"La vérité est pareille à l'eau, qui prend la forme du vase qui la contient" (Ibn Khaldoun) /// «La vérité est le point d’équilibre de deux contradictions » (proverbe chinois). /// La vérité se cache au mitan du fleuve de l'info médiatique (JM).

L'aventure coloniale des Corses.(Ange Toussaint PIETRERA). Revue LUMI extraits).
AVANT PROPOS

Dans la mesure où, de par ma filiation maternelle  j'ai compté parmi ces "Corses coloniaux", j'ai été vivement intéressé par l'article de la revue LUMI signé Ange Toussaint Pietrera.
J'ai d'autant plus été intéressé que ma propre idéologie s'apparente assez avec celle qui transparaît à travers le propos de Toussaint Pietrera en  ce qui concerne  la problématique corse.
Je me suis donc autorisé à reproduire in extenso  son article.

je ferai suivre l'article de monsieur Pietrera d'une petite note personnelle concernant un maréchal célèbre qui avait une ascendance corse maternelle, et qui servit en Algérie avant  de s'illustrer en Italie, je veux parler du maréchal Juin.


 
L’aventure coloniale des Corses. Un siècle d’ambivalence au prisme littéraire


Ange-Toussaint Pietrera
 
Docteur en histoire contemporaine, Professeur certifié d’histoire-géographie, chercheur associé à l’UMR 6240 LISA de l’Université de Corse.

 
« Nous avons, en maintes occasions, dans notre journal, protesté contre ce stupide préjugé qui représente nos compatriotes comme voués à la fainéantise, comme vivant, sur les places publiques, à la façon des lazzaroni sur les quais de Naples. La part considérable que prennent les Corses dans l’œuvre de la colonisation française nous est une nouvelle preuve que nul n’est plus actif que le Corse, quand il s’agit de se créer une situation ou d’améliorer celle qu’il occupe. Toutes proportions gardées, aucun département français ne fournit autant d’individus disposés à quitter leur pays natal pour déployer leur activité dans les régions où la France a planté son drapeau. Nos compatriotes forment une bonne part de l’élément français résident en Algérie, et, dernièrement, quelques politiciens, effrayés de la puissance des Corses dans les scrutins algériens avaient imaginé de mener une campagne contre eux. Cette sotte entreprise tentée par des personnages qui, peut-être, auraient été fort embarrassés de prouver leur nationalité française, qui, dans tous les cas étaient des français et surtout des algériens de très fraiche date, cette sotte entreprise, disions-nous, a échoué, comme elle devait d’ailleurs échouer. Mais des craintes exprimées par ces faméliques de la politique, nous tirons la preuve péremptoire que les Corses fournissent un fort contingent à la population française de l’Algérie, population que la mère-patrie a un si grand intérêt à voir s’accroitre et prospérer. (…) Nous ne relèverons pas les actes de bravoure si nombreux qu’accomplissent les soldats et les officiers corses dans les rangs des troupes qui guerroient aux colonies ; ces actes sont l’objet d’ordres du jour et de nominations que nous enregistrons avec le plus vif plaisir, mais qui sont habituels, car les descendants des soldats de Sampiero et de Paoli n’ont pas dégénéré. (…) Aussi nous n’hésitons pas à affirmer que la part des Corses dans la consolidation de l’Empire colonial français est importante ; nous avons le droit d’en être fiers.[1]»   
« Il faut que nous allions partout où notre intelligence et notre énergie peuvent être employées efficacement, la civilisation d’abord et l’argent ensuite. C’est le moyen de relever la Petite Corse [2]».
Rien d’autre, ou presque, à la lecture de ces quelques mots tirés des deux quotidiens majeurs de l’île, Le Petit Bastiais et Bastia-Journal, ne sauraient mieux illustrer la prégnance du fait colonial corse en ce début de XXe siècle.
Encore aujourd’hui, ce dernier conserve un souvenir très vivace au sein de la population insulaire, et y est de ce fait grandement entretenu. Preuve en sont d’ailleurs les discours des présidents de la République en visite sur l’île au fil des décennies où la référence prend souvent des allures d’automatisme. Le fait colonial ; c’est en effet par ce terme que l’on a désigné le rôle que jouèrent des milliers de Corses partis gagner leur vie au sein des territoires français d’outre-mer, en particulier africains. Encouragés par la métropole et souvent appuyés par les chefs de clans insulaires, certains d’entre eux occupèrent des fonctions parfois hautement importantes, notamment dans l’armée et l’administration, aboutissant même à de remarquables carrières
[3]. Quant à leur nombre, il fut toujours largement supérieur à la moyenne nationale, pour même atteindre au cours de certains temps forts, des proportions absolument exorbitantes [4] .
Nombreux sont également les historiens et universitaires à s’être penchés sur ce que l’on a même appelé sur un ton plus lyrique, l’aventure, voire, l’odyssée coloniale des Corses. Nous pensons ici notamment aux remarquables travaux de Francis Arzalier [5] ou encore, plus récemment, à la thèse soutenue en 2011 par Vanina Profizi  [6] , prouvant que ce « fait colonial » a désormais fait pleinement son entrée dans le domaine des sciences sociales [7]. Mais cependant, et malgré l’ancrage considérable dont bénéficie cet épisode historique au sein de la vie culturelle insulaire, force est de constater que très peu de ces travaux sont allés puiser au sein du terreau littéraire et plus précisément dans la littérature corse, qui au demeurant, bouillonne d’intérêt. C’est donc ce que nous proposons afin de tenter de cerner au mieux la perception fût-ce littéraire de l’événement, ainsi que son évolution progressive au regard lettré, de la Belle-Époque à nos jours. Et nous verrons peu à peu que cette dernière décrira une courbe ascensionnelle qui ira de la tendresse nostalgique jusqu’à la contusion, en passant par le déni pur et simple.
Ce « siècle d’ambivalence » littéraire, miroir des mutations insulaires contemporaines sera donc divisé en trois parties, correspondantes à trois périodes bien distinctes. La première, allant des origines jusqu’aux années 1970 vivra en quelque sorte l’événement « en direct », avec une évocation des nombreux hommes de lettres insulaires engagés sur les frontons de cette aventure, ainsi que des premières visions prosiques ou poétiques déjà injectées à l’événement. La seconde quant à elle fera la part belle au Riacquistu, mouvement culturel du second XXe siècle avec en toile de fond, l’effondrement de l’Empire Colonial français qui provoquera un véritable revirement des cœurs, y compris sur le plan littéraire. Enfin, dans notre ultime partie, nous nous intéresserons à la nouvelle génération d’écrivains corses, pour la plupart issue des années 2000, porteuse d’une nouvelle vision sur cet épisode-là de l’Histoire, à la fois singulière, iconoclaste… et désenchantée.
La littérature corse aux colonies
Nous l’évoquions plus haut, bon nombre d’écrivains n’ont pas échappé à ce véritable dégorgeoir insulaire. Parmi eux se trouvent entre autres pour les plus connus Bartulumeu Dolovici, Ignace Colombani, Sebastianu Dalzeto, Dominique Antoine Séraphin Versini, ou encore Jean-Joseph Flori. Or, à la lecture de leurs diverses productions littéraires, on remarque que jamais la référence n’est directement établie avec l’événement. En effet, il ne se trouve pas une seule chronique ni même la moindre poésie entièrement consacrée à cette expérience ou y faisant explicitement mention. Peut-être la jugeaient-ils trop anodine pour pouvoir accéder aux Belles-Lettres mais quoi qu’il en soit, c’est donc indirectement qu’il faut aller chercher une réelle filiation. Car, chez tous ces auteurs,  transpire en revanche un thème abondamment usité au sein de leurs œuvres : l’exil.
C’est le cas par exemple du côté de Dominique Antoine Séraphin Versini (1863-1949). Magistrat en Algérie, puis en Tunisie où il achèvera sa carrière en tant que Président du Tribunal Honoraire Mixte, l’homme était aussi un poète de talent. Sa muse lui aura livré une inspiration riche et fleurie qui se manifestera dans de nombreux textes, parmi lesquels nous retiendrons ici sa pièce poétique E voce di a Muntagna
[8] , écrite et affublée par ailleurs du sous-titre L’esiliu.
E voce di a Muntagna [9]
L’esiliu
Lascasti la valle cara,
Castagnolu sradicatu,
In bàlia à la fiumara,
A li mari trascinatu.
Trapiantatu à nove rive,
Ch’un’onda straniera bagna
Senti ognora fresche e vive
E voce di a muntagna
S’ella si sparghje in lu mare
A to spoglia fronda à fronda
Ch’un stratu di larme pare
Su lu linzolu di l’onda,
Les voix de la Montagne 
[10] L’exil
Tu laissas la chère vallée,
Châtaigner déraciné,
En proie aux crues,
Aux mers entraîné.
Transplanté à de nouvelles rives,
Qu’une onde étrangère baigne
Tu sens à toutes heures, fraîches et vives
Les voix de la montagne
Si elle s’étend dans la mer
Ton enveloppe feuille après feuille
Qu’une strate de larme pare
Dans le drap de l’onde,
Mais jamais ce même thème si prisé ne s’exprima de plus belle façon que sous la plume d’Ignace Colombani (1908-1988), sans doute l’écrivain de langue corse dont la carrière coloniale aura été parmi les plus brillantes. Administrateur issu de l’ancienne École coloniale, devenu ensuite gouverneur au Niger, à l’Oubangui-Chari (actuelle Centrafrique), puis au Tchad, cet écrivain originaire de Morosaglia aura également largement déployé sa muse sur le territoire colonial. En effet, bien des poèmes réunis en 1960 dans Rime di Rustinu ont été écrits sur les rives du Niger ou du
Chari [11]. A leur lecture, ceux-ci apparaissent comme autant de maillons d’une même chaîne expatriée, soudée quelque part entre Niamey et Birni n’Konni [12]. L’un de ces maillons, U Natale di quellu ch’e luntantu [13] fait ici figure d’excellente métaphore représentative, symbolisant bel et bien la situation de l’expatrié loin de chez lui et des siens. En voici un extrait :
« Luntanu e solu mi trovu
In sta notte di Natale ;
E dapoi ch’o mi movu,
Sog’è la sorte fatale,
Scunsulatu mi sô vistu
E da lu ricordu tristu
So ch’in lu mio paisolu
Ha sunata a campana,
Ch’ell’unn’ha sonu di dolu
E chi chjama a la luntana :
S’o la sentu, un possu vene
E quantunque, mi n’avvene !
Mi n’avenne !  Lu miô core
Batte cun lu battagliolu ;
Si ne vola cun amore
Culà, versu lu Figliolu
Chi Dio ci ha datu a tutti
Perch’eramu troppu brutti.
E mi pare stu bambinu,
Quellu di lu miô paese,
Bellu cum’un anghjulinu
Sott’a le miô stelle incese,
Ch’ellu dica, ellu minutu :
–  Ma cum’è ch’un si venutu ?
Guarda chi, per strade e chjassi
Avanzanu li lampioni ;
Tutt’attenti a li so’ passi
Affrontanu li bughjoni.
Elli sô to’ paisani.
–  Ma cum’elli sô luntani !
–  Guarda, sô nu la miô stalla,
E fin’a l’Epifania
Tutta la folla s’installa
A tenemi cumpagnia.
Ma tu, duve si pigliatu ?
–  Sô luntanu è disgraziatu ! »
« Loin et seul je me trouve
En cette nuit de Noël ;
Et depuis que m’active,
Sous le sort fatal,
Je me suis vu inconsolable
Attristé par le souvenir
Je sais que dans mon village
La cloche a sonné,
Qu’elle n’a pas un son de deuil
Et qu’elle appelle au loin :
Si je l’entends, je ne peux venir
Et malgré tout, je me souviens !
Je me souviens !  Mon cœur
Bat avec le battant ;
Il s’envole avec amour
Là-bas, vers le Fils
Que Dieu nous a donné à tous
Car nous étions trop sales.
Et cet enfant me semble,
Celui de mon village,
Beau comme un petit ange
Sous mes étoiles allumées,
Qu’il dise, lui chétif :
–  Mais comment se fait-il que tu ne sois venu ?
Regarde que, par les routes et les sentiers
Avancent les lampions ;
Tous attentifs à ses pasIls affrontent la nuit noire.
Eux sont les tiens.
–  Mais comme ils sont loin !
–  Regarde, je suis dans mon étable,
Et jusqu’à l’Épiphanie
Toute la foule s’installe
À me tenir compagnie.
Mais toi, où es-tu parti ?
–  Je suis loin et malheureux ! »
Le cas d’Ignace Colombani résume remarquablement cet état d’esprit ambiant au sein du giron littéraire insulaire, où parfois même la douleur du départ vient se greffer à celle de l’éloignement. Par la suite, l’auteur récidivera avec le recueil Ricordi 
[14], souvenirs d’enfance en prose, qui pour reprendre les mots de Jean-Marie Arrighi, « ùn si pò capiscia senza a spirienza di u campà for di Corsica [15]  ». Revenu en Corse en 1956, soit à l’âge de quarante-huit ans et multi-récompensé, se consacra jusqu’à sa mort à son autre grande passion hormis celle de l’Afrique : la langue corse, notamment en participant au comité de rédaction d’une revue essentielle d’après-guerre : U Muntese.
Autre cas particulièrement intéressant, celui de Jean-Joseph Flori (1899-1972), plus connu sous le pseudonyme de Peppu Flori. Outre l’incontournable exil exhibé dans ses œuvres (particulièrement au sein de son recueil Ricordi dolci è amari  [16], ce fonctionnaire colonial collabora également dans les colonnes de plusieurs journaux parmi lesquels Tunis-Soir et La Corse Nord-Africaine. Ce dernier organe de presse retiendra plus particulièrement notre attention. Crée par la communauté corse de Tunisie, il paraîtra à Tunis du 29 mars 1925 au 26 juin 1926 comprenant au total 52 numéros. Comme tant d’autres exemples de presses coloniales corses, son but était clair, il s’agissait de défendre la voix de l’île :
« Ce que veut être ce journal : l’organe pur d’une union plus grande entre les nombreux Corses de l’Afrique du Nord qui ont tant d’intérêts communs à soutenir. Nous bannirons jalousement de nos colonnes les dissolvantes et stériles préoccupations de la politique pour ne nous consacrer entièrement qu’à l’intérêt général de la Corse et de ses enfants venus apporter ici, à leur grande patrie l’appui de leur activité… Nous parlerons de tout ce qui touche à son développement et de son mieux être… Nous traiterons sans nous lasser cette question primordiale des relations régulières entre la Corse et l’Afrique du Nord… Et puis, nous parlerons le patois de chez nous dont une Académie fixe actuellement les règles [17]».
Pour ce dernier cas, nous voyons donc bien comment la littérature, sous le support de la presse coloniale, permettait ainsi l’édification d’une remarquable passerelle entre la Corse et le continent africain, en même temps qu’une porte de visibilité extraordinaire octroyée à la langue corse.
Enfin, signalons qu’après cette expérience, certains auteurs verseront quant à eux dans l’antimilitarisme. C’est le cas de Sébastien Nicolaï, dit Sebastianu Dalzeto (1875-1963). D’ordinaire beaucoup plus connu il est vrai pour son Pesciu Anguilla paru en 1930 (premier roman écrit entièrement en langue corse), ce bastiais de cœur servit aussi dans la coloniale avant de la quitter brutalement. Revenu d’abord à Paris, puis en Corse après la première guerre mondiale, il pratiqua le journalisme et fonda même le mouvement politique La Corse Rouge en 1921, dans lequel il put exprimer l’essence de son engagement, à la fois humaniste et révolutionnaire. En ce qui concerne son œuvre, il nous faut ici creuser dans sa partie d’ordinaire la moins prisée, soit celle écrite en langue française. Ses divers recueils poétiques se font souvent en effet l’écho de ses déclarations : Les Virulentes (1917), Poèmes d’amour et de révolte (1919), Mystiques et profanes (1950).
Ce segment nous a permis de constater le nombre conséquent d’écrivains corses engagés dans la carrière coloniale et comment ceux-ci ont su, avec des niveaux d’approches différents, retranscrire cette expérience dans leurs vers. Pour Versini ou Colombani, celle-ci reluit essentiellement à travers le prisme de l’exil et du mal du pays. À l’inverse pour Dalzeto, véritable exception littéraire insulaire, c’est avant tout l’idéologie communiste qui caractérisa la plume acerbe de ce seul écrivain corse, le seul de cette époque que l’on pourrait véritablement qualifier d’« anticolonial ».
Cette partie, au fil de ces diverses évocations, nous a donc permis de tisser une première esquisse contemporaine à l’événement lui-même, ce dernier ainsi forgé et imagé au creux de son temps. Une période ample où, nous l’avons vu, la douleur de l’exil emprunte à la nostalgie et quelquefois même, au devoir patriotique. Un prolongement de cette première esquisse a lieu durant les années 1950 et 1960, à l’heure où la chanson corse connaît un certain essor. Cette période voit en effet la floraison de nombreux chanteurs populaires reprenant à leur tour les particularités du destin colonial. L’un d’eux, Antoine Ciosi, interprète ainsi le Lamentu di u culuniale
[18] . À l’image des précédentes pièces poétiques évoquées plus haut, il met en scène un protagoniste présent sur le continent africain en proie à la nostalgie et au mal du pays.
In le fureste di l’Africa nera
Corsica amata eiu sonniu di tè
Sempre pensendu à la più dolce terra
Sola speranza di vita per mè
O giuventù dolci tempi passati
O tù per noi era pront’à fiurì
O giuvanettu dolci serinati
Oghje luntanu mi sentu svanì
[19].
Mais dans ces deux premiers couplets, c’est surtout le rapport à la jeunesse qui s’avère digne d’intérêt. Le personnage présente la sienne dans un stade embryonnaire, prêt à fleurir mais interrompu sur le vif, comme une évocation de tous ces Corses pris et envoyés loin de chez eux dès le plus jeune âge. Plus loin, le protagoniste s’adresse ensuite à ses « frères » du pays engagés à leur tour dans l’aventure coloniale. Dans une démarche de partage, celui-ci confesse les bouffées de nostalgie qui l’assaillent à la nuit tombée. Lui vient alors en mémoire l’animal emblématique de la Corse, le mouflon, gambadant dans les montagnes de l’île en liberté et cette esquisse métaphorique permet quant à elle de tisser un contraste avec la « prison » que constitue pour l’expatrié le continent africain.
Fratelli corsi d’ogni culunie
Quandu la notte principia à falà
Eiu rivecu e muntagne fiurite
Duve và la muvra sempre in libertà
[[20].
Enfin, précisons que ce sujet a également été traité sous le versant humoristique, alors très prisé à cette époque par l’ensemble des chanteurs populaires insulaires. Le plus bel exemple reste Le Quartier maître interprété par Charles Rocchi. Comme son titre l’indique, la chanson met en scène un quartier-maître s’adressant à sa dulcinée à son retour d’Indochine. Sur un mode bon enfant, il lui détaille tous les objets qu’il lui a rapportés faisant plus penser à un voyage touristique qu’une mission militaire[[21, promet de la promener en pousse-pousse dans les rues de l’Île Rousse, évoque même brièvement l’adultère[22], jusqu’à comparer les spécialités culinaires corses et asiatiques[23] .  
Cependant, affirmer que ce prototype plutôt édulcoré et mélancolique constitue une vision d’ensemble unique et partagée par la totalité de la sphère littéraire insulaire serait erroné. Durant l’entre-deux-guerres se développa un entrefilet idéologique nettement plus critique vis-à-vis du fait colonial, à savoir celui du courant de pensée autonomiste. Il nous faut en effet à présent nous pencher sur cette brève période durant laquelle la si prisée « aventure » revêtit pour la première fois des traits de l’idéal trompeur.
Le fait colonial au prisme de l’autonomisme
Pour l’île, l’entre-deux-guerres fut également marqué par l’émergence du courant autonomiste
[24] , symbolisé principalement par le journal A Muvra [25] (1920-1939) qui mettra en scène une remise en question de l’appartenance française [26] . Avec son corollaire politique le Partitu Corsud’Azzione [27]  (PCA), celui-ci porta une série de revendications pour l’île (statut d’autonomie, enseignement obligatoire pour la langue corse…), édifiant par ailleurs un nouveau système de représentations historiques. Le « fait colonial » n’est pas absent de ces revendications, et se voit généralement assimilé à un traitement de faveur. Une idée fait en effet surface : la Corse est délaissée au profit des africains. De nombreuses productions textuelles et imagières présentes au sein de leurs colonnes alimenteront cette impression qui témoigne d’une méconnaissance profonde des réalités [[28]. Mais c’est surtout la douleur de le voir se vider inexorablement de sa population qui sera l’objet de toutes les préoccupations, renforçant le sentiment d’abandon au sein des consciences [29] .
Une douleur qui prête aussi à la contrainte, notamment chez l’abbé Dominique Carlotti, dit Martinu Appinzapalu (1877-1948), figure incontournable de A Muvra. N’ayant pourtant jamais mis les pieds sur le continent africain, l’ecclésial dépeint néanmoins cette même peine ressentie dans l’une de ses historiettes intitulée Ghjuvan Petru si ne và ! [30], présente au sein de son recueil Raconti e fole di l’Isula persa [31]. Mettant en scène un vieil homme auquel son jeune filleul fait part de sa décision de quitter la Corse afin de s’installer au Maroc en tant que forgeron, cette triste chronique permet à l’auteur de dresser un premier bilan quant à l’état de délabrement économique et démographique du sol insulaire, insistant par la même occasion sur les méandres et autres fatalités d’une « Île perdue » :
« Mi ti voltu. Mi paria di sente un passu… In fatti ti vecu affaccà in capu di e strette, a faccia di Ghjuvan Petru, Ghjuvan Petru u mio figlianu. Currimu è ci abbraccemu caramente.
            –  Allora dunde, sta mane di bon’ora ?
            –  A saperete ! Partu ancu eiu !
            –  Cumu ! Parti tù ?
            –  Partu à u Maroccu, cum’è stazzunaru !
            –  Cum’è stazzunaru ?… È quì, ùn ci hè più da fà ?
            –  Quì è culà ? Fame è miseria ! Si parte per forza. Aghju quattru figlioli. Hè trè anni ch’io scumbattu : ùn ci hè travagliu chì ùn ci hè più farri, nè boi, nè nimu. Custannu mi sò decisu à suminà appena di granu, è ch’aghju buscu ? Mancu a mio sumente ! Aghju giratu è cercu. Bisogna à sbirbà di sti lochi, affari ùn si ne face in Corsica ! Allora chì vulete ? Addiu case è chjosi è buttacciu è stazzona. À vedeci, à vedeci, vi scriveraghju Babbucciu caru.
            –  Vai, chì u Signore t’accumpagni !
            Una lagrima mi zirlò da l’ochji annantu a pippa ! Ùn mi surtì di bocca             altra parolla.
            Ma quand’io vidi à Ghjuvan Petru, u mio figlianu, un Ercule di trent’anni, eroe di guerra, babbu di quattru figliulelli, scapulà solu solu l’ultimu pughjolu in cima di u paese, u mio core intrò in santavugliu è u mio cerbellu in ciatafine…
            –  Isula persa, cridai, Isula persa !   
32]»
« Je me retourne. Il me semblait entendre un pas… En fait je vois au bout de la ruelle, le visage de Ghjuvan Petru, Ghjuvan Petru mon filleul. Nous courrons l’un vers l’autre et nous embrassons chaleureusement.
            –  Alors, où vas-tu ce matin de bonne heure ?
            –  Vous le savez ! Je pars moi aussi !
            –  Comment ! Tu pars, toi ?
            –  Je pars au Maroc, comme forgeron !
            –  Comme forgeron ?… Et ici, il n’y a plus rien à faire ?
            –  Ici ? Faim et misère ! La force nous contraint à partir. J’ai quatre fils. Voilà trois ans que je m’affaire : il n’y a pas de travail car il n’y a plus de fers, ni de bœufs, ni personne. Cette année je me suis décidé à semer un peu de blé, et qu’ai-je gagné ? Même pas ma propre semence ! J’ai tourné et cherché. Besoin de décamper de ces lieux, aucune chose ne se fait en Corse ! Alors que voulez-vous ? Adieu maison, enclos, soufflet et forge. Au revoir, au revoir, je vous écrirai chère petit père.
            –  Va, que le Seigneur t’accompagne !
Une larme me gicla des yeux sur ma pipe ! Aucune autre parole ne sortit de ma bouche.
            Mais lorsque je vis Ghjuvan Petru, mon filleul, un Hercule de trente ans, héros de guerre, père de quatre rejetons, franchir seul le dernier tertre au sommet du village, mon cœur entra en épouvante et mon cerveau en ébullition…
            –  Île perdue, criai-je, Île perdue ! »
Durant l’entre-deux-guerres, cet entrefilet autonomiste se distingua donc par le développement d’un point de vue résolument à contre-courant de l’appareil discursif d’alors. Pour la première fois se dresse alors l’image d’une île ruinée, délaissée par la France et l’aventure coloniale y fait figure de stratagème destiné à vider l’île de ses habitants et accentuer son délabrement économique. Cependant, il faudra attendre au moins trois décennies pour que ce discours ne se généralise peu à peu.
Les années 1970 ; quand le colonisateur devint colonisé
L’avènement des années 1970 marque avec lui l’amorçage d’un nouveau cycle, à la fois symbole et concrétisation des différentes mutations engrangées au cours des dernières décennies. Privant désormais de nombreuses familles corses d’éventuelles ambitions nourries à l’encontre de leur progéniture, la chute de l’Empire colonial français entrainera ainsi un net retournement des cœurs qui inondera toutes les sphères sociétales insulaires, y compris du côté de la littérature. Cette dernière, nous le verrons, illustrera parfaitement l’apanage de cette nouvelle ère où dominera le « Vivre et mourir au pays ». Idée majeure – et peut-être même principale – du Riacquistu
[33], ce vibrant appel à la terre se retrouvera notamment au sein des poésies de Ghjuvan Teramu Rocchi dont certaines furent mises en musique par l’un des groupes parmi les plus revendicatifs de l’époque, I Muvrini. L’une d’elles, Quale serà [34] figurant au sein de l’album au titre par ailleurs très éloquent È campà quì  [35]  (Ricordu, 1981), illustre bien les contours de cette nouvelle voie empruntée. Evoquant les vicissitudes liées aux départs des nombreux insulaires à travers les yeux d’un jeune ]homme refusant de franchir la mer, cette chanson comporte par ailleurs un couplet particulièrement intéressant :
« Da un Africa’à quill’altra
Da tamburi à trumbittoni
Quand’omu s’hà straziatu
Quellu coppiu di galloni
Pè u figliolu si spera
Avà c’un ci n’hè piu guerre
Scuncagnata una carreria
In tenuta d’officiale.
Quale serà issu giuvanottu
Ch’ùn vole andà da mare in là
Quale serà u vostru sì
Ch’hà sceltu d’esse è campà quì. »  
« D’une Afrique à l’autre
Des tambours aux clairons
Lorsque l’homme s’est arraché
Son précieux couple de galons
Pour le fils on espère
Maintenant que les guerres sont terminées
Lui octroyer une carrière
En tenue d’officier.
Qui est donc ce jeune homme
Qui ne veut pas franchir la mer
Qui est-il donc, le vôtre peut-être
Qui a choisi d’être et vivre ici. »
Pointant ainsi du doigt cette vague de partances, sous couvert de quête effrénée de promotions sociales, nous aurons compris qu’il n’est ici plus question désormais d’exil ou d’une quelconque mélancolie. En effet, aux sentiments d’injustice et de tromperie s’ajouteront dorénavant la défiance, voire l’aversion envers ce qui ne fut qu’un débouché trompeur, privant en réalité la Corse de bon nombre de ses enfants.
À ce titre, l’année 1962 marque en effet un tournant. Car cet effondrement colonial, en plus d’enterrer définitivement un tremplin grandement prisé, va également entrainer le retour des rapatriés d’Algérie dont environ 17 000 viendront s’installer en Corse. Ces derniers prospéreront dans la culture du vin au sein de terrains parfois attribués de façon abusive par l’État dans une île caractérisée par un état de vide à la fois économique et démographique. La population chute en effet à un chiffre historiquement bas de 190 000 habitants. Les tensions ne tarderont pas à émerger, trouvant leur point d’orgue avec le drame d’Aleria [
[36]].
Une situation que couchera également sur le papier l’écrivain Michele Poli (1924-2007) dans son unique roman U Cimiteriu di l’elefanti  [37], œuvre majeure du Riacquistu ayant pour cadre un village situé dans la Plaine Orientale, témoin des multiples transmutations que connaitra la micro-région à partir des années 1960. Paru en 1984, le livre s’ouvre en outre avec une citation d’Adolphe Blanqui datant de 1838 qui semble à elle seule annoncer la couleur de l’ouvrage : « Un sò ciò ch’ella vale a Mitidja di l’Africa di u Nordu, ma vorrebi chi i mio cumpatriotti sapissinu ch’ella esiste à vinti-quatt’ore di Tulò una Mitidja paragunevule à a Terra Prumessa è bona pè tutte e culture [38]». Le célèbre économiste français pointait du doigt les potentialités de l’île lorsque la majeure partie des élites avait les yeux rivés sur le continent africain. Michele Poli reprend cette phrase plus d’un siècle plus tard pour signaler que cette Terre Promise est désormais cultivée mais pas par les bonnes personnes. Un constat qui trouvera son point d’orgue au cours de son septième et dernier chapitre intitulé I Pedineri[ [39]. Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’auteur ne se montre pas des plus tendres avec le déferlement de ces nouveaux arrivants. En effet, il va même jusqu’à inventer un néologisme verbal à partir du terme Pieds-noirs, pour montrer ô combien en ce temps la côte orientale pedinerava [40] : « È cusì, ghjornu à ghjornu, palmu à palmu, quella taccone d’inchjostru s’allargava pè isse nostre terre, più assitata è più ingorda che mai. In issa statina di u 1961, a Costa Orientale pedinerava[41]  »
Cet extrait résume donc bien la conviction de cette nouvelle éclosion littéraire où l’Algérie tiendra également une place prépondérante. A cet égard, nous en référerons à la poésie L’Algerìa [42] , écrite et mise en musique par Denis Mollard, dans laquelle – et peut-être pour la première et unique fois – est clairement établie une jonction entre l’Algérie et Aleria. Comme si une page désormais achevée laissait à présent la place à l’autre, à peine en train de s’ouvrir.
« Mi ricordu in Algerìa
Quanti figlioli in la tomba
Sò partuti da Bastia
In una nuttata prufonda
Tanti Corsi cum’è mè
Sò partuti per tumbà
Ghjente chì oghje cum’è mè
Stràzianu a libertà
Ripigliu :L’anu mandatu l’armata
Impuntati cù i fucili
Èramu in tempi di guerra
In tempu di l’Algerìa
Mi ricordu un’Algeriana
Inguatrata da l’armata
Difendia la so terra
Ùn avia ch’è vint’anni
Quandu a sera m’addurmentu
Pensu à tutti sti mumenti
À ste famiglie à sti pienti
Inghjuliati culà
Mi ricordu di sta mamma
Chì abbracciava lu so maritu
U mughju di sta figliola
Davanti à u babbu feritu
Ne aghju tantu rimorsu
Si rivolta lu mio sangue
Pensendu à tanti morti
Tutti cuperti di sangue
Mi ricordu in Alèria
Sò sbarcati cù i canoni
Piazza Santu Niculà
Èramu in occupazione
Babbu hè mortu in Ponte Novu
A Francia ùn si ne hè scurdata
À mè mi anu incarceratu
Per via di a mio casata
Ripigliu :Ci anu mandatu l’armata
Impuntati cù i fucili
Ci anu mandatu l’armata
Mi ricorda l’Algerìa »
« Je me souviens en Algérie
Combien de fils dans la tombe
Sont partis de Bastia
En une nuit profonde
Tant de Corses comme moi
Sont partis pour tuer
Des gens qui aujourd’hui comme moi
Souffrent la liberté
Refrain :Ils leur ont envoyé l’armée
Repoussés avec des fusils
Nous étions en temps de guerre
Au temps de l’Algérie
Je me souviens une Algérienne
Encerclée par l’armée
Elle défendait sa terre
Elle n’avait que vingt ans
Quand je m’endors le soir
Je pense à tous ces moments
À ces familles, à ces pleurs
Humiliés là-bas
Je me souviens de cette mère
Qui embrassait son mari
Le cri de cette fille
Devant son père blessé
J’en ai tant de remords
Mon sang se révolte
Pensant à tant de morts
Tous couverts de sang
Je me souviens à Aleria
Ils ont débarqué avec les canons
Place Saint Nicolas
Nous étions en occupation
Père est mort à Ponte Novu
La France ne l’a pas oublié
À moi ils m’ont incarcéré
A cause de mon nom de famille
Refrain :Ils nous ont envoyé l’armée
Repoussés avec des fusils,
Ils nous ont envoyé l’armée
Ça me rappelle l’Algérie »
On peut par ailleurs remarquer combien ce texte constitue une sorte de fourre-tout identitaire, mêlant Aleria, l’Algérie mais également la bataille de Ponte Novu
[43] (!). Mais L’Algerìa symbolise donc bien ce double regard, à la fois épilogue et genèse, caractéristique des enjeux de l’époque. En effet, si l’indépendance de l’Algérie apparait comme l’aboutissement d’un long processus, en revanche, elle sonne dorénavant de l’autre côté de la Méditerranée le réveil des aspirations nationalistes.
Durant la seconde moitié du XXe siècle, les années 1970, avec l’irruption du nationalisme corse moderne, s’est dessinée une nouvelle configuration de l’événement, entre adoption et rejet. Rejet tout d’abord d’un idéal trompeur, dans lequel des milliers de Corses s’étaient engouffrés par le passé avec la bénédiction du pouvoir local, au profit du paradigme du vivre au pays. Le facteur d’adoption ne peut se comprendre qu’à la lumière de l’année 1962 en pivot, où l’effondrement de l’Empire colonial français sonne la fin d’une ère en même temps qu’une révélation de la situation coloniale pour l’île et la volonté de reproduire les mêmes actes libertaires [44 ]. Cette dialectique se déclina enfin via un processus de requalification identitaire dans lequel le colonisateur devint colonisé.
Cependant le nationalisme connaîtra à son tour sa fin d’Empire durant les années 1990 [45] , ce qui conduira une nouvelle génération littéraire à en esquisser le bilan.


L’ère du désenchantement

Après toutes ces années, on aurait pu penser le sujet que trop désuet et poussiéreux pour les nouvelles exigences du giron littéraire actuel. Or, il n’en est rien. Ce dernier n’en sera même que plus décuplé, nourrissant avec ardeur l’imaginaire des jeunes écrivains insulaires contemporains. Cette nouvelle génération éclose au début des années 2000 portera le nom en langue corse de disincantu (désenchantement). Sous leurs plumes sonne en effet la fin des romantismes de toutes sortes, qu’ils soient d’obédience républicaine ou nationaliste. Cette génération s’attaque en particulier aux points de césure ayant jalonné l’histoire contemporaine de la Corse ; il n’est d’ailleurs pas un hasard que les deux événements les plus représentés dans leurs œuvres soient la Première Guerre mondiale et le fait colonial. Pour le sujet qui nous concerne, nés pourtant pour la majorité d’entre eux bien après 1962, ces auteurs brandiront tous néanmoins une palette très éclectique, allant du lyrisme jusqu’à la satire, ou même le pamphlet littéraire, faisant ainsi de l’événement l’un, voire le principal pilier structurant de leur œuvre. Sur le plan littéraire, nous assistons donc à l’effloraison d’une nouvelle donne évocatrice, symbiose des deux périodes écoulées, entre mise au point et dépassement [46] .
Cela est particulièrement probant au sein des œuvres de Marc Biancarelli ; né en 1968, celui-ci se fit dès son premier recueil Prighjuneri [47] (Prisonniers, 2002) une place à part dans l’univers littéraire corse, au gré d’une plume à la fois percutante et dérangeante, déconstruisant au passage de nombreux mythes ancrés dans la mémoire collective.
Le cadre colonial et plus spécifiquement algérien n’est donc pas en reste chez Biancarelli, notamment dans son trop peu connu El mu’alim, publié dans la revue Fora ! La Corse vers le monde [48]. Cette nouvelle met en scène un jeune instituteur corse qui pour avoir secouru puis défendu un écolier algérien affamé se retrouvera dans les rangs du FLN. Bien que très courte, cette histoire demeure d’une densité remarquable et pointe du doigt la dureté de cette période mais également le consentement de certains insulaires. Un trait qui se renouvellera dans Célébrations, extrait du recueil Vae Victis et autres tirs collatéraux, où la puissance d’évocation parviendra aussi à revêtir les replis du texte à charge :
« Ils nous l’ont bien fait avaler, leur bréviaire colonial, leur farce sinistre, à nous et à nos vieux. Par exemple un éminent conseiller municipal de mon village avait proposé un jour de faire baptiser une rue « Avenue de la Grande Aventure Coloniale des Corses ». Je suis sérieux, mais je me fous pas de sa gueule, j’étais pas mieux que lui. Mon livre de chevet, quand j’avais une dizaine d’années, c’était quand même Par le sang versé, de Bonnecarrère, le Quid des combats de la Légion en Indochine. J’étais illuminé, envoûté par la bravoure du colonel Mattei, je voulais être lui, diriger plus tard au feu une bande hétéroclite de Spartiates couillus, y aurait eu des Russes blancs frappadingues, des Ritals vicieux, anciennes chemises-noires ayant échappé aux purges de la Résistance, des Teutons disciplinés nostalgiques de la Wehrmacht, et puis quelques pays à moi, qui auraient fait là leurs premières armes avant d’intégrer le milieu. En face : des milliers de rastaquouères bridés en pyjama à qui on aurait défoncé leurs gueules, et qui seraient morts en poussant des gloussements pas humains, comme dans les vieux films de Tarzan où les porteurs noirs chutent dans les Abymes avec des hurlements grotesques. C’était ça, les scénarios de mon enfance.[49]»
On ne peut en revanche évoquer la vitalité du giron littéraire corse actuel sans mentionner l’importance prise par le réseau Internet. Tournons-nous à ce titre brièvement vers le curieux blog « Passions Cyrnéennes » du tout aussi mystérieux Tancrède Paoletti. Sous une veine humoristique, on y trouvait aussi toute une série de textes épistolaires fictifs où, singeant les vieux Corses de retour des colonies, l’auteur appelait à la reconquête de l’Algérie et de l’Indochine.
Immanquablement donc, les non-dits tombent. Que ce soit sous les vers de la satire ou de l’éloge, s’enclenche désormais le lent éboulis des interdits et autres sacro-saints. Cette chute progressive n’aura jamais été exploitée de façon plus réaliste que sous l’œil de Nadine Fischer. Dans Les lettres de Toussainte (1999), l’auteure publie ou devrions-nous dire invente la conversation épistolaire de sa grand-mère Toussainte Ottavi, exilée au Maroc, puis en Algérie. De sa liaison avec un jeune militant du FLN jusqu’à l’attentat qui couta la vie à son amie, on mesure donc bien avec quelle puissance la force d’un récit fictionnel sous les traits du document historique peut se joindre à la brisure de tabous ; tabou pour l’État et les clans d’une part, désignés en tant que propagateurs de misère, mais aussi pour les nationalistes corses car il était évidemment inavouable et inconcevable que le colonisé puisse être également un colonisateur, fut-ce par le passé. Une dualité qui ne peut que renforcer le grand intérêt de ce remarquable recueil de lettres, dont la dernière, comme un symbole, est datée de l’année 1975.
Mais c’est surtout la figure désabusée du désenchantement qui prédominera au sein de cette nouvelle génération. Pour cela, nous en réfèrerons à Jérôme Ferrari et plus spécialement à ses deux derniers romans Où j’ai laissé mon âme et Le Sermon sur la chute de Rome. Le premier publié en 2010
[50] , narre une retrouvaille, ou plutôt une rancœur ayant pour cadre la guerre d’Algérie. Celle du capitaine Horace Andreani, d’origine corse, retrouvant à Alger celui qui fut autrefois son mentor en Indochine, le lieutenant André Degorce. Ce dernier, n’est en effet plus le même tortionnaire d’antan, si bien que l’apanage de la torture passe dorénavant des mains d’un bourreau à un autre. Véritable protagoniste principal du roman, Degorce est la personnification même de cette désillusion. Complètement dépossédé de lui-même, en proie à une guerre et un monde qu’il ne reconnait plus, il finira par se lier puis se livrer à son prisonnier Tahar, qui n’est autre que le commandant de l’ALN [51] .
Le sermon sur la chute de Rome [52] gratifié du Prix Goncourt 2012, réitère à nouveau cet aspect, essentiellement à travers le personnage de Marcel Antonetti, grand-père de l’un des deux protagonistes principaux dont les monologues rythment le récit à la façon d’un fil rouge. Proprement fascinant, ce dernier parcourt le XXe siècle par les chemins de traverse ; après avoir combattu dans les tranchées, l’homme se retrouvera au final fonctionnaire colonial… dans les années 1960 ! Ainsi, le destin de cet autre sorte d’antihéros spécialiste des rendez-vous manqués de l’Histoire illustre sublimement cette inversion de tendance : là où une telle nomination aurait précédemment été perçue comme signe de réussite sociale, point de départ d’une prometteuse carrière, elle se transforme ici en criante humiliation, prenant tour à tour des accents de déchéance, voire d’échec cinglant.
Preuve une nouvelle fois de l’important ancrage de l’événement au cœur des mentalités insulaires, les années 2000 auront donc su nous gratifier d’un florilège littéraire de haut vol, brassant et achevant les velléités de ce siècle d’ambivalence. Cette vitrine littéraire édifiée au regard de l’Histoire nous aura donc permis de dresser un vibrant reflet des mutations insulaires contemporaines, entre annonces d’espoirs et résurgences de plaies jamais cicatrisées. Cependant, après un tel parcours voguant des lauriers jusqu’à la césure, il n’est d’autre sentiment dominant que celui de la vanité. Du statut de « mystifiés de la colonisation » si bien décrits à la fin des années 1950 par Albert Memmi [53] , aux soubresauts mélancoliques d’un Lamentu di u culuniale durant les années 1960 a succédé l’aversion, le détournement du regard, jusqu’au point réflexif et désenchanté actuel. Comme si désormais cette « grande aventure coloniale des Corses », si assaillie et riche en promesses, ne dissimulait au final qu’une fin de monde dérisoire, l’aboutissement d’un cycle dont la rupture fut lourde, et encore loin d’être digérée.

NOTES


[1] Le Petit Bastiais, 27 janvier 1898. Article titré Les Corses aux colonies.
[2] Bastia-Journal, 6 décembre 1904.
[3] On peut y mentionner par exemple le cas d’Antoine Colonna. Au départ, commis de la Direction des Travaux Publics, il devint ensuite dirigeant de la Fédération des fonctionnaires. Pour avoir pris la tête de la prépondérance française contre les nationalistes tunisiens, il sera même élu député, puis sénateur en 1946 et dans les années 1950. LIAUZU Claude, Histoire des migrations en Méditerranée occidentale, Bruxelles, Complexe, 1996, p. 42.
[4] Antoine Olivesi estime ainsi à 180 000 le nombre de Corses dans l’Empire et à 20 % leur part au sein des effectifs de l’administration et de l’armée vers les années 1930. Voir OLIVESI Antoine « Les Corses dans l’expansion française », in La Méditerranée de 1919 à 1939, SVPEM, 1939. Voir également STAGNARA Vincent, « Un siècle d’émigration corse », in Iles de la Méditerranée, GIS, Sciences humaines sur l’aire méditerranéenne, Cahier n° 4, CNRS, 1981, pp. 41-42.
[5] ARZALIER Francis, Les Corses et la question coloniale, Ajaccio, Albiana, 2009.
[6] « De l’île à l’Empire : colonisation et construction de l’identité nationale : les Corses, la nation et l’empire colonial français XIXe-XXe siècles », thèse soutenue à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales, 2011.
[7] Signalons enfin qu’en 2002, le Musée de la Corse (Corte) a consacré une exposition intitulée Corse-colonies. Voir MESTERSHEIM Anne (dir.), Corse-colonies, Ajaccio, Albiana/Musée de la Corse, 2002.
[8] Les voix de la montagne.
[9] CECCALDI Mathieu, Anthologie de la littérature corse, pp. 135-136.
[10] Sauf mention contraire, toutes les traductions – et leurs insuffisances – sont le fruit de ma personne.
[11] COLONNA D’ISTRIA Camille in COLOMBANI Ignaziu, Ricordi, Ajaccio, CRDP/Università di Corsica, 1997, Introitu, p. VII.
[12] Parmi lesquels nous pouvons relever Ricordi, Ritornu ou encore Primu Nuvembre.
[13] COLOMBANI Ignaziu, Rime di Rustinu, Bastia, Edizioni di u Muntese, 1960, pp. 48-49.
[14] Souvenirs.
[15] « Ne peut se comprendre sans l’expérience du vécu hors de Corse ». ARRIGHI Jean-Marie in COLOMBANI Ignaziu, Ricordi, Ajaccio, CRDP/Università di Corsica, 1997, Introduction, p. I.
[16}  Souvenirs doux et amers.
[17] La Corse Nord-Africaine, 29 mars 1925.
[18] La Complainte du Colonial.
[19] Dans les forêts de l’Afrique noire
Corse aimée je rêve de toi
Pensant toujours à la plus douce terre
Seul espoir de vie pour moi.
O jeunesse doux temps passés
Toi qui pour nous était prête à fleurir
O jeune homme douces sérénades
Aujourd’hui loin je me sens évanouir.
[20] Frères corses de chaque colonie
Lorsque la nuit se présente
Je revois les montagnes fleuries
Où paissent les mouflons toujours en liberté.
[21] Ancre J’ai rapporté pour toi de belles choses
Des beaux foulards de soie en rouge, en rose
Un singe, une guenon, des éventails
Et tous les souvenirs de Shanghaï
[22] J’ai quitté ma belle tonkinoise
C’est pour toi, ma charmante corsoise
[23] J’en ai assez de tout ce riz bouilli
Ça vaut pas la polenta du pays
[24] C’est en 1914 qu’est effectuée la première demande d’autonomie politique pour l’île. Elle est le fait de la revue A Cispra parue en mars et dirigée par Xavier Paoli et Jacques-Toussaint Versini, deux instituteurs de la région de Marignana.
[25] Le Mouflon. Le journal est fermé en 1939, accusé d’accointance avec le régime fasciste italien. Voir POLI Jean-Pierre, Autonomistes corses et irrédentisme fasciste (1920-1939), Ajaccio, DCL, 2007.
[26] Parti Corse d’Action. À noter que cette mémoire de l’autonomisme de l’entre-deux-guerres fut en grande partie rassemblée à la fin des années 1980 par l’un de ses anciens activistes, Hyacinthe Yvia-Croce, au sein d’un ouvrage. Voir YVIA-CROCE Hyacinthe, Vingt années de corsisme (1920-1939), Ajaccio, Cyrnos et Méditerranée, 1987.
[27
  Parti Corse d’Action.
[28] Très présent au sein du journal, l’univers de la caricature donne un aperçu intéressant de ce traitement de faveur. Ainsi, le 5 février 1922, une caricature intitulée A piu bella (La plus belle)  met en scène un dialogue entre l’allégorie de la Corse (généralement une jeune femme vêtue de noir) et une autre nommée la Congolaise. Alors que la Corse lui demande « Comment se fait-il que la France te donne bijoux, chemins de fer, canaux, paquebots confortables, alors qu’elle me laisse dans la plus profonde misère ? » la Congolaise répond « Parce que je suis plus jolie que toi. ». Voir PIETRERA Ange-Toussaint, « Imaginaires nationaux et mythes fondateurs ; la construction des multiples socles identitaires de la Corse française à la geste nationaliste », Thèse soutenue à l’Université de Corse, 2015, pp. 314-335.
[29] Là encore, l’univers de la caricature peut nous être d’un précieux appui.  Parue au début des années 1930 dans A Muvra, U scappa-scappa (la fuite) représente l’allégorie de la Corse en train de se vider de ses entrailles. La population de l’île sort de son ventre pour se rendre vers une multitude de maisons aux alentours ; l’une d’elles porte l’écriteau Culunie (Colonies). A Muvra, 3-10 octobre 1932.
[30] Jean-Pierre s’en va.
[[31] Contes et légendes de l’Île Perdue.
[[32] « Ghjuvan Petru s’en va ! » in APPINZAPALU Martinu, Raconti è fole di l’Isula Persa, Ajaccio, CRDP/Università di Corsica, 1997, pp. 30-31.
[[33] Littéralement, la « réappropriation ». Ce néologisme en langue corse fut utilisé pour la première fois pour caractériser le phénomène de revivification culturelle que connut la Corse durant les années 1970, notamment au sein des sphères du chant et de la littérature.
[34] Qui est-il ?
[35] Et vivre ici.
[36] Le 21 août 1975, une vingtaine d’hommes, emmenés par le docteur Edmond Simeoni, leader de l’ARC (Action pour la Renaissance de la Corse) occupent la cave du viticulteur pied-noir Henri Depeille. L’assaut ordonné le lendemain fera deux morts parmi les forces de l’ordre et un blessé grave chez les occupants. Voir DOTTELONDE Pierre, Corse la métamorphose, Ajaccio, Albiana, 1987.
[37] Le cimetière des éléphants.
[38] « Je ne sais pas ce que vaut la Mitidja d’Afrique du Nord, mais je voudrais que mes compatriotes sachent qu’il existe à vingt-quatre heures de Toulon une Mitidja comparable à la Terre Promise et bonne pour toutes les cultures ». Michele POLI, U cimiteriu di l’elefanti, Pigna, Academia d’i Vagabondi.
[39] Les Pieds-noirs.
[40] Grouillait de Pieds-noirs.
[41] « Et ainsi, jour après jour, peu à peu, cette immense tache d’encre s’élargissait sur nos terres, plus assoiffée et gourmande que jamais. En cet été 1961, la Côte orientale grouillait de Pieds-Noirs ». Michele POLI, op. cit., p. 193.
[42] L’Algérie. DE ZERBI Ghjermana, Cantu nustrale. Racolte d’usanze nostre, Ajaccio, Albiana, 2009, pp. 360-361. Elle fut par ailleurs chantée par le groupe I Cumpagni di l’Avvene.
[43] Le 9 mai 1769 à Ponte Novu, les soldats du roi Louis XV mirent fin à l’indépendance corse initiée en 1755 sous l’égide de Pasquale Paoli, sonnant les débuts de la Corse française.
[44]  À noter que lorsque le FLNC (Front de Libération Nationale de la Corse) est créé le 5 mai 1976, la référence algérienne s’avère prédominante.  Voir en particulier le documentaire pour Canal + de Samuel Lajus Génération FLNC (2004). Mathieu Filidori, l’un des fondateurs du mouvement clandestin y déclare notamment : « Nous étions gosses lorsque l’Algérie s’est libérée, c’était le mythe que nous avions ».
[45] À partir de 1989, le FLNC en proie à de vifs conflits internes se scinde en deux branches : le canal habituel et le canal historique. De 1993 à 1996 s’ensuivra une guerre fratricide qui fera une vingtaine de morts. Cette période de tensions sera souvent vue comme un traumatisme par la société corse.
[46] À noter qu’hormis le champ proprement littéraire, une autre vitrine culturelle est constituée par le cinéma. Sorti en 2007, le long-métrage Sempre vivu de Robin Renucci conte l’histoire du maire d’un petit village corse décédé brutalement alors qu’il doit signer un contrat indispensable à la survie de la commune. L’évocation de ce jeu trouble entre colonisé et colonisateur s’effectue à travers la relation conflictuelle entre les deux fils du défunt ; d’un côté Sauveur, colonel de gendarmerie sur le continent et de l’autre Rinatu nationaliste. Lors d’une scène de dispute entre les deux frères, le cinéaste représente ainsi Rinatu un bandeau blanc serré sur le front faisant face à Sauveur en tenue coloniale.
[47] Marcu BIANCARELLI, Prighjuneri, Ajaccio, Albiana, 2002.
[48]  BIANCARELLI Marcu, « El mu’alim », in Revue Fora ! La Corse vers le monde, n° 2, 2008, pp. 122-124.
[49] BIANCARELLI Marcu, Vae Victis et autres tirs collatéraux, Calvi, Materia Scritta, 2010, pp. 90-91.
[50]  FERRARI Jérôme, Où j’ai laissé mon âme, Arles, Actes Sud, 2010.
[51] Armée de Libération Nationale.
[52]  FERRARI Jérôme, Le Sermon sur la chute de Rome, Arles, Actes Sud, 2012.
[53] MEMMI Albert, Portrait du colonisé précédé du portrait du colonisateur, Paris, Corréa, 1957.  Gallimard, Folio-Actuel, 2012, p. 38.

Bibliographie :

ARRIGHI Jean-Marie, Histoire de la langue corse, Paris, Editions Jean-Paul Gisserot, 2002.

ARZALIER Francis, Les Corses et la question coloniale, Ajaccio, Albiana, 2009.

CECCALDI Mathieu, Anthologie de la littérature corse, Ajaccio, Alain Piazzola, 1971.

DE ZERBI Ghjermana, Cantu nustrale. Racolta d’usanze corse, Ajaccio, Albiana, 2009.

DOTTELONDE Pierre, Corse la métamorphose, Ajaccio, Albiana, 1987.

FERRO Marc, Histoire des colonisations. Des conquêtes aux indépendances XIIIe-XXe siècles, Paris, Le Seuil, Coll. Points-Histoire, 1996.

FERRO Marc, Le livre noir du colonialisme, Paris, Fayard/Pluriel, 2010.

FUSINA Jacques, Ecrire en corse, Paris, Klincksieck, 2010.

GIRARDET Raoul, L’idée coloniale en France de 1872 à 1962, Paris, Hachette Littérature/Pluriel, 1986.

LIAUZU Claude, Histoire des migrations en Méditerranée occidentale, Bruxelles, Editions Complexe, 1996.

MEMMI Albert, Portrait du colonisé, précédé de Portrait du colonisateur, Paris, Gallimard, Coll. Folio-Actuel, 2002.

MESTERSHEIM Anne (dir.), Corse-colonies, Ajaccio, Albiana/Musée de la Corse, 2002.

WESSELING Henri, Les empires coloniaux européens (1815-1919), Paris, Gallimard, Coll. Folio-Histoire, 2009.

YVIA-CROCE Hyacinthe, Anthologie des écrivains corses, Ajaccio, Ed. Cyrnos & Méditerranée, 1987.

YVIA-CROCE Hyacinthe, Vingt années de corsisme (1920-1939), Ajaccio, Cyrnos et Méditerranée, 1987.

Œuvres littéraires :

APPINZAPALU Martinu, Raconti e fole di l’Isula Persa, 1924, rééd. Ajaccio, CRDP/Università di Corsica, 1997.

BIANCARELLI Marcu, « El mu’alim », in Revue Fora ! La Corse vers le monde, n° 2, 2008, pp. 122-124.

BIANCARELLI Marcu, Vae Victis et autres tirs collatéraux, Calvi, Materia Scritta, 2010.

COLOMBANI, Rime di Rustinu, Bastia, Edizioni di u Muntese, 1960.

COLOMBANI Ignaziu, Ricordi, Ajaccio, CRDP/Università di Corsica, 1996.

FERRARI Jérôme, Où j’ai laissé mon âme, Arles, Actes Sud, 2010.

FERRARI Jérôme, Le sermon sur la chute de Rome, Arles, Actes Sud, 2012.

FISCHER Nadine, Les lettres de Toussainte/E lettere di Santa, Ajaccio, Editions DCL, 1999.

FLORI Peppu, Ricordi dolci è amari, Les Myrtes, 1952.

POLI Michele, U cimiteriu di l’elefanti (à umbria è à sulia), Pigna, Accademia d’i Vagabondi, 1984.



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Famille MARIACCIA, d'Ucciani, et  Maréchal JUIN

Pour la (petite) Histoire.

Il se trouve que ma famille était apparentée au Maréchal Juin de par l'ascendance maternelle corse de ce dernier.
Alors qu'il était en garnison à Constantine en qualité de colonel du 7ème RTA, Juin a "casé" l'une de mes tantes dans la fonction publique coloniale, en a recruté une autre pour des fonctions domestiques dans son foyer, et n'a pas manqué de "protéger" trois de mes oncles, (dont deux par alliance matrimoniale) qui servaient en qualité de sous-officiers dans son régiment et ont participé par la suite sous ses ordres à la campagne d'Italie.
J'ai moi-même bénéficié de son "aide" lorsque désirant quitter l'arme du Train dans laquelle je servais en qualité de sous-lieutenant durant la guerre d'Algérie j'ai sollicité une mutation (qui m'avait dans un premier temps été refusée) dans une S.A.S, structure à la fois civile et militaire  plus conforme à mon idéologie. C'est ainsi que j'ai été affecté à la S.A.S nomade des Ouled Nails.


Liste de liens.