore besoin des Saoudiens, cette famille pléthorique et divisée? Ou veulent-ils s'en débarrasser? Ce qui expliquerait que les mercenaires du Califat soient arrivés jusqu'aux frontières....
La survie de la famille Saoud se compte peut-être désormais en semaines, sinon, en mois....
http://www.voltairenet.org/article180699.html
[…) Questions subsidiaires: s'agit-il de se débarrasser du Califat ? Ou d'intervenir en Syrie, sous couvert de s'attaquer au Califat ?
L'ONU est d'accord pour que soient larguées des "bombes démocratiques" en Syrie, pays souverain? Qui va contrôler sur qui tombe exactement ces missiles ?
Le projet des néos cons américains est de faire éclater tous les pays du Moyen Orient, Arabie Saoudite comprise. Et créer d'abord 3 états: un kurde, un chiite, un sunnite, à cheval sur la Syrie, l'Irak et bien sûr la Turquie.
Le New York Times publie la nouvelle carte du Moyen Orient rêvé par les dirigeants américains:
14 pays au lieu de 5. Diviser pour mieux régner, ça ressemble aux euro-régions...
http://www.mondialisation.ca/new-york-times-publie-la-nouvelle-carte-du-moyen-orient/5352850
"Les Etats-Unis d’Amérique réapprennent aux peuples du Moyen Orient la nouvelle géographie de leur région en publiant dans les colonnes de New York Times une “nouvelle carte de la région”!! Le Moyen Orient rêvé par les Etats Unis est composé de 14 pays issus de la dislocation de 5 pays le composant à l’origine!
Suivant donc les stratèges américains , ” la Syrie se divisera au moins en trois entités, selon les divisions ethno-confessionnelles. les trois entités auront respectivement une identité alaouite, kurde et sunnite . les alaouites contrôleront , fidèles à la tradition en vigueur depuis des décennies les régions côtières de la Syrie. les kurdes syriens s’en sépareront pour rallier avec les kurdes irakiens . l’entité sunnite pourrait aussi faire sécession du reste de la Syrie et se fusionner avec les provinces sunnites irakiennes” le journal s’intéresse ensuite à l’Irak à proprement parler : ” les kurdes du nord de l’Irak rejoindront les kurdes syriens . les sunnites du centre de l’Irak se rallieront aux sunnites syriens et le sud de l’Irak sera exclusivement chiite” mais le journal n’oublie pas non plus la Libye qu’il place au cœur du Moyen Orient à naitre(!!!) :
” En raison des rivalités régionales et tribales très intenses n la Libye peu se diviser en deux entités historiques , Tripolitaine et Cyrénaïque avec un troisième pays , Fezzan” le journal n’oublie évidemment pas l’Arabie saoudite où ” il y a depuis très longtemps des divergences internes (ndlr : depuis que les Etats Unis s’y sont intéressés ) et cette question pourrait en cas du transfert du pouvoir à la prochaine génération des princes des Saoud être résolue . En fait, les divergences tribales, les divergences sunnito chiites et les défis économiques menacent l’intégrité territoriale de ce pays”.
NY Times s’intéresse ensuite au Yémen et écrit : ” un référendum aura lieu dans le sud du Yémen et puis ce pays arabe le plus pauvre sera scindé en deux. une partie ou tout le sud du Yémen pourrait rejoindre l’Arabie Saoudite.” et le journal finit cette analyse en beauté en annonçant la raison de tous ces changements géographiques et géostratégiques : ” l’Arabie saoudite commerce avec le monde extérieur via la mer et un accès direct à la mer d’Arabie réduira la dépendance de ce pays (gros producteur du pétrole) au Golfe persique et neutralisera en grande partie le pouvoir de nuisance de l’Iran qui menace de fermer le détroit d’Hormuz.”
Cf article initial et carte :
http://www.nytimes.com/interactive/2013/09/29/sunday-review/how-5-countries-could-become-14.html?_r=0
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VIRGINIE ALBA SIMM
[…] Le financement du libéralisme économique, de la libéralisation de la circulation des capitaux financiers, par la cooptation des élites dirigeantes des nations, pour briser les éventuelles démocraties MODERNES naissantes dans les pays qui sortaient de la colonisation: un colon en remplace un autre, un calife, un autre, etc. Un tyran est remplacé par un socialiste tyrannique, etc.
Sans libéralisme politique, voilà ce que l'on a eu et ce que l'on a encore.
Il est temps de s'adresser aux problèmes de notre planète: l'utilisation du pétrole est devenue problématique pour notre environnement à tous, pour notre planète (voir les dernières analyses sur les évolutions climatiques beaucoup lus rapides qu'espérées et dans le mauvais sens) et les Arabes sont bien conscients que l'abandon du pétrole est de plus en plus programmé, en tout cas en Europe, pour des motifs de protection de notre environnement et de nos engagements internationaux à diminuer notre production de gaz à effet de serre (certains disent qu'on l'utilisera jusqu'à plus soif du fait des intérêts des multinationales). Les Arabes ont le droit de s'assurer un moyen de survie économique, politique et même culturel, comme tout le monde.
De plus, vous avez oublié le Qatar, monarchie gazière, qui n'a pas fait mieux et ne fait pas mieux que l'Arabie saoudite, en termes de financement de troupes pour gagner du territoire, ce qu'il faut souligner même si les Qataris sont plus les potes de nos "néoaristos" que les Arabes d'Arabie Saoudite.
[…] Et n'oublions pas, bien sûr, les signatures de traités bilatéraux et multilatéraux, reprise du package AMI bouté hors de l'horizon politique par les oppositions populaires, "once upon a time" dans lesquelles nos multinationales à tous se vautrent pour rémunérer les gros actionnaires sur le dos des autres humains et de leur environnement........
Car tous ces mouvements sont bien le fruit de la libéralisation de la circulation des capitaux. Ils carburent tous au cash et font du cash, du commerce […]
FMI, OMC, Banque mondiale, Commission, "démocratures" vs/ Nations unies pour une société des nations, des peuples, hommes et citoyens.
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MICHAEL SPECHT
La Turquie est également très impliquée dans le financement et l'équipement de l'État Islamique en Irak et au Levant, d'où ses réticences actuelles à l'endroit des opérations de neutralisation décidées par les États-Unis.
Jérôme HOULLE
En effet pour la Turquie, mais il ne faut pas oublier que c'est la future existence d'un état kurde qui les inquiète le plus, L'EEIL étant bien confiné derrière la frontière turque.
Israël et les USA s'étant déjà entendus sur une partition tripartite de l'Irak et ses voisins du sud (comprenant l'Arabie saoudite).
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En fait, c'est Abdelaziz ben Abderrahmane Al Saoud qui chassa le Sherif de La Mecque et créa l'Arabie saoudite. Les guerres ayant permis l’accession au pouvoir d’Ibn Saoud ont fait 500 000 morts entre 1901 et 1932 ( je n'ose pas parler de la manière dont ces 500 000 personnes ont été tuées : elle ne diffère guère de celle employée par les égorgeurs de l'EIL)
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PICABRAQUE
http://twitter.com/PICABRAQUE
Pourquoi pas le vrai titre. Les États-Unis en guerre contre eux-mêmes?
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Le Siècle DE BILDERBERG
La réalité de la posture des Saoudiens est évidente pour qui veut se pencher sur le problème. Toutes les cartes sont ouvertes sur le tapis. Il n'y a que les Media aux ordres pour tourner autour du pot espérant noyer le poisson. Attitude ridicule d'autant que chacun est au fait du jeu trouble de cette monarchie (archaïque) du Golfe.
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Eric Conan - MARIANNE
Pourquoi refuser le statut d'État à une puissance qui a déjà effacé les frontières de deux autres ? Pourquoi ne pas voir que derrière cette question de géographie, c'est aussi l'Histoire longue qui reprend son cours dans cette région du monde. Avec la même obsession : le leadership de l'islam.
Cet anniversaire n'a guère retenu l'attention. Le 10 juin 2014, « l'État islamique » prenait Mossoul, deuxième ville d'Irak. Un an après, l'embarras tranche avec la logorrhée provoquée par l'irruption d'Abou Bakr al-Baghdadi, se proclamant nouveau calife. Un « épiphénomène », avait diagnostiqué la fine fleur de la géopolitique, ne donnant que quelques mois à ces « barbares ». Ces « fous ». Mais il ne suffit plus, comme le préconisait un ministre, de leur refuser « le cadeau » de les désigner par leur nom. « Ce n'est ni un Etat ni l'islam ! », disait-il, pensant qu'une guerre sémantique suffirait à les réduire au rang de « terroristes ». Mais les ennemis, comme les choses, n'ont pas besoin qu'on les nomme pour persévérer.
« L'Etat islamique » a déjà beaucoup d'un État. Son territoire. Un tiers de l'Irak, la moitié de la Syrie. Une armée. Avec d'ex-officiers de Saddam Hussein disposant d'armes et de matériel américains, abandonnés par l'armée irakienne « qui ne veut pas se battre », ou français, livrés à la fantomatique Armée syrienne libre, plus présente dans les tribunes de la presse européenne que sur le champ de bataille. Des ministres dirigent le nouveau pays en déléguant habilement son administration à des gouverneurs locaux. Et cet « Etat islamique » qui massacre trouve une assise populaire. Ceux qui approuvent l'épuration par la charia et ceux qui se satisfont du nouvel ordre. Services publics remis en route. Fonctionnaires payés. Une monnaie a été émise et l'économie exporte. Du coton et du pétrole à prix cassés attirant les spéculateurs. Le Quai d'Orsay n'exclut pas que les pompes françaises distribuent du pétrole « Etat islamique »...
Il devient cocasse de refuser le statut d'État à une puissance qui a déjà effacé les frontières de deux autres. Elles dataient d'un monde ancien. Dessinées par les Français et les Anglais qui se partagèrent en 1916 les restes du cadavre de l'Empire ottoman par les accords Sykes-Picot. En reproduisant leur modèle d'États-nations que la décolonisation transformera en nationalismes arabes plus ou moins progressistes. Une Histoire finie. Ces régimes dictatoriaux mais laïques et protecteurs des communautés constituaient la dernière trace de cette présence coloniale. Ils ont tenu jusqu'à ce que l'intervention américaine, plus prétentieuse (importer la démocratie), fasse tout exploser. Et débouche sur le pire.
« L'Etat islamique », privant les accords Sykes-Picot de leur centenaire, veut fermer la courte parenthèse de ce XXe siècle d'humiliation. Cette colonisation qui a brièvement suspendu les convulsions du monde musulman dont l'Histoire longue reprend. Avec la même obsession : le leadership de l'islam qui, jusqu'à son abolition en 1924 par l'islamophobe Atatürk, a toujours connu l'autorité suprême d'un califat. Etabli selon les époques à Médine, Bagdad, Damas, Le Caire ou Constantinople. La géographie reste la même. Les prétendants aussi, bien que mis au goût du jour : l'archaïsme bling-bling de l'Arabie saoudite, le modernisme autoritaire de la Turquie d'Erdogan, les envies de puissance de l'imprévisible Iran. Seule nouveauté, la brutale proposition vintage de « l'État islamique » avec pour modèle nostalgique la fulgurante progression par le glaive du califat des Abbassides. Une surenchère puriste issue du wahhabisme saoudien qui a enfanté ses chefs.
L'islam glisse vers une triple guerre civile. Entre chiites et sunnites. Et entre sunnites. Les salafistes pensent leur heure arrivée. Persuadés d'avoir provoqué la chute de l'URSS en Afghanistan, ils espèrent une nouvelle victoire avec un retrait américain. Obama répugne à une nouvelle opération de gendarmerie coloniale. Il réfléchit au bilan désastreux des dernières décennies d'interventions : l'islamisme progresse partout. Il découvre la « naïveté » de croire que le modèle occidental est désiré dans le monde entier. Il prend conscience de la relation vénéneuse avec l'Arabie saoudite dont il s'éloigne. D'où sa prudence : se limiter à des bombardements aériens et s'en remettre pour la finition à des forces locales. Mais qui, à part les peshmergas kurdes très déterminés à rattraper l'étape d'avant - créer leur nation - et qui n'iront pas plus loin ? Obama ne parvient même pas à faire respecter ces sympathiques et courageux combattants par l'Irak sous son contrôle et par la Turquie membre de l'Otan.
Tentation américaine : laisser faire l'Iran, seul à même de contrer le califat autoproclamé. En prenant la précaution d'éviter un dérapage nucléaire par un accord avec Téhéran. Mais les méthodes des chiites ne sont guère plus aimables que celles de leur ennemi. Ils ont inventé les camions-suicides bourrés de TNT utilisés par l'Etat islamique. Deux cent quarante et un soldats américains et 58 parachutistes français en sont morts pendant la guerre du Liban. Symbole de cette marge de manœuvre occidentale rétrécie, l'offre d'alliance d'Al-Nosra, représentant local d'Al-Qaida : les successeurs de Ben Laden se positionnant comme modérés ! La charia chez eux, mais sans menace djihadiste en Europe. Ils sont soutenus par l'Arabie et le Qatar, les amis de la France. Autre signe de ces temps difficiles : la nostalgie qui s'exprime de plus en plus pour Saddam Hussein et Kadhafi. Il fallait les détester, mais avec eux, finalement, c'était mieux que pire. L'Histoire n'est pas seulement tragique. Elle est compliquée.
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à propos de la coalition anti E.I.L
Le média "alternatif" (http://www.alterinfo.net/ ) fait pour sa part entendre une musique particulière par rapport à la coalition qui se met en place sous l'égide des E.U.
Faute de pouvoir reproduire ici l'ensemble des articles consacrés à cette coalition, nous en indiquerons les titres les plus significatifs :
- La coalition contre l'Etat islamique est "absurde et dangereuse", dit l'ancien Premier Ministre français Dominique De VILLEPIN
- Irak: Jean-Luc Mélenchon "désapprouve totalement" la perspective de bombardements
- La coalition américano-arabe contre l’EI est née un 11 septembre.
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u zinu :
Soyons clair : les méthodes de terreur employées par l'E.I.L permettent – à juste titre - de crier à l'horreur et à la barbarie.
L'islamisme prôné par ces intégristes s'apparente à une tragique dérive de l'Islam, identique à celle que la Chrétienté a connue durant les siècles passés.
- Car c'est un fait que la Papauté ne s'est pas privée de prêcher de multiples guerres saintes et d'impitoyables croisades en "terre sainte" contres les "infidèles".
- C'est un fait que l'Église romaine a commis en Europe, au temps joyeux de l'inquisition, contre les hérétiques ou déclarés tels, puis contre les juifs et les maures, de cruelles abominations.
- C'est un fait qu'au XVI° siècle, l'apparition et la diffusion de la pensée protestante et la réaction catholique ont provoqué des guerres civiles accompagnées de massacres, de mises à sac, de tueries à grande échelle, d'exactions respectives, qui ont ravagé la France, l'Allemagne, la Suisse, l'Angleterre, les Pays Bas durant de tragiques décennies.
Mais ces crimes perpétrés au nom du Christ ont pour eux une vertu : celle que confère le rejet dans les oubliettes de l'histoire. Cela permet aux contempteurs de l'Islam de crier aujourd'hui à l'inhumanité des méthodes de terreur utilisées par les intégristes de l'EIL ou d'ailleurs.
En fait d'horreur, cependant, les atrocités commises par les nations "civilisées" durant les décennies récentes devraient les inciter à clamer leur indignation de manière moins tonitruante.
Sans en dresser une liste exhaustive, rappelons entre autres, l'holocauste perpétré par les nazis, le goulag soviétique, mais aussi les bombardements massifs des populations civiles sur les villes allemandes par les anglo-américains, l'utilisation de l'arme nucléaire au Japon, les répressions coloniales lors des luttes de libération, l'utilisation systématique de napalm et de produits chimiques au Vietnam, etc.
Alors, dénoncer la barbarie des islamistes, oui. Mais le faire au nom des valeurs de la civilisation occidentale: prudence !
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Il paraît opportun de rappeler que déjà Thomas d'Aquin, s'agissant des guerres, avait distingué les "causes justes" et les "causes injustes", ces dernières étant la plupart du temps entachées de causes cachées.
Lire ou relire : " De jure belli ac pacis" (1625), ne serait pas non plus inutile
Les meneurs de guerre (pour ne pas employer le terme galvaudé de "fauteurs") y trouveraient certainement (si ce n'est déjà fait) de quoi justifier ou légitimer leur entreprise, chacun pouvant interpréter les écrits de Grotius, de ses prédécesseurs et de ses épigones, en fonction de ses propres visées guerrières.
Mais que l'on ne vienne pas, alors, nous seriner que les démocraties répondent par une sainte et juste croisade à un abominable et injuste djihad.
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EL WATAN
Newsletter du 22/09/2014
«Le Daech se retourne contre ceux qui l’ont armé et financé»
Le directeur du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R), Eric Denécé, commente, dans une déclaration faite à El Watan, l’actualité liée à la coalition anti-Etat islamique, communément appelée Daech.
Cette organisation terroriste est dirigée par un certain Al Baghdadi et sévit dans plusieurs pays, dont la Syrie et l’Irak. Eric Denécé note d’emblée que «les Etats-Unis n’agissent que pour défendre leurs intérêts» et explique que «Washington est en train de dessiner la carte de la région sans l’aval des Etats ni des populations locales». Le directeur du CF2R relève également que «les USA interviennent pour assurer la sécurité de leurs alliés locaux (Arabie Saoudite, Jordanie, Israël, etc.)».
Pourtant, l’Arabie Saoudite est accusée d’avoir participé au financement et à l’armement de l’EI. «Les terroristes de Daech se retournent désormais contre les Saoudiens. L’Arabie Saoudite et la Jordanie, en particulier, se sentent menacées, par les terroristes qu’elles ont aidé à évoluer et à obtenir une capacité de nuisance», explique Eric Denécé. «Pour les pétromonarchies qui financent les terroristes dans le monde entier, ceux-ci n’ont d’intérêt que s’ils obéissent à leurs sponsors», ajoute le directeur du Centre français de recherche sur le renseignement. Ce n’est pas tout. Eric Denécé tient les Etats-Unis pour «doublement responsables» dans la création et la fortification de Daech.
«Washington est doublement responsable de la situation actuelle : d’une part, en raison de l’invasion illégale de l’Irak en 2003, qui a, entre autres, donné naissance au groupe d’Al Zarkawi, précurseur de l’Etat islamique, et, également, en raison du retrait total des troupes américaines, alors que le pays n’était pas encore stabilisé. Cela a été une formidable ‘‘porte ouverte’’ pour Daech», explique notre interlocuteur.
Le directeur du CF2R accuse certains pays d’avoir aidé à la création d’organisations terroristes, dont l’Etat islamique. «Ces groupes ont été directement financés, formés et armés par le Qatar, l’Arabie Saoudite et la Turquie, mais aussi par les Etats-Unis», dit-il, tout en accusant la Turquie d’Erdogan de «permettre aux terroristes de passer par ses frontières pour continuer à s’acharner contre Damas».
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Un article de Joseph Macé-Scaron
"La mise à mort d'Hervé Gourdel ouvre les yeux à ceux qui en doutaient encore : il existe bien désormais une internationale de l’épouvante [...]
En réponse, un commentaire dissonant dans l’hystérie ambiante
10.Posté par DARRACHE FRANCOIS le 24/09/2014 –
Quel conformisme de la pensée. Quelle vision étriquée.
On ne fait là que ressasser tout ce qu'on peut lire et entendre partout et qui ne vole pas plus haut que la légitime nausée qui saisit tout discoureur de comptoir en ce moment.
On attend plus d'un "éditorialiste".
Si l'"autre" n'a pas raison, oublier qu'il a SES "raisons" est stupide et suicidaire.
Aussi vais-je me faire l'avocat du diable.
C'est bien beau de s'horrifier devant le barbare assassinat droit issu de l'antiquité d'un civil. Mais le djihadiste peut répondre " ho Macé-Scarron" qu'est ce que toi et tes confrères en avez à foutre des milliers de civils assassinés par drône ou missile interposés, ventres éclatés, membres arrachés, mâchoire arrachée, enfants hurlant de douleur et de terreur, dans des dégâts collatéraux assumés par le salop aux mains propres qui ordonne ça à des milliers de km de là?". Là, tu t'en fous, Mace-Scarron, ces civils là, ces milliers de civils là, ces dizaines de milliers de civils là ne valent pas UN SEUL des tiens de civil.".
Voilà ce que pense le djihadiste selon moi.
De la même manière qu'à lire qu'il s'agit d'un "lâche assassinat"(comme s'il y en avait des courageux...) dans la bouche de ceux qui envoient bravement des avions bombarder à 12 000 mètres et aussi envoient courageusement des missiles de leur bureau capitonné, le djihadiste doit être pris d'un dégout mobilisateur face à cette tartuferie occidentale.
Depuis 20 ans, l'occident fait TOUT pour nourrir le terrorisme, Afgha anti-Russe, guerre d'Irak, d'Afgha, soutien à Plomb Durci et autres saloperies à Gaza , Guantanamo, prisons secrètes, torture, enlèvements, assassinats, drônes, missiles.
Et l'occident prétend donner des leçons et s'ériger en père la morale?
Je comprends aisément qu'un djihadiste puisse être plein de haine et de mépris pour cette tartuferie.
Alors aujourd'hui, ils sont l'ennemi? OK! alors combattons les, éradiquons les, mais de grâce, évitons les cris de pucelles outragées. Nos chaussures sont pleines de sang et de ……
N'en rajoutons pas.
Sinon nous renforcerions nos ennemis.
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u zinu :
Il ne saurait être question de minimiser l'horreur et l'abomination d'une décapitation, et son exploitation à des fins d'auto-glorification par un groupe aussi sanguinaire que sectaire dont l'autre visée est sans doute le prosélytisme et l'édification de candidats potentiels au djihad.
Mais faut-il pour autant sombrer dans une exploitation inverse visant à justifier une guerre aux motifs incertains et douteux ?
Par ailleurs, y-a-t-il des degrés dans l'indignation et la réprobation face à l'horreur et à la barbarie ? N'est-il pas condamnable, par exemple,de massacrer comme cela fut fait récemment à Gaza près de 500 enfants innocents ?
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Un nouveau «Sykes-Picot» en préparation ?
Le chercheur Amir Nour vient de publier son ouvrage sur le conflit au Moyen-Orient
EL WATAN le 29.09.14
Que se passe-t-il au Moyen-Orient ? Pourquoi cette région s’est-elle installée durablement dans l’instabilité ? Y a-t-il une main invisible qui tire les ficelles et qui attise le feu qui ne cesse de mettre en difficulté tous les pays arabes ? Ce sont quelques questions que se pose, en permanence, l’opinion publique nationale et internationale.
Le flux d’analyses et d’hypothèses produites pour comprendre les origines de cette situation n’a fait que rendre encore plus complexe la situation qui prévaut aujourd’hui au Moyen-Orient. Alors que le débat autour de ces faits s’oriente souvent vers le projet américain du «Grand Moyen-Orient» (GMO), d’autres lectures commencent à émerger. Elles tendent, en se référant à l’histoire de la région, à développer une nouvelle analyse sur la question. Cette opposition entre l’Orient et l’Occident pourrait préparer le terrain à un nouveau «Sykes-Picot». C’est la lecture que suggère, aujourd’hui, Amir Nour, chercheur algérien en relations internationales, qui vient de publier, aux éditions Alem El Afkar, un nouvel ouvrage sous le titre accrocheur de L’Orient et l’Occident à l’heure d’un nouveau «Sykes-Picot».
L’auteur compare la situation internationale actuelle et son évolution à celle qui a donné naissance aux accords franco-britanniques de 1916, appelés communément les accords de Sykes-Picot qui ont conclu le partage du Moyen-Orient après la fin de la Première Guerre mondiale. «Depuis les invasions de l’Afghanistan en 2001 et de l’Irak en 2003, un nouveau “Sykes-Picot” semble se mettre en place dans la région. Mais alors que les accords franco-britanniques de 1916 visaient à ‘‘faciliter la création d’un Etat ou d’une Confédération d’Etats arabes’’, le processus en cours a pour objectif de démanteler les Etats existants, notamment en y suscitant ou en approfondissant les clivages ethno-religieux», explique Amir Nour. Alors que les bénéficiaires des accords du 16 mai 1916 étaient les Français et les Britanniques, les futurs gagnants de la nouvelle reconfiguration seront sans conteste les Etats-Unis d’Amérique (USA).
«Cette nouvelle stratégie de “désintégration massive” permettrait aux Etats-Unis, leader actuel du monde occidental, de réaliser un triple objectif : garantir la préservation de leurs propres intérêts stratégiques dans la région ; renforcer la position de leur allié israélien et assurer par là même la prolongation de sa survie en tant qu’Etat juif ; réorienter l’essentiel de leurs efforts et de leurs moyens vers la région du monde la plus importante : l’Asie-Pacifique», souligne encore l’auteur.
Madjid Makedhi
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Pierre Conesa : "Le terrorisme ne se combat pas par la guerre"
Maître de conférences à Sciences Po et à l'ENA, ancien haut-fonctionnaire au ministère de la Défense, Pierre Conesa dit toute sa perplexité sur l'engagement de la France dans la "guerre" contre l'Etat islamique, la coalition baroque montée en urgence par les Américains avec l'Arabie Saoudite et le Qatar, l'attitude de la Turquie ainsi que l'inquiétude que lui inspire actuellement la politique étrangère de la France.
Marianne :
La France est en « guerre contre le terrorisme », a déclaré plusieurs fois François Hollande, reprenant une expression popularisée par George W. Bush, mais il semble que la plus grande perplexité règne dans les milieux militaires sur les objectifs de cette guerre avec une zone conflictuelle qui va du Pakistan à la Guinée, un ennemi décidé à internationaliser l'affrontement et une campagne militaire qui se réduit à des frappes aériennes, sans parler de contraintes budgétaires. La France devait-elle, selon vous, entrer dans ce conflit ?
Pierre Conesa :
Les militaires sont en train de rouler sur la jante, parce que nous avons rarement été confrontés à un champ d’intervention aussi large. Nous menons actuellement quatre guerres qui disent assez bien les contradictions de la coalition.
- Il y a la guerre des Turcs contre les Kurdes. C’est la priorité turque bien avant l’Etat islamique.
- La deuxième guerre, c’est une guerre entre sunnites et chiites. Neuf pays de la région sont déchirés par cette affrontement (L'Afghanistan, le Pakistan, la Syrie, l'Irak, le Yémen, Bahreïn, le Liban, la Somalie et même la Malaisie). C’est une guerre de religion et nous pensons que comme nous sommes une tierce partie, nous pouvons intervenir dans ce conflit. C’est une aberration intellectuelle.
- La troisième guerre qui est en train de s’ouvrir et qui est peut-être la plus « intéressante » c’est une guerre entre islamistes, il y a de plus en plus de dissidents ou d’anciens d’Al-Qaïda qui se rallient à l’Etat islamique, mais qui, de fait, suscitent une opposition forte des islamistes en place. Si j’étais complètement cynique — ou réaliste, c’est selon — je dirais que la solution, c’est de les laisser se massacrer entre eux.
- La dernière guerre enfin, c’est la guerre que les Occidentaux mènent contre les pays de la région : c’est d'ailleurs la quatrième guerre que les Etats-Unis mènent dans cette région. On voit aujourd’hui ce que ça donne : les Occidentaux sont devenus des cibles dans cette partie du monde et c’est le groupe islamiste qui coupera le plus de têtes qui remportera la partie sur le terrain médiatique.
Ce que l'on peut dire et déduire, après avoir listé toutes ces guerres, c'est que chacun des participants a son agenda propre et inévitablement celui-ci entrera inévitablement en conflit avec l’agenda de la coalition.
Les Etats-Unis ont monté dans l’urgence une coalition inédite et assez baroque avec notamment l’Arabie saoudite et le Qatar. Qu’est ce que vous inspire cette alliance improbable ?
Le processus décisionnel est complètement irrationnel. Est-ce qu’il faut sauver le docteur Frankenstein. L’Arabie saoudite est largement responsable de ce qu’il se passe et on est en train de la défendre alors que c’est un Etat — là au sens strict du terme — qui applique les mêmes méthodes que l’Etat islamique. L’Arabie saoudite, c’est des dizaines de décapitations publiques chaque année, les femmes réprimées, l’interdiction de tout autre culte sur le territoire. C’est un exemple qui prouve que nous n’avons aucun objectif politique. Nous avons un objectif militaire qui est de réduire l’Etat islamique, ce sera très long et l'on ne peut pas espérer le réduire complètement sans troupes au sol. On est là face à une autre contradiction : les Occidentaux sont, pour l’instant, opposés à l’envoi de troupes sur le terrain. Mais qui va faire le boulot ? Qui peut penser que les Saoudiens vont envoyer des troupes pour défendre le régime chiite de Bagdad ? C'est impensable.
Il était donc pour vous urgent de ne rien faire ?
Une intervention militaire ne peut pas détruire autre chose qu’un Etat. Or, contrairement à ce que son nom indique, l’Etat islamique n’est pas un Etat. Nous sommes engagés dans une guérilla qui sera longue avec des alliés qui interviendront pour sauver ponctuellement des villes et d’autres qui laisseront tomber d'autres villes en fonction de leurs intérêts politiques et stratégiques.
Nous sommes entrés dans ce conflit suite à l’émotion suscitée par la décapitation de certaines de nos ressortissants. Le pouvoir du politique, c’est quand même d’être courageux. La guerre d’Algérie a commencé suite à l’assassinat d’instituteurs, les époux Monnerot, qui venaient enseigner en Algérie. A partir de ce crime commis par le FLN, les perspectives d’un règlement politique de la guérilla menée par le FLN ont été enterrées. L’exécutif a commencé à déclarer : « l’Algérie c’est la France » ou encore « La négociation c’est la guerre ». Résultat, sept années de guerre, 120 000 hommes sur le terrain pour aboutir à l’indépendance de l’Algérie. C’est aux politiques de dire que les assassins seront punis mais que la guerre n’est pas une solution. Nous sommes en train de faire la même connerie que George Bush après le 11 septembre.
Par ailleurs, aucun conflit n’a jamais été gagné par une campagne aérienne. Le Kosovo, c’est 2 500 frappes aériennes, la comparaison vaut ce qu’elle vaut, mais si vous rapportez ça à la dimension des territoires conquis ou menacés par l’Etat islamique, ça vous donne une idée du temps que ça prendra de réduire le potentiel de cette organisation…
La seule alternative, c’est une conditionnalité politique forte. Il faudrait afficher des objectifs clairs notamment vis-à-vis des pays qui ont donné naissance au salafisme, en particulier l’Arabie saoudite. On vous aide à vous sauver mais en retour vous acceptez la tolérance religieuse. D'ailleurs, comment voulez-vous justifier le fait de combattre des islamistes en s’alliant avec les soutiens historiques de ces islamistes ?
Cela nous contraint à regarder l’Etat islamique avancer car malgré tout il conquiert des villes chaque jour…
Ce que je veux dire, c’est que le terrorisme ne se combat pas par la guerre. Le terrorisme, c’est un concept. Notre ennemi, il faut le qualifier : c’est le salafisme djihadiste, c’est-à-dire l’idéologie qui s’est répandue à partir de l’Arabie saoudite pour combattre les frères musulmans. C’est un conflit interne au monde arabo-musulman. Quand il y a eu la guerre en Afghanistan, toute l’aide américaine passait par l’Arabie saoudite et les services secrets pakistanais. Une des conditions mises, à l’époque, par le prince Turki qui était chef des renseignements saoudiens, c’était que les madrasas pakistanaises (les écoles coraniques) enseignent l’islam hanbalite, c’est-à-dire l’islam que l’on retrouve en Arabie saoudite. C’est comme ça que l’on a créé les talibans et l'on n'a pas vu le coup venir. Le risque, c’est de repartir dans le même engrenage fatal.
Comment comprenez-vous l’attitude des Turcs alors que le Kurdistan est en train de devenir un des enjeux majeurs du conflit ?
Cette attitude de la Turquie traduit les fragilités de la coalition. La priorité de l’agenda turque c’est de se débarrasser du problème kurde plus que de se débarrasser de l’Etat islamique. Pour la Turquie, le premier danger terroriste, c'est le PKK mais la seule force kurde structurée est aussi le PKK. Les forces policières turques sont plus mobilisées contre les émeutiers kurdes que contre l’Etat islamique. La meilleure preuve, c’est que beaucoup de combattants qui ont rejoint l'Etat islamique sont passés par la Turquie — qui est certes une frontière difficile à surveiller — mais Ankara a laissé faire parce qu'ils cherchaient à faire tomber Assad, ce qui reste encore leur priorité. On est exactement dans le scénario de la coalition où deux alliés se battent entre eux et font encore le jeu de l'ennemi désigné. Cela traduit l’absence de consensus politique sur cette opération militaire.
Vous pensez que la Turquie va donc laisser tomber la ville de Kobané ?
La Turquie possède la deuxième armée conventionnelle de l’Otan, elle serait en capacité pour intervenir et sauver cette enclave. Or, elle ne le fait pas, bien qu’elle ait promis de s’engager. Kobané est la partie centrale du Kurdistan syrien. Si Kobané tombe, les populations seront poussées vers la Turquie, c'est pour cette raison que la Turquie demande une zone-tampon avant toute intervention armée, mais cela serait surtout le signe d'un net affaiblissement du PKK. Dans les faits, la Turquie et l'EI sont des alliés de circonstance.
La réponse du politique à vos critiques consiste à dire que « la guerre que l'on mène là-bas, c’est une guerre que l’on mène aussi pour la sécurité de la France ». Vous n'êtes pas sensible à cet argument ?
Ce discours est désespérant de bêtise, car c’est le contraire qui se passe. En intervenant, en nous mêlant d’un conflit religieux qui ne nous concerne en rien, nous suscitons quasi-mécaniquement des vocations terroristes. C’est un basculement stratégique qu’il est aujourd’hui impossible de faire entendre à nos décideurs, compte-tenu de l’émotion suscitée par ces décapitations. En entraînant l’Occident dans la guerre, l’Etat islamique a obtenu ce qu’il voulait sans doute dès le départ. Et le piège s’est refermé. Aujourd’hui, nous ne savons pas comment mener cette guerre sans renforcer soit le régime syrien, soit le régime iranien. Nous leur rendons un sacré service car fondamentalement nous ne pouvons pas faire sans ces deux pays que Laurent Fabius avait mis sur sa liste noire. Je vous avoue que je suis très inquiet quand je vois la politique étrangère que nous menons actuellement.
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SYRIE : UNE POLITIQUE DE GRIBOUILLE
u zinu
Mai-août 2015
Au 15 août 2015 l'on apprend que l'inénarrable Fabius, "veut mobiliser en faveur des minorités du Moyen Orient" (LIENS - MEDIAPART- info " Le Figaro")
Faire mine de se préoccuper du "sauvetage" des minorités menacées, qu'elles soient chrétiennes ou autres, après avoir clamé et réclamé, pour complaire à qui l'on sait, qu'il fallait abattre le régime du "boucher de Damas", relève soit du cynisme soit de l'inconséquence.
Est-il inconvenant de dire que la fameuse "armée syrienne libre", pure création des officines occidentales, armée qui a guerroyé au demeurant davantage dans les médias que sur le champ de bataille, n'est qu'une sorte de golem d'argile appelé à s'effondrer sans rémission ?
Voir un pyromane crier au feu et revêtir les habits du pompier est toujours un spectacle plus ahurissant que plaisant, disait souvent ma mère-grand.
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ACCORD AVEC L'IRAN SUR LE NUCLÉAIRE
Curieuse dialectique que celle qui présente l'accord avec l'Iran comme une grande avancée dans la non-prolifération de l'arme nucléaire.
1. Il s'agit davantage d'un diktat que d'un accord. Les précédents historiques de ce genre d'accord sont légion.
2. Cet accord n'est pas établi sur la base de considérations éthiques ou morales, mais sur la base de considérations économiques et de considérations purement stratégiques.
3. Cet accord préserve largement les "droits" des détenteurs d'ogives, qu'ils soient "autorisés" ou non. Par contre, il fait en quelque sorte de l'Iran le baudet d'une fable de La Fontaine ("Les Animaux malades de la peste") où l'on voit un Lion administrer un jugement inique applaudi par une cohorte d'animaux soumis autant que flagorneurs.
Intox autour d'un livre de Khamenei qui appelle à détruire Israël
U zinu
Cela fait sans doute partie de la campagne organisée par les officines spécialisées pour tenter de discréditer l'Iran. C'est, comme eût dit ma mère-grand, "de bonne guerre". L'accord sur le nucléaire " ne passe pas" chez les faucons israéliens et leurs relais américains. Exhumer des écrits anciens est une méthode facile.
Dans le même ordre d'idées, un antisémite patenté exhumerait le "Protocole des Sages de Sion".
John Kerry au Qatar: "Nous allons accélérer certaines ventes d’armes"
U zinu:
C'est ce qui s'appelle organiser le désordre.
On pactise avec l'Iran pour des raisons purement économiques, au grand dam des amis traditionnels, Israël, Arabie Saoudite, Émirats, et l'on "calme" ces derniers par des ventes d'armes décuplées et des promesses de soutien inconditionnel.
Certaines logiques sont illogiques. Et pourtant elles existent, eût dit un certain Galilée.
u zinu :
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" U zinu" :
Je ne suis pas, tant s'en faut, un nostalgique ou un épigone du marxisme-léninisme. Mais l'analyse ci-après, émanant du PCRF (Pôle de Renaissance Communiste en France) présente l'avantage, même s'il est partisan, d'offrir un point de vue assez exhaustif et surtout "hors sentiers battus" de la situation qui caractérise le Moyen Orient.
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Syrie : Assad Poutine et nous
Dans la confusion et la désinformation sciemment entretenue par les radios, télés, faux experts et vrais agents de l’OTAN, tentons de clarifier les choses.
Le président légal de la Syrie, Bachar el-Assad, n’est pas exonéré de la loi qui est le moteur de l’histoire : la lutte des classes. Comment se situe-t-il dans ce cadre ? Assad représente la bourgeoisie nationale syrienne et des fractions de la moyenne et petite bourgeoisie. A ce titre il est porteur des contradictions de ces classes dans le contexte d’un pays en proie aux menées de l’impérialisme mais aussi des luttes de la classe ouvrière, de la paysannerie, de son peuple. Le baasisme fut une réponse de la bourgeoisie pour tenter de maîtriser cette tension, cette contradiction. Comment ? En se proclamant pan-arabe et nationaliste, anti-impérialiste et même socialiste (le pétrole est nationalisé et échappe, sinon à la bourgeoisie locale, du moins aux sociétés capitalistes pétrolières étrangères). Cependant le pan-arabisme a fait long feu, le nationalisme
arabe est attaqué et miné par les impérialistes et par leurs alliés religieux de l’intérieur (Frères Musulmans etc…), par les pays où la bourgeoisie semi-féodale et surtout compradore (vendue aux impérialistes) veut affaiblir ou détruire ces « mauvais « exemples. En effet le baasisme est laïque : pour unifier les peuples arabes divisés sur le plan religieux, la laïcité devient un facteur de cohésion nationale. L’anti-impérialisme est à géométrie variable : avec l’Union Soviétique inscrite dans le rapport de forces, certains pays arabes tentent de se ménager un espace de manœuvre face aux pressions impérialistes, mais simultanément les intérêts de classe du baasisme l’amènent aussi à chercher des terrains d’entente avec les impérialistes. La chute de l’URSS favorise une dérive « libérale » sur le plan économique en aggravant la contradiction entre le pouvoir, qui taille dans les acquis sociaux, et les masses populaires.
Quant au « socialisme arabe »du baasisme il est dès les origines antimarxiste et anticommuniste, le communisme critiqué pour être athée, internationaliste et qui prône la lutte des classes alors qu’elles devraient collaborer pour le bien de la nation arabe. Anticommunisme qui prend à certains moments historiques des formes violentes. Nasser, Assad père ou Saddam, sans parler de Kadhafi qui livra le secrétaire général du PC Soudanais à la potence, répriment, emprisonnent, torturent, assassinent des milliers de communistes. A d’autres périodes des marges d’action sont octroyées aux communistes selon les rapports de forces entre le pouvoir et les impérialistes.
Et c’est ce rapport des forces qui détermine aussi la politique économique des pouvoir baasiste : on constate en effet une politique de nationalisations et de réforme agraire au début du processus lorsque le bourgeoisie nationale possède un potentiel dynamique et qu’elle a besoin de l’alliance avec les masses. Puis au fur et à mesure que le pouvoir de la bourgeoisie s’affirme on aboutit à une politique de privatisations et de libéralisation, à une rupture avec l’URSS (Égypte) , un rapprochement avec les États-Unis (Irak contre l’Iran) et une débandade après la chute de l’Union Soviétique.
Pourtant même ces demi-mesures, même ces marches-arrières et ces capitulations ne suffisent pas à l’impérialisme qui veut la domination totale sur cette région du Proche-Orient qui est stratégique.
Et l’impérialisme utilise toute les occasions pour pouvoir se débarrasser de ces régimes insuffisamment soumis et qui en outre, s’opposent à l’expansionnisme israélien et au projet US de « nouveau Moyen-Orient ». Par la guerre dans le cas de l’Irak ou de la Libye, par la dépendance économique et militaire en Égypte et par la subversion et la guerre civile en Syrie. Non pas que des luttes populaires n’aient pas eu lieu en Syrie, la vision complotiste d’une CIA omnipotente et tirant toutes les ficelles est aussi naïve que celle qui consiste à nier le rôle essentiel de la subversion impérialiste. Celle-ci a investi et dévoyé un mouvement populaire pour en faire le support d’une intervention militaire de l’impérialisme en finançant des créatures intégristes soutenues par les Etats ultra-réactionnaires et clients des États-Unis que sont la Turquie, l’Arabie Saoudite ou le Qatar. La répression indistincte et brutale de la police d’État syrienne n’a sans doute pas amélioré la situation.
Mais très vite ce sont les bandes intégristes qui deviennent la véritable force anti-Assad. L’ensemble des forces patriotiques s’est trouvé devant une situation d’agression et de danger vital pour la Syrie. Quant aux forces anti-impérialistes mondiales elles ont exprimé leur refus de l’ingérence impérialiste et leur soutien à la souveraineté de la Syrie. Pour le reste cela regarde le peuple syrien et ce ne sont pas les bourreaux des peuples que sont les impérialismes qui peuvent faire croire qu’ils interviennent en Syrie par bonté d’âme.
D’autant que l’apparition de Daesh ne tombe pas du ciel : il est le résultat direct de la politique des puissances impérialistes, États-Unis en tête, depuis des décennies au Proche-Orient. Et en particulier de l’agression américaine contre l’Irak et de la volonté de la Turquie de prendre appui sur l’islamisme sunnite pour écraser le régime Assad, proche de l’Iran, et pour empêcher le développement des revendications nationales kurdes portées par le PKK en Turquie même. Daesh ne doit pas occulter des groupes qui ne valent pas mieux tel Al-Nosra (Al Quaida en Syrie) qui ont le soutien actif des monarchies pétrolières. Ceux qui, comme Hollande n’ont de cesse de condamner vertueusement la « brutalité » d’Assad mais qui se taisent quand l’Arabie saoudite coupe des mains, crucifie des opposants de 18 ans, écrase le mouvement populaire du Bahreïn ou s’ingère grossièrement dans la guerre civile au Yémen, méritent-ils d’être pris au sérieux par les véritables progressistes français ? En quoi le régime brutal certes, mais favorable à la mixité et à la laïcité d’Assad vaut-il mille fois moins que le régime esclavagiste, grossièrement phallocrate, véritable bastion mondial du Moyen Âge, qui règne à Riyad, si ce n’est parce que le régime saoudien plombe toutes les luttes des pays producteurs de matières première (au premier chef, la Russie et le Venezuela), parce qu’il rachète les « Rafales » français en se cachant derrière le régime égyptien ou parce que, comme le Qatar, il est de plus en plus présent dans les conseils d’administration du CAC-40 « français » ?
A l’occasion de ces événements le gouvernement français a pris un virage funeste entamé avec Sarkozy et confirmé avec Hollande. Un atlantisme et un néo-colonialisme bellicistes animent le pouvoir en France : les mêmes qui attaquent toutes les conquêtes sociales du peuple français chez nous adoptent une posture de recolonisateurs en Afrique (Mali, Burkina Faso, Centrafrique, Côte d’Ivoire) ou au Proche-Orient, où le capital financier français est très lié au capital financier libanais, ennemi traditionnel du Baas syrien et de la gauche nationaliste et communistelibanaise.
Face à cette situation la Russie, alliée depuis la fin des années cinquante de la Syrie, a tenté de préserver la paix et l’indépendance de la Syrie. Également d’empêcher la déstabilisation et le chaos au Proche-Orient. Objectivement le rôle de la Russie conforte le front anti-impérialiste et le combat pour la paix, même s’il ne faut pas se leurrer sur les motivations de classe à long terme de la Russie postcommuniste.
Plusieurs facteurs expliquent ce positionnement de Poutine . La Russie est menacée par cette déstabilisation voulue par l’impérialisme. Le sud de la Fédération russe et des anciennes républiques soviétiques orientales sont menacées par les islamistes manipulées par l’impérialisme et ses agents locaux comme la Turquie ou l’ Arabie Saoudite. L’offensive de l’OTAN en Ukraine démontre et confirme la volonté hégémonique des impérialistes vis à vis de la Russie : et de même qu’au Proche-Orient l’impérialisme US a soutenu les monstrueux talibans, Ben Laden, etc., avant d’en perdre partiellement le contrôle, de même en Ukraine la CIA et l’OTAN, applaudis par une partie de la « gauche » atlantique française (Libé, le Monde, Bernard Guetta sur France-Inter, etc.) ont encensé le pouvoir « orange » pro-nazi de Kiev qui provoque la Russie et qui s’appuie sur les néonazis de Pravy Sektor et de « Svoboda ». A moins d’affaiblir dangereusement la Russie et de la laisser se faire encercler par l’OTAN et par les bases US de la Baltique à la Mer Noire et du Caucase à l’Asie centrale, Poutine ne peut pas rester inactif car les impérialistes, qui ne se sont pas contentés de l’éclatement de l’URSS, de la disparition du camp socialiste, de l’annexion de la RDA et de l’intégration de toute l’Europe de l’Est à l’OTAN, ne seront contents que quand ils auront dépecé la Fédération russe elle-même. D’autant que, dans les conditions actuelles, le renversement d’Assad signifierait la prise de pouvoir des factions intégristes et une guerre de religion permanente dans la région. Guerre aussi entre les puissances régionales comme l’Iran et les satellites des États-Unis, comme on le voit au Yémen en ce moment même.
Est-ce à dire que la Russie de Poutine est redevenue l’Union Soviétique ? Soyons clairs, certainement pas. Mais il serait irresponsable d’établir une équivalence absolue entre la Russie et le bloc impérialiste qui domine et écrase le monde et qui est constitué, à l’Ouest, par l’Union transatlantique en formation (Amérique du nord plus U.E. dominée par Berlin) et à l’Est par l’Union transpacifique en gestation, où Washington fraie avec la Corée du sud (en voie de fascisation) et avec le Japon (en voie de remilitarisation). D’autant que même ce dernier est travaillé par des contradictions internes. On le voit avec les positions respectives passablement dissonantes de la France, de l’Allemagne ou de la Grande-Bretagne (c’est d’ailleurs Hollande qui est le plus belliciste de tous en ce moment : pauvre Jaurès !). Le rôle des communistes, des anti-impérialistes, des forces de paix est de s’appuyer sur ces contradictions pour créer un rapport de forces favorable à la lutte des peuples et c’est d’ailleurs ce que fait intelligemment le PC syrien qui, sans cesser de maintenir sa position de classe indépendante, privilégie la lutte contre l’ingérence impérialiste en Syrie et adopte une position résolument anti-impérialiste et patriotique.
Quant à nous, ici et maintenant, notre responsabilité est de dénoncer notre impérialisme et de faire comprendre que rien de bon ne peut sortir d’une position qui laisserait croire que les incendiaires peuvent se transformer en pompiers. Dénonçons aussi ceux qui sombrent dans ce que Lénine appelait le social-impérialisme, « socialistes dans les mots, impérialistes dans les actions » de même que ceux qui ne voient pas la nécessité de tenir compte de la dynamique anti-impérialiste à laquelle les BRICS – Brésil, Russie,Inde, Chine, Afrique du Sud- peuvent objectivement contribuer en laissant des espaces d’intervention aux peuples, même si la plupart des régimes en question sont bel et bien contrôlés par la grande bourgeoisie nationale, avec toutes les inconséquences que cela comporte (le cas de la Chine doit être analysé spécifiquement).
Unir et rassembler sur cette base est donc notre responsabilité.
AM secrétaire de la Commission internationale du PRCF.
http://www.initiative-communiste.fr/articles/international/syrie-assad-poutine/
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La guerre du Yémen, cet autre conflit par procuration entre l’Arabie Saoudite et l’Iran
La guerre civile qui a lieu au Yémen depuis des années n’attire guère l’attention de nos médias et c’est un tort. Trop occupés par leur “russian bashing” et la sauvegarde des islamistes dits “modérés” en Syrie face aux bombardements russes, nos “journalistes” ont tendance à se désintéresser des autres conflits.
En mai, une très forte explosion à Sanaa a eu un certain retentissement médiatique, la vidéo ayant été assez largement commentée sur Youtube. Certains évoquaient l’emploi d’une arme nucléaire tactique par les Saoudiens, et le Yémen a fait davantage parler de lui sur la toile.
Un petit retour sur le passé est nécessaire pour tenter d’y voir plus clair. Rappelons que le Yémen n’est unifié que depuis 1994, une unification qui s’est faite par les armes : le Yémen du Nord a envahi le Yémen du Sud après de longues négociations avortées. Le Yémen du Sud, bastion communiste depuis 1970, ne pouvait alors plus compter sur le soutien de la Russie post-soviétique d’Eltsine en pleine déliquescence. Aden avait servi de base à l’escadre soviétique de l’Océan Indien pendant les deux dernières décennies de la guerre froide.
Le pays, qui compte 25 millions d’habitants pour une superficie proche de la France métropolitaine, n’a jamais vraiment été stable depuis l’unification et la situation sur place est au moins aussi complexe qu’en Syrie. Le Yémen est devenu l’autre champ de bataille de cette guerre par procuration (formule crée par Zbigniew Brzeziński) que se livrent l’Arabie Saoudite et l’Iran, les deux « champions » du sunnisme et du chiisme, les frères ennemis de l'Islam.
Au nord-ouest du Yémen, c’est le pays de la minorité montagnarde Houthi, des Zaïdites (une branche du chiisme), qui compte pour environ 30% de la population du pays, et qui affrontait l’état yéménite depuis 10 ans avant de réussir à s’emparer de la capitale, Sanaa, le 21 septembre 2014. Le 5 février 2015, ils créaient le Comité révolutionnaire, pour succéder “provisoirement” au président Abd Rabo Mansour Hadi, comité dénoncé par les Etats-Unis et les monarchies du Golfe, tandis que le secrétaire des Nations Unies Ban Ki-Moon exigeait le retour de Hadi.
Les Houthis ont un slogan simple et omniprésent, peint au pochoir en rouge et vert sur les murs de la capitale : « Dieu est grand, Mort à l’Amérique, Mort à Israël, malédiction sur les Juifs, victoire de l’Islam. » Les Houthis ont été appuyés par une partie des forces armées yéménites sous les ordres du fils de l’ancien président Ali Abdullah Saleh qui s’était d’abord réfugié aux Etats-Unis après les “printemps arabes”, avant de se rallier aux Houthis. Les forces Houthis et leurs affiliés compteraient 120.000 combattants.
Au sud, les indépendantistes, qui haïssent les Houthis, voudraient faire d’Aden la capitale d’un état séparé comme par le passé. Dans les différentes provinces, on trouve une mosaïque de tribus sunnites, quelques minorités chiites, parfois en guerre contre le gouvernement de Hadi, souvent liguées entre elles contre les Houthis, parfois alliées à Al-Qaida (actif au Yémen depuis 1992), qui a pris le nom local d’Ansar al-Shari'a, et dont des éléments se sont ralliés au nouveau calife Al Bagdadi. Al Qaida et l’Etat islamique sont les plus virulents ennemis des Houthis à cause de leurs différences religieuses.
Comme si cela ne suffisait pas, les Saoudiens et leurs alliés, Qataris, Koweitiens, Emiratis, Egyptiens, Jordaniens, Soudanais, Marocains, Somaliens, font la guerre aux Houthis depuis le 25 mars, unis derrière la bannière du sunnisme. Les Américains et sans doute les Israéliens, leur apportent soutien logistique, l’intelligence et le renseignement, les images satellites et aériennes, l’appui de leur aviation et des drones.
Le 24 mars, après des rumeurs persistantes d’une intervention saoudienne, l’un des commandants Houthi avait déclaré que ses forces envahiraient l’Arabie Saoudite et qu’elles ne s’arrêteraient pas à la Mecque, mais qu’elles iraient jusqu’à prendre Riyad. La menace était prise très au sérieux par les conseillers du roi Salmane ben Abdelaziz Al Saoud.
Les Houthis ont été chassés d’Aden après 3 mois d’affrontements grâce aux contingents internationaux, ces mercenaires aux ordres des Saoudiens. L’ancien président du Yémen, Abd Rabbuh Mansur Hadi, réfugié à Riyad pendant quelques mois, a pu revenir à Aden après la victoire locale. Il en a fait sa capitale de facto. Le conflit s’est étendu dans le sud saoudien et dans l’ensemble du Yémen. Les Houthis, qui ne reçoivent pas d’aide militaire extérieure malgré l’appui moral de l’Iran et de la Syrie, ont infligé des pertes conséquentes aux Saoudiens équipés de matériel américain ultra-moderne, hélicoptères AH-64, chars M-1, transports de troupes Bradley, et des chasseurs F-15.
Les Houthis, rebaptisés Ansar Allah (les soutiens de Dieu) affirment qu’ils cherchent à établir une démocratie basée sur les revendications des printemps arabes, une république, avec des élections, et la possibilité donnée aux femmes de participer à la vie politique. Ils se disaient victimes de discrimination de la part du gouvernement et à la pointe de la lutte contre le salafisme dans la péninsule arabe. A ce jour, les Houthis contrôlent peu ou prou les territoires qui constituaient le Yémen du Nord.
Le rôle joué par les Etats-Unis est ambigu dans ce conflit. Il s'agit principalement de protéger les frontières sud de l'Arabie Saoudite des menaces Houthis et des combattants islamistes qui se combattent entre eux. Les Américains veulent aussi contrôler le détroit de Bab al-Mandeb, l’un des couloirs de navigations les plus importants et les plus stratégiques de la planète.
Le Yémen est le théâtre d’attaques de drones depuis 2002. Ces engins sont pilotés depuis une base gardée secrète en Arabie Saoudite, et depuis la base du Camp Lemonnier à Djibouti, l’ancien camp de la Légion étrangère, avec la présence d’au moins 16 drones Predator et MQ-9 Reapers. Depuis fin 2013 les drones ont été déplacés sur l’aérodrome Chabelley à une dizaine de kilomètres au sud-ouest de la capitale. Les missions sont dirigées par le Joint Special Operation Command (JSOC) et la CIA qui mènent une guerre secrète dans une douzaine de pays à base d’assassinats, d’enlèvements, et pratiquant la torture.
De 2002 à nos jours, The Bureau of Investigative Journalism a comptabilisé au moins 486 morts au Yémen dus aux activités conjointes de la CIA et du JSOC sans qu’il soit possible de déterminer avec plus de précision qui a ordonné quels assassinats.
(https://www.thebureauinvestigates.com/category/projects/drones/drones-yemen/).
De nombreux civils ont fait les frais des attaques des drones, et si au départ, les cibles étaient surtout des responsables ou combattants d’Al Qaida, les Houthis ont également été frappés, alors que les Américains avaient aussi des contacts avec les Houthis dans leur guerre contre Al Qaida. En résumé, les Etats-Unis s’attaquent donc aux islamistes salafistes, soutenus par les Saoudiens, mais aussi aux Houthis, leurs ennemis. On aurait bien du mal à identifier qui est considéré comme la cible principale par les Américains au milieu de ce chaos.
Cette guerre sanglante, qui mène le Yémen vers une possible partition, arrange les affaires de Riyad qui ne se gêne pas pour intervenir chez son turbulent voisin du sud. En effet, un Yémen unifié est considéré comme un danger par l’Arabie Saoudite, surtout sous la domination de la minorité chiite assez proche de l’Iran, le grand adversaire politique et religieux du royaume des Al Saoud. La guerre du Yémen c'est un conflit pour la suprématie du Moyen Orient, et c'est aussi un conflit qui risque d'entrainer, à terme, les grandes puissances. Les Etats-Unis y sont déjà impliqués, la Russie et la Chine pourraient s'intéresser de plus près aux affaires yéménites.
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u zinu :
A l'heure où les interventions occidentales en Syrie sont présentées par le pouvoir et les médias d'Etat ou les médias atlantistes, comme nécessaires et bénéfiques, car elles auraient pour but, au nom des droits de l'homme, de soutenir des rebelles démocrates baptisés djihadistes modérés, et de chasser du pouvoir un dictateur brutal et sanguinaire, appuyé par la Russie, tout en éradiquant les djihadistes extrémistes de l'E.I, il ne paraît pas inopportun de regrouper ci-après quelques points de vue "alternatifs" .
par Zevengeur (son site) - AGORAVOX
mardi 12 janvier 2016
Les attentats récents à Paris ne peuvent être découplés de la politique étrangère aberrante du gouvernement Hollande au moyen orient ainsi que de celle de son prédécesseur. En effet, cette dernière sert en réalité les intérêts de Washington au détriment de ceux de notre pays.
L’objectif de cet article est de présenter une analyse de la situation puis de proposer une politique alternative correspondant aux véritables intérêts de la France.
François Hollande fut élu en 2012 non pour sa capacité supposée à gouverner la France mais pour faire barrage, après un quinquennat catastrophique, à l’un des pires présidents que connut la République française. Le candidat naturel des « socialistes » (*) Mr .Strauss Kahn, nonobstant sa ligne politique européiste et libérale, semblait à minima posséder la dimension pour le poste. Malheureusement pour lui, sa carrière s’est brisée sur l’affaire que tout le monde connait, laissant pour le P « S » un vide à combler quelques mois avant l’élection présidentielle. L’homme du compromis, qui allait précéder les compromissions, fut alors élu un peu par hasard et beaucoup par défaut.
(*) Le terme socialiste étant depuis longtemps devenu une façade, il sera systématiquement mis entre guillemets
Quant un autre américain succède à « Sarko l’américain »
Ce jour de mai 2012, François Hollande se retrouva donc un peu perdu à la tête du pays, et à l’instar de son prédécesseur, dans un costume bien trop grand pour lui.
Comme on le constate depuis lors, à défaut d’avoir une ligne politique et stratégique personnelle, il fit le choix d’imiter le modèle dominant et de s’y soumettre.
Les causes de ces choix sont d’abord à rechercher du coté de sa formation initiale à l’ENA, où l’on apprend pas à penser mais à reproduire [1], puis du coté de son atlantisme forcené issu de son conditionnement chez les « Young leaders » de la French American Fondation . L’annuaire de cette organisation est par ailleurs très instructif et on y apprend que François Hollande fait partie de la promotion 1994.
Une culture successive de l’échec
Les résultats de l’action du président furent rapidement visibles avec une politique économique en échec dans la continuité de celle de Sarkozy. La première cause de cet échec étant liée à une incompréhension chronique de la situation associée à l’utilisation de recettes éculées.
Ajoutons une soumission à l’hégémonique Allemagne dans le cadre de l’Union Européenne et enfin une politique étrangère euro-atlantiste dictée par l’Amérique et quelques états « excités » de l’ex URSS intégrés on ne sait pourquoi dans l’UE et dans l’OTAN.
La crise ukrainienne [2] fut la première occurrence qui montra de manière flagrante l’impéritie du président de la république et surtout celle de son ministre des affaires étrangères Fabius dans le domaine de la géopolitique. En effet, après un alignement aveugle sur la politique US et sur celle de la…Pologne, les intérêts de la France furent gravement compromis avec le refus de la vente des Mistral à la Russie et le soutien de sanctions injustes envers cette dernière [2].
Aujourd’hui, la crise Syrienne, autrement plus grave avec les conséquences que l’on a constaté à Paris, démontre une fois de plus une méconnaissance totale de la géopolitique. En effet, chaque prise de position du gouvernement français correspond systématiquement à la pire option possible.
Mr Hollande, son ministre des affaires étrangères et leurs conseillers auraient besoin d’un sérieux aggiornamento. Même si cette démarche est vaine, il faut que quelqu’un leur explique quelle est la situation réelle au moyen orient et ce qu’il conviendrait de faire.
Pourquoi sont-ils aussi nuls ?
Un aspect frappant du contexte gouvernemental concerne le niveau particulièrement faible de la génération d’hommes politiques au pouvoir depuis 2007. S’agit-il prosaïquement d’un problème lié à la génération soixante-huitarde ? Ou les causes sont elles plus profondes avec le délitement de l’enseignement français (*) qui est devenu une véritable « fabrique du crétin » même à haut niveau, hypothèse plausible pour les membres les plus jeunes des équipes gouvernementales.
(*) Voir le classement triennal mondial PISA où la France perd régulièrement des places.
PARTIE 1 : HISTOIRE ET GÉOPOLITIQUE DU MOYEN ORIENT
Quelques points de repère historiques
Sans entrer dans l’histoire détaillée de cette région, signalons que du 7ième siècle à la première guerre mondiale, cet espace constituait l’empire Ottoman, d’abord sous domination arabo-musulmane puis sous celle des turcs.
Après la première guerre mondiale, les turcs faisant partie des vaincus, car alliés de l’Allemagne, virent leur empire dépecé entre la France et l’Angleterre coloniales à la suite des accords Sykes-Picot. Le traité de Lausanne en 1923 redécoupa la région en fonction des appartenances religieuses et le déplacement correspondant de millions de personnes. Enfin ces pays finirent par obtenir une relative indépendance au milieu du XXième siècle après la seconde guerre mondiale.
Parmi les 4 principales dimensions permettant d’appréhender le contexte du moyen orient, les 3 premières sont endogènes :
– les peuples
– les religions
– les ressources en matières premières
et la dernière est exogène :
– la politique interventionnistes des puissances étrangères, en particulier celles des États-Unis.
Et puisque dans géopolitique, il y a le terme géographie, on va commencer par examiner des cartes.
Les peuples du moyen orient
Les principaux peuples du moyen orient sont au nombre de 5 :
– arabes
– perses
– kurdes
– turcs
– juifs
Ces peuples occupent chacun plusieurs pays distincts sauf les juifs qui occupent quasi exclusivement l’état d’Israël et les Kurdes qui, n’ayant pas d’état propre vivent à cheval sur 3 pays : la Turquie, la Syrie et l’Irak.
L’état juif d’Israël
L’état d’Israël occupe une position particulière dans la mesure où le peuple juif, chassé de sa terre voici 2000 ans se retrouva disséminé sous la forme d’une diaspora. Cette dernière fut persécutée durant toute cette période avant l’épisode final de la shoah qui se termina par l’extermination d’environ 5 millions de juifs par les nazis.
A la fin de la guerre, l’occident repentant, décida du retour des juifs sur leur terre d’origine grâce à un certificat de propriété revendiqué et vieux de 2000 ans !
La société israélienne, de type démocratie occidentale, est peu compatible avec celle des autres peuples du moyen orient. Par ailleurs, durant l’absence des juifs, cette terre était devenue celle des palestiniens.
Ces derniers furent donc soit chassés de ce territoire, soit victimes de ségrégation pour ceux qui restèrent en Israël.
Cette situation induisit donc de grandes tensions et de nombreux conflits guerriers sur ce territoire.
Plus de 60 ans après le retour des juifs, le problème de la cohabitation entre ces derniers et les palestiniens ainsi que la définition de leurs états respectifs reste entier.
Voyons maintenant l’aspect religieux.
Les religions : Islam chiite et sunnite, Judaïsme et Christianisme
Les trois religions monothéistes (christianisme, judaïsme, Islam) sont présentes au moyen orient. Les juifs occupent pratiquement un seul état et les adeptes des 2 autres religions sont répartis dans les autres pays.
Le cas de l’islam est particulier dans la mesure où il s’agit de la religion ultra-majoritaire dans la région.
Au sein de cette dernière, une divergence de vues existe sur la désignation du successeur du prophète Mahomet à sa mort au 7e siècle.
Ce désaccord théologique sur un point de détail a provoqué le schisme de l’islam suivant 2 tendances majeures :
– l’islam Chiite
– l’islam Sunnite
Dans le monde, l’islam sunnite est majoritaire à hauteur d’approximativement 85% par rapport à l’islam chiite. Ce dernier représente par contre environ 40% des musulmans au moyen orient qui sont donc en proportion importante dans cette région.
La principale cause de discorde endogène au moyen orient est donc la religion. En effet les musulmans chiites et sunnites, même s’ils cohabitent parfois pacifiquement, sont le plus souvent des ennemis jurés.
Les 2 plus grandes puissances régionales sont comme par hasard d’obédience opposée :
– l’Arabie Saoudite sunnite
– l’Iran chiite
Dans cette zone, les alliances se font en fonction de la couleur religieuse du gouvernement au pouvoir dans chaque état mais des embryons de guerres civiles peuvent se déclencher car des minorités opposées à un gouvernement peuvent se révolter.
Dans les grandes lignes, on distingue du coté des alliés à l’Iran, le « croissant chiite » avec :
– l’Irak, la Syrie et la faction chiite du Liban, le Hezbollah.
et du coté sunnite alliés à l’Arabie Saoudite :
– le Qatar, les Émirats, le Yémen et la Turquie qui joue un double jeu.
L’islam sunnite a également enfanté un monstre appelé « islam radical » ou « islamisme ».
L’islam radical, de l’État islamique « EI » au terrorisme
L’islamisme est un mouvement radical prônant l’application d’une lecture stricte du coran à travers la charia.
Ce mouvement issu de la famille sunnite prend ses racines dans 2 mouvances :
– le salafisme avec sa déclinaison wahabite d’Arabie Saoudite
– les frères musulmans (origine Égypte)
Sur le long terme, les islamistes veulent imposer par la force du jihad (guerre sainte) une théocratie religieuse à toute la planète à travers la notion d’oumma, qui représente le « peuple » musulman, indépendant de toute notion d’états.
Le fameux État islamique autoproclamé, appelé également EI, EIIL ou Daech est la dernière tentative en cours d’application concrète de ce concept.
Qu’est-ce que l’EI ?
L’EI n’est pas une simple organisation terroriste de plus. En effet, derrière la façade islamiste se cache une structure bien pensée, très organisée et capable d’agir suivant plusieurs dimensions :
– Militaire : les combattants sont encadrés très efficacement par des anciens cadres de l’armée de Saddam Hussein
– Idéologique : ils empruntent l’idéologie salafiste pour s’assurer du soutien des sunnites radicaux
– Financement : l’EI contrôle une partie des puits de pétrole irakiens et syriens qui lui assurent des revenus conséquents avec la complicité de la Turquie et des occidentaux
– Recrutement : l’organisation recrute au moyen orient et également dans le reste du monde pour renforcer son armée et remplacer ses pertes
– Communication : une habile propagande jihadiste à tendance « gore » attire de nombreuses recrues à travers les réseaux sociaux
Cet organisation est apparue en 2006 en Irak à la suite de la destruction de ce pays par les américains, elle se propage depuis plusieurs années dans les pays voisins. Les sunnites du nord de l’Irak, laissés pour compte par le pouvoir chiite issu des urnes constituèrent un terrain favorable pour la genèse de ce mouvement.
La complicité active de certains pays du golfe est avérée, l’Arabie Saoudite, le Qatar et la Turquie leur fournissent du matériel, des armes et de la logistique.
Cet organisation a ensuite été rejointe par des groupes extérieurs [3] :
– environ 5000 wahhabites saoudiens
– des talibans
– des combattants tchétchènes venus de Russie
– de nombreux jihadistes recrutés au moyen orient et accessoirement en occident dont nos fameux « crétins des banlieues »
L’EI, avec la peur engendrée par son ultra-violence a rapidement conquis de grandes portions de l’Irak, bien aidé si l’on peut dire par l’inefficacité chronique de l’armée régulière irakienne formée par les américains.
En terme d’effectifs, le chiffre de 30 000 jihadistes annoncé par les médias est ridicule, il est clair qu’on ne tient pas l’équivalent d’un pays avec un si petit nombre, le chiffre réel des combattants est probablement au moins 10 fois supérieur [4].
L’EI a enfanté de nombreuses filiales à l’étranger
Donnée fondamentale, l’EI apparu en Irak, a été rejoint par plusieurs organisations islamistes internationales qui lui ont prêté allégeance. Ainsi, la Libye (n’ayant plus d’état), l’Égypte, le Yémen, le Caucase (Tchétchénie), la Tunisie, l’Algérie, l’Afghanistan et même l’Arabie Saoudite ont vu l’apparition de « filiales » de l’EI venus renforcer la puissance de cette organisation.
Une armée d’invasion organisée et la complicité active de la Turquie
Profitant d’un début de guerre civile en Syrie, l’armée de l’EI a passé la frontière syrienne et a décidé d’étendre le jihad dans ce pays. Cette dernière s’est emparée de puits de pétrole dans le nord/ouest de la Syrie, elle vend cet or noir à une compagnie anglo-turque qui l’écoule à son tour (blanchi) sur le marché international.
La Turquie, membre de l’OTAN, en discussions pour entrer dans l’UE et dans l’OCS, joue donc un double jeu voire même un triple jeu dans cette région.
Le SU24 russe lâchement abattu par la chasse turque dans le ciel syrien sous prétexte de viol de son espace aérien (*) donne une idée du camp choisi par Erdogan, le dirigeant islamiste turc : celui de l’état islamique.
Cette agression constitue un acte de guerre avéré de la part d’un pays de l’OTAN envers la Russie.
(*) La Turquie de son coté ne se prive pas de violer réellement l’espace aérien grec
Le terrorisme international au service de la stratégie de l’EI
Les islamistes et en particulier l’EI, sont à l’origine des principaux actes terroristes commis dans le monde, avec bien entendu les attentats récents à Paris. On nous répète que les principales victimes du terrorisme islamique dans le monde sont des musulmans en général chiites, cela est exact, mais il ne faut cependant pas oublier les assassinats massifs de chrétiens dans les zones d’influence des islamistes.
Ce qui précède montre que l’EI n’est pas qu’un simple groupe terroriste, mais une organisation sophistiquée avec de gros moyens déployés suivant plusieurs axes. Cela induit donc un certain nombre de questions sur cette organisation ainsi que et sur ses alliés. En effet, le soutien des Saoudiens, du Qatar et de la Turquie suffit il à expliquer la puissance de cette entité ? (*)
En effet, un certain nombres d’analystes [4][5] considèrent qu’à l’instar d’Al-Qaïda, l’EI serait une création de la CIA dont les 2 objectifs initiaux étaient :
(1) de couper la route à l’Iran pour stopper leur aide militaire au Hezbollah libannais, un des rares mouvement capable de résister militairement à Israel .
(2) d’entrer en guerre contre Bachar el-Assad pour le destituer
Le fait que l’ancien candidat républicain à la présidence US John Mc Cain aie reconnu sur Fox News être en contact permanent avec l’EI va dans le sens de cette assertion.
(*) Voir les analyses du criminologue Xavier Raufer, article et interview.
Ces considérations liées à la religion étant posées, il existe un facteur majeur sans lequel le moyen orient ne ferait jamais l’actualité à travers les guerres permanentes qui s’y déroulent.
Ce dernier concerne bien évidemment la présence abondante de matières premières stratégiques pour toute la planète dans le sous-sol de cette région.
Le problème des matières premières : pétrole et gaz.
Avec les 2/3 des réserves mondiales de pétrole et 40% de celles de gaz, on comprend que cette région attise les convoitises des nations industrialisées très importatrices de ces ressources.
La plus grande partie des réserves pétrolières de la région sont concentrées dans 4 états (classement indicatif) :
– Arabie Saoudite : 1ières réserves mondiales
– Iran : 2e
– Irak : 4e
– Koweït et Émirats arabes : 5e
A noter que la Syrie possède une position stratégique pour le transport du gaz vers la méditerranée [6].
PARTIE 2 : L’INTERVENTIONNISME DES ÉTATS-UNIS AU MOYEN ORIENT
Depuis la fin de la seconde guerre mondiale les États-Unis sont en quête d’hégémonie sur toute la planète. Au vu des immenses réserves de pétrole présentes au moyen orient, ils ne pouvaient que devenir la principale puissance étrangère intervenant directement ou indirectement dans cette région.
La stratégie mondiale des États-Unis
Après une quarantaine d’années de bi-polarité partagée avec l’URSS, les États-Unis se sont retrouvés pour un temps dans un contexte unipolaire après la chute de leur rivale au début des années 1990. Le pays s’est alors doté d’une nouvelle stratégie, centrée sur un modèle géopolitique, pour conserver sa suprématie toute récente .
La géopolitique est une discipline dont les bases furent inventées par Mackinder et Spykman dans la première moitié du 20e siècle. En synthèse, le modèle Mackinder prédit que si une puissance réussit à unifier l’Europe de l’ouest et l’Europe orientale, alors cette dernière dominera le monde.
Les américains doivent donc l’empêcher.
Pour ce faire, la première étape est de constituer une doctrine avec des ennemis créés de toutes pièces. Ce fut l’objectif des travaux de Brzesinsky, du PNAC et autres concepts dechoc de civilisations.
En résumé, pour garder leur suprématie, les États-Unis doivent atteindre 4 objectifs :
1) conserver leur large supériorité militaire mondiale
2) prendre le contrôle des matières premières
3) empêcher par domination ou confinement d’autres états ou alliances d’états, d’atteindre un niveau de puissance comparable
4) Convaincre les opinions publiques de leur bonne foi
Aspect militaire
Le budget de la défense US, largement auto-alimenté par l’influence de leur complexe militaro-industriel est de loin le plus important de la planète. Il leur permet une suprématie militaire offensive quantitative dans tous les domaines.
Ce point mérite cependant un bémol, en effet, les Russes possèdent une stratégie inverse, à savoir défensive et leur technologie dans ce domaine est supérieure à la technologie offensive des américains [4].
Le contrôle des matières premières et des pays du moyen orient
Dès la fin de la seconde guerre mondiale, les États-Unis se sont alliés pour une durée de 60 ans renouvelables à la théocratie islamiste (*) d’Arabie Saoudite (1ière réserve de pétrole mondiale) lors du fameux pacte scellé sur le croiseur US Quincy en 1945 par F.D. Roosevelt.
Ce pacte comportait la sécurité en approvisionnement pétrolier pour les américains en échange de leur protection militaire.
Après cette alliance de longue durée avec le premier producteur mondial de pétrole et lorsque la superpuissance rivale eut disparu, la « destinée manifeste » des américains les conduisit naturellement à tenter la prise de contrôle quasi totale du moyen orient. D’autant que les régimes laïcs de cette région (Libye, Irak, Syrie) plutôt orientés pan-arabes représentaient une menace pour l’allié numéro 1 Israël [6].
Toutes ces raisons justifiaient donc la volonté de remodelage militaire du proche orient des années 2000 lancées sous l’ère W. Bush et poursuivies plus tard par des états clients des américains : France et Grande Bretagne.
(*) Le régime Wahhabite de l’Arabie Saoudite est une théocratie barbare basée sur une application stricte du salafisme . Ce dernier a inspiré l’idéologie affichée par l’état islamique. Les princes saoudiens financent le terrorisme islamiste international et fournissent l’État islamique en armes, principalement américaines et françaises . La France a également livré directement des armes aux islamistes, en particulier de puissants missiles antichar Milan se sont retrouvés aux mains d’Al-Nosra.
Les États-Unis sèment la zizanie en Europe
Conformément à la doctrine Mac Kinder, la stratégie des États-Unis pour l’Europe occidentale est d’éviter à tout prix une alliance de cette dernière avec la Russie.
. Le premier axe de cette stratégie fut donc de vassaliser l’Europe de l’ouest avec un protectorat militaire (OTAN), un contrôle politique total (Union Européenne) et économique en cours de finalisation (TAFTA).
. Le second axe fut donc de diaboliser la Russie afin de faire croire aux populations occidentales que le régime de son président est de type dictatorial expansionniste même si les faits démontrent exactement l’inverse.
Contenir les puissances émergentes : BRICS
Les puissances émergentes BRICS, plus particulièrement Russie et Chine ayant une puissance militaire en pleine croissance doivent absolument être confinées (containment) par tous les moyens afin de les empêcher de peser significativement sur la géopolitique de la planète.
Cette stratégie, associée à la vassalisation de l’Europe aux États-Unis et plus récemment de la France [7], explique le « Poutine bashing » récurrent dans la classe dirigeante et dans les médias mainstream, propriétés de l’oligarchie.
La stratégie des États-Unis appliquée au moyen orient
Les objectifs des États-Unis étant clairement définis, il ne restait plus qu’à les réaliser.
D’après le modèle de propagande établit par Noam Chomsky [8], dans un état démocratique, il faut faire adhérer les populations à une politique donnée grâce à la « fabrication du consentement ».
En 2000, d’après le rapport du PNAC (déjà cité), il ne manquait plus qu’un casus belli pour lancer les premières opérations militaires. Ces dernières étaient destinées à atteindre l’objectif de maitrise des ressources en matières premières du moyen orient.
Par un coup de chance phénoménal (*), moins d’un an après, les attentats du 11 septembre fournirent une magnifique opportunité.
Quelques jours après la chute des 3 tours, on apprend avec stupeur que les plans d’attaque pour intervenir militairement contre 7 pays du moyen orient étaient déjà prêts.
Cette information capitale fut révélée en 2007 par le général américain Wesley Clark :
D’après le général Clark, la liste des états à « traiter » était la suivante : Iraq, Lybie, Iran, Syrie, Liban, Somalie, Soudan.
(*) rappelons que la version officielle, toujours non prouvée, du complot exogène d’Al-Qaïda renferme d’innombrables incohérences et questions sans réponses.
2003-2008, L’ère W. Bush la grande déstabilisation du moyen orient
L’invasion de l’Afghanistan en réponse au 11/9 puis celle de l’Irak à la suite du célèbremensonge historique de Colin Powell à l’ONU, a donc initialisé le processus de remodelage à l’américaine du moyen orient.
Le résultat de cette brillante stratégie fut rapidement visible avec la reprise du pouvoir en Afghanistan par les talibans et l’apparition de l’EI en Irak.
Comme on l’a vu précédemment, l’EI s’est alors étendu comme sous la forme de métastases afin de recréer un califat au moyen orient, avant vraisemblablement de s’attaquer au reste de la planète.
Malgré ces échecs, quelques années après en 2011, un « coup » similaire révélé par Roland Dumas (*) se préparait en Syrie :
(*) Interview sur Radio Courtoisie en octobre 2013.
La Syrie, dans le collimateur des euro-atlantistes
Durant des siècles, la minorité alaouite de Syrie, une branche du chiisme, n’avait subi que persécutions de la part de la majorité sunnite. En 1970, cette situation changea avec la prise de pouvoir de l’alaouite Hafez El Assad à la suite d’un coup d’état [6]. Ce dernier réussit à stabiliser politiquement le pays grâce à un régime autoritaire qui réussit à contenir par la fermeté les premières tentatives de rébellion islamistes.
Depuis 2000, la Syrie est gouvernée par le président Bachar el-Assad qui succéda à son père après sa mort.
Le régime de Bachar est de type laïc et pan-arabe [6].
Il possède le soutien de facto des alaouites, des druzes, des chrétiens et également de nombreux sunnites puisque ces derniers sont traités à égalité des autres citoyens grâce à la laïcité.
La Syrie est aujourd’hui sur l’agenda des euro-atlantistes pour au moins deux raisons liées à l’énergie [6].
En effet, il existe un projet de gazoduc pour transporter le gaz du Qatar vers la méditerranée afin de fournir l’Europe et rendre cette dernière moins dépendante du gaz russe.
Ensuite, de très importants gisements de gaz (offshore et onshore) auraient été découverts en Syrie, ce qui attise la convoitise des compagnies occidentales.
Et puisque Bachar el-Assad, très lié avec les Russes, refuse le projet de gazoduc, il faut donc que ce dernier quitte le pouvoir.
Le départ exigé d’Assad n’a donc évidemment rien à voir avec de quelconques raison humanitaires.
Depuis 2011, la Syrie est donc victime d’un embargo occidental très dur pour la population. Ce dernier étant justifié par un storytelling prétendant qu’une révolution populaire démocratique était réprimée par le pouvoir et qu’une guerre civile venait de commencer.
Contrairement à ce que prétend cette propagande occidentale, la guerre civile en Syrie n’a pas commencé en 2011 [6].
En effet, cette dernière a commencé en 1980 lorsqu’un commando des frères musulmans s’est introduit dans l’école d’officiers d’Alep et a exécuté les élèves alaouites (chiites) en épargnant les sunnites.
Ce massacre n’est que l’application d’une ancienne fatwa émise au 14e siècle par le salafisteIbn Taymiyya contre les alaouites.
Cet attentat sanglant avait été fermement réprimé en 1982 par l’oncle de Bachar avec la destruction de la ville de Hama, fief de cette confrérie.
Les affrontements n’ont dès lors jamais cessé, mais les médias occidentaux ne s’y sont pas intéressés jusqu’en 2011.
Le 15 mars 2011, la manifestation d’une poignée d’opposants au régime est montée en épingle par les médias occidentaux qui tentèrent de nous faire avaler un nouveau printemps arabe. Cette propagande médiatique fut une sorte de répétition avant celle qui allait suivre en Ukraine en janvier 2014 [2].
La Syrie est en guerre (et non pas en guerre civile)
Progressivement, des mouvements salafistes prennent les armes contre le régime et en particulier Al Nosra la branche syrienne d’Al-Qaïda, soutenue militairement par les saoudiens, les qataris, la Turquie et…la France !
Cette guerre civile s’est rapidement transformée en guerre tout court.
En effet, hormis le soutien actif de puissances étrangères, le conflit s’est internationalisé avec l’entrée en lice de l’État Islamique d’Irak (EII) en 2012, ce dernier se rebaptisa État Islamique (EI).
Les motivations déclarées par l’EI sont de considérer la conquête de territoires en Irak et en Syrie comme la renaissance du califat Ottoman né au 16e siècle, age d’or du pouvoir islamiste dans la région [6].
Cependant, si l’EI est bien une création de la CIA, les vraies raisons de son intervention en Syrie, liées à la stratégie américaine, ont déjà été évoquées.
En Syrie, les forces en présences sont aujourd’hui au nombre d’environ 80 groupes armés différents !
Le moins que l’on puisse dire est que la situation s’est grandement complexifiée…
Ces derniers sont constituées d’un coté par les alliés du gouvernement Syrien : Iran, Irak, Russie et Hezbollah Libanais.
En face, l’EI et Al-Qaïda forment les groupes les plus puissants épaulés par les Saoudiens, qataris et turcs (membres de l’OTAN).
Selon l’observatoire Syrien des droits de l’homme, un organisme proche des frères musulmans, ce qui est appelé la répression (*) aurait fait plus de 200 000 morts civils.
Ce chiffre, largement repris par les propagandistes est sans doute en dessous de la réalité [4], cependant, il englobe tous les morts de cette guerre. D’abord, les combattants des différentes armées (les pertes du seul régime sont estimées à 100 000) et groupes paramilitaires divers, les nombreux morts civils assassinés par les islamistes (décapitations, égorgements,…) et bien sur les morts civils collatéraux liés aux offensives de l’armée syrienne.
La désinformation médiatique occidentale laisse entendre que 100% des tués sont des civils victimes de l’armée de Bachar el-Assad…
(*) Le terme répression est il bien choisit dans le cas où un état souverain lutte contre des forces d’invasion islamistes de tout poil ?
Comment mener une guerre en zone urbaine ?
Puisque l’on aborde la question des morts dus à cette guerre, il faut évoquer le problème de la libération d’une zone urbaine pénétrée par des jihadistes.
Observons d’abord les moyens mis en œuvre par la France à Saint Denis pour arrêter les quelques survivants du groupe terroriste responsable du massacre parisien.
Pas moins de 110 hommes du RAID et de la BRI auxquels se sont ajoutés 50 militaires ont été nécessaires pour déloger une poignée de terroristes certes bien armés.
Le résultat est parlant, plus de 5000 munitions tirées par les forces de l’ordre et un immeuble partiellement détruit.
Analysons maintenant le contexte syrien.
Ce pays possède d’importants fiefs salafistes dont les effectifs sont de plusieurs milliers de terroristes potentiels. Ces derniers lancent à tout moment des opérations sanglantes contre les civils en Syrie à l’image de ce que l’on a vécu à Paris le 13 novembre dernier.
La question est donc de déterminer comment l’armée régulière d’Assad peut déloger un groupe de plusieurs centaines de terroristes armés installés dans une zone urbaine sans faire de victimes civiles.
La réponse est simple, c’est impossible [4].
Il n’y a pas d’autre choix que de détruire la zone urbaine avec hélas tous les dégâts collatéraux que l’on imagine.
Ces questions se sont également posées durant la seconde guerre mondiale et les alliés n’ont pas proposé d’autres solutions que des bombardements urbains massifs pour vaincre les nazis.
L’exemple historique de la bataille de Stalingrad illustre également parfaitement cette problématique.
On voit aujourd’hui les américains et leurs affidés donner des leçons de morale au régime syrien.
Ces derniers sont particulièrement mal placés au vu de la longue liste des victimes civiles faites sur sol étranger par leur armée depuis 60 ans (Vietnam : 4 millions, Irak : entre 0.5 et 1 million, etc).
L’illusion d’une opposition modérée
En ce qui concerne les atlantistes, l’objectif est de faire chuter le régime d’Assad par procuration en fournissant de l’aide en armements et logistique au groupe Al Nosra, prétendument « islamiste modéré », oxymore inventé pour la circonstance.
Un autre groupe nommé « armée syrienne libre » ou ASL constitué à l’origine par des déserteurs de l’armée régulière syrienne est supposé représenter une alternative démocratique au régime d’Assad. Cependant, si cette mouvance possède bien une représentation diplomatique, elle n’a en revanche quasiment aucune infrastructure de commandement militaire centralisée et légitime.
La coalition occidentale en guerre contre les islamistes ?
La coalition menée par les États-Unis contre l’état islamique d’abord en Irak puis en Syrie a démarré son action depuis plus d’un an. La stratégie de cette dernière est principalement basée sur des frappes aériennes des forces de l’EI.
Ces dernières ne semblent pas avoir obtenu beaucoup de résultats, puisqu’au contraire, l’état islamique relativement contenu en Irak a conquis plus des 2/3 du territoire syrien.
Ces frappes semblent donc plus destinées aux opinions publiques et à occuper le terrain médiatique plutôt que celui conquis par l’EI.
Cela s’explique d’ailleurs par le seul objectif politique annoncé par les américains et leurs vassaux qui est la destitution de Bachar el-Assad. La destruction des islamistes entre alors en contradiction avec cet objectif, en effet, il suffit d’attendre que ces derniers fassent le boulot.
Hélas pour eles américains, cette brillante stratégie fut remise en cause par l’intervention Russe d’octobre 2015.
La stratégie Russe est en revanche claire et rationnelle.
Cette dernière consiste à affaiblir les islamistes (EI et Al Nosra) par des frappes aériennes massives et la destruction de leurs ressources, pour permettre à l’armée régulière syrienne de reprendre le terrain.
Après 2 mois d’intervention, les premiers résultats sont sans comparaisons avec ceux de la coalition américaine.
PARTIE 3 : LA FRANCE, NOUVEAU VASSAL DES ÉTATS-UNIS
Depuis 2007, la France de Sarkozy s’est totalement vassalisée aux États-Unis. En particulier, au niveau militaire, le retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN fut un geste fort de soumission à Washington [7].
Les échecs systématiques de la politique militaire américaine auraient du sembler évidents à tout le monde mais cela n’a pas empêché Sarkozy et Cameron d’appliquer, sur la « suggestion »de Washington (*), cette dernière en Libye.
Ce comportement effarant n’est pas sans rappeler celui de la politique économique où nos dirigeants semblent croire qu’en appliquant encore et encore les mêmes recettes, on finira par obtenir un résultat différent.
Rappelons une fois de plus la citation d’Albert Einstein :
“La folie, c’est se comporter de la même manière et s’attendre à un résultat différent.”
(*) Les américain, de plus en plus impopulaires dans le monde, sous-traitent les interventions militaires à leurs vassaux.
La « nouvelle » France, 100% atlantiste entre dans le jeu
En 2011, la Libye était un état laïc et stable.
C’est à cette date que Sarkozy avec son mentor le grand penseur BHL tentent de faire croire à l’opinion française qu’une révolution colorée vient de se produire, et que cette dernière est réprimée sauvagement par le colonel Kadhafi.
Outrepassant la résolution 1973 de l’ONU, l’aviation anglo-française détruit l’infrastructure militaire du dirigeant libyen, entrainant sa chute avec celle de tout l’appareil d’état libyen. Comme en Irak 8 ans avant, le champ était libre pour les islamistes.
Sarkozy a donc contribué à la création d’un nid d’islamistes en Libye malgré les exemples encore fumants de l’Afghanistan et surtout de l’Irak (un autre ex état stable et laïc) où les mêmes causes avaient produits les mêmes effets.
Un enfant de 6 ans aurait été en mesure de comprendre avec 2 exemples aussi flagrants que toute intervention occidentale destinée à établir la « démocratie » dans un pays qui n’y est pas préparé se traduit par la prise de pouvoir de religieux islamistes extrémistes.
C’était semble t’il trop compliqué à comprendre pour le successeur « socialiste » de Sarkozy et son brillant ministre des affaires étrangères Fabius
Le « cas » Fabius
Nous pensions avoir touché le fond avec Kouchner, le ministre des affaires étrangères de Sarkozy. C’était sans compter avec le talent de François Hollande pour dénicher les apparatchiks les plus incompétents du sérail « socialiste ».
Laurent Fabius choisit systématiquement la pire option lors de chacune de ses prises de positions. Il est censé suivre la politique étrangère définie par le président, à moins que ce ne soit l’inverse.
Commençons par rappeler les top 3 des déclarations de Laurent Fabius :
- « Ils (Jabhat Al-Nosra) font du bon boulot » – Le Monde, 13/12/2012
Rappelons qu’Al-Nosra est la branche syrienne d’Al-Qaïda désigné par W. Bush comme responsable des attentats du 11 septembre. Donc, Mr Fabius fait l’apologie du terrorisme et considère que ceux qui ont détruit les tours jumelles font du bon boulot. - « Bachar El Assad ne mériterait pas d’être sur terre » – En visite en Turquie dans un camp de réfugiés – 17/12/2012
Appel à l’assassinat du dirigeant d’un état souverain en guerre contre des islamistes… - « Le parti Svoboda (Ukraine) n’est pas d’extrême droite » – France inter – 11/03/2014
Le parti Svoboda est un parti ouvertement néo-nazi. Pour Fabius, il s’agit d’un parti de droite relativement modéré.
Vous ne rêvez pas, ces propos furent bien le fait du ministre des affaires étrangères en exercice dans notre pays.
Le fait que Fabius n’ait pas été remercié immédiatement, ni poursuivi en justice (*) après de telles déclarations n’est pas simplement scandaleux en soi, mais également profondément honteux pour l’image et la crédibilité de la France à l’étranger.
(*) Il serait opportun qu’un juriste vérifie si ces propos ne tombent pas sous le coup des article 421-2-5 et 121-7 du Code pénal pour apologie du terrorisme et appel au meurtre.
Quand l’état refuse la liste des jihadistes français
Il semblerait par ailleurs qu’en 2013, la Syrie aie proposé à l’état français une liste des jihadistes français présents dans ce pays. Cette affaire a été révélée par Bernard Squarcinil’ancien patron de la DST/DCRI.
Manuel Valls aurait donc refusé cette liste sous la pression de Fabius (encore lui), car les Syriens demandaient en échange la coopération entre les deux services de renseignements.
Ce sujet de la dimension d’un scandale d’état n’a évidemment pas fait la une des grands journaux, sans doute ont ils estimés qu’il s’agissait d’une information mineure.
« Bachar doit partir »
Personne en revanche ne peut reprocher au gouvernement français d’avoir une politique absconse pour ce qui concerne la Syrie.
Cette dernière tient en 3 mots : « Bachar doit partir » !
C’est lisible certes, mais un peu court.
Depuis des mois, on n’entend plus que cette antienne gouvernementale sur toutes les ondes. Puisque l’élite le dit, alors examinons ce scénario d’un peu plus près.
Le scénario du départ de Bachar el-Assad
Certains pays du Maghreb et du moyen orient ont vécu des changements de régime ces dernières années. Dans certains cas,des mouvements populaires plus ou moins spontanés ont imposé le départ du dirigeant en place et la tenue d’élections (Tunisie, Égypte).
Et le résultat fut le même dans tous les cas de figure, c’est le groupe dominant ou le mieux implanté dans le pays qui a pris le pouvoir, à savoir les islamistes.
Il suffit d’examiner quelle est l’entité la plus puissante en Syrie, la réponse que personne ne conteste est qu’il s’agit de l’état islamique ou EI.
En Syrie, nous avons vu qu’il n’existe aucune alternative politique crédible au président actuel.
Il est donc évident que si Bachar chute en pleine guerre contre les islamistes, alors l’EI et Al Nosra termineront l’invasion de la Syrie et se retrouveront rapidement au pouvoir à Damas.
La suite est facile à imaginer, les alaouites considérés comme des apostats et les druzes/chrétiens comme des infidèles risquent l’extermination.
De plus, des islamistes seraient pour la première maitres d’un pays entier.
Enfin, certains sont allé se rendre compte sur place de la situation en Syrie. Ils ne tiennent pas exactement le même discours que l’Élysée ou le quai d’Orsay, ce dernier ayant été élaboré depuis un bureau avec vue sur la seine. Le rapport du colonel Hogard de retour de Syrie accompagné de députés français est très instructif [9].
PARTIE 4 : QUE FAUDRAIT-IL FAIRE ?
Voilà maintenant le paragraphe que devraient lire nos dirigeants pour ouvrir les yeux et mettre en place une véritable stratégie politique en Syrie, et plus généralement pour rationaliser notre politique étrangère.
Notons d’abord qu’il est impossible d’analyser positivement la politique russe au moyen orient sans se faire taxer de pro-Poutine par les chiens de garde médiatiques des euro-atlantistes. Ces derniers ne font que jouer leur rôle de propagandistes de la stratégie américaine.
Cependant, dès lors que l’on analyse rationnellement les faits, les médias dominants sont moins à l’aise pour contre argumenter.
La politique de la Russie : un modèle de cohérence
Les Russes ont des intérêts en Syrie, un risque islamiste majeur sur leur territoire et un objectif politique clair
En effet, les intérêts de la Russie sont visibles, ils ont un accord avec la Syrie pour l’accès de leurs marine militaire à la méditerranée avec le port de Tartous. De plus, parmi les combattants de l’EI, on trouve des Tchétchènes, ces derniers représentent donc une grave menace potentielle s’ils rentrent à domicile.
L’objectif des Russes est d’éradiquer les islamistes de Syrie en aidant ce pays à reprendre possession de la partie de son territoire occupée par ces derniers.
Les Russes respectent totalement le droit international
Le président Assad a demandé officiellement l’aide des Russes pour combattre les islamistes, ces derniers ont répondu favorablement à cette demande, l’intervention des russes aux cotés de l’armée Syrienne est donc parfaitement légale.
Par ailleurs, la stratégie militaire des Russes est parfaitement rationnelle.
Les Russes ont une véritable stratégie politique et militaire
Ils ont d’abord un objectif clair : vaincre les islamistes en Syrie (et en Irak ?) et les repousser hors des frontières de cet état.
Pour atteindre ce dernier, il ne suffit pas de faire du buzz en bombardant (illégalement) quelques positions islamistes désertées [5], il faut agir suivant 2 voies complémentaires :
– couper les sources d’approvisionnement de l’EI
– reprendre le terrain conquis et neutraliser son armée
L’EI ayant conquis de vastes zones pétrolières en Irak et en Syrie revend l’or noir qu’ils extraient en le transportant par camion vers le complice turc.
Ce n’est pas aux Russes que l’on va rappeler la stratégie du maréchal Joukov à Stalingrad en 1943, ce dernier a gagné la bataille contre l’armée allemande de Paulus en coupant cette dernière de ses sources d’approvisionnement.
Pour assécher leurs revenus pétroliers, les russes bombardent donc massivement les camions citernes de l’EI qui font la navette vers la Turquie.
Par ailleurs, la priorité est de reprendre les territoires à la frontière turque afin de couper la route du pétrole [10].
La carte ci-dessus montre qu’il ne reste qu’une bande de 80 km environ à fermer (entre les 2 points rouges) pour couper la route de la Turquie aux camions de l’EI. La stratégie la plus évidente serait de favoriser la jonction entre les Kurdes de l’est et ceux de l’ouest.
Deux conditions indispensables : le renseignement et une armée de terre
Les 3 piliers de la guerre moderne à gérer en parfaite synchronisation sont les suivants [5] :
(1) l’information
(2) la force aérienne
(3) l’armée de terre
Pour reprendre le terrain, il est indispensable d’avoir des troupes au sol, cependant, la projection d’une infanterie en Syrie demanderait d’énormes moyens, de plus, pour déterminer les points faibles de l’armée adverse, il faut un renseignement précis présent sur le terrain.
Or, il existe déjà un système de renseignement et une armée de terre expérimentée parfaitement opérationnels dans la région, ces derniers sont sous le contrôle de Bachar el-Assad.
Cette observation n’a pas échappé au président Poutine et à son brillant ministre des affaires étrangères Sergueï Lavrov qui, pour ce qui le concerne, ne joue pas dans la même cour que Fabius.
La stratégie évidente et la moins couteuse est donc, d’utiliser les informations des services syriens et d’appuyer leur armée avec une force aérienne assez puissante pour préparer le terrain à l’infanterie et affaiblir les jihadistes.
L’aviation Russe est alors synchronisée avec l’infanterie syrienne et celle de ses alliés pour leur permettre d’avancer et d’effectuer la reconquête.
La coalition montée par les Russes inclut non seulement la Syrie mais également l’Iran et l’Irak, première victime de l’EI.
La non politique de la France, y a t’il un pilote dans l’avion ?
« Les États n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts » Charles De Gaulle
La France n’a pas d’intérêts en Syrie
Mise à part le fait que la Syrie fut sous administration française dans le passé, il ne nous reste que des liens culturels avec ce pays.
Par ailleurs, le régime de Damas ne menace en aucun cas notre pays, il souhaitait au contraire des relations politico/commerciales normales.
Nous n’avions donc rien à faire en Syrie.
La France ne respecte pas le droit international
Le syndrome du « Bachar doit partir » est une ingérence inacceptable dans les affaires d’un état souverain. De plus, faire appel à des considérations morales est d’une hypocrisie sans bornes. Si l’on va sur ce terrain, alors il faut immédiatement stopper toute relation avec l’Arabie Saoudite et le Qatar qui sont des régimes anti-droits de l’homme où l’on applique la charia, bien pires que celui de Damas.
François Hollande bombarde en Syrie sans aucune légitimité, il n’y a eu aucune demande du gouvernement syrien ni résolution de l’ONU qui sont les 2 seuls cas légaux où un état peut intervenir sur le sol d’un autre.
Pourquoi bombardons-nous en Syrie ?
Donc, la France bombarde, fort bien, mais quel est l’objectif politique de ces bombardements ?
Nul ne le sait, et c’est logique vu qu’il n’y en a pas.
La seule raison de ces bombardements repose sur une opération de communication envers les sans dents si appréciés par notre président. La France s’est associée, vraisemblablement sur ordre, à la coalition américaine qui bombarde l’EI depuis un an sans le moindre résultat.
Comme on l’a vu, le pari des américains est que l’EI finira par vaincre l’armée régulière de Bachar, entrainant donc la chute de ce dernier. Il ne faut donc pas faire trop de mal aux islamistes afin de les laisser réaliser cet objectif.
Cependant, contre toute attente, l’armée de Bachar résiste depuis 4 ans. Cela se comprend car cette dernière est dos à la mer et si elle est vaincue, ce sera la mort pour tous les combattants.
Il s’agit donc de vaincre ou mourir.
En conséquence, on bombarde « mollement » l’état islamiste et on aide d’autres islamistescomme al Nosra. Seulement, même bombardé mollement, l’EI a réagit avec les attentats du 13 septembre dernier qui a fait plus de 130 morts à Paris.
La politique atlantiste de Hollande/Fabius s’est donc comme on n’a vu retournée contre ces derniers…
Hollande et Fabius se sont mis dans une position intenable
L’alignement atlantiste avec Washington s’est donc retourné contre le couple infernal de l’exécutif qui, après avoir marché sur la queue du serpent, a provoqué sur le sol français le plus grave attentat terroriste de notre histoire.
Nous avons alors assisté à une invraisemblable tournée internationale de Hollande qui persista dans son obsession irrationnelle du « Bachar doit partir ».
Nous sommes maintenant dans une situation politique très difficile.
En effet, la situation d’urgence absolue impose maintenant de rejoindre la position russe sans pour autant se dédire en reniant la position précédente totalement incompatible.
Bien entendu, la stratégie anti-Bachar américaine a obligé les Russes siffler la fin de la récréation et à intervenir à leur tour afin d’éviter des dégâts irréversibles.
Ce qu’aurait fait un vrai président de la république française
Si nous avions eu un vrai président (comme les Russes), il n’aurait d’abord jamais mis les pieds en Syrie pour contribuer à traiter un problème 100% créé par les américains, c’était à eux seuls de réparer leurs dégâts.
Annoncer quelques frappes sur l’EI pour suivre « l’ami » américain, améliorer les sondages et continuer à démontrer les capacités de nos Rafales nous aurait évité un désastre à Paris.
Maintenant que l’on a mis un coup de pied dans le nid de frelons, il ne reste qu’une seule option qui consiste à rejoindre la coalition Russe afin de favoriser la reconquête par l’armée syrienne et l’éradication de l’EI.
Le choix du camp sunnite terroriste contre le camp chiite est une grave erreur commise par le gouvernement français.
La rhétorique propagandiste atlantiste relayée par la presse mainstream est aujourd’hui de plus en plus difficile à justifier.
On constate cependant, que même poussé par un événement d’une gravité sans précédente qui démontre l’inanité complète de sa politique, François Hollande n’arrive pas à s’adapter à un contexte nouveau.
Cette observation complète l’analyse de Philippe de Villiers sur ces énarques incapables de sortir de ce syndrome de l’escalade d’engagement [1].
Un léger espoir était apparu en 2003 avec un début de politique française amorcée par Chirac soutenant un axe franco/allemand/russe.
Cette politique, non alignée sur les États-Unis allait dans la bonne direction, à savoir celle du général De Gaulle avec son célèbre : une « Europe de l’atlantique à l’Oural ».
Elle fut sans lendemain comme on l’a vu avec le rapprochement total opéré par le régime Sarko avec l’oncle Sam [7].
L’Europe de l’atlantique à l’Oural
La définition d’une politique répondant aux intérêts d’un pays découle tout simplement de l’observation d’une carte, c’est la base de la géostratégie.
L’Europe est un continent et rien d’autre.
L’Europe est simplement un continent qui va de l’atlantique à l’Oural, nous sommes très loin d’une Europe politique qui n’existera sans doute jamais.
Il apparait à l’évidence que notre intérêt, comme l’avait énoncé De Gaulle, serait de constituer une alliance des grandes puissances de notre continent (France, Allemagne, Russie) en favorisant une synergie des points forts de chaque nation.
Cette lecture a été faite depuis très longtemps par Vladimir Poutine qui depuis des années tente sans succès de se rapprocher de l’Europe de l’ouest. Les américains comme on l’a vu ont réussi (pour l’instant) à verrouiller cette dernière à leur hégémonie.
Cette politique réaliste, pronée par le général De Gaulle est pour l’instant en stand-by.
Une alternance à l’UMP-PS, c’est pour quand ?
Le second tour des élections régionales a largement démontré que Marine Le Pen avait parfaitement raison de dénoncer la coalition « UMPS ».
Sous couvert de « front républicain », mots vides de sens, les atlantistes de l’UMP (ou LR) et du P « S » ont tombé le masque et ont montré leur connivence sur la plupart des questions, qu’elles soient économiques ou géopolitiques.
Terminons en remarquant que contrairement à certains pays de l’U.E., les forces de la vraie gauche sont maintenant en déroute dans ce pays.
Cette observation est encore démontrée par les résultats des dernières élections où le flot des mécontents s’est largement orienté vers le Front National. Ces derniers, de plus en plus nombreux, semblent voir en Marine Le Pen une dirigeante potentielle ayant la dimension de la fonction.
A ce sujet, personne à l’heure actuelle, ne peut anticiper la politique qui serait menée par cette dernière si elle arrivait au pouvoir.
Après 2 mandats successifs correspondant à une alternance de façade, on peut en revanche avoir la certitude qu’en 2017, la politique de n’importe quel candidat de l’UMP-PS serait strictement identique à celle d’aujourd’hui, quel que soit le discours électoral de campagne.
Notons que le seul parti à avoir un programme clair de sortie de l’atlantisme est l’UPR qui prône la sortie des 3 entités (OTAN, UE, Euro) qui aliènent la souveraineté de la France.
La question est bien de déterminer ce qu’il faudra faire en 2017 au second tour…
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Pas d’impatience..., vous serez bientôt rétribués « capital et intérêts », des errements politiques et financiers au Moyen Orient
Après la période des attentats terroristes, les Français sont maintenant focalisés sur les primaires de gauche et de droite, sur la désintégration ou non du parti socialiste, sur la refonte du code du travail, sur le démantèlement de la jungle de Calais, sur les réformes de l'éducation nationale, etc..., c'est-à-dire des sujets mineurs (pour ne pas dire futiles) dans l'environnement mondialisé et dangereux que les capitalistes planétaires réunis ont mis sur pied.
Nos politiciens combinards, avec l'aide des zélés journalistes-télégraphistes complaisants et la quasi inexistence des intellectuels audacieux, pratiquent (au sens propre comme au figuré), la chasse avec un miroir aux alouettes. Cette pratique ancienne, utilise toujours les mêmes ressorts, égarant l'esprit de l'essentiel en utilisant un ou plusieurs leurres, et le peuple gaulois est hélas enclin à préférer un mensonge qui rassure plutôt qu'une vérité qui dérange.
La gestion de crise du Quai d'Orsay est calamiteuse dans tout le Moyen Orient depuis le printemps arabe, envers la Russie depuis l'affaire Ukrainienne, pour atteindre son apogée fin 2011 dans la crise syrienne. Nos actions sont de fait téléguidées par la pression incessante des USA, avec ou sans intervention de la CIA dans certains pays, selon les circonstances.
Depuis l'origine de l'humanité et la guerre du feu, celui qui a la maîtrise de l'Energie, maîtrise le monde. Après les esclaves, la force animale, le vent, l'eau, le charbon, ..... le pétrole, le gaz, le nucléaire. Nous y voilà !.., dans les années à venir, l'énergie sera le problème numéro un pour toutes les grandes puissances, ces dernières étant prêtes à toutes les compromissions et sacrifices humains pour survivre. Les USA ne supportent pas que le plus grand producteur et distributeur mondial GAZPROM soit Russe et ils s'ingénuent à déstabiliser en toutes circonstances possibles l'équilibre de cette entité, en prenant par ailleurs les Européens en otage (cf crises en Géorgie, Belarus, Ukraine, Syrie).
"Libérons l'Irak, la Lybie et la Syrie des dictateurs et installons la démocratie..." foutaise !.. nous sommes dans ce qu'il est essentiel d'appeler "GUERRE ENERGETIQUE". C'est comme au jeu de Go, les USA et ses vassaux atlantistes aux ordres d'un côté (dont l'UE) et les Tatars Russes et Chinois de l'autre, avançant chacun leurs pions sur l'échiquier arabique d'Allah, de fait devenu le gigantesque chaudron toxique et explosif de la planète. Et les Institutions Européennes dans cet embrouillamini ? elles ont succombé, comme à l'accoutumée, dans leurs propres médiocrités en tergiversant sans cesse, pour ou contre qui ?..., sous le contrôle assidu et satisfait des USA.
Outre les guerres fratricides de religion entre sunnites et chiites, les véritables enjeux de cette région, dans laquelle la Turquie joue un rôle essentiel, (mais occulte et ambigüe), concernent le gaz, le pétrole, l'eau et l'attribution ou non du nucléaire civil et/ou militaire à certains acteurs de la sphère islamique. A une époque ou le ralentissement de la croissance mondiale est patent et inquiète toutes les places financières spéculatives, les fabricants et les marchands d'armes constituent un joker formidable pour redorer le blason des commerces extérieurs défaillants. Qu'importe les effets dévastateurs des conflits et les cortèges induits de migrants de toutes natures confessionnelles, la patrie des droits de l'homme et ses coreligionnaires européens s'en chargeront...ou s'en accommoderont au titre de dommages collatéraux. "L'Hommisme" a un coût financier extravaguant pour les Européens, very sorry ! (et cela ne fait que commencer...), mais dorénavant il ne concerne plus ceux qui ont généré le problème, en prenant soin de nous transmettre la patate chaude (USA en tête), pour disparaître ensuite de l'horizon humanitaire.
Plantons le décor concernant le gaz, objet principal du conflit syrien depuis 2011 :
- La Russie est le premier fournisseur de l'Union Européenne et une partie non négligeable de l'approvisionnement passe par l'Europe du sud et doit croître de 20 % dans les années à venir.
- La Turquie (membre de l'OTAN) considère que le gaz est l'or de demain et souhaite développer de nouveaux gazoducs et accès de chargement en méditerranée afin de devenir un Hub énergétique pour l'Europe.
- La Turquie compte sur l'influence américaine pour faire transiter de futurs gazoducs à destination de la Grèce, l'Italie, l'Autriche... (se référer aux divers projets Southstream, Nabucco, Turkishstream, gazoduc Qatar-Turquie et surtout le gazoduc Iran-Irak-Syrie "catalyseur" du conflit...).
- La Turquie entend exploiter offshore en méditerranée, au sud de Chypre, ou des quantités considérables de gaz ont été découvertes en 2010 : ce nouveau champs gazier a constitué depuis lors un conflit sévère avec Israël qui revendique des limites territoriales inacceptables. La production turque sera acheminée par gazoduc sous marin au port de Ceyhan.
- La Turquie est fortement dépendante pour sa consommation des gaz Russe et Iranien, ce dont elle voudrait s'affranchir avec l'appui politique américain et le futur réseau de gazoducs.
- La Syrie avait proposé, avant le déclanchement des hostilités et avec l'appui des Russes, que le futur carrefour énergétique se situe à proximité de Homs (Syrie)...ville depuis soumise aux convoitises de tous bords compte tenu de l'importance stratégique, industrielle et économique de la troisième ville du pays, mais aujourd'hui rasée à 70 %.
Dans ce très grand jeu, complexe et dangereux, les Saoudiens et Qataris, roulent pour le camp US, les Iraniens et les Syriens pour le camp Russe, les Turcs jouent le trouble et sont prêts à tout pour éviter la constitution d'un état Kurde indépendant, pourtant prévu dans le traité de Sèvres en 1920, (mais "oublié" dans le traité de Lausanne de 1923...), au risque de déclencher l'acte irréversible qui entraînera la planète dans l'abîme, par le jeu d'alliances contre nature.
Vladimir POUTINE, en fin renard stratège, face aux provocations néoconservatrices atlantistes diverses, accélère l'orientation du développement gazier et la construction de gazoducs en Asie Centrale afin d'acheminer les nouvelles productions vers la Chine : cette fois, sans intervention possible des USA, peu appréciés dans cette région immense en pleine mutation depuis la chute de l'empire soviétique. Après l'adhésion en 2001 à l'OCS (Organisation de Coopération de Shanghai), la Russie a participé à la création en 2015 de l'Union Economique Eurasiatique.
On nous a rebattu les oreilles depuis 10 ans concernant le nucléaire militaire Iranien, mais a-t-on prêté attention aux dernières déclarations fracassantes de l'Arabie Saoudite (Février 2016) confirmant son intention d'acquérir des bombes nucléaires au Pakistan, dont elle a financé les programmes à hauteur de 60 % !... et ce, en toute violation des traités de non prolifération qu'elle a pourtant signés. L'état Wahhabite veut la peau d'ASSAD et dispose d'une flotte de 250 chasseurs bombardiers (vendus par les USA et l'UE) aptes à transporter ces bonbons de mort, et depuis fin 2015, les ventes d'armes à leur attention n'ont jamais atteint de pareilles records, sans doute puisque l'Islam est une religion de paix et vit dans le seul esprit de l'adage :"si tu veux avoir la paix, prépare la guerre".
Dans ce gigantesque marché de l'armement, (hormis pour les contrats en 2015 avec l'Inde, le Qatar et l'Egypte - tous pays amis des USA), les Français et leurs politiciens se sont-ils posés la question (puis élaborés une solution) relative aux méventes du RAFALE depuis sa mise en service en 2001 ? La raison est simple : parce que la norme ITAR donne le droit aux Américains "de nous autoriser ou pas" à vendre, en fonction de l'acheteur, au seul motif que la société Dassault utilise dans ses calculateurs deux composants électroniques US dits "de souveraineté" !.. Nos talentueux ingénieurs informaticiens ne sont décidemment pas aidés par nos dirigeants politiques pour créer un pôle de recherche et développement hautement stratégique, probablement parce que nos ministres et secrétaires d'état, biberonnés au lait atlantiste, n'y comprennent rien et préfèrent la soumission puis l'action selon les bons vouloirs de l'oncle Sam. On comprend pourquoi le général de GAULLE avait quitté l'OTAN il y a tout juste 50 ans, mais on craint aussi comprendre pourquoi SARKOZY s'est de nouveau précipité de manière inconséquente dans le giron atlantiste militaire en 2009...
En résumé, des solutions existent pour cohabiter, mais la volonté dirigeante mondiale est anesthésiée par le pouvoir financier qui tourbillonne à coup de trillions de dollars de dette irremboursable, et qui nous aspire, au moindre collapsus financier, vers une issue répétitive depuis la nuit des temps...la guerre, le "salaire de la peur", avec du sang, de la sueur et des larmes.
Rappelez-vous des ingrédients dans le film de Clouzot en 1953 : une matière hautement explosive, une tâche périlleuse, une motivation vénale, un mental et du matériel pas adaptés à la situation. Jo (Charles VANEL), cynique et bravache, perd peu à peu son sang froid et ne veut plus poursuivre sa mission...sa lâcheté attire mépris et haine de la part du jusqu'au-boutiste Mario (Yves MONTAND)... au final, aucun ne reviendra de cette mission sans espoir...
"La perversion de la cité commence par la fraude des mots" (Platon)
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Syrie aspects militaire et politique 27 février 2016
par JMBerniolles
samedi 27 février 2016 - AGORAVOX
De très bons articles viennent d’être publiés sur Agoravox à propos de la Syrie.
Il ne s’agit donc pas de reprendre ce qui a été bien dit, mais de préciser les deux aspects cités, intimement liés, compte tenu de ce que le temps qui passe vient de nous révéler. L’information sur la Syrie, en France, est complètement manipulée par des journalistes, souvent très agressifs et outrepassant largement leur fonction d’informateurs, par des « experts », ainsi que par les pouvoirs en place depuis 2011. Elle est orchestrée par Reuters et l’AFP, quand cela n’est pas l’OTAN directement. Elle fait appel à des sources partisanes et approximatives comme l’auto déclaré observatoire sur la Syrie, basé à Londres.
L’information vient donc pour l’essentiel de l’étranger : Liban, Iran, Syrie et Russie principalement. Ainsi que de sites indépendants tels que South Front pour l’évolution militaire. De très bons analystes intègrent les informations qu’ils jugent fiables pour donner une vue d’ensemble de la question syrienne, très complexe, notamment à cause d’arrières pensées et de doubles jeux, et souvent rapidement évolutive. On peut citer Bassam Tahhan, Régis Chamagne pour le côté militaire, et bon nombre d’américains : Tony Cartalucci, le Professeur Michel Chossudovski, Stephen Lendman, Paul Craig Roberts…. André Vitchek particulièrement pour la question kurde. L’analyse du contexte électoral américain a aussi son importance parce qu’il permet de mesurer l’adhésion du peuple américain à la politique, notamment étrangère, des USA, marquée par l’influence majeure du complexe militaro industriel et des lobbies sioniste et pétrolier. Sur ce sujet il y a d’excellentes analyses du Professeur James Petras et d’Eric Zuesse. Et puis dans le style synthèse percutante il y a Pepe Escobar. Thierry Meyssan fait aussi partie de ces analystes et informateurs. Il a l’avantage d’habiter Damas. Il a été diabolisé en France ce qui est presque un certificat d’authenticité. On peut ne pas adhérer à tout ce qu’il dit et douter de certaines de ses sources, mais il développe souvent une analyse pertinente. Ainsi lorsqu’il avance que Hollande/Fabius avec Erdogan, ont cherché à éliminer physiquement Assad, il y a de bonnes chances que cela soit vrai. La rupture de la Syrie avec les services secrets français conforte cette affirmation.
Des analyses montrent que dans le passé les mouvements islamiques extrémistes, notamment celui des frères musulmans, ont été utilisés par les anglais et les américains pour déstabiliser les pouvoirs arabes. De longue date la Syrie particulièrement a subi ces tentatives de renversement du pouvoir en place, et toujours pour des questions de pipeline et aujourd’hui de gazoducs. Ce que nous vivons actuellement au Moyen Orient est une guerre généralisée autour du gaz naturel, qui concerne à la fois son exploitation et son transport.
L’Aspect militaire
Le contexte militaire et l’évolution des rapports de force dans ce domaine conditionnent totalement le volet politique.
En Syrie l’action militaire est immédiatement apparue dans les mouvements de contestation du pouvoir en place, basés bien évidemment sur des mécontentements, en fait limités mais qui ont pris de l’ampleur avec les échanges de tirs. La répétition des scénarii type Bengazi et Maidan, révèle sans contestations le rôle de la CIA et d’autres services secrets, français entre autres. On sait maintenant parfaitement ce veulent dire, instauration de la démocratie, un motif d’emblée douteux quand ce sont des gens armés jusqu’aux dents qui affichent cet objectif, ainsi qu’intervention humanitaire.
Dans l’évolution militaire qui a suivi rapidement, parce que des mercenaires, takfiris essentiellement, qui avaient été armés, entrainés, encadrés et payés sont immédiatement entrés en action, on peut noter trois phases. L’armée syrienne libre a existé, mais elle n’a jamais pesé.
La première phase court jusqu’à septembre 2013, qui constitue un tournant historique
Celui-ci, on le verra, déborde le simple contexte du Moyen Orient. Ce véritable point de rupture est soit inconnu, soit sous-estimé. L’action militaire, évidemment préparée à l’avance et qui a fait déferler des hordes sauvages depuis la Turquie, la Jordanie et une partie du Liban, s’est accompagnée de la mise en place d’un organe politique de direction, appelé club de Paris par Bassam Tahhan parce qu’il a été créé initialement à Paris par Juppé.
Celui-ci était sûr que Bachar Al Assad à qui l’on avait offert un exil doré qu’il a refusé courageusement mettant ainsi en jeu sa vie et celle de sa famille, serait balayé en quelques semaines. Il ne l’a pas été et c’est d’ailleurs à cela que l’on peut savoir que la grande majorité du peuple syrien le soutient. Il mène la guerre avec une armée principalement de conscrits où toutes les confessions sont représentées et qui s’est vue rejoindre par des mouvements populaires qui ont pris les armes. Avec le soutien du Hezbollah et d’un encadrement iranien, Bachar El Assad a tenu le choc militairement contre des effectifs qui ont culminé vers les 200.000 hommes à un moment, jusqu’à l’été 2013.
Il faut se souvenir de la campagne d’accusation et de haine lancée à ce moment-là par nos médias, avec notamment la manipulation du journal Le Monde, à l’encontre du régime syrien, accusé, sans preuves, d’avoir utilisé des armes chimiques contre son armée et son peuple. Il s’agissait de préparer le terrain à des frappes massives de la Syrie. Obama ayant alors proposé au congrès américain un programme, si l’on ose dire, de 72 heures de frappes continues de missiles qui auraient réduit la Syrie à l’état d’un champ de pierres, dont beaucoup appartiennent au patrimoine de l’humanité.
L’affrontement militaire Russie/USA
C’est ainsi qu’au tout début septembre 2013 est intervenu le tournant majeur. En fait on parle aujourd’hui d’une possible confrontation militaire directe entre la Russie et les USA au Moyen Orient, en occultant complètement le fait que celle-ci a déjà eu lieu à cet instant. La passe d’armes directe avait été précédée d’opérations de tests de la part de la Russie, de la capacité militaire américaine. Un porte avion américain avait été survolé par un avion russe qui avait annihilé toutes ses défenses électroniques. Les russes avaient aussi testé les anglais au large de leurs côtes. Le choc quasi frontal s’est déroulé lorsque les USA ont envoyé deux missiles tests depuis le fond de la méditerranée occidentale vers la Syrie pour régler leur campagne de frappes. Ces deux missiles ont soit été détournés, soit abattus par les russes. L’information avait filtré depuis le Liban. Régis Chamagne vient de clairement préciser les choses dans le sens décrit. Immédiatement les russes ont proposé aux américains une sortie diplomatique honorable avec le désarmement chimique du régime syrien.
On doit aussi noter la présence discrète des chinois, au moins sur la mer.
Mais il en faut beaucoup plus pour détourner les américains de leurs objectifs.
On entre donc ensuite dans la deuxième phase qui va jusqu’à la fin 2015.
L’année 2014 a été utilisée, par les USA, la France et la Grande Bretagne, à préparer la grande offensive de 2015. Avec les camps d’entrainement en Turquie et en Jordanie, la formation d’ISIS ou Daesh pour avoir un mouvement unitaire fort chez les takfiris, l’offensive en Irak, avec la complicité d’anciens de l’armée de Saddam Hussein et la défection des forces armées irakiennes à Mossoul.
Au printemps 2015 les mercenaires ont déferlé à nouveau, avec un encadrement assuré, en particulier, par des militaires français, des conseillers américains… La progression de ces forces avant tout étrangères (on parle de mercenaires venant de près de 80 pays) était montré avec complaisance par nos médias avec juste ce qu’il faut de larmes hypocrites pour la prise de Palmyre par exemple. L’offensive se concentrait vers la région de Lattaquié, absolument stratégique pour l’issue de cette guerre et vers Damas. Si le Hezbollah, l’armée syrienne et les comités populaires enregistraient quelques succès sur les frontières du Liban, partout ailleurs les reculs étaient importants et prenaient même une tournure dramatique.
L’intervention russe est alors devenue une nécessité pour sauver Assad et c’est elle qui ouvre la troisième phase en septembre 2015.
L’efficacité de cette intervention avec un matériel militaire ultra performant a stupéfié le camp occidental. Celui engagé dans l’OTAN pour des opérations d’agression au Moyen Orient.
Le premier objectif a été de couper la frontière turque, en commençant par le nettoyage de la région de Lattaquié. Pour ce faire il y a maintenant une coordination complète entre le Hezbollah, la Syrie, l’Iran, la Russie et les Kurdes. Ce rassemblement est parfois qualifié de 4+1. Il y a même un centre de supervision générale qui inclut l’Irak. Cela a rendu fou Erdogan, qui a fait abattre un avion russe à son initiative avec l’approbation américaine sûrement. A cette occasion la Russie a mis en place des sanctions contre la Turquie, mais a surtout déployé une grande activité diplomatique destinée à dénoncer l’aide de la Turquie aux takfiris salafistes, son exploitation du pétrole volé à la Syrie et à l’Irak et ses aides en armements, afin de préparer le terrain à une action militaire directe contre la Turquie si celle-ci s’avisait d’intervenir en Syrie. Avec le temps, il est clairement apparu que les américains ne soutiendraient pas Erdogan dans cette offensive. La libération complète d’Alep qui scellerait la défaite complète d’Erdogan est en route. Avec, de plus, l’unification du territoire kurde en Syrie.
Les américains doivent donc se replier sur un plan de sauvetage, formulé par John Kerry et qui est proprement stupéfiant de la part de gens qui prétendent combattre Daesh et autres.
La partie visant à la création d’un Kurdistan indépendant se conçoit, et dit bien quelle importance les américains accordent à Erdogan, mais le projet du Califat à cheval sur la Syrie et l’Irak dans la partir tenue par Daesh détruit complètement le mythe du combat contre Daesh.
Dans cette optique la conquête de Raqqa par les forces syriennes et leurs alliés est un point clé. Comme le dit bien Bassam Tahhan, il y a actuellement une course vers Raqqa. La fin de cette troisième phase et vraisemblablement l’issue de cette guerre en Syrie, se jouera là.
Visiblement à la suite d’un pacte conclut avec les russes, les israéliens se contentent pour l’instant d’être des spectateurs.
On peut aussi noter, particulièrement avec la modernisation de l’armée syrienne et la coordination des forces dites 4+1, que l’objectif des américains de générer une zone de chaos au Moyen Orient a conduit à l’émergence d’une force maintenant organisée qui correspond au croissant chiite de Bassam Tahhan.
L’aspect politique.
On l’a déjà évoqué avec la création du club de Paris, appelé le conseil national syrien au départ. En émigrant de Paris vers la Turquie, cet organisme politique est tombé entre les mains des frères musulmans, soutenus par le Qatar, et des wahhabites, créatures de l’Arabie saoudite dont la religion officielle est le wahhabisme et qui l’utilise d’ailleurs comme vecteur de conquêtes et de puissance. Genève III vient de montrer que ce conseil n’avait plus d’existence réelle ou de poids politique, puisque l’Arabie saoudite a tenté d’imposer des groupes takfiris comme représentants des opposants.
En fait, comme cette évocation succincte le montre, le niveau politique n’a jamais atteint le stade de la crédibilité. Et cela a toujours constitué un gros handicap pour les manœuvres de l’occident. Avant, lorsque le débarquement d’Assad pouvait s’envisager, la question de savoir par qui le remplacer desservait beaucoup la politique de soutien aux « rebelles », aujourd’hui ce problème est reporté sur le Califat.
Conclusion
Certainement à cause de ce contexte syrien, mais aussi du fait du tour que prend la campagne électorale aux USA avec la contestation de l’empire militaro industriel et des lobbies sionistes et pétroliers, dont la candidate est Hillary Clinton, il semble que l’information se libère là-bas sur la question syrienne. L’exemple type est constitué par un article d’un journaliste très connu, Steven Kinzer, paru récemment dans le Boston Globe, un média mainstream, intitulé « The media are misleading the public on Syria ». Une mise en cause d’emblée de l’information des médias américains. En France nous venons de voir programmer en « prime time » deux reportages à la télévision qui rompent avec le discours de propagande régulièrement tenu précédemment. Il y avait déjà eu une interview de Bachar al Assad dans un hebdomadaire français, mais ce n’était pas aussi clair.
Le pouvoir occulte qui dirige le monde ne se soucie absolument pas de la destinée des peuples. C’est vrai aussi pour le peuple américain qui souffre beaucoup de la politique imposée à la maison blanche par les neocons et autres groupes d’influence. La décrépitude de l’économie américaine, qui fait aussi partie des choses que nous cachent nos médias, fait ainsi souffler un vent de révolte sur la campagne électorale.
Aux Etats Unis, il y a aussi une certaine agitation autour de l’affaire du meurtre de Robert Kennedy. Cette affaire est revenue sur le devant de la scène avec la « parole » (audience pour la remise en liberté sous conditions d’un condamné) de Shiran Shiran le coupable désigné.
Cette audience a été manipulée par le juge au mépris de témoignages et d’enquêtes, qui jettent, à tout le moins, de sérieuses suspicions sur la version officielle. Il apparait que Robert Kennedy a été tué par un tireur placé derrière lui, alors que Shiran Shiran lui faisait face. Et que celui-ci avait été littéralement conditionné par la FBI pour commettre une agression meurtrière sur la personne de Robert Kennedy.
Par ailleurs le fils de Robert Kennedy, Robert Kennedy junior, a publié un article où il énumère et décrit tous les coups organisés par la CIA, particulièrement au Moyen Orient : Iran, Syrie (à de nombreuses reprises) Irak …. Sans aucun mystère, on retrouve systématiquement au cœur des complots le projet de pipeline entre le Qatar et la Turquie.
On peut donc s’attendre à ce qu’il y ait une clarification généralisée sur la question syrienne qui amène à un repositionnement politique. Jean-Luc Mélenchon a déjà fait ce mouvement. L’exfiltration de Fabius, vers un fauteuil sûr et confortable, si elle ne signifie pas un changement de ligne politique immédiat prépare néanmoins à une inflexion vers une position un peu plus réaliste de la France sur la question syrienne.
Ce qui se passe en Syrie est la matérialisation de la fin de l’hégémonie américaine (militaire et bientôt monétaire puisque le dollar avait été imposé au monde par la force) et la naissance d’un monde dit multi polaire. En fait c’est surtout l’émergence d’un bloc euro asiatique, le caractère vraiment multipolaire ne pourra résulter que de la prise d’indépendance des pays liés par les traités européens et l’OTAN ?
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Robert Kennedy Jr. dénonce le conflit en Syrie : une « guerre par proxys » pour un pipeline
Robert Francis Kennedy Jr., fils de Bob Kennedy, neveu de John F. Kennedy et de Ted Kennedy, avocat spécialisé dans le droit de l'environnement et président de Waterkeeper Alliance, a publié, le 23 février 2016 dans Politico, un article important pour comprendre le monde actuel. Il nous livre un éclairage dérangeant sur la situation dramatique du Moyen-Orient, l'origine de Daech et de la guerre en Syrie, le jeu américain, mais aussi des autres grandes puissances, dans la région, le tout dans une perspective historique longue de 65 ans. Il ne fait que confirmer, au fond, ce que nombre d'observateurs pensent depuis un moment, à savoir que la « guerre au terrorisme » est le paravent d'une guerre pour le pétrole, et que les groupes jihadistes sont comme des « proxys », qui permettent une guerre par procuration entre grandes puissances.
« Alors que nous nous intéressons à la montée de l'État islamique et cherchons la source de la sauvagerie qui a pris tant de vies innocentes à Paris et San Bernardino, nous devrions vouloir regarder au-delà des explications commodes en termes de religion et d'idéologie. Plutôt, nous devrions examiner les logiques plus complexes de l'histoire et du pétrole - et comment elles ramènent souvent le problème sur nos propres rivages. »
65 ans de complots pour des pipelines
Robert F. Kennedy Jr. (RFK Jr.) rappelle à bon escient les opérations clandestines de la CIA au Moyen-Orient (« complots de coups d'État » en Jordanie, en Syrie, en Iran, en Irak et en Égypte), décrites dans un rapport dont son grand-père, Joseph P. Kennedy, était signataire : le rapport « Bruce-Lovett ». Il précise que ces opérations, si elles sont largement connues par la rue arabe, sont généralement ignorées par le peuple américain, qui a tendance à croire la parole de son gouvernement.
Afin précisément que les Américains puissent comprendre ce qui se trame de nos jours, il faut commencer, nous dit RFK Jr., par revenir sur « cette histoire sordide mais dont on se souvient peu », qui commence durant les années 1950. A cette époque, le président Eisenhower et les frères Dulles (le directeur de la CIA Allen Dulles et le Secrétaire d'État John Foster Dulles) repoussent les propositions soviétiques de traité pour faire du Moyen-Orient une zone neutre de la Guerre froide et pour laisser les Arabes contrôler l'Arabie. Au lieu de cela, ils ont monté une guerre clandestine contre le nationalisme arabe, qu'Allen Dulles assimilait au communisme, particulièrement lorsque l'autonomie des Arabes menaçait les concessions pétrolières.
C'est ainsi qu'ils ont fourni une aide militaire secrète à des tyrans en Arabie saoudite, en Jordanie, en Irak et au Liban, favorisant des marionnettes, animées d'une idéologie conservatrice et jihadiste, qu'ils estimaient pouvoir constituer un antidote fiable au marxisme soviétique. Lors d'une rencontre à la Maison Blanche entre le directeur de la planification de la CIA, Frank Wisner, et John Foster Dulles, en septembre 1957, Eisenhower fit cette recommandation à l'Agence, selon une note enregistrée par son secrétaire, le général Andrew J. Goodpaster : « Nous devrions faire tout notre possible pour insister sur l'aspect "guerre sainte". » Comme l'écrit RFK Jr., « la CIA a entretenu un violent jihadisme comme arme de la Guerre froide ».
La CIA commença son ingérence active en Syrie en 1949. En mars, le président élu démocratiquement, Choukri al-Kouatli, hésita à approuver le pipeline trans-arabe, un projet américain conçu pour relier les champs pétrolifères d'Arabie saoudite aux ports du Liban via la Syrie. Dans son livre Legacy of Ashes, le journaliste Tim Weiner raconte qu'en représailles du manque d'enthousiasme d'al-Kouatli pour le pipeline américain, la CIA manigança un coup d'État pour le remplacer par un dictateur qu'elle avait sélectionné,Husni al-Zaim. L'homme eut à peine le temps de dissourdre le parlement et d'approuver le pipeline américain avant que ses compatriotes ne le destituent quatre mois et demi après son arrivée au pouvoir. Le coup d'État d'al-Zaim est le premier qu'ait connu le monde arabe.
RFK Jr. passe ensuite en revue d'autres opérations clandestines de la CIA. En Iran d'abord, avec le coup d'État contre Mossadegh en 1953, après que celui-ci essaya de renégocier les termes des contrats entre son pays et l'Anglo-Iranian Oil Company. Ensuite, en Syrie, lorsqu'en 1957 la CIA tenta d'organiser un second coup d'État dans ce pays en armant des militants islamistes, à commencer par les Frères musulmans. Enfin, en Irak, où la CIA réussit à installer le parti Baas et Saddam Hussein. Tim Weiner écrit d'ailleurs que James Critchfield, chef de la CIA au Proche-Orient, reconnut plus tard que l'Agence, en substance, « créa Saddam Hussein ». Ronald Reagan et son directeur de la CIA Bill Casey regardaient Saddam Hussein comme un ami potentiel de l'industrie pétrolière américaine et une barrière solide contre la propagation de la révolution islamique iranienne. Sonprédécesseur avait nationalisé l'Iraq Petroleum Company.
2009 : Assad refuse le pipeline du Qatar
Après ces rappels historiques, résumés ici, RFK Jr. en vient à la situation présente en Syrie. Il commence par mettre en scène deux visions du conflit qui s'opposent :
« Tandis que la presse américaine docile répète comme un perroquet le récit selon lequel notre support militaire pour l'insurrection syrienne est purement humanitaire, de nombreux Arabes voient la crise actuelle simplement comme une nouvelle guerre de pipelines par procuration... »
RFK Jr. considère qu'il existe une abondance de faits qui soutiennent cette manière de voir les choses. Si, de notre point de vue, notre guerre contre Bachar el-Assad débuta avec les manifestations civiles et pacifiques du Printemps arabe en 2011, pour eux, elle débuta en 2009, quand le Qatar proposa de construire un pipeline de 1500 kilomètres et de 10 milliards de dollars à travers l'Arabie saoudite, la Jordanie, la Syrie et la Turquie.
Ce pipeline devait relier directement le Qatar aux marchés de l'énergie européens via des terminaux de distribution en Turquie ; cette dernière aurait empoché d'importantes taxes de transit. Le pipeline Qatar/Turquie aurait donné aux royaumes sunnites du Golfe persique une domination décisive sur les marchés mondiaux du gaz naturel et renforcé le Qatar, le plus proche allié des États-Unis dans le monde arabe. L'Union européenne, dont 30 % du gaz provient de Russie, était également désireuse de ce pipeline, qui aurait offert à ses membres de l'énergie bon marché et un soulagement vis-à-vis de l'influence politique et économique étouffante de Vladimir Poutine. Le pipeline aurait bénéficié aussi à l'Arabie saoudite sunnite en lui donnant un point d'appui dans la Syrie dominée par un régime alaouite assimilé au chiisme.
Évidemment, les Russes, qui vendent 70 % de leurs exportations de gaz en Europe, voyaient le pipeline Qatar/Turquie comme une menace existentielle. Du point de vue de Poutine, le pipeline du Qatar était un « complot de l'OTAN » pour changer le statu quo, priver la Russie de son seul point d'appui au Moyen-Orient, étrangler l'économie russe et mettre un terme à l'nfluence russe dans le marché européen de l'énergie. En 2009, Assad annonça qu'il refuserait de signer l'accord pour permettre au pipeline de traverser la Syrie, et ce afin de protéger les intérêts de son allié russe.
Assad mis une nouvelle fois en rage les monarques sunnites du Golfe en donnant son aval,en juillet 2011, à un « pipeline islamique » approuvé par la Russie, courant des champs de gaz iraniens à travers la Syrie et jusqu'aux ports du Liban. Ce pipeline aurait fait de l'Iran chiite, et non plus du Qatar sunnite, le principal fournisseur du marché de l'énergie européen, et aurait de façon spectaculaire accru l'influence de l'Iran au Moyen-Orient et dans le monde. Israël était aussi déterminé à faire dérailler le « pipeline islamique », qui aurait enrichi l'Iran et la Syrie et probablement leurs « proxys », le Hezbollah et le Hamas.
La CIA, la Turquie, le Qatar et l'Arabie saoudite derrière l'insurrection jihadiste
RFK Jr. en vient alors au coeur de son propos, sur l'origine de la guerre en Syrie :
« Des câbles secrets et des rapports des services de renseignement américains, saoudiens et israéliens indiquent qu'au moment où Assad rejeta le pipeline du Qatar, des planificateurs arrivèrent rapidement au consensus que fomenter une insurrection sunnite en Syrie pour renverser le peu coopérant Bachar el-Assad serait une voie praticable pour réaliser l'objectif partagé de l'achèvement du pipeline Qatar/Turquie.En 2009, d'après WikiLeaks, peu après que Bachar el-Assad rejeta le pipeline du Qatar, la CIA commença à financer les groupes d'opposition en Syrie. Il est important de noter que c'était bien avant le soulèvement contre Assad engendré par le Printemps arabe. »
Au printemps 2011, il n'y avait encore à Damas que de petites manifestations pacifiques contre la répression du régime d'Assad. Pourtant, comme l'indiquent des câbles de WikiLeaks, la CIA était déjà présente sur le terrain en Syrie. Les royaumes sunnites voulaient une implication plus forte des États-Unis. Le 4 septembre 2013, le Secrétaire d'État John Kerry déclara lors d'une audience au Congrès que les royaumes sunnites avaient offert de « payer la note » pour une invasion américaine en Syrie afin d'évincer Bachar el-Assad. Mais, en dépit de la pression des Républicains, Barack Obama rechigna à envoyer de jeunes Américains mourir en tant que mercenaires pour un conglomérat de pipeline.
En 2011, les États-Unis rejoignirent la France, le Qatar, l'Arabie saoudite, la Turquie et le Royaume-Uni pour former la Coalition des amis de la Syrie, qui demanda formellement le départ d'Assad. La CIA fournit 6 millions de dollars à Barada TV, une chaîne de télévision britannique, pour produire des programmes en faveur du renversement du président syrien. Des documents du renseignement saoudien, publié par WikiLeaks, montrent qu'avant 2012, la Turquie, le Qatar et l'Arabie saoudite armaient, entraînaient et finançaient des combattants jihadistes sunnites venus de Syrie, d'Irak et d'ailleurs pour renverser le régime d'Assad. Le Qatar, qui avait le plus à gagner, investit 3 milliards de dollars pour renforcer l'insurrection et invita le Pentagone à entraîner des insurgés sur des bases américaines au Qatar. « L'idée de fomenter une guerre civile entre sunnites et chiites pour affailblir les régimes syriens et iraniens, dans le but de maintenir le contrôle des produits pétrochimiques de la région, n'était pas une nouvelle notion dans le lexique du Pentagone », affirme RFK Jr.
En effet, un rapport « accablant » de la RAND Corporation, financé par le Pentagone, datant de 2008, proposait « un plan précis pour ce qui était sur le point d'arriver ». Le rapport, intitulé « Unfolding the Future and the Long War », affirme que, dans la mesure où les économies des pays industrialisés continueront dans un futur prévisible à dépendre fortement du pétrole, et que la plus grande part du pétrole est produite au Moyen-Orient, les États-Unis ont un motif pour y maintenir la stabilité. Or, il observe que l'aire géographique où se situent les réserves de pétrole prouvées coïncide avec la zone d'influence d'une grande partie du réseau jihadiste et salafiste. Ceci crée « un lien entre les provisions pétrolières et la longue guerre ». Le rapport explique ainsi que le contrôle des dépôts de pétrole et de gaz du Golfe persique restera, pour les États-Unis, une « priorité stratégique » qui « interagira fortement avec celle de la poursuite de la longue guerre ».
Dans ce contexte, le rapport identifie plusieurs trajectoires potentielles pour la politique régionale concentrée sur la protection de l'accès aux réserves de pétrole du Golfe, parmi lesquelles la suivante est la plus saillante : exploiter « les lignes de faille entre les différents groupes jihadistes et salafistes pour les retourner les uns contre les autres et gaspiller leur énergie dans des conflits internes ». RAND recommande d'user d'« actions secrètes, d'opérations d'information, de guerre non conventionnelle » pour mettre en application une stratégie « diviser pour régner ». Le rapport poursuit :
« Les États-Unis et leurs alliés locaux pourraient utiliser les jihadistes nationalistes [voir définition en fin d'article] pour lancer une campagne par procuration pour discréditer les jihadistes transnationaux aux yeux de la population locale. [...] Les dirigeants américains pourraient aussi choisir de profiter du conflit durable entre sunnites et chiites, en prenant le parti des régimes sunnites conservateurs contre les mouvements d'autonomisation chiites dans le monde musulman [...] éventuellement soutenir les gouvernements sunnites autoritaires contre un Iran continuellement hostile ».
Comme prévu, la réaction exagérée d'Assad à la crise fabriquée à l'étranger - envoyant des bombes-barils sur des bastions sunnites et tuant des civils - polarisa la fracture entre sunnites et chiites en Syrie et permit aux responsables politiques de vendre aux Américains l'idée que la lutte pour le pipeline était une guerre humanitaire. Le portrait fait par la presse de l'Armée syrienne libre, composée de bataillons unis de Syriens modérés était, nous dit RFK Jr., « délirant ». Les unités éparses, regroupées dans des centaines de milices indépendantes, étaient pour la plupart commandées par (ou alliées à) des militants jihadistes, qui étaient les plus engagés et les plus efficaces des combattants.
Un pipeline vaut bien un califat
En dépit de la couverture médiatique dominante, les planificateurs du renseignement américain savaient depuis le début que leurs « pipelines proxies » étaient des jihadistes radicaux qui se tailleraient probablement un tout nouveau califat islamique dans les régions sunnites de Syrie et d'Irak. Deux ans avant que les coupeurs de gorges de l'État islamique en Irak et au Levant n'apparaissent sur la scène internationale, une étude de sept pages de la Defense Intelligence Agency (qui fonctionne sous la juridiction du Département de la Défense), datée du 12 août 2012, obtenue par le groupe Judicial Watch, avertissait que, grâce au soutien des États-Unis et de la coalition sunnite aux jihadistes sunnites radicaux, « les salafistes, les Frères musulmans et Al Qaïda en Irak (aujourd'hui EIIL), sont les forces majeures conduisant l'insurrection en Syrie ».
Utilisant les financements des États-Unis et des États du Gofle, ces groupes avaient fait évoluer les manifestations pacifiques contre Bachar el-Assad dans « une direction clairement sectaire » (sunnites contre chiites). Le rapport note que le conflit s'est transformé en une guerre civile sectaire, appuyée par « les pouvoirs religieux et politiques » sunnites. Il dépeint le conflit syrien comme une guerre globale pour le contrôle des ressources de la région, avec « l'Occident, les pays du Golfe et la Turquie supportant l'opposition [à Assad], tandis que la Russie, la Chine et l'Iran soutiennent le régime ».
Les auteurs du rapport du Pentagone « semblent approuver l'apparition prévisible du califat de l'État islamique », écrit RFK Jr., qui les cite : « Si la situation se démêle, il y a une possibilité d'établir une principauté salafiste déclarée ou non déclarée dans l'est de la Syrie (Hasaka et Der Zor) et c'est précisément ce que les puissances qui soutiennent l'opposition veulent dans le but d'isoler le régime syrien. » Le rapport du Pentagone avertit que cette nouvelle principauté pourrait s'étendre au-delà de la frontière irakienne, jusqu'à Mossoul et Ramadi et « déclarer un État islamique par l'entremise de son alliance avec d'autres organisations terroristes en Irak et en Syrie ».
RFK Jr. ne peut qu'aboutir au constat suivant :
« Bien sûr, c'est précisément ce qui s'est produit. Non par coïncidence, les régions de Syrie occupées par l'État islamique englobent exactement la route proposée pour le pipeline du Qatar. »
- Source images : « Syrie : le grand aveuglement », documentaire diffusé le 18 février 2016 sur France 2
Remarque un brin suspicieuse, qui en rappelle une autre. Le 14 février 2002, le journaliste israélien Uri Avnery écrivait malicieusement dans Maariv :
« Si l’on regarde la carte des grandes bases militaires américaines créées [durant la guerre en Afghanistan], on est frappé par le fait qu’elles sont situées exactement sur la route de l’oléoduc prévu vers l’océan Indien. […] Oussama Ben Laden n’avait pas perçu que son action servirait les intérêts américains… Si j’étais un adepte de la théorie du complot, je penserais que Ben Laden est un agent américain. Ne l’étant pas, je ne peux que m’émerveiller de la coïncidence. »
Comme l'écrivait encore Salim Muwakkil dans le Chicago Tribune le 18 mars 2002 : « Les actes terroristes du 11-Septembre, bien que tragiques, fournirent à l'administration Bush une raison légitime d'envahir l'Afghanistan, de chasser les Talibans récalcitrants et, par coïncidence, d'ouvrir la voie pour le pipeline. » Rappelons que le gouvernement américain voyait initialement dans les Talibans une source de stabilité qui permettrait la construction d'un oléoduc à travers l'Asie centrale. Ce n'est que lorsque les Talibans, après six mois de négociations, le 2 août 2001, ont refusé d'accepter les conditions des États-Unis, que la guerre est devenue inévitable. A la mi-juillet 2001, lors d'une réunion secrète tenue à Berlin, de hauts fonctionnaires américains avaient fait part de plans pour mener des actions militaires contre le régime taliban s'il refusait le pipeline. L’opération se déroulerait, disait-on, avant les premières neiges en Afghanistan, soit à la mi-octobre au plus tard. Le 7 octobre commença effectivement la guerre. Entre temps était survenu le 11-Septembre. Lepipeline « Turkménistan–Afghanistan–Pakistan–Inde » a finalement commencé à être construit le 13 décembre 2015, et devrait être opérationnel d'ici 2019.
Selon Tim Clemente, qui présida au FBI le Joint Terrorism Task Force entre 2004 et 2008, les Américains ont refait en Syrie la même erreur que lorsqu'ils avaient entraîné les moudjahidins en Afghanistan. Au moment où les Russes avaient quitté le pays, les supposés alliés des États-Unis s'étaient mis à détruire des antiquités, à asservir les femmes, à mutiler des corps et à tirer sur les Américains. De son côté, le vice-président Joe Biden expliqua, le 3 octobre 2014, devant des étudiants de Harvard, que la Turquie, l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis étaient « si déterminés à faire tomber Assad » qu'ils ont lancé une « guerre par procuration entre sunnites et chiites », et déversé « des centaines de millions de dollars et des dizaines de milliers de tonnes d'armes à quiconque voudrait se battre contre Assad. Sauf que les gens qui ont été approvisionnés, c'était al-Nosra et Al Qaïda », les deux groupes qui fusionnèrent en 2014 pour former l'État islamique. Biden semblait en colère que les prétendus « amis » des États-Unis ne soient pas dignes de confiance pour suivre l'agenda américain.
RFK Jr. rappelle une nouvelle fois la double lecture que l'on peut avoir des conflits au Moyen-Orient et semble se ranger derrière celle que l'on a ordinairement dans le monde arabe :
« A travers le Moyen-Orient, les dirigeants arabes accusent habituellement les États-Unis d'avoir créé l'État islamique. Pour la plupart des Américains, de telles accusations paraissent folles. Pourtant, pour beaucoup d'Arabes, les preuves de l'implication américaine sont si abondantes qu'ils concluent que notre rôle pour favoriser l'État islamique a dû être délibéré.
En fait, beaucoup des combattants de l'État islamique et leurs commandants sont des successeurs idéologiques et organisationnels des jihadistes que la CIA a entretenus durant plus de 30 ans de la Syrie et de l'Égypte à l'Afghanistan et à l'Irak. »
Il revient alors sur l'invasion américaine de l'Irak menée par George W. Bush, dans un pays laïque où Al Qaïda n'existait pas, et où son « vice-roi » Paul Bremer, « dans un monumental acte de mauvaise gestion, créa effectivement l'Armée sunnite, appelée aujourd'hui État islamique ». Début 2011, les alliés des États-Unis financèrent l'invasion des combattants d'AQI en Syrie. En avril 2013, entré en Syrie, AQI changea son nom en EIIL. Une organisation dirigée, comme le dit Dexter Filkins, journaliste au New Yorker, par un conseil d'anciens généraux irakiens, dont beaucoup étaient membres du parti laïque Baas de Saddam Hussein, et qui se sont convertis à l'islam radical dans les prisons américaines. « Les 500 millions de dollars de l'aide militaire qu'Obama envoya en Syrie, écrit RFK Jr., ont presque certainement fini par bénéficier à ces jihadistes militants. » Il en va de même, notons-le, de l'aide française.
Mourir pour un pipeline, d'accord, mais de mort lente...
Tim Clemente, avec lequel RFR Jr. s'est entretenu, souligne la différence entre le conflit en Irak et celui en Syrie : dans ce dernier, des millions d'hommes en âge de combattre ont quitté le champ de bataille pour l'Europe, au lieu de défendre leurs communautés. L'explication évidente, c'est que les modérés fuient une guerre qui n'est pas la leur. Ils veulent simplement éviter d'être pris entre l'enclume de la tyrannie d'Assad soutenue par les Russes et le marteau jihadiste et sunnite que les Américains ont eu en main en participant à une bataille mondiale entre pipelines concurrents. On ne saurait, selon RFK Jr., blâmer le peuple syrien de ne pas largement embrasser un plan pour leur nation qui a été concocté à Washington ou à Moscou. Les superpuissances n'ont laissé aucune option pour un avenir désirable pour lequel les Syriens modérés auraient pu envisager de se battre. Et RFK Jr. de faire remarquer que « personne ne veut mourir pour un pipeline ».
Alors que faire ? Commencer par utiliser les bons mots, par sortir de la propagande, afin que le peuple américain puisse enfin comprendre la situation :
« En utilisant les mêmes images et le même langage qui ont appuyé notre guerre de 2003 contre Saddam Hussein, nos dirigeants politiques laissent les Américains croire que notre intervention en Syrie est une guerre idéaliste contre la tyrannie, le terrorisme et le fanatisme religieux. Nous avons tendance à écarter, comme s'il s'agissait de simple cynisme, l'avis de ces Arabes qui voient la crise actuelle comme une reprise des mêmes vieux complots au sujet des pipelines et de la géopolitique. Mais, si nous devons avoir une politique étrangère efficace, nous devons reconnaître que le conflit syrien est une guerre pour le contrôle des ressources indiscernable de la myriade des guerres du pétrole, clandestines et non déclarées, que nous avons menées au Moyen-Orient depuis 65 ans. Et c'est seulement lorsque nous voyons ce conflit comme une guerre par procuration pour un pipeline que les événements deviennent compréhensibles. »
Tim Clemente compare l'État islamique aux Forces armées révolutionnaires de Colombie(FARC), un cartel de la drogue doté d'une idéologie révolutionnaire pour inspirer ses fantassins : « Vous devez penser à l'État islamique comme à un cartel pétrolier. A la fin,l'argent dirige le raisonnement. L'idéologie religieuse est un instrument qui motive ses soldats à donner leurs vies pour un cartel pétrolier. » Dépourvus de ce fanatisme qui les aveugle, les Syriens fuyant pour l'Europe, pas plus que les Américains, ne sauraient envoyer leurs enfants mourir pour un pipeline.
RFK Jr. nous enjoint donc à regarder la réalité en face :
« Ce que nous appelons "guerre au terrorisme" n'est rien d'autre qu'une autre guerre du pétrole. Nous avons gaspillé 6 milliards de dollars dans trois guerres à l'étranger et en construisant un état de guerre sécuritaire sur notre propre sol depuis que le pétrolier Dick Cheney déclara la "Longue Guerre" en 2001. Les seuls gagnants ont été les entrepreneurs militaires et les compagnies pétrolières qui ont empoché des profits historiques, les agences de renseignement qui ont gagné en puissance de manière exponentielle au détriment de nos libertés, et les jihadistes qui invariablement se servent de nos interventions comme de leur plus efficace moyen de recrutement.
[...] Au cours des sept dernières décennies, les frères Dulles, la bande à Cheney, les néocons et consorts ont détourné ce principe fondamental de l'idéalisme américain [selon lequel chaque nation devrait avoir le droit à l'auto-détermination] et déployé notre appareil militaire et de renseignement au service des intérêts mercantiles de grandes sociétés et, particulièrement, des compagnies pétrolières et des entrepreneurs militaires, qui ont littéralement réussi un beau coup dans ces conflits. »
Robert F. Kennedy Jr. recommande finalement à l'Amérique de se détourner de ce nouvel impérialisme et de revenir sur le chemin de l'idéalisme et de la démocratie. Il préconise de laisser les Arabes se gouverner eux-mêmes, de ne surtout pas envahir la Syrie, et d'en finir avec la ruineuse dépendance au pétrole du Moyen-Orient qui a déformé la politique étrangère américaine depuis un demi siècle, en visant une plus grande indépendance énergétique.
De cet article décoiffant, émanant d'un membre du clan Kennedy, je retiendrai deux points : la notion de guerre par procuration et la faillite des grands médias.
La guerre par procuration et les 36 stratagèmes
Commençons, concernant le premier point, par lire la définition que nous en donneWikipédia :
« Une guerre par procuration est une guerre où deux pouvoirs s'affrontent, mais indirectement, en soutenant financièrement ou matériellement d'autres puissances ou groupes militaires qui, eux, sont en conflit direct sur le terrain.
La formule en anglais war by proxy a été créée par Zbigniew Brzeziński, conseiller du président Jimmy Carter. Ce concept s'applique pour de nombreux conflits de la guerre froide.
Si les superpuissances ont parfois utilisé des gouvernements comme proxies, des groupes terroristes ou autres tierces parties sont plus souvent employés. »
Précisément, nous avions rapporté en août 2009 les révélations de Sibel Edmonds, ancienne traductrice au FBI, selon lesquelles les États-Unis avaient utilisé Ben Laden jusqu’au 11-Septembre, dans le cadre d’opérations de déstabilisation en Asie centrale. Cette « utilisation » se faisait via des intermédiaires, la Turquie, mais aussi d’autres acteurs provenant du Pakistan, d’Afghanistan et d’Arabie saoudite. « Ben Laden, les Talibans et d’autres groupes servaient ainsi d’armée terroriste par procuration, écrivions-nous. Les États-Unis avaient besoin de cette discrétion afin d’éviter tout risque de révolte populaire en Asie centrale (Ouzbékistan, Azerbaïdjan, Kazakhstan et Turkménistan), mais aussi de fâcheuses répercussions en Chine et en Russie. » Comme le dit bien Wikipédia, « les groupes qui se battent pour un certain superpouvoir ont normalement leurs propres intérêts, qui diffèrent de ceux de la puissance tutélaire » ; cela vaut aussi bien pour les combattants de Ben Laden à l'époque que pour ceux de l'État islamique aujourd'hui, qui ont leurs propres motivations, et se trouvent utilisés à leur insu.
La guerre par procuration est un concept militaire ancien ; on en trouve trace dans Les 36 stratagèmes, un traité chinois de stratégie qui décrit les ruses et les méthodes qui peuvent être utilisées pour l'emporter sur un adversaire, et qui a probablement été écrit au cours de la dynastie Ming. Le troisième des 36 stratagèmes a pour titre : « Assassiner avec une épée d'emprunt ». Voici la traduction qu'on en trouve sur Wikipédia :
« Si tu veux réaliser quelque chose, fais en sorte que d’autres le fassent pour toi. Plutôt que de faire le travail en s’exposant à des contres de la part des autres, user des logiques d’autres acteurs et les orienter (les composer) pour qu’elles travaillent pour soi sans qu’ils le sachent. »
Sur un autre site, voici la traduction de « Doc Mac Jr » :
« Assassiner avec une épée d'emprunt »
Utilise les ressources d'un autre pour faire ton travail.
Quand les intentions de l'ennemi sont évidentes et que l'attitude de l'allié est hésitante, amenez vos alliés à attaquer vos ennemis pendant que vous préservez vos propres forces.
Et le commentaire qu'il en donne :
« Pour éviter d'être incriminé dans une affaire de meurtre, certains peuvent mener leurs actions avec une « épée d'emprunt » qui fait référence à quelqu'un d'autre qui en veut à la victime. En conduisant un troisième élément à commettre le meurtre, vous pouvez atteindre votre but sans avoir à en assumer la responsabilité. Dans un contexte martial, cette maxime conseille au dirigeant d'exploiter le conflit des divers pouvoirs. Pour combattre un ennemi fort, il faut découvrir une puissance en désaccord avec cet ennemi et l'amener à le combattre à votre place. De cette façon on obtient un résultat double avec un demi effort. »
Cette stratégie n'est pas sans nous rappeler les préconisations de la RAND Corporation en 2008, qui, nous l'avons vu, recommandait aux dirigeants américains d'user d'« actions secrètes, d'opérations d'information, de guerre non conventionnelle » pour imposer une stratégie « diviser pour régner », et qui incitait les États-Unis et leurs alliés locaux à « utiliser les jihadistes nationalistes pour lancer une campagne par procuration ».
RAND connaît certainement ses classiques, ce qui ne semble pas être le cas des communicants du gouvernement français, qui, sur le site On te manipule, ont osé écrire : « même si les événements ont une cause intentionnelle et des acteurs évidents (attentat,assassinat, révolution, guerre, coup d’État...), la théorie du complot va chercher à démontrer que cela a en réalité profité à un AUTRE groupe caché. C’est la méthode du bouc émissaire. » L'article de Robert F. Kennedy Jr. n'a cessé de démontrer que, derrière les acteurs évidents des attentats, des guerres, des coups d'État (les jihadistes par exemple), il y avait bel et bien, au moins parfois, d'autres groupes cachés qui en tiraient profit (entrepreneurs militaires, compagnies pétrolières, agences de renseignement...). Ce n'est pas la méthode du bouc émissaire ; c'est le troisième des 36 stratagèmes.
L'article de RFK Jr. montre aussi que les complots, lorsqu'ils sont réels, ne sont pas nécessairement découverts au bout de « deux jours », contrairement à ce que prétendait un peu nonchalamment Umberto Eco en mars 2011. Il a fallu par exemple attendre 60 ans pour que la CIA reconnaisse avoir orchestré le coup d'État en Iran contre Mossadegh. Et certains d'entre nous ne découvrent que maintenant le complot du Qatar et du Pentagone pour fomenter, il y a quelques années de cela, une guerre civile entre sunnites et chiites en Syrie. Une telle découverte était hautement improbable, s'il avait fallu compter sur les seuls grands médias.
Cette forme de « sténographie » qui produit les légendes...
Nous en arrivons à notre second point. Il pourrait nous suffire ici de citer un article détonant de Stephen Kinzer, ancien journaliste au New York Times, actuellement Senior Fellow à l’Institut Watson pour les Études internationales à l’Université Brown, qui fait comme un écho fracassant à celui de Robert F. Kennedy Jr. Son article, paru le 18 février 2016 dans le Boston Globe, porte un titre explicite : « Les médias induisent le public en erreur sur la Syrie ». Le reste l'est tout autant.
Kinzer décrit ce qui se passe dans et autour de la ville d’Alep : les militants des groupes armés antigouvernementaux sèment la dévastation en ville, tandis que l’armée syrienne et l’aviation russe les repoussent hors d’Alep. Le journaliste mentionne le témoignage d’un habitant de la ville apparu sur les réseaux sociaux : « Les rebelles “modérés” protégés par la Turquie et l’Arabie saoudite attaquent la périphérie de la ville avec des roquettes et des bombonnes de gaz. » La politologue libanaise Marwa Osma affirme, de son côté, que les troupes de Damas constituent avec leurs alliés l’unique force qui combat vraiment l’État islamique sur le terrain. Pourtant, remarque Kinzer :
« Cela ne correspond pas à la narration donnée par Washington. Le fait est qu'une grande partie de la presse américaine rapporte le contraire de ce qui se passe en réalité. Beaucoup d'articles suggèrent qu’Alep était une “zone libérée” depuis trois ans, et qu’elle est aujourd’hui réduite à la misère. »
On dit ainsi aux Américains que le mieux est de combattre le gouvernement de Bachar el-Assad et ses alliés russes et iraniens, et qu'il convient de souhaiter qu'une coalition vertueuse rassemblant Américains, Turcs, Saoudiens, Kurdes et l’« opposition modérée » l'emportera. Aussi absurde que cela soit de le croire, Kinzer refuse de blâmer le peuple américain, car il ne dispose de « presque aucune vraie information sur les combattants, leurs buts, ou leur tactique ». La responsabilité incombe aux médias. Stephen Kinzer se montre impitoyable à leur endroit :
« On se rappellera de la couverture de la guerre en Syrie comme l’un des épisodes les plus honteux de l’histoire de la presse américaine. Et les récits sur les carnages dans l’ancienne cité d’Alep en sont l’illustration la plus récente. [...]
Sous intense pression financière, la plupart des journaux américains, des magazines et des télévisions ont drastiquement réduit le nombre de leur correspondants à l’étrangers. Les actualités internationales les plus importantes viennent maintenant de reporters basés à Washington. Dans cet environnement, l’accès aux informations et à la crédibilité dépendent de l’acceptation de la parole officielle. Les journalistes qui couvrent la Syrie authentifient leurs informations avec le Pentagone, le Département d’État, la Maison Blanche et les « experts » de think tank. Après avoir fait le tour de ce sale manège, ils ont l’impression d’avoir toutes les facettes de l’histoire. Cette forme de sténographie produit les légendes qui passent pour de l’information sur la Syrie. [...]
Inévitablement, cette forme de désinformation a débordé sur la campagne présidentielle américaine. Au dernier débat dans le Milwaukee, Hillary Clinton a prétendu que les efforts de paix de l’ONU en Syrie étaient basés sur "un accord que j’ai négocié en Juin 2012 à Genève". C’est l’exact contraire qui est vrai. En 2012, la Secrétaire d’État Clinton s’est joint à la Turquie, à l’Arabie Saoudite et à Israël dans un effort couronné de succès, pour tuer le plan de paix de Kofi Annan car il ménageait l’Iran et aurait conservé Assad au pouvoir au moins temporairement. Pas un journaliste sur cette scène du Milwaukee n’en savait assez sur le sujet pour corriger cela.On peut pardonner aux hommes politiques quand ils déforment le sens de leurs actions passées. Les gouvernements peuvent aussi être excusés lorsqu’ils utilisent un discours qu’ils estiment utile pour eux. Mais le journalisme se doit de rester en dehors des cercles des élites au pouvoir et de leur fausseté intrinsèque. La crise actuelle a mis en lumière un échec total sur ce plan.On dit que les Américains sont ignorants du monde qui les entoure. Nous le sommes effectivement, de même que les peuples des autres pays. Si les Boliviens, ou les habitants du Bhoutan ne comprennent pas ce qui se passe en Syrie, après tout, cela n’a aucun effet réel sur les événements. Notre ignorance, en revanche, est bien plus dangereuse, car nous [les Américains – NdT] avons une influence sur ce qui se passe. Les États-Unis ont le pouvoir de décréter la mort de nations entières. Et ils peuvent le faire avec l’appui du consensus populaire, car la plupart des Américains – et parmi eux, les journalistes – se contentent de l’histoire qui leur est servie sur un plateau par les autorités. En Syrie, la “version officielle” dit : “Il faut combattre Bachar el-Assad, la Russie et l’Iran ! Unissons-nous avec nos amis turcs, saoudiens, kurdes pour avancer vers la paix !“. Tout ceci est incroyablement éloigné de la réalité. Et il est très probable que cela a au contraire pour effet de prolonger la guerre et de condamner de nombreux Syriens à la souffrance et à la mort. »
Le journalisme sténographique, cet autre nom de la propagande... qui justifie pleinement un journalisme citoyen, comme ici ou là sur le dossier syrien, qui ne se contente précisément pas de l’histoire qui nous est servie sur un plateau par les autorités.
Diffusé le 18 février 2016 par France 2 dans son émission « Un Œil sur la planète », le documentaire Syrie : le grand aveuglement a certes commencé à reconnaître les errances des médias occidentaux dans ce conflit qui dure depuis cinq ans.
Mais la thèse du « grand aveuglement », défendue ici, paraît encore dictée par une frilosité trop habituelle. On se souvient d'ailleurs que c'est à la même thèse de l'aveuglement que s'étaient rangés les animateurs de l'émission de France Inter « Rendez-vous avec X » lorsque, en 2009, ils avaient égratigné la version officielle des attentats du 11-Septembre, lançant à l'antenne, d'une part, que des membres de la famille royale saoudienne et des services secrets pakistanais avaient participé à l'organisation des attentats et que, d'autre part, l'administration Bush avait couvert ces responsables par intérêt. Selon Monsieur X, l'administration Bush avait été aveuglée par son obsession de l'Irak, dont l'invasion était déjà programmée, et n'avait pas prêté suffisamment attention aux avertissements nombreux qu'elle avait reçus d'une attaque à venir d'Al Qaïda sur le sol américain. En Syrie, trop obnubilés par on ne sait quel souci, les dirigeants des pays engagés dans le conflit n'auraient pas vu non plus Daech venir.
Ainsi, au moment d'aborder (durant 8 minutes) le coeur du problème, la guerre énergétique, la prudence la plus extrême reste de rigueur. Voici comment la journaliste Samah Soula lance le sujet traitant des « dessous du conflit » :
« Il y a bien sûr la lutte contre Daech, qui mobilise une large coalition, mais il y a aussipeut-être des raisons cachées, moins avouables. On l'évoque rarement, mais la Syrie occupe une place stratégique sur la route de l'énergie, et quand il y a du gaz et du pétrole, les enjeux et les appétits sont colossaux. »
Puis, après avoir rappelé le choix de Bachar el-Assad pour le pipeline iranien (en juillet 2011) et son refus de celui du Qatar (en 2009), Alain Juillet, président de l'Académie d'intelligence économique, évoque le très fort mécontentement de l'Arabie saoudite et du Qatar, qui virent ce nouveau projet comme une concurrence inacceptable pour leurs propres livraisons de pétrole, et qui auraient par voie de conséquence considéré qu'il fallait renverser Bachar el-Assad. La voix-off nous dit alors :
« Coïncidence ou pas, c'est à partir de l'été 2011, après le choix du pipeline iranien, que la rébellion syrienne voit l'aide étrangère s'accroître. [...] A se demander pour certains si la guerre en Syrie n'est pas aussi une guerre de l'énergie. »
Quelle infinie précaution ! Rien n'est affirmé, la guerre de l'énergie reste ici une simple hypothèse. Pourtant, Robert F. Kennedy Jr. nous l'a bien dit : « C'est seulement lorsque nous voyons ce conflit comme une guerre par procuration pour un pipeline que les événements deviennent compréhensibles. »
Le documentaire de France 2 aurait pu ainsi faire référence, comme le fait RFK Jr., aux câbles de WikiLeaks qui montrent que, dès 2009 (et non pas seulement à partir de l'été 2011), la CIA commença à financer les groupes d'opposition en Syrie. C'était deux ans avant les premières manifestations. Un autre câble, « Influencing the SARG in the End of 2006 », émanant de William Roebuck, alors chargé d'affaires à l'Ambassade américaine de Damas, révèle même une volonté américaine de déstabilier la Syrie dès 2006 (soit cinq ans avant le Printemps arabe), comme l'a expliqué Julian Assange en septembre 2015 sur RT. Il s'agissait de créer dans le gouvernement syrien un climat de paranoïa, lui faisant envisager la possibilité d'un coup d'État, et qui l'aurait fait surréagir. La partie la plus sérieuse du plandevait consister à alimenter, avec l'aide de l'Égypte et de l'Arabie saoudite, « des tensions sectaires entre sunnites et chiites », avec notamment la promotion de rumeurs, fausses ou exagérées, selon lesquelles l'Iran essaierait de convertir au chiisme des sunnites pauvres. Roebuck espérait ainsi faire d'une pierre deux coups : enrayer l'influence de l'Iran en Syrie et réduire l'influence du gouvernement syrien sur sa population.
Un colosse qui pèse 170 milliards de dollars
Nous n'aborderons pas ici en détail le troisième problème que l'article de Robert F. Kennedy Jr. soulève, à savoir notre cruelle dépendance au pétrole et les manières possibles de s'en défaire. Promouvoir des sources d'énergie alternatives, bien sûr, comme y incite d'ailleurs le général Wesley Clarkdans une vidéo postée le 20 septembre 2012. Mais, comme il le dit justement, c'est un combat de géants qu'il va falloir mener, car face à soi, on va rencontrer des forces redoutables, prévient-il, celles des grandes sociétés pétrolières, qui représentent les forces économiques les plus puissantes du monde. Il rappelle que la valeur des réserves pétrolières dans le sous-sol représentent 170 milliards de dollars. L'enjeu, dit-il, c'est de renverser la structure du marché de l'énergie ; et, pour ce faire, il va falloir s'affronter à des hommes qui contrôlent ces réserves énergétiques si lucratives. Seul un mouvement de masse peut mener à bien ce combat, qu'il convient de nourrir par une prise de parole publique sur ces questions. Clark nous avertit : « Cela ne pourra pas se faire dans une transition en douceur. »
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Note :
[ Concernant la notion de « jihadistes nationalistes », on peut se reporter à l'ouvrage de John Arquilla et Douglas A. Borer, Information Strategy and Warfare : A Guide to Theoryand Practice, Routledge, 2007, p. 94-95 : « Nationalist jihadi groups ». En résumé, ces jihadistes ne visent qu'à récupérer des territoires perdus à un occupant étranger, généralement « infidèle ». Du fait de leur nationalisme, ils tendent à bénéficier d'un support populaire plus important que les autres jihadistes. Les plus connus de ces groupes sont le Hamas (combattant l'occupation israélienne), le Hezbollah (combattant l'occupation israélienne et, dans une moindre mesure, combattant politiquement contre toute reprise de la domination chrétienne au Liban), et le groupe Bassaïev en Tchtétchénie (qui combattait l'occupation russe). ]
Ressources :
Robert F. Kennedy, Jr., « Why the Arabs don’t want us in Syria », Politico, 23 février 2016.
Stephen Kinzer, « The media are misleading the public on Syria », Boston Globe, 18 février 2016.
Robert Naiman, « WikiLeaks Reveals How the US Aggressively Pursued Regime Change in Syria, Igniting a Bloodbath », Truth-out, 9 octobre 2015.
Mnar Muhawesh, « Migrant Crisis & Syria War Fueled By Competing Gas Pipelines », Mint Press News, 9 septembre 2015 [Attention : cet article affirme en préambule qu'un câble de WikiLeaks de 2006 a révélé qu'Israël était à l'origine d'un plan de déstabilisation de la Syrie ; or, ce câble, comme deux commentateurs - ici et là - l'ont remarqué, n'affirme rien de tel.].
« Assange on ‘US Empire,’ Assad govt overthrow plans & new book ‘The WikiLeaks Files’ »,RT, 9 septembre 2015.
Nafeez Ahmed, « Syria intervention plan fueled by oil interests, not chemical weapon concern », The Guardian, 30 août 201
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Bachar, Poutine, Mélenchon, uniques objets de leur ressentiment
Hier samedi soir chez Ruquier à ONPC Mélenchon a essuyé les tirs en rafale des deux chroniqueurs de service où la mauvaise foi virait parfois en chasse à l'homme...
Face à deux chroniqueurs censés avoir préparé leur émission mais qui se bornaient en fait à ressasser les lieux communs de la propagande occidentale sur le méchant Bachar El Assad massacrant son peuple, Mélenchon a essuyé un tir nourri de flèches dont la pointe était trempée dans le fiel des haines recuites.
On a eu droit à l'étalage d'une agressivité de roquets, ratiocineurs d'autant plus aboyeurs que leur connaissance du sujet se limitait à répéter différentes variations sur le même thème officiel bien implanté dans les médias où il a valeur de vérité révélée.
Sans qu'il y ait jamais eu de leur côté la moindre tentative d'analyse des événements.
C'est donc une chose entendue ! Il y a quatre ans, le bon peuple de la région d'Alep s'est senti par génération spontanée une grande appétence pour la démocratie, surtout quand elle se manifeste par le délitement de l'état et le triomphe du chaos ( la mythologie n'est jamais bien loin qui fit naître Gaïa, la déesse terre, du chaos ) .
Sont par conséquents d'infâmes complotistes ceux qui suspectent des interventions souterraines d'officines spécialisées dans la déstabilisation d'états qui n'ont pas l'heur de se couler dans le moule de la complaisance aux intérêts géopolitiques de ceux qui voudraient bien les asservir – en tout bien, toute démocratie, ça va de soi.
Je ne sais si l'éclairage géopolitique donné par Mélenchon des causes du conflit seront validées un jour par les faits mais elles ont l'avantage d'être rationnelles, de laisser de côté les approximations de nos deux duettistes et de faire un sort aux élucubrations sémito-humanistes de notre grand philosophe médiatique, le Jonas mythomane qui a avalé sa baleine.
La cécité de nos rhéteurs s'appuie sur leur inculture historique : oublié Mossadegh, renversé en Iran dans les années 50 parce qu'il voulait s'opposer à la main mise des majors américains sur les richesses minérales du pays, oubliées les calamiteuses interventions en Irak où le seul souci fut à l'époque de préserver le contrôle des ressources du pays.
Il est d'ailleurs symptomatique que les USA – redevenus pour un temps autosuffisants dans le domaine énergétique – lèvent maintenant un peu le pied au Moyen-Orient, prélude qui sait ? à l'abandon des Français, Anglais et tutti quanti qui se sont précipités dans la pétaudière, appelés par on ne sait quel Dieu vengeur pour procéder à des bombardements dont la précision épargne miraculeusement les civils et l'imprécision préserve l'état islamique.
Ah, la technologie de l'Occident ! droit de l'hommiste, démocratique, miséricordieuse, qui ne laisse plus à Dieu le soin de reconnaître les siens mais qui discrimine et qui permet de mettre au débit du gouvernement syrien les centaines de milliers de morts de ce conflit.
Il est donc interdit de penser que Bachar El Assad serait un moindre mal ! Que nenni, c'est le mal absolu et Poutine, son protecteur, un remède pire que le mal !
Daech financé par d'obscurs réseaux – qui ne doivent pas être inconnus de nos services de renseignements - a sans doute eu le tort de se prendre au sérieux, de se retrouver submergé par sa propre logorrhée verbeuse et de se laisser emporter par la fièvre d'une mégalomanie messianique alors qu'il aurait pu se contenter à la satisfaction générale d'entraver la réémergence de l'Iran en tant que puissance régionale : c'était tout de même pour ça qu'ils étaient payés, ces zombies, sacredieu !
La créature a échappé à ses concepteurs et pire elle frappe maintenant sur le sol des apprentis sorciers.
Mais tout de même, on a beau avoir contribué à mettre le bordel, sus à Poutine qui fait le ménage !
On passera par charité sur les moments du débat qui concernaient la politique intérieure : il a été reproché en somme à Mélenchon de faire de la politique, ben oui !
Il lui a même été suggéré de se transformer en statue du commandeur pérorant dans le vide.
Le procès qui lui fut fait était tellement absurde qu'on peut se demander si Moix et Salamé ne jouaient pas une nouvelle version de l'avocat du diable.
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Jeffrey Sachs (ONU)
alerte sur Hillary Clinton et la « guerre par procuration » en Syrie
Après le retentissant article publié le 23 février par Robert F. Kennedy Jr. sur la guerre en Syrie, c'est au tour de l'économiste Jeffrey David Sachs de faire paraître, le 29 février sur le site Syndicate Project, un article de la même veine, quoique plus succint, intitulé « Mettre un terme à la guerre en Syrie ». L'article a été repris le 2 mars dans la rubrique « Le Cercle » du site des Échos, sous le titre « Syrie : les erreurs de l'Amérique ». Cet adversaire acharné d'Hillary Clinton, qu'il range dans le camp des néoconservateurs va-t-en-guerre, y dénonce la responsabilité de la CIA dans le conflit et réhabilite quelque peu, contre la propagande qu'elle subit, la Russie.
Conseiller spécial du secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, sur les objectifs de développement durable, et directeur de l’Earth Institute de l’Université de Colombia à New York, Jeffrey Sachs est le seul universitaire à avoir figuré deux fois au classement des personnalités les plus influentes du monde publié par le magazine américain Time Magazine. Le New York Times a vu en lui « the most important economist in the world ». C'est donc, quoi qu'on pense de son action - parfois fort contestée - en tant que conseiller économique, ce qu'on peut appeler une sommité. Sa popularité se traduit sur la Toile par 213 000 followers sur Twitter.
Pour finir de présenter le personnage, souvenons-nous qu'en octobre 2011, lors du mouvement Occupy Wall Street, il avait pris la parole pour appeler à en finir avec la « corporatocratie » aux États-Unis et revenir à la démocratie. « Corporatocratie » est un terme péjoratif qui désigne un système économique et politique contrôlé par les entreprises et les intérêts d'entreprise, au détriment de la souveraineté du peuple. Auteur d'un ouvrage sur John Fitzgerald Kennedy, il a également eu l'occasion de signifier qu'il avait de sérieux soupçons quant à une possible implication de la CIA dans son assassinat. Le prestige, nous allons le voir avec lui, n'empêche pas le franc-parler.
Guerre par procuration : l'Iran et la Russie dans le viseur
Dans son article incisif, Jeffrey Sachs part du principe que, pour trouver une issue à la guerre en Syrie, qui constitue « actuellement la plus grande catastrophe humanitaire au monde et, du point de vue géopolitique, le conflit le plus dangereux de la planète », il faut « jouer la transparence », alors que, note-t-il, « la guerre se joue aussi en coulisses, d’où les Américains tirent les ficelles depuis 4 ans ». Sachs va donc s'efforcer de produire « une analyse transparente et réaliste des causes premières de la guerre ».
Il retrace alors la chronologie des événements, qu'il est inutile ici de reprendre, à partir du début de l'année 2011. Notons toutefois ces deux observations prudentes :
« Il paraît probable que dès mars ou avril 2011, des combattants sunnites anti-régime et des armes aient commencé d’entrer en Syrie par les pays voisins. De nombreux récits de témoins oculaires font état de djihadistes étrangers engagés dans des attaques violentes contre des policiers. Ces témoignages sont toutefois difficiles à confirmer, surtout cinq ans plus tard. [...]
De nombreux observateurs assurent que le Qatar a financé l’agitation contre le régime en Syrie et utilisé la chaîne de télévision Al Jazeera pour renforcer de par le monde le sentiment anti-Assad, affirmations difficiles à établir une fois pour toutes. »
Jeffrey Sachs rappelle ensuite la campagne de propagande menée par les médias américains contre Bachar el-Assad, qui marquait un changement de traitement assez notable vis-à-vis d'un chef d'État jusqu'ici « vu par ces mêmes médias comme un dirigeantrelativement modéré, quoiqu’autoritaire », et dont « Hillary Clinton, lorsqu’elle était secrétaire d’État, notait, en mars 2011, que beaucoup le considéraient au Congrès commeun réformateur ».
Sachs date le début effectif de la guerre au 18 août 2011, lorsque le président Barack Obama et sa secrétaire d'État Hillary Clinton ont déclaré qu’Assad devait quitter le pouvoir. C'est à partir de ce moment-là que la violence a décuplé. Jusqu’à cette date, remarque l'économiste, on comptait tout au plus 2 900 morts (on en compte 400 000 aujourd'hui).
Il explique que « les États-Unis ont manœuvré pour renverser Assad », même s’ils ont le plus souvent « agi par alliés interposés », en s’appuyant principalement sur l'action de l’Arabie saoudite et de la Turquie. « La CIA et l’Arabie saoudite ont coordonné en sous-main leurs actions », écrit Sachs, qui appuie ses dires sur un article du New York Times.
Le consultant spécial de Ban Ki-moon rejoint alors explicitement l'analyse de Robert Kennedy Jr., en parlant de guerre par procuration :
« Tout d’abord, la guerre en Syrie est une guerre par procuration, impliquant surtout les États-Unis, la Russie, l’Arabie saoudite, la Turquie et l’Iran. Les États-Unis et leurs alliés – l’Arabie saoudite et la Turquie – ont lancé la guerre en 2011 afin de renverser le régime d’Assad. L’alliance américaine s’est heurtée à une opposition de plus en plus vive de la Russie et de l’Iran, dont l’armée par procuration, le Hezbollah libanais, combat aux côtés des troupes gouvernementales. »
A travers la Syrie, explique Sachs, c'est en fait l'Iran et la Russie, ses puissants alliés, que visaient les États-Unis :
« C’est précisément la dépendance du régime d’Assad à ses soutiens russes et iraniens qui a déterminé l’intérêt des États-Unis à son départ. Le renversement d’Assad, pensaient les responsables américains de la sécurité, affaiblirait l’Iran, discréditerait le Hezbollah et restreindrait le champ d’action géopolitique de la Russie. »
Quant aux alliés des Américains, la Turquie, l'Arabie saoudite et le Qatar, ils pariaient sur le remplacement du régime alaouite en Syrie par une direction sunnite. Un tel renversement aurait affaibli leur concurrent régional, l’Iran, et, plus largement, réduit l’influence chiite au Moyen-Orient.
La « sale guerre » de la CIA
Sachs dénonce l'aveuglement américain, qui a consisté à croire qu’Assad serait facilement renversé, alors même que le régime disposait bel et bien, en dépit d'une forte opposition, de « soutiens intérieurs considérables ». Sans même parler des puissants alliés russes et iraniens qui, on pouvait l'anticiper, allaient réagir.
L'économiste cherche alors à ouvrir les yeux de ses contemporains sur les pratiques plus que contestables des services américains :
« L’opinion devrait prendre la mesure de la guerre sale menée par la CIA. Les États-Unis et leurs alliés ont inondé la Syrie de djihadistes sunnites, tout comme ils l’avaient fait en Afghanistan dans les années 1980 avec les moudjahidines qui deviendraient plus tard Al-Qaida. L’Arabie saoudite, la Turquie, le Qatar et les États-Unis ont régulièrementsoutenu certains des groupes djihadistes les plus violents, jugeant, avec cynisme à défaut de clairvoyance, que ces forces effectueraient à leur place le sale travail et qu’elles pourraient être ensuite, d’une façon ou d’une autre, poussées vers la sortie. »
Nous sommes là en plein dans le troisième des 36 stratagèmes (du nom d'un ancien traité chinois de stratégie) que nous évoquions dans notre précédent article, intitulé « Assassiner avec une épée d'emprunt ». Sachs avait déjà lancé l'accusation dans un tweet du 19 février : « L'Occident manipule depuis longtemps des jihadistes pour des intérêts occidentaux : la Grande-Bretagne avec les Saoudiens ; les États-Unis avec les moudjahidines ; la CIA, l'Arabie saoudite, le Qatar avec les jihadistes anti-Syrie. »
L'homme des Nations unies tient à tordre le cou à la propagande médiatique anti-russe, consistant à prêter à Vladimir Poutine des visées expansionnistes ; il en profite, dans le même mouvement, pour égratigner - jusqu'au sang - les États-Unis :
« À en croire les grands médias américains et européens, l’intervention militaire russe en Syrie est une trahison et traduit des visées expansionnistes. La vérité est différente. Les États-Unis ne sont autorisés par la charte des Nations unies ni à organiser une alliance, ni à financer des mercenaires, ni à introduire clandestinement des armes lourdes pour renverser le gouvernement d’un pays tiers. La Russie, en l’espèce, réagit plus qu’elle n’agit. Elle répond aux provocations des États-Unis contre son allié. »
La vérité est assénée froidement, durement. Les États-Unis ont agi illégalement en Syrie. La Russie n'a fait que répondre à leurs provocations. Fichtre !
Une étrange omission
Sachs détaille, pour finir, les six principes qui doivent être suivis pour mettre fin à la guerre :
« Premièrement, les États-Unis doivent cesser les opérations, clandestines ou déclarées, visant à renverser le gouvernement syrien. Deuxièmement, le Conseil de sécurité des Nations unies doit veiller au cessez-le-feu, et appeler tous les pays engagés dans le conflit [...] à cesser d’armer et de financer des forces militaires en Syrie.
Troisièmement, les activités paramilitaires doivent cesser, y compris celles des soi-disant "modérés" soutenus par les États-Unis. Quatrièmement, les États-Unis et la Russie – ainsi, bien sûr que le Conseil de sécurité des Nations unies – doivent tenir le gouvernement syrien pour entièrement responsable de la cessation de ses actions punitives contre les opposants au régime. Cinquièmement, la transition politique doit se mettre en place progressivement, en construisant la confiance de toutes les parties, plutôt que dans une course arbitraire et déstabilisatrice à des "élections libres".
Enfin, les États du Golfe, la Turquie et l’Iran doivent être poussés à négocier face à face un cadre régional qui puisse garantir une paix durable. Arabes, Turcs et Iraniens ont vécu ensemble pendant des millénaires. C’est à eux, et non aux puissances extérieures, qu’il revient d’ouvrir la voie vers un ordre stable dans la région. »
Ainsi se termine l'article, au coeur duquel se remarque - on ne voit même que lui, comme le nez au milieu de la figure - un incroyable manque, une absence qu'on ne s'explique pas, dans un texte pourtant si franc, si direct. Jeffrey Sachs avait promis d'« examiner les motivations des principaux acteurs », et pourtant les mots « pétrole », « gaz », « pipeline », n'ont jamais été prononcés. Pas une fois.
Une omission tellement surprenante qu'elle n'est pas passée inaperçue de tous. Par exemple, de ce commentateur sous l'article :
« L'auteur a omis les raisons pour lesquelles l'Amérique et ses alliés occidentaux ont attaqué le Moyen-Orient. En un mot - le pipeline à travers la Syrie pour alimenter l'Europe et perturber les affaires pétrolières de la Russie. »
Ou encore de cet autre sur Twitter :
« Mais un tel plan laisse indécis lequel des gazoducs sera construit, par conséquent il ne résoudra pas le problème. »
Effectivement, sans mentionner cette question énergétique cruciale, le problème n'a que peu de chances de trouver sa solution.
La collection de casseroles de la belliciste Hillary
Jeffrey Sachs s'est encore illustré récemment en signant, le 5 février dans le Huffington Post, un papier assassin contre Hillary Clinton, la favorite des Démocrates dans la course à la Maison Blanche. Son titre, massif : « Hillary Is the Candidate of the War Machine ».D'entrée de jeu, Sachs cogne fort, très fort :
« Il n'y a aucun doute que Hillary est la candidate de Wall Street. Encore plus dangereux, cependant, c'est qu'elle est la candidate du complexe militaro-industriel.L'idée qu'elle est mauvaise sur les questions d'entreprise, mais bonne sur la sécurité nationale, est fausse. Sa soi-disant "expérience" en matière de politique étrangère a consisté à soutenir chaque guerre exigée par l'État sécuritaire profond des États-Unis dirigé par les militaires et la CIA. »
Notons la référence à la notion d'État profond [« the US deep security state »], qu'étudie Peter Dale Scott, l'auteur d'American War Machine.
Selon Sachs, Hillary Clinton n'est rien moins qu'une « néocon fervente », le qualificatif de néoconservateur n'étant pas réservé, comme on le croit parfois, aux seuls Républicains. Notre économiste engagé rappelle les faits d'armes d'Hillary : son soutien au changement de régime en Irak dès 1998, son enthousiasme pour la guerre en Irak en 2003, qu'elle défendit en répétant « comme un perroquet » la propagande mensongère de la CIA :
« En quatre ans, depuis que les inspecteurs sont partis, les rapports du renseignement montrent que Saddam Hussein a travaillé pour reconstruire son stock d'armes biologiques et chimiques, sa capacité de lancement de missiles et son programme nucléaire. Il a aussi donné de l'aide, un refuge et un sanctuaire à des terroristes, y compris à des membres d'Al Qaïda. »
En 1999, pendant la guerre du Kosovo, elle aurait même poussé son mari de président, Bill Clinton, à bombarder, selon la journaliste au New York Times Lucinda Franks. Plus tard, elle oeuvra activement au renversement de Kadhafi en Libye, « non seulement en violation du droit international, mais aussi à l'encontre du bon sens le plus élémentaire », écrit Sachs. Et tandis que la Libye ravagée sombrait dans la guerre civile, que la guerre se propageait au Mali, que des armes s'écoulaient vers Boko Haram au Nigeria et alimentaient l'État islamique en Syrie et en Irak, Hillary Clinton, se rêvant en Jules César, trouvait vraiment tordant de lancer, sur le plateau de CBS, au sujet de son ennemi vaincu : « Nous sommes venus, nous avons vu, il est mort ! »
Mais le pire était encore à venir, selon Jeffrey Sachs : « Peut-être le désastre suprême de cette longue liste de désastres a été la promotion implacable d'Hillary d'un changement de régime mené par la CIA en Syrie. » En août 2011, celle qui était alors secrétaire d'État « précipita les États-Unis dans le désastre » en déclarant que Bachar el-Assad devait « dégager de là ».
Dans un tweet du 28 févrer, l'économiste renchérit : « Le rôle sombre d'Hillary est encore pire en Syrie qu'en Libye. Elle est incompétente et dangereuse. Incroyable qu'elle fasse campagne en faisant valoir son bilan. » Le même jour, il lance encore cette banderille : « Elle a joué un rôle (en collaboration avec la CIA) dans la déstabilisation de la totalité du Moyen-Orient. »
Sachs n'oublie pas de signaler le soutien constant d'Hillary Clinton à l'expansion de l'OTAN, y compris à l'Ukraine et à la Géorgie, et ceci à l'encontre de tout bon sens, participant ainsi activement, en tant que secrétaire d'État, à la reprise de la Guerre froide avec la Russie. Bref, la barque est pleine... pour celle qui a néanmoins viré en tête, côté Démocrates, après le Super Tuesday de cette semaine.
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Billard à trois bandes en Syrie : la stratégie d’Israël révélée par les e-mails d’Hillary
Dans son article paru le 23 février 2016 dans Politico, Robert Kennedy Jr. avait dépeint le conflit en Syrie comme une guerre globale pour le contrôle des ressources énergétiques de la région, avec, d'un côté, les États-Unis, l'Union européenne, Israël, les pays du Golfe et la Turquie, supportant l'opposition à Bachar el-Assad, de l'autre, la Russie, la Chine et l'Iran, soutenant le régime. RFK Jr. insistait surtout sur l'action des États-Unis, du Qatar et de l'Arabie saoudite dans le soutien à l'insurrection. Certes, il avait bien souligné qu'Israël était également déterminé à faire dérailler le « pipeline islamique », choisi par Assad en juillet 2011, qui aurait enrichi l'Iran et la Syrie, ainsi que leurs « proxys », le Hezbollah et le Hamas ; cependant, certains lecteurs ont pu estimer que la place d'Israël dans ce conflit méritait une analyse un peu plus poussée. La messagerie électronique d'Hillary Clinton, dont WikiLeaks a récemment mis en ligne de très nombreux e-mails, nous renseigne justement sur les intérêts et la stratégie d'Israël dans cette guerre.
Les intérêts de chacun des belligérants connus, nous nous demanderons si le mythe des rebelles « modérés », en passe d'être enterré, n'était précisément pas une ruse des anti-Assad visant à focaliser l'attention publique sur le seul État islamique et à laisser les mains libres aux principales forces qui, de fait, durant cinq ans, ont sapé l'État syrien. L'occasion, une nouvelle fois, de mettre en garde contre la désinformation galopante dans cette guerre – comme dans toute guerre.
Assad tombé, Iran isolé, Israël sécurisé
Le 16 mars 2016, WikiLeaks a lancé un moteur de recherche pour explorer des archives contenant 30.322 e-mails et pièces jointes, envoyés vers ou par le serveur de courrier électronique privé d'Hillary Clinton, à l'époque où celle-ci était secrétaire d'État, du 30 juin 2010 au 12 août 2014. Dans cette masse d'échanges, se trouve un courrier envoyé le 30 avril 2012 par James P. Rubin à Hillary Clinton. Pour information, James Rubin était secrétaire d'État adjoint pour les relations publiques et porte-parole en chef du Département d'État entre 1997 et mai 2000. Dans l'administration Clinton, il était considéré comme le bras droit de la secrétaire d'État Madeleine Albright (une femme qui déclarait, en 1996, que la mort de 500.000 enfants irakiens, victimes de l'embargo décidé par le Conseil de sécurité de l'ONU, valait la peine). Rubin a également été membre de l'équipe de campagne d'Hillary Clinton pour sa nomination par le Parti démocrate dans l'optique de l'élection présidentielle de 2008.
Voici l'essentiel de son message « BEST OF LUCK ON CHINA TRIP » traduit :
« J'ai voulu transmettre quelque chose que j'ai l'intention de publier sur la Syrie et l'Iran, parce que je pense qu'il vaut la peine d'essayer de presser le Président et ses conseillers politiques à agir. [...] Comme vous verrez dans la pièce jointe, je crois qu'une action en Syrie préviendra le plus grand danger à l'horizon, à savoir qu'Israël lance une attaque surprise sur les installations nucléaires iraniennes. Bien que la pression ait maintenant baissé pour de multiples raisons, elle reviendra. D'autre part, l'action de Washington sur la Syrie éliminera pour une bonne part, je pense, le caractère d'urgence de l'action israélienne. Autrement dit, une politique plus agressive en Syrie [...] atténuera considérablement la pression sur Israël pouvant le conduire à attaquer l'Iran et à déclencher peut-être une guerre plus large au Moyen-Orient [...]. Je sais que vous pouvez ne pas être d'accord, mais j'ai pensé qu'il était mieux de partager cela avec vous comme au moins une façon nouvelle d'aborder le problème. »
L'e-mail se conclut ainsi : « All best, your friend, Jamie », montrant la grande familiarité entre les deux protagonistes.
On découvre le titre de la pièce jointe dans un autre e-mail adressé quelques heures plus tard par Hillary Clinton à Robert Russo, lui demandant d'imprimer ce texte : « Please print ».
Robert Russo est au service de la réussite d'Hillary Clinton depuis dix ans, comme nous l'apprend son profil sur Linkedin. Actuellement directeur de la correspondance et des briefings pour le site de campagne Hillary for America, il a notamment été adjoint spécial auprès de la secrétaire d'État entre janvier 2009 et février 2013.
Voici la substantifique moelle de ce texte de James Rubin, « NEW IRAN AND SYRIA 2.DOC » :
« La meilleure manière d'aider Israël à traiter la capacité nucléaire croissante de l'Iran, c'est d'aider le peuple de Syrie à renverser le régime de Bachar el-Assad. Les négociations pour limiter le programme nucléaire iranien ne résoudront pas le dilemme de sécurité d'Israël. [...] Au mieux, les pourparlers [...] permettront à Israël de reporter de quelques mois sa décision de lancer une attaque contre l'Iran, qui pourrait provoquer une guerre majeure au Moyen-Orient.
Le programme nucléaire iranien et la guerre civile en Syrie pourraient sembler sans rapport, mais ils sont liés. Pour les chefs israéliens, la réelle menace d'un Iran doté de l'arme nucléaire n'est pas la perspective d'un chef iranien fou lançant une attaque nucléaire délibérée sur Israël, qui conduirait à l'annihilation des deux pays. Ce que les militaires israéliens redoutent vraiment — mais sans pouvoir le dire — c'est de perdre leur monopole nucléaire. Une capacité iranienne en matière d'armes nucléaires [...] pourrait aussi inciter d'autres adversaires, comme l'Arabie saoudite et l'Égypte, à se nucléariser de la même façon. Le résultat serait un équilibre nucléaire précaire, dans lequel Israël ne pourrait pas répondre aux provocations avec des frappes militaires conventionnelles en Syrie et au Liban, comme il le peut aujourd'hui. Si l'Iran acquerrait le statut d'État doté de l'arme nucléaire, Téhéran trouverait plus aisé d'appeler ses alliés en Syrie et au Hezbollah à frapper Israël, sachant que ses armes nucléaires lui serviraient de force de dissuasion pour empêcher Israël de répondre contre l'Iran lui-même.
Revenons à la Syrie. C'est la relation stratégique entre l'Iran et le régime de Bachar el-Assad en Syrie qui permet à l'Iran de saper la sécurité d'Israël — non à travers une attaque directe qui, en trente ans d'hostilité entre l'Iran et Israël, ne s'est jamais produite, mais à travers ses proxies au Liban, comme le Hezbollah, qui sont soutenus, armés et entraînés par l'Iran via la Syrie. La fin du régime d'Assad mettrait fin à cette dangereuse alliance. Le pouvoir en Israël comprend bien pourquoi vaincre Assad est maintenant dans ses intérêts [Rubin cite une déclaration du ministre de la Défense israélien, Ehud Barak, faite sur CNN la semaine précédente, allant dans ce sens].
Avec Assad parti, et un Iran devenu incapable de menacer Israël à travers ses proxies, il deviendrait possible pour les États-Unis et Israël de se mettre d'accord sur la ligne rouge qui indiquerait à quel moment le programme de l'Iran aurait atteint un seuil inacceptable.
Washington devrait commencer par exprimer sa volonté de coopérer avec des alliés régionaux, comme la Turquie, l'Arabie saoudite et le Qatar, pour organiser, entraîner et armer les forces rebelles syriennes. L'annonce d'une telle décision pourrait probablement causer, par elle-même, des défections substantielles au sein de l'armée syrienne. Ensuite, utilisant des territoires en Turquie et peut-être en Jordanie, des diplomates américains et des officiels du Pentagone pourront commencer à renforcer l'opposition. Cela prendra du temps. Mais la rébellion est partie pour durer un long moment, avec ou sans l'implication des États-Unis.
La seconde étape consiste à développer un soutien international pour une coalition menant des opérations aériennes. [...] Armer les rebelles syriens et utiliser la force aérienne occidentale pour empêcher les hélicoptères et les avions syriens de voler est une approche peu coûteuse et à forte valeur ajoutée. [...] La victoire ne viendra pas rapidement ou facilement, mais elle viendra. Et la récompense sera importante. L'Iran sera isolé stratégiquement, incapable d'exercer son influence au Moyen-Orient. Le nouveau régime en Syrie verra les États-Unis comme un ami, pas un ennemi. Washington remporterait une reconnaissance importante en se battant pour le peuple dans le monde arabe, et pas pour des régimes corrompus. »
James Rubin, comme il y fait référence dans son e-mail à Hillary Clinton, fera par la suite publier ce texte, à peine remanié, dans Foreign Policy, le 4 juin 2012. L'article s'intitule « The Real Reason to Intervene in Syria ».
En résumé, Rubin considère que, pour parer au plus grand danger qui guette le Moyen-Orient, à savoir une attaque d'Israël contre les installations nucléaires iraniennes, il faut œuvrer pour dissuader Israël de passer à l'action. En effet, son intervention pourrait constituer les prémices à une guerre de très grande ampleur. Pour atteindre cet objectif, il faut parvenir à faire baisser la pression que ressent Israël, en affaiblissant les organisations terroristes qui le menacent directement (Hezbollah au Liban, Hamas et Jihad islamique palestinien à Gaza), et qui se trouvent être des proxies de l'Iran, qu'il soutient via la Syrie. En rompant le lien entre l'Iran et la Syrie, ces proxies deviendraient inopérants. Et, pour rompre ce lien, il faut briser son maillon le plus faible : le régime de Bachar el-Assad. Il faut donc soutenir la rébellion contre lui, jusqu'à ce qu'il tombe. Assad tombé, les proxies iraniens rendus quasi inoffensifs, Israël pourrait suspendre son intention de bombarder l'Iran. Et des négociations plus apaisées sur le programme nucléaire iranien pourraient reprendre avec le soutien des États-Unis.
Pour contextualiser ces propos, rappelons qu'à cette époque le conflit en Syrie a commencé depuis plus d'un an, et que Mahmoud Ahmadinejad, bête noire des États-Unis et d'Israël, est encore au pouvoir en Iran. Il y restera jusqu'au 3 août 2013. James Rubin a anticipé le refus russe d'une telle opération, ce qui interdit de passer par le Conseil de sécurité des Nations unies, ainsi que la réticence de certains États européens, ce qui rend également difficile le recours à l'OTAN. L'opération ne pourra résulter, selon lui, que de l'accord de pays occidentaux et du Moyen-Orient, en particulier l'Arabie saoudite et la Turquie. Rubin semble ignorer qu'au moment où il fait ses préconisations, la CIA soutient déjà l'opposition syrienne depuis 2006, et que la Turquie, le Qatar et l'Arabie saoudite arment, entraînent etfinancent déjà des combattants jihadistes sunnites venus de Syrie, d'Irak et d'ailleurs pour renverser le régime d'Assad. Son texte nous éclaire donc essentiellement sur l'intérêt d'Israël dans la tentative en cours du renversement du régime syrien.
Israël et l'art de la guerre
Un autre e-mail intéressant a été envoyé à Hillary Clinton par Sidney Blumenthal le 23 juillet 2012. Ancien assistant et conseiller spécial du président Bill Clinton, journaliste spécialisé en politique américaine et internationale, Blumenthal est un ami et confident de longue date d'Hillary Clinton. En novembre 2007, il était devenu le « conseiller principal » de sa campagne présidentielle. The Daily Caller du 7 mars 2016 nous rappelle que, sur les dizaines de notes des Renseignements qu'il a envoyées à Hillary Clinton alors qu'elle était secrétaire d'État, 23 contenaient de l'information classifiée comme « confidentielle » ou « secrète ». Ceci fait de Blumenthal l'un des partageurs les plus prolifiques d'informations classifiées avec Clinton. Ses notes sont « particulièrement intrigantes », dans la mesure où l'homme n'a pas travaillé pour le gouvernement. Pendant la période où il envoyait ses notes à Clinton, il travaillait pour la Fondation Clinton, aussi bien que pour diverses organisations à but non lucratif entretenant des liens étroits avec Hillary Clinton. Il a aussi travaillé, durant une partie de cette période, comme rédacteur pour The Daily Beast.
Dans son e-mail, non classifié, Sidney Blumenthal établit un rapport d'informations émanant de plusieurs sources proches de différents services de renseignement (il n'émet pas d'avis personnel). Voici la substantifique moelle de ce texte, « SYRIA, TURKEY, ISRAEL, IRAN » :
« 1. Selon un individu ayant accès aux plus hauts niveaux des gouvernements européens, les services de renseignement de ces pays rapportent à leurs directeurs que les chefs de l'armée israélienne et de la communauté du renseignement pensent que la guerre civile en Syrie est en train de s'étendre aux pays voisins, notamment le Liban, la Jordanie et la Turquie. Ces officiels européens sont inquiets que le conflit en cours en Syrie puisse mener à des soulèvements dans ces pays qui amèneront au pouvoir des régimes islamiques de plus en plus conservateurs, remplaçant les régimes laïcs ou modérés actuels. Ces individus ajoutent que les responsables de la sécurité israélienne pensent que le Premier ministre Benjamin Netanyahu est convaincu que ces développements les rendront plus vulnérables, avec uniquement des ennemis à leurs frontières.
2. Dans des conversations privées, de hauts représentants du renseignement et de l'armée israélienne déclarent à leurs associés européens qu'ils ont longtemps vu le régime du président syrien Bashar el-Assad, bien qu'hostile, comme une valeur sûre et un amortisseur entre Israël et les pays musulmans plus militants, une situation qui est menacée par les succès croissants des forces rebelles de l'Armée syrienne libre. Cette source est convaincue que ces chefs israéliens sont maintenant en train d'élaborer des plans d'urgence pour traiter avec une structure régionale où les nouveaux régimes révolutionnaires qui reprennent ces différents pays seront contrôlés par les Frères musulmans et peut-être des groupes plus problématiques comme Al Qaïda, ce qui ne présage rien de bon pour les Israéliens.
3. [...] ces chefs d'État européens reçoivent des rapports indiquant que si Israël devait attaquer les installations nucléaires iraniennes en ce moment, cela ne ferait qu'aggraver ses relations avec ses voisins. [...]
4. Selon une source ayant un accès direct, les chefs de l'armée turque ont déclaré dans des discussions privées avec les plus hautes autorités de leur gouvernement qu'une attaque d'Israël sur l'Iran déclenchera sûrement une guerre régionale "avant que la première attaque aérienne d'Israël ne soit retournée à sa base". Les évaluations du renseignement turc, supportées par leurs agents de liaison dans les services de renseignement d'Europe de l'Ouest, informent que des milliers de missiles et de roquettes tomberont sur Israël lancées d'Iran, du Liban, de Syrie et de Gaza. [...]
7. Une source particulière déclare que les services de renseignement britanniques et français pensent que leurs homologues israéliens sont convaincus qu'il y a un aspect positif à la guerre civile en Syrie ; si le régime d'Assad tombe, l'Iran perdrait son unique allié au Moyen-Orient et serait isolé. En même temps, la chute de la Maison Assad pourrait bien provoquer une guerre sectaire entre les chiites et la majorité sunnite de la région, s'étirant jusqu'en Iran, qui, du point de vue des chefs israéliens, ne serait pas une mauvaise chose pour Israël et ses alliés occidentaux. D'après cet individu, un tel scénario distrairait l'Iran de ses activités nucléaires et pourrait les entraver pendant beaucoup de temps. De plus, certains analystes supérieurs du renseignement israéliens pensent que cette tournure des événements pourrait même s'avérer être un facteur dans la chute finale du gouvernement actuel d'Iran. [...]
9. En même temps, une source sensible distincte a ajouté que les services de sécurité européens sont inquiets que cette stratégie de la corde raide puisse mener à des fautes qui pourraient, à leur tour, conduire à une guerre régionale. A cet égard, ces services européens restent en rapport étroit avec leurs homologues israéliens, qui tentent de manipuler les événements tout en évitant un conflit général en ce moment. Cet individu déclare qu'un officier supérieur de l'armée israélienne a décrit la situation actuelle dans la perspective israélienne en citant Sun Tzu dans L'ART DE LA GUERRE : "Il gagnera celui qui sait quand combattre et quand ne pas combattre." »
En résumé, nous voyons s'exprimer deux appréciations opposées concernant la guerre en Syrie, du point de vue israélien. La première consiste à craindre que cette guerre civile ne s'étende aux pays alentours, conduisant ainsi à une prise de pouvoir de forces islamiques radicales, qui constitueraient autant d'ennemis mortels pour Israël. En outre, il est précisé que Bachar el-Assad, bien qu'hostile à Israël, représente un moindre mal, une force modératrice dans la région. La seconde appréciation voit dans la guerre en Syrie l'opportunité de renverser l'unique soutien de l'Iran au Moyen-Orient. Cette fois, la guerre régionale entre sunnites et chiites, que la chute d'Assad pourrait provoquer, est vue positivement, car elle détournerait pour un long moment l'Iran de ses activités nucléaires ; elle pourrait même conduire à la chute du gouvernement d'Ahmadinejad.
Depuis le 14 juin 2013, rappelons-le, c'est le modéré Hassan Rohani qui est au pouvoir en Iran. On pourrait ainsi penser que la seconde appréciation a dès lors perdu de sa pertinence (ces propos datant de l'été 2012) ; pour autant, Hassan Rohani n'est pas éternel et un gouvernement plus radical et plus farouchement hostile à Israël reviendra vraisemblablement un jour aux affaires. Au fond, le rapport de Sidney Blumenthal ne nous permet pas de connaître à coup sûr la stratégie d'Israël ; mais on peut deviner que l'État hébreu joue avec le feu, en espérant que la guerre fera tomber Assad et isolera durablement l'Iran, son principal ennemi, tout en priant pour que l'opération n'aboutisse pas à l'accession au pouvoir partout autour de ses frontières de régimes islamistes, bien plus hostiles encore que ne peut l'être celui actuellement en place à Damas. Comme nous le fait saisir la citation de Sun Tzu, la guerre en Syrie permet à Israël de ne pas combattrepour le moment directement l'Iran, un tel affrontement lui faisant présager de graves représailles. En laissant la situation pourrir en Syrie et dans toute la région, Israël, dans une situation d'attente, combat indirectement son ennemi.
Nous rejoignons la notion de « guerre par procuration », développée par Robert Kennedy Jr., et reprise à son compte par l'économiste Jeffrey Sachs, consultant spécial de Ban Ki-moon à l'ONU. D'ailleurs, de même qu'à travers la Syrie, c'est en fait l'Iran et la Russie, ses puissants alliés, que visaient les États-Unis, à travers la Syrie, c'est l'Iran que vise essentiellement Israël. Rappelons ce que déclarait Sachs :
« C’est précisément la dépendance du régime d’Assad à ses soutiens russes et iraniens qui a déterminé l’intérêt des États-Unis à son départ. Le renversement d’Assad, pensaient les responsables américains de la sécurité, affaiblirait l’Iran, discréditerait le Hezbollah et restreindrait le champ d’action géopolitique de la Russie. »
Du malheur d'être le maillon faible
L'e-mail de Sidney Blumenthal a fait l'objet de quelques recensions dans la presse alternative, comme dans Sputnik le 18 mars, mais en n'en mentionnant que les informations contenues dans son point 7, qui sont certes les plus dérangeantes. Idem avecWaqar Rizvi, journaliste sur la chaîne de télévision iranienne Press TV, repris et commenté par Jean Bricmont sur Facebook.
En revanche, Gilad Atzmon a bien noté la double option israélienne dans Global Research le 19 mars :
« Cet e-mail nous permet d'observer un vif débat politique qui a eu lieu en 2012. L'État juif avait à décider d'il fallait détruire le peuple syrien juste pour affaiblir l'Iran ou bien détruire l'Iran pour la destruction de l'Iran. L'Histoire suggère qu'une décision a été prise pour détruire les Syriens d'abord. Et le résultat doit être décevant pour Israël — l'Iran est maintenant plus fort que jamais. »
Pour autant, Atzmon se trompe lorsqu'il attribue l'e-mail de James Rubin, que nous avons relevé plus haut, à Hillary Clinton elle-même ; son erreur concerne également sa date :
« De manière choquante, à la fin 2015, après trois ans de guerre civile syrienne désastreuse, avec des centaines de milliers de morts et des millions de personnes déplacées, Clinton semble toujours cramponnée à la formule selon laquelle l'inquiétude d'Israël vis-à-vis de l'Iran devrait être traitée aux dépens du peuple syrien. Dans un courrier électronique que la candidate à la présidence des États-Unis, Hillary Clinton, a envoyé à un compte inconnu le 30 novembre 2015, celle-ci écrit :
"La meilleure manière d'aider Israël à traiter la capacité nucléaire croissante de l'Iran, c'est d'aider le peuple de Syrie à renverser le régime de Bachar el-Assad." »
L'erreur a été commise par d'autres sites assez orientés, comme Fort Russ. Simple erreur ou manipulation ? Impossible à dire. La date du 30 novembre 2015 est en réalité celle à laquelle le Département d'État a rendu public cet e-mail, envoyé le 30 avril 2012.
Quoi qu'il en soit, Hillary Clinton n'avait pas besoin des conseils de James Rubin ou des rapports de Sidney Blumenthal pour déclarer, dès le 18 août 2011, qu'Assad devait quitter le pouvoir en Syrie. Sous la pression d'Israël ? La question peut se poser. En effet, un autre e-mail de Sidney Blumenthal, daté du 28 mars 2010, nous apprend que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu avait tenu des propos fort irrespectueux à l'endroit de la secrétaire d'État américaine lors d'une réunion à huis-clos de l'APAIC, ce puissant lobby visant à soutenir Israël aux États-Unis : il aurait déclaré, comme le rapportent Ynet etForward le 1er mars 2016 : « Si nous ne pouvons pas dormir, Hillary ne dormira pas », alors même qu'il demandait aux participants à cette réunion de faire pression sur les États-Unis afin qu'ils soient plus agressifs envers l'Iran et son programme nucléaire. La source de cette information, un ancien employé du Département d'État, qui y a travaillé durant 30 ans, trouva, nous dit-on, « tout cela très inquiétant ».
Ce 21 mars 2016, Hillary Clinton a donné tous les gages nécessaires à l'occasion de laconférence annuelle de l'AIPAC, réaffirmant, bien entendu, que la sécurité d'Israël n'était « pas négociable », mais surtout qu'elle n'hésiterait pas à recourir à la force contre l'Iran si nécessaire. « Le prochain président devra être capable [...] d'imposer de vraies conséquences à la moindre violation de (l')accord » sur la politique nucléaire de l'Iran entré en vigueur en janvier. « Nous emploierons la force si besoin », a-t-elle promis devant un public conquis. Face à Trump, dont elle a stigmatisé la tiédeur, la volonté de rester neutredans le conflit israélo-palestinien, Clinton a lancé à son auditoire qu'il y avait « une grande différence entre dire que Téhéran doit rendre des comptes et le faire vraiment ».
Au final, dans ce conflit syrien, on observe donc une double motivation chez les opposants à Bachar el-Assad : certains des belligérants par procuration, tels l'Arabie saoudite et le Qatar, agissent pour maintenir leur domination sur l'Iran en tant qu'exportateurs d'énergies en direction du marché européen ; d'autres visent à contenir l'Iran principalement pour assurer la sécurité d'Israël. Dans le premier cas de figure, la Syrie paie son refus du pipeline qatari en 2009 et son choix du pipeline iranien en 2011 ; dans le second, elle paie son alliance, unique au Moyen-Orient, avec l'Iran, plus puissant qu'elle et dangereux à attaquer de front. « Tu es le maillon faible, au revoir », ou quand la géopolitique du Moyen-Orient pourrait pratiquement s'expliquer avec la seule formule cynique et sadique de Laurence Boccolini.
Le « mythe » des rebelles modérés et le « leurre » de Daech
Dans ce jeu de dupes, on est en droit de se demander, avec Caroline Galactéros, docteur en sciences politiques, colonel de la réserve opérationnelle, administratrice de l'ASAF etjournaliste au Point, si la focalisation médiatique sur le groupe État islamique n'a pas pour fonction de nous faire oublier les autres groupes, tout aussi terroristes, qui œuvrent inlassablement au démembrement de l'État syrien. Dans un article du 6 mars 2016, publié sur le site de l'ASAF, elle enterrait profondément, en s'appuyant sur les propos du général Castres, « le mythe des rebelles modérés ». Un article décoiffant qui mérite d'être largement cité :
« La vérité finit toujours par être dévoilée. Ce sont au départ de simples “signaux faibles” [...] et autres “bas bruits” qui deviennent peu à peu visibles jusqu’à irriguer entièrement le débat public et atteindre enfin le noyau dur des thèses officielles.
S’agissant des rebelles syriens, aimablement qualifiés depuis quelques années de“modérés”, nous en sommes encore au stade des “signaux faibles”, mais la situation évolue dans le bon sens. On ne peut que se réjouir du reportage “Un œil sur la Syrie” ([...] diffusé sur France 2 le 18 février) qui présente enfin un regard neuf sur le conflit syrien… cinq ans après son commencement. [...]
Ainsi, le général Didier Castres, Sous-chef opérations de l’État major des Armées, a-t-il été auditionné le 16 décembre 2015 par la Commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées du Sénat. Voici ce que l’officier français révèle au grand jour :
“Les forces combattantes de Daech sont estimées à un effectif de 30.000 en Syrie et en Irak, dont 40 % de combattants étrangers. Ils sont opposés à 140.000 Kurdes du nord de l'Irak, 7.000 Kurdes syriens et 130.000 membres des forces de sécurité irakiennes. En outre, il existe en Syrie une constellation de combattants très divers de l'ordre de 100 000 personnes, dont la France estime que 80.000 d'entre eux appartiennent soit à des groupes terroristes désignés comme tels par les Nations unies, soit à des groupes salafistes extrémistes.”
[...] Première information : la puissance de Daesh est largement surestimée dans nos médias. Avec seulement 30.000 hommes (d’autres sources parlent de 50.000) en Irak et en Syrie, l’Etat islamique n’est pas d’un poids considérable sur un plan militaire. Son expansion territoriale depuis trois ans montre ce que plusieurs observateurs syriens (dont l’archevêque d’Alep) ont déjà amèrement dénoncé : les Occidentaux ont beaucoup parlé, mais étrangement peu agi pour détruire cette hydre vert foncé.
Seconde information : si les membres de l’EI sont répartis de façon à peu près équilibrée entre l’Irak et la Syrie, on peut considérer qu’il y a entre 15 et 20 000 combattants de Daech présents principalement autour de Raqqa. C’est donc bien moins que les autres terroristes islamistes présents en Syrie, dont le général Castres nous dit qu’ils sont probablement autour de 80.000 dans les zones que nos médias et nos représentants politiques qualifient facilement de “rebelles”. On a donc un rapport de 1 à 4 entre les islamistes de l’État islamique et les “autres” (dont une écrasante majorité, autour du Front al-Nosrah, sont affiliés officiellement ou officieusement à al-Qaïda, berceau originel... de Daech). Les chancelleries occidentales, si elles tenaient compte des chiffres que leur fournit le renseignement notamment militaire, devraient en conséquence tenir des propos beaucoup plus proches de ceux tenus par Sergeï Lavrov ou… Bachar el-Assad lui-même. [...]
Troisième information : il reste donc à peu près 20.000 rebelles dits “modérés” d’après le renseignement militaire français. C’est peu… d’autant qu’ils combattent dans les mêmes zones que les 80.000 “terroristes”, dont ils sont de facto les alliés sur le terrain.[...]
La veille de cette édifiante audition du Général Castres, le 15 décembre 2015, le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian était lui-même auditionné devant cette même Commission du Sénat. Si l’on croise leurs deux déclarations, et compte tenu du fait que notre ministre ne pouvait ignorer ces informations du renseignement militaire, le grand écart devient inquiétant.
[...] comment croiser [...] la déclaration du ministre de la Défense sur le renforcement de l’aide aux “insurgés” et celle du général Castres sur les 80.000 terroristes parmi les 100.000 “rebelles” sans conclure à l’impossibilité manifeste d’un tel croisement… sauf à comprendre que la France et les pays occidentaux soutiennent directement ou indirectement le terrorisme islamiste.
[...] Comment ne pas s’interroger sur la fonction de “leurre” de l’État islamique ? Daech et ses modes d’actions terrifiants et spectaculaires ne sont-ils pas au moins partiellement le paravent horrifiant qui cristallise l’attention populaire, médiatique et politique, la détournant ainsi d’une entreprise bien plus grave de déstabilisation profonde de la région et du monde. Daech fait oublier al-Qaïda qui agit en deuxième (et performant rideau), de manière rhizomique. Ses multiples avatars désormais labellisés “rebelles”, “insurgés”, ou “islamistes modérés” en sont par contraste, redevenus fréquentables et poursuivent leur démembrement méthodique de l’État. »
En focalisant l'attention publique sur le combat (assez mou) des forces occidentales contre Daech, et en entretenant le mythe de rebelles « modérés » (certes existants, mais très minoritaires et collaborant de fait avec les islamistes), on a habilement fait oublier le gros des « insurgés » que l'on soutient, et qui sont affiliés à Al-Qaïda. Daech a ainsi permis d'occulter le travail de sape mené en Syrie par les soi-disant « rebelles », composés en vérité à 80 % de terroristes reconnus comme tels.
D'autres articles ont récemment paru, qui tordent le cou à cette propagande. Le 15 mars 2016, Jamal Maarouf, ancien membre de l’Armée syrienne libre, déclarait dans Le Monde, que celle-ci était désormais « sous la coupe d’Al-Nosra » :
« Les chefs actuels de l’ASL sont obligés de composer avec Nosra, qui prélève une partie de l’aide humanitaire et militaire qui leur est envoyée. Les leaders de Nosra leur laissent les missiles TOW car ils ne sont pas bêtes. Ils savent que s’ils les saisissent, les livraisons cesseront aussitôt. Et ils ont besoin de ces missiles pour détruire les tanks du régime. En gros, Nosra dit à l’ASL où et comment les utiliser. »
RFK Jr. avait aussi, de son côté, dénoncé le portrait « délirant » fait par la presse de l'Armée syrienne libre, composée de bataillons unis de Syriens soi-disant modérés.
Le 21 décembre 2015, on apprenait en Belgique, dans Le Vif, qu'« une majorité des rebelles syriens [étaient] favorables à l'idéologie de l'EI ». L'information émanait d'un rapport du think tank Centre on Religion and Geopolitics, et avait été relayée par plusieurs médias britanniques, comme le Guardian le 20 décembre 2015. Extrait :
« Au moins 15 milices, représentant environ 65.000 combattants, pourraient combler un vide laissé par l'Etat Islamique. "L'Occident risque de réaliser une erreur stratégique en ne se focalisant que sur la lutte contre l'EI. Défaire l'organisation militairement ne mettrait pas un terme au jihadisme global [...]", estime le think tank, qui fait partie de la Faith Foundation de l'ancien Premier ministre Tony Blair.
"Le plus grand danger pour la communauté internationale ce sont les groupes qui partagent l'idéologie de l'EI, mais sont ignorés dans la bataille pour défaire l'organisation terroriste", ajoute le Centre on Religion and Geopolitics. »
Mais, plus tôt encore, dès le 29 octobre 2015, c'est la députée non-inscrite de VendéeVéronique Besse, qui, à son retour de Syrie, où elle avait rencontré avec deux autres députés Bachar el-Assad, avait osé déclarer : « La France soutient des groupes modérés –soi-disant modérés – mais qui sont proches d'Al-Qaïda et donc proches de l'État islamique ». « La France soutient notamment Al-Nosra », avait-elle ajouté. Des propos qui lui avaient attiré les foudres de la présidente de la Commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale, Elisabeth Guigou. Cette dernière avait en effet « condamné avec force [d]es allégations scandaleuses », « indignes », qui étaient « la preuve directe [d'une]instrumentalisation par le chef du régime syrien, co-responsable de la poursuite de la guerre et de son cortège d'atrocités ».
Une rhétorique usée jusqu'à la corde, que déplorait également Caroline Galactéros dansson article, en notant que « le déni de réalité est un pêché fort répandu et [qu']il reste plus facile d’accuser les journalistes de France 2 de reprendre la propagande du régime syrienque d’admettre un biais politique ou un déficit d’intelligence de situation (comme il fut d’ailleurs plus facile il y a quelques semaines d’accuser les journalistes de Canal + de reprendre la propagande du Kremlin dans leur reportage sur la révolution du Maïdan et la guerre civile ukrainienne dans le Donbass. »
De la propagande organisée à la satire déguisée : une désinformation multiforme
La première victime de la guerre, entend-on parfois, c'est la vérité. En effet, chaque camp y va de sa désinformation pour tromper l'ennemi, et de sa propagande pour mettre les opinions publiques de son côté. Celui qui dit la vérité pourra ainsi facilement être discrédité en arguant qu'il reprend à son compte la propagande de l'ennemi. Salir le messager pour éviter d'avoir à considérer son message : la technique est connue.
Nous avons aussi vu, avec les e-mails mis en ligne par WikiLeaks, que des erreurs d'interprétation (de l'auteur du message ou de sa date) étaient possibles, qui constituaient un motif supplémentaire de désinformation (chacun reprenant à son compte l'interprétation erronée). Et c'est sans compter sur les sites spécifiquement dédiés à la propagande, que l'on ne détecte pas toujours au premier coup d'œil, comme nous l'avons vu dans un précédent article avec le cas d'AWD News.
Il est si facile de se faire piéger que c'est ce qui est arrivé au célèbre philosophe slovèneSlavoj Žižek, dans un article paru le 9 décembre 2015 dans News Statesman, et intitulé « We need to talk about Turkey ». Voici ce qu'écrivait Žižek :
« En octobre 2015, Hakan Fidan, le chef de l'Organisation nationale du renseignement et l'allié le plus loyal du président turc, a condamné l'intervention russe en Syrie, accusant Moscou d'essayer de "réprimer" la révolution islamiste syrienne. "L'EIIL est une réalité et nous devons accepter que nous ne pouvons pas anéantir une création bien organisée et populaire telle que l'État islamique ; donc je recommande vivement à mes collègues occidentaux de revoir leur mentalité au sujet des courants politiques islamiques, mettre de côté leur mentalité cynique et contrecarrer les plans de Vladimir Poutine d'écraser les révolutionnaires islamistes syriens”, a déclaré Fidan dimanche, selon Anadolu News Agency. »
En fait, si l'on clique sur le lien censé renvoyer à l'Anadolu News Agency, on tombe sur un article de l'inévitable AWD News du 18 octobre 2015, qui, comme à l'accoutumée, ne renvoie pas vers la supposée source initiale. En l'espèce, cette source première n'existe pas : la déclaration d'Hakan Fidan est une pure invention de la part d'AWD News. Le siteNews Statesman a rapidement corrigé l'erreur, de manière transparente, avec une note au bas de l'article. L'agence de presse turque a également tenu à dénoncer cette désinformation.
Plus comique, on pouvait récemment lire au détour d'un site dissident, se présentantcomme « un groupe de réflexion stratégique au profit de toutes les organisations patriotiques », qui « se donne pour objectif de faire émerger de nouvelles élites », un article au titre aguicheur : « Edward Snowden affirme que Ben Laden serait toujours en vie », et dont la source était, cela ne s'invente pas, AWD News en date du 18 mars. La source originale, qu'une rapide recherche sur Google permet de retrouver, est en fait un article du site World News Daily Report, daté du 25 août 2015 et signé Barbara Johnson. Laprésentation de la journaliste, lanceuse de scoops, ne manque pas de saveur :
« Barbara Johnson est une jeune journaliste qui s'est fait un nom grâce à ses recherches minutieuses et son style d'écriture soutenu. Ancienne pornstar, elle a rapidement atteint le sommet dans sa nouvelle profession grâce à sa beauté et à ses compétences "sociales". »
Vous l'aurez peut-être compris, Barbara Johnson, l'ancienne pornstar reconvertie avec succès dans le journalisme grâce à ses talents relationnels, n'existe pas... et World NewsDaily Report s'avère être un site 100 % satirique. Il faut certes fouiller un peu dans un recoin du site pour dénicher la vérité cachée ; c'est un court paragraphe dans la rubrique « Démenti » qui nous avertit :
« WNDR assume [...] toute la responsabilité de la nature satirique de ses articles et de lanature fictive de leur contenu. Tous les personnages apparaissant dans les articles de ce site – même ceux basés sur des personnes réelles – sont entièrement fictifs et toute ressemblance entre eux et toute personne, vivante, morte, ou morte-vivante, serait purement miraculeuse. »
Ce site, discrètement loufoque, est régulièrement repris comme une source fiable, comme l'a fait le site alternatif Le Nouvel Ordre Mondial le 26 août 2015, en diffusant la pseudo révélation de Snowden sur Ben Laden. A en croire les statistiques affichés au-dessus de l'article, celui-ci aurait été « liké » 31.000 fois et partagé 93.800 fois sur Facebook (des chiffres colossaux), et retweeté 644 fois, ce qui fait suspecter une absence totale de vérification de la part de ces internautes, qui n'ont pas encore acquis les bons réflexes. Parmi les personnes qui ont fait circuler l'intox sur Twitter, on retrouve étrangement, non plus un philosophe star, mais un écrivain renommé : Régis Jauffret.
Au milieu des révélations qui abondent sur la Toile, entachées d'autant de désinformations, la morale du funambule s'affirme invariablement comme notre boussole la plus sûre. De l'audace face au conformisme, certes, mais de la réserve aussi face à toute information qui ne nous convient que trop bien, parce que sensationnelle, révélatrice d'un noir secret, ou que sais-je... Rien ne remplace la pratique, qui assouplit petit à petit l'esprit et le rend de plus en plus apte à affronter les périls. Sur le chemin, se forme – à son rythme – le citoyen vigilant, cauchemar des pouvoirs et pilier de la démocratie.