- L’idée de cette revue ?
- Si, en matière de culture, il y a toujours un vide à combler, mais aussi un foisonnement de réalisations concrètes indéniables, et qui participent d’une certaine richesse créatrice de la Corse, nous ne surgissons pas nous-mêmes du néant. Et depuis que nous avons créé ou participé à A Pian d’Avretu, une revue qui exista en deux périodes distinctes entre 1991 et 2008, l’idée de nous impliquer dans une aventure similaire était en permanence dans un coin de notre esprit. Nos parcours personnels nous ont ensuite permis d’accumuler une certaine expérience dans les domaines éditoriaux, et c’est précisément dans le registre de la littérature, celui qui nous passionne évidemment le plus, que nous avons choisi de nous relancer dans l’aventure d’une publication périodique. Avec la certitude établie, également, qu’il y a de la place en Corse pour toutes les initiatives et que celles-ci, fortes de leur singularité, enrichissent toutes l’intelligence collective. Donc, pour nous, l’idée est plutôt d’apporter notre pierre à un édifice qui s’est toujours nourri de diversité.
- Qui en est à l'origine ?
- Le support de la revue est une association qui s’intitule quasiment comme elle, l’Association Litteratura, et le comité éditorial est porté par Jérôme Luciani, directeur de publication, et moi-même, qui officie en tant que rédacteur en chef. Jean-François Rosecchi et Didier Rey complètent cette équipe, l’enrichissant par leur expertise et des rubriques diverses sur la littérature universelle ou les publications à vocation historique. Rajoutons que Xavier Dandoy de Casabianca s’occupe de la graphie et de la fabrication, et que Jérôme Ferrari nous aide dans un registre photographique où il excelle aussi – ce qui pour nous n’est pas une découverte. Brigitte Brozzu participe enfin à ce premier numéro, au travers d’illustrations et de la réalisation d’un magnifique portrait de couverture.
- Son objectif ?
- Son objectif ?
- L’objectif est pour nous de participer à la vie et à la promotion de la littérature corse, mais de ne pas la figer dans un rapport autocentré ou nombriliste. Nous avons ainsi dans l’idée d’offrir un espace commun à tous les auteurs qui désireront nous accompagner, qu’ils soient d’ici ou d’ailleurs, et d’être une passerelle entre les créations littéraires les plus diverses. En un mot c’est vers l’universalité des lettres que nous tendons, même si ce mot d’universalité a toujours quelque chose de galvaudé, mais disons que dans la spécificité littéraire, c’est quelque chose qui nous intéresse. L’idée de mettre en valeur les écrivains et leur création est centrale dans notre démarche, tout comme la place de la création en langue corse, ou celle d’auteurs corses de langue française, qu’il nous parait incontournable d’évaluer et de soutenir à l’aune d’une qualité nationale ou internationale. Trop souvent nous avons eu le sentiment que les auteurs insulaires étaient invités à des manifestations en tant que simples cautions locales, ou pire qu’il suffisait d’écrire ici, ou en corse, pour qu’une valeur soit accordée à leurs textes. C’est procéder à l’inverse qui nous motive : énoncer que les auteurs mis en avant dans cette revue sont tous estimés en vertu de leurs qualités artistiques et de leur talent, avec bien sûr une profonde passion pour ce qu’ils font, mais sans condescendance.
- Sa périodicité ?
- Nous partons sur une périodicité quadrimestrielle, maîtrisable pour nous et suffisante à notre avis pour porter régulièrement un regard sur ce qui se publie en Corse. Mais il y aura aussi vraisemblablement des numéros hors-séries avec des thématiques précises. Notre volonté est de gérer au plus près une distribution sur la Corse, et de fonctionner par abonnements pour l’extérieur, ou peut-être cibler quelques points de vente sur le continent dès que cela sera possible. Surtout, c’est ici que nous situons l’enjeu de notre implication : le public et la jeunesse corse sont demandeurs de culture, et ils méritent qu’on leur apporte de belles créations. Et que l’on s’investisse plus que jamais – non pas seulement pour se faire plaisir entre initiés – mais aussi parce que nous avons dans l’idée que la littérature a un rôle vital à jouer pour le bien-être des gens et l’amélioration de la vie dans notre île.
- Au sommaire ?
- Et bien dans ce même état d’esprit on trouvera dans ce numéro les contributions de divers acteurs ou auteurs insulaires qui font vivre l’écriture et désirent partager avec le public leurs créations ou leurs analyses. Nous avons ainsi des critiques offertes par l’équipe de Libri Mondi sur la littérature irlandaise ou américaine la plus contemporaine, et des associations ou ateliers d’écriture, cette fois Tonu è Timpesta, Kimamori ou A Scola di Zia Peppa, proposent aussi nombre de textes de création inédits, en corse ou en français. Nous avons également à cœur de mettre en avant le travail des éditeurs, et dans ce numéro Albiana et Eoliennes nous parlent des derniers ouvrages de François-Xavier Renucci et Stefanu Cesari. Il est enfin très important pour nous de donner la parole aux libraires, qui sont les promoteurs essentiels de la vie littéraire, afin qu’ils puissent mettre en avant les livres qui leur plaisent, et donc A Piuma Lesta et la librairie Grand Sud se sont gentiment prêtés au jeu des coups de cœur. Nous adorerions pérenniser ces liens entre auteurs, libraires, éditeurs, autres périodiques et pourquoi pas acteurs institutionnels, qui font tous vivre les livres et peuvent imaginer notre revue comme un espace commun de valorisation.
- Des invités aussi …
- Deux grands invités, Francesca Serra et Julien Battesti, nous font l’honneur de répondre à nos questions à l’occasion de cette sortie. Leurs premiers livres, «Elle a menti pour les ailes » et «L’imitation de Bartleby» nous ont réellement subjugués, et ils incarnent le renouveau d’une littérature corse que nous pensons primordial de mettre en avant et faire mieux connaître au public. Antoine Germa, un réalisateur engagé et de très grand talent, spécialiste notamment de la Shoah, nous fait également l’amitié de nous livrer un grand dossier sur l’écriture de Vassili Grossman, le célèbre auteur soviétique, sur lequel il a longtemps travaillé. Enfin, et c’est aussi une annonce, nous publions dans ce numéro les bonnes pages de trois livres que nous éditerons à partir de janvier 2022 avec les Editions Òmara, que nous avons créées et qui se voueront corps et âme à la littérature insulaire. Ce sont ainsi des extraits des textes de Philippa Santoni, Jean-François Rosecchi et Nicolas Rey que nous partageons en avant-première avec, nous l’espérons, le plus grand nombre de lecteurs.