DE LA PRESENCE HISTORIQUE DES JUIFS EN CORSE

La présence juive en Corse est séculaire. Elle a fait l'objet de nombreuses études qui font apparaître une remarquable continuité dans l'accueil - tolérant et généreux - réservé aux  migrants  successifs et leur intégration rapide, très proche de l'assimilation, dans le paysage démographique  local.
Une récente publication de la revue culturelle ROBBA, mettant en scène Pascal Paoli, fait état d'un épisode particulier  de la présence juive en Corse.
Nous la reproduisons intégralement.
Cet article sera suivi d'un article tiré de TRIBUNE JUIVE qui pour sa part  aborde l'immigration  juive en Corse sous la forme  d'un  panorama historique richement illustré. 
J.M

https://www.rivistarobba.com/Pasquale-Paoli-et-le-%C2%A0juif-de-l-Ile-Rousse%C2%A0_a375.html
 

Pasquale Paoli et le « juif de l’Île-Rousse »



Dans nos sociétés multiculturelles, où les questions de la tolérance et du pluralisme religieux sont posées en des termes nouveaux, tout épisode de violence entre personnes issues de communautés différentes peut être présenté comme la démonstration d'une cohabitation impossible. S'il serait vain de nier les inimitiés, voire les haines religieuses, il est toujours possible de proposer et de défendre des modèles différents. C'était déjà le cas dans la Corse paolienne, où la question de l'intégration des juifs a été posée, et où la réponse de Pascal Paoli a certainement contribué à sa propre postérité. Jean-Guy Talamoni nous relate ici un épisode fameux.

 
 
Landing of Paoli on Corsican Soil, late 18th century, 1896
Landing of Paoli on Corsican Soil, late 18th century, 1896

 « Partir pour où ? Quel est l'endroit au monde où des juifs ont été mieux accueillis qu'ici ? Même au XVIIIe siècle, quand la moitié de l'Europe n'avait toujours pas accordé le moindre statut aux juifs, et que l'autre les pourchassait, la Corse était une terre d'accueil pour nous »1  .
Ce membre de la communauté juive de Corse résumait ainsi, pour Le Mondele passé et le présent de ses coreligionnaires de l’île. Le présent : une quasi-absence d’actes antisémites. Le passé : un accueil et une intégration à la société corse qui contrastait singulièrement avec la façon dont les juifs étaient traités ailleurs. Lorsque l’on évoque ces faits historiques, on pense souvent à la protection des juifs par les Corses durant l’Occupation qui avait conduit il y a quelques années Serge Klarsfeld à qualifier notre pays d’« île des justes » devant l’Assemblée de Corse2. Mais quand on remonte un peu plus loin dans le temps, c’est l’affaire dite « du juif de l’Île Rousse » qui vient à l’esprit…
 

 
 

Une "affaire" bien documentée

Cette affaire a été racontée par de nombreux historiens de la Corse et biographes de Paoli. Dès 1770, elle est évoquée par Cambiagi dans son Istoria del Regno di Corsica3, puis en 1779 par Pommeureul dans son Histoire de l’isle de Corse4. On la retrouve notamment au XIXe siècle, longuement développée, dans l’Histoire de Pascal Paoli d’Arrigo Arrighi5, et au XXe siècle chez de nombreux auteurs6. Les versions diffèrent quelque peu, la tradition ajoutant parfois certains éléments aux documents écrits. Parmi ces derniers, on accordera naturellement une place centrale aux Ragguagli, le journal officiel du gouvernement national. L’affaire y est exposée en ces termes:
 
« Île-Rousse, le 26 juin [1767]
(…) Cette escale est devenue désormais un bourg très pratique et très peuplé. Et cette année, il a eu pour la première fois l’honneur d’envoyer son représentant à la consulta generale du Royaume. Tous les étrangers de toutes les nations qui ont ici une résidence fixe y sont considérés comme des nationaux et jouissent de tous les privilèges, et ils ont pour cette raison participé au vote pour l’élection de ce représentant. Un juif, qui s’était établi ici depuis quelque temps, a demandé lui aussi à être admis à donner son vote, et l’affaire ayant été débattue il a été décidé que lui aussi devait jouir des privilèges des nationaux »7.
 
 

Des précédents méditerranéens aux motivations discutées

Dans l’environnement géographique de la Corse, il y avait des précédents célèbres : l’expérience livournaise, fondée sur une série de privilèges individuels et collectifs accordés aux juifs et aux « nouveaux chrétiens » par le grand-duc de Toscane Ferdinand Ier de Médicis, à travers notamment le fameux édit du 10 juin 1593 connu sous le nom de Livornina8. Cette démarche avait eu d’importantes conséquences en matière démographique et économique. Bien plus tard, par un édit du 3 février 1740, le royaume de Naples permit l’installation des juifs, mais cet édit fut révoqué en 1743. Rappelons que c’est dans cet État que Paoli avait reçu son éducation supérieure.
Les motivations exactes de cette initiative de Pasquale Paoli ont été discutées. Fernand Ettori avance l’objectif utilitaire du Babbu di a Patria
« … à une époque (1767) où le Général veut s’attirer les faveurs de l’Angleterre, tout autant que celle des juifs de Livourne, auxquels il a concédé le droit de la pêche au corail sur les côtes corses, en comptant sur eux pour développer le commerce de l’Île-Rousse avec le continent »9.

Toutefois, comme le fait observer Antoine-Marie Graziani, auteur en 2002 d’une biographie de référence :
« Mais on peut noter aussi que Paoli, par-là, allait bien au-delà de la position humaniste des autorités napolitaines telle qu’elle apparaissait notamment dans l’édit du 3 février 1740, dont les raisons étaient tout aussi intéressées et qui fut révoqué… »10
En effet, l’interprétation de Fernand Ettori paraît quelque peu restrictive eu égard à la portée hautement politique de ce geste de Paoli. En effet, comme le souligne encore Antoine-Marie Graziani dans son commentaire de cette affaire : « Le principe de l’égalité politique reste une réalité au cours du généralat »11. Quels que soient par ailleurs les légitimes attentes d’ordre économique ou diplomatique, cette décision est surtout à mettre en relation avec le projet pleinement républicain qui est celui de Pasquale Paoli. Observons du reste que l’édit de 1593 du grand-duc de Toscane avait également été présenté comme exclusivement motivé par la volonté de développer et d’enrichir Livourne12.

Quant à Paoli, il évoque lui-même l’affaire du juif de l’Île-Rousse dans une lettre du 5 juillet 1767 à Andrew Burnaby, aumônier de la communauté britannique de Livourne et ayant fait plusieurs années fonction de consul. Cette lettre confirme l’esprit de la politique dans laquelle s’insère l’épisode du juif électeur :
« Ce nouvel établissement [Île-Rousse], bien que composé en majorité d’étrangers de diverses nations et confessions, a pu envoyer son mandataire à la cunsulta. On a voulu empêcher un juif de voter lors de l’élection ; mais il se fit entendre et obtint gain de cause. La liberté en Corse ne confesse pas et ne consulte pas l’Inquisition »13.
Cette célèbre dernière phrase a traversé les siècles et demeure aujourd’hui le symbole de la politique paolienne en matière de tolérance religieuse.
 
 

La politique juive de Paoli : la suite dans les idées

Par-delà les vaines tentatives de sonder les cœurs et les reins, demeurent les actes. D’autant que le philosémitisme de Paoli ne fait guère de doute. Boswell en fait d’ailleurs état, soulignant que le Babbu identifiait le peuple corse à celui d’Israël14. Par ailleurs, cette question se retrouve à travers les années, de façon récurrente, dans la correspondance de Paoli.
Le 26 juin 1760, Paoli écrit à Antonio Rivarola :
« Si les juifs voulaient s’installer parmi nous, nous leurs accorderions un statut de citoyenneté et les privilèges pour se gouverner avec leurs propres lois. Parlez-en avec quelque rabbin autorisé15   ».

Le 8 novembre 1763, à Don Gregorio Salvini :
« Le juif Modigliani doit être arrivé à l’Île-Rousse, où nos nouveaux novices dans le commerce peuvent en personne s’arranger avec lui »16.

Le 29 janvier 1764, à nouveau au comte Antonio Rivarola :
« Monsieur l’abbé Giuliani se rend auprès de vous pour ouvrir quelque route commerciale à l’escale d’Île-Rousse ; cet objet intéresse beaucoup notre nation. Aussi, je vous prie de l’introduire afin qu’il traite avec les juifs, et avec les marchands anglais et hollandais »17.
Le 11 janvier 1765, Paoli écrit au Magistrato de Balagne :
« Comme nous désirons que s’accroisse toujours plus le commerce dans l’escale de l’Île-Rousse pour l’avantage des populations, nous voudrions aussi que les marchands étrangers, qui l’introduisent ne soient pas traités durement et obligés d’abandonner le trafic parce qu’ils ne disposent pas d’habitations et de magasins pour conserver leur marchandise »18.

Mais les autorités nationales ne sont pas les seules à s’intéresser à la question juive. Ainsi, le Consul de Gênes à Livourne s’en préoccupera-t-il encore en 1768, au moment où la petite armée corse affronte celle de Louis XV :
« On dit que les juifs de Londres et d’Amsterdam enverront dès que possible une grosse somme d’argent à Paoli pour qu’il s’en serve dans les circonstances actuelles et puisse continuer à défendre la liberté de la patrie »19.
De façon générale, cette politique juive de Paoli ne laisse pas indifférente l’opinion européenne. L’historien Franco Venturi cite notamment des articles de journaux écossais, le Weekly magazine et The Scots magazine où l’on pouvait lire en 1768 : « according to recent letters from Corsica, a number of opulent Jews from the Levant had lately arrived there with their family and effect… »20.
Il est vrai que la cause corse bénéficiait d’une vive sympathie dans certains milieux écossais…
 
 

Le « juif de l’Île-Rousse », personnage emblématique

Nous avons vu l’irruption dans la correspondance de Pasquale Paoli en novembre 1763 du fameux « juif Modigliani ». Il revient l’année suivante sous la plume du Général, dans une lettre à Antonio Rivarola :
« Autant que possible, nous privilégierons l’abbé Izzo dans le commerce du sel. Sans toutefois manquer à nos devoirs envers Modigliani »21.
Proche de Paoli, Antonio Rivarola avait été nommé en 1760 consul général de Sardaigne. Il s’était établi dès 1754 à Livourne où prospérait une importante communauté juive du fait des conditions favorables qui lui étaient consenties. C’est pourquoi, comme nous l’avons vu, Paoli s’adressa plusieurs fois à Rivarola, interlocuteur naturel s’agissant d’une telle affaire. Cette dernière se situait au croisement de deux questions importantes : d’une part l’éventuelle installation de juifs en Corse afin de stimuler les activités commerciales ; d’autre part le transport du sel, denrée essentielle en matière de production et de conservation alimentaires.

C’est dans ce contexte qu’apparaît Modigliani, « le juif de l’Île-Rousse », ou « le juif de Balagne ». Dans son récent ouvrage Casa Rivarola, Eugène Gherardi nous en dit davantage sur le personnage, s’appuyant sur un acte notarié :
« Elia Modigliani appartenait à la communauté juive de Livourne, pays où il était né, avait grandi et vivait. Comme la plupart de ses coreligionnaires, il était devenu négociant. En juillet 1763, il avait affrété une tartane chargée de sel et mis le cap en direction de la Corse. (…) Un contrat passé devant Bastiano Sanfiorenzo, notaire à Oletta, prévoyait que cette cargaison de sel soit livrée en partie dans les débarcadères de Farinole et de Meria. (…) Comme indiqué distinctement dans le contrat, Elia Modigliani assurait le “service public du Royaume” »22.
L’auteur – soulignant par ailleurs le caractère précoce de cette idée de « service public » – précise que le nom d’Elia Modigliani figure également dans le « registre des dépenses du port d’Île-Rousse tenu entre 1763 et 1764 par Emanuele Fondacci »23.

Une question demeure posée : le « juif Modigliani (…) arrivé à l’Île-Rousse »24  et le juif ayant obtenu le droit de vote dans la même ville sont-ils bien une même personne ? Si pour l’heure il ne semble pas exister de preuve écrite permettant de répondre de façon catégorique, une tradition a assimilé les deux figures pour en faire une seule, emblématique de la politique paolienne à l’égard des juifs. Au reste, cette question n’est sans doute pas la plus essentielle puisque, s’agissant du transport de sel d’une part et du droit de vote d’autre part, les faits sont en revanche parfaitement documentés.
 
 

De Paoli à Napoléon, une même volonté d’intégration des juifs à l’État

Dans le cadre du programme universitaire Paoli-Napoléon25, nous avons entrepris ces dernières années d’étudier ce qui, dans l’action politique de Napoléon, se situe en lien direct avec son éducation corse et paoliste, notamment en matière constitutionnelle, religieuse, éducative, etc. S’agissant de la question qui nous occupe ici, comment ne pas relever des similitudes dans les politiques de Paoli et de Napoléon vis-à-vis des juifs ? Le Dictionnaire Napoléon élaboré sous la direction de Jean Tulard consacre naturellement un article conséquent à cette question, signé Jacques Godechot. Evoquant l’acquisition par les juifs français de la qualité de citoyen (1791-92), l’auteur observe :
« C’était une situation à peu près unique au monde à cette époque. Seuls les Etats-Unis avaient accordé légalement la liberté et l’égalité aux juifs. Dans les pays réputés les plus “libéraux” à leur égard, la Hollande et la Grande-Bretagne, s’ils jouissaient d’une grande liberté, ils n’étaient pas légalement les égaux des autres sujets. »26

Ce faisant, J. Godechot oubliait le cas de la Corse paolienne, ce qui était d’autant plus fâcheux qu’il traitait précisément de l’action publique du plus célèbre des insulaires, admirateur de surcroît du Général de la nation. On peut en revanche adhérer pleinement à la conclusion de l’article. Après avoir mentionné quelques réserves sur un dispositif qui fut à l’époque contesté à certains égards27, J. Godechot relève que :
« …la législation de l’Empire sur les juifs a complété l’œuvre de la Révolution et, incontestablement, accéléré leur intégration et leur assimilation. (…) Quant à la religion juive, sauf en ce qui concerne les frais du culte, il l’a placée sur le même plan que la catholique ou la protestante, en lui donnant une organisation analogue, ce qui était une audacieuse innovation. Dans l’ensemble Napoléon a contribué, plus qu’en aucun autre pays, à l’assimilation des juifs de France »28.
Cette intégration des juifs à l'État, c’était très exactement ce que Paoli avait entrepris avant Napoléon, l’affaire du droit de vote « du juif de l’Île-Rousse » en étant l’expression la plus saillante.
S’agissant de l’action de Napoléon Bonaparte, rappelons également la libération, en 1797, des juifs du ghetto d’Ancône, mesure bientôt étendue à ceux de Rome, Venise, Vérone et Padoue.
 
 

En guise de conclusion

Une question en guise de conclusion : que retenir aujourd’hui de ces faits historiques ? Si l’on en croit Elie Barnavi, « Le sort fait aux juifs a toujours été un excellent indicateur de la santé morale d’une nation »29. D’une façon générale, nous le rappelions précédemment, les Corses n’ont pas à rougir à cet égard même si l’île ne fut évidemment pas exempte d’antisémitisme dans l’entre-deux-guerres et durant le second conflit mondial30. À notre époque, où bien souvent en Europe et ailleurs les juifs sont à nouveau pourchassés pour leur appartenance, il nous appartient de demeurer fidèles à l’héritage historique qui est le nôtre en rejetant résolument l’antisémitisme et le racisme, degré zéro de la civilisation.

 
 
 

Notes


1  Antoine Albertini, « Le kaddish perdu des juifs de Corse », Le Monde, 1er septembre 2007, lemonde.fr. Le titre de l’article fait référence au déclin de la pratique religieuse des juifs en Corse : « C'est la fierté et le tourment des juifs de Corse : avoir su s'intégrer à cette île que l'on dit rétive à l'étranger. Une île profondément catholique, aussi. Avoir su s'intégrer jusqu'à s'y être perdus, happés par la puissante attraction d'une culture méditerranéenne et cosmopolite… »
2  « Serge Klarsfeld : “La Corse est bien une île des Justes” », Corse-Matin, 4 juillet 2013, https://www.corsematin.com/article/corse/serge-klarsfeld-la-corse-est-bien-une-ile-des-justes
3  Istoria del Regno di Corsica scritta dall’abate Giovacchino Cambiagi, Fiorentino, 1770.
4  François René Jean de Pommeureul, Histoire de l’isle de Corse, Berne Société Typographique, 1779, tome second, p. 244.
5  Arrigo Arrighi, Histoire de Pascal Paoli ou La dernière guerre de l’indépendance (1755-1807), Paris, Charles Gosselin, 1843, tome Ier, p. 164 sqq.
6  Fernand Ettori, « La Révolution de Corse (1729-1769) », Histoire de la Corse, sous la direction de Paul Arrighi, Privat éditeur, Toulouse, 1971 ; Marie-Thérèse Avon-Soletti, La Corse et Pascal Paoli. Essai sur la constitution de la Corse, La Marge édition, 1999 ; Antoine-Marie Graziani, Pascal Paoli. Père de la patrie corse, Tallandier, 2002 ; Michel Vergé-Franceschi, Paoli. Un Corse des Lumières, Fayard, 2005.
7  Ragguagli dell’Isola di Corsica, 1760-1768, Edition critique établie par Antoine-Marie Graziani et Carlo Bitossi, Ed. Alain Piazzola, Ajaccio, 2010, année 1767, p. 654 sq. Traduction d’A.-M. Graziani. Notons les deux sens différents du mot nation, présents dans ce même texte : en premier lieu, « …les étrangers de toutes les nations » (ici, c’est le sens médiéval, à savoir un groupe humain lié par une origine commune, comme lorsque l’on parle de « nation picarde ») ; en second lieu, « jouir des privilèges des nationaux » (ici c’est le sens moderne, qui s’est développé au XVIIIe siècle et en Corse de façon très précoce, dès le début de la Révolution, à savoir la nation comme opératrice d’un destin commun, cimentée par un sentiment d’appartenance).
8  Guillaume Calafat, « L’indice de la franchise : politique économique, concurrence des ports francs et condition des Juifs en Méditerranée à l’époque moderne », Revue historique, vol. 686, no. 2, 2018, pp. 275-320.
9  Fernand Ettori, « La Révolution de Corse (1729-1769) », art. cit., p. 341. Voir également : Fernand Ettori, « La République paolienne », Le Mémorial des Corses, Ajaccio, 1982, vol. 2, p. 349.
10  Antoine-Marie Graziani, Pascal Paoli…op. cit., p. 141.
11  Ibid., p. 140.
12  Guillaume Calafat, « L’indice de la franchise… », art. cit.
13  « Questo nuovo stabilimento, benché composto la maggior parte di forestieri di diverse nazioni e sette, ha ottenuto di poter mandare il suo procuratore alla consulta. Si volea escludere un ebreo dal votare per la elezione ; ma egli si fece sentire, ed ebbe rescritto favorevole. La libertà in Corsica non confessa, ne si consulta colla inquisizione ». Lettre du 5 juillet 1767 à Corte. Lettres de Pascal Paoli, publiées par le Docteur Louis-Antoine Perelli, Société des Sciences Historiques et Naturelles de la Corse, Ollagnier, Bastia, 1899, p. 53 sq. (en ligne sur gallica.bnf.fr). La traduction est de l’auteur de l’article.
14  James Boswell, An account of Corsica, The journal of a tour to that island ; and memoirs of Pascal Paoli, The second edition, London, Edward and Charles Dilly in the Poultry, 1768, p. 323 sq.
15  Pascal Paoli, Correspondance, Edition critique établie par Antoine-Marie Graziani et Carlo Bitossi, Editions Alain Piazzola, 2010, vol. IV, p. 58 sqq.
16  Pascal Paoli, Correspondanceop. cit., 2015, vol. VI, p. 148 sq.
17  Ibid., p. 266 sq.
18  Pascal Paoli, Correspondanceop. cit., 2018, vol. VII, p. 242 sq.
19  Gio Antonio Gavi, le 30 novembre 1768. Lettre citée par Franco Venturi (Settecento riformatore, « L’Italia dei Lumi [1764-1790] », Einaudi, Torino, 1987, p. 46).
20  Franco Venturi, Settecento riformatore, « L’Italia dei Lumi [1764-1790] », op.cit., p. 46.
21  Lettres de Pascal Paoli, publiées par le Docteur Louis-Antoine Perelli, op. cit., 1888, p. 700 (en ligne sur gallica.bnf.fr)La traduction est de l’auteur de l’article.
22  Eugène F.-X. Gherardi, Casa Rivarola, Université de Corse/Éditions Alain Piazzola, Ajaccio, 2023, p. 228 sq. Le document se trouve aux archives de la Collectivité de Corse, Bastia, registre 3E3/25.
23  Ibid., p. 229. Archives de la Collectivité de Corse, Bastia, fonds du gouvernement corse, 42.
24  Voir supra.
25  Programme scientifique intégré au projet de l’UMR Lisa de l’Université de Corse et à la Chaire Unesco « Devenirs en Méditerranée ».
26  Article « Juifs » du Dictionnaire Napoléon, Fayard, 1987-1999, 2e volume, I-Z, p. 97.
27  Nous pensons ici au décret du 17 mars 1808 qualifié d’« infâme », visant notamment à réglementer l’usure, qui eut pour effet d’annuler ou de fragiliser les créances détenues par les juifs.
28  Article « Juifs » du Dictionnaire Napoléon, art. cit., p. 100.
29  Interview dans Le Nouvel Observateur du 24 juillet 2014.
30  Voir sur ce point la thèse d’Olivier Jacques, Traits et portraits d’épurés d’une Corse en noir et blanc. L’épuration en Corse 1943-1953, équilibrée et d’une grande rigueur scientifique (Université de Caen Normandie, le 25 mars 2022).

 
 
 

Bibliographie

  • Arrigo Arrighi, Histoire de Pascal Paoli ou La dernière guerre de l’indépendance (1755-1807), Paris, Charles Gosselin, 1843.
  • Marie-Thérèse Avon-Soletti. La Corse et Pascal Paoli, Essai sur la constitution de la Corse, La Marge édition, 1999.
  • James Boswell, An account of Corsica, The journal of a tour to that island ; and memoirs of Pascal Paoli, The second edition, London, Edward and Charles Dilly in the Poultry, 1768.
  • Guillaume Calafat, « L’indice de la franchise : politique économique, concurrence des ports francs et condition des Juifs en Méditerranée à l’époque moderne », Revue historique, vol. 686, no. 2, 2018, pp. 275-320.
  • Giovacchino Cambiagi, Istoria del Regno di Corsica, Fiorentino, 1770.
  • Fernand Ettori, « La Révolution de Corse (1729-1769) », Histoire de la Corse, sous la direction de Paul Arrighi, Privat éditeur, Toulouse, 1971. 
  • Fernand Ettori, « La République paolienne », in Le Mémorial des Corses, Ajaccio, 1982, vol. 2, p. 349.
  • Eugène F.-X. Gherardi, Casa Rivarola, Université de Corse/Éditions Alain Piazzola, Ajaccio, 2023.
  • Jacques Godechot, article « Juifs » du Dictionnaire Napoléon, Fayard, 1987-1999, 2e volume, I-Z, p. 97.
  • Antoine-Marie Graziani, Pascal Paoli. Père de la patrie corse, Tallandier, 2002.
  • Antoine-Marie Graziani et Carlo Bitossi, Ragguagli dell’Isola di Corsica, 1760-1768, Edition critique, Ed. Alain Piazzola, Ajaccio, 2010.
  • Jérémy Guedj, Les Juifs en Corse : mythes et réalités d’une présence fantasmée, https://www.academia.edu/37367921/Les_Juifs_en_Corse
  • Olivier Jacques, Traits et portraits d’épurés d’une Corse en noir et blanc. L’épuration en Corse 1943-1953, thèse soutenue à l’Université de Caen Normandie, le 25 mars 2022.
  • Pascal Paoli, Correspondance, Edition critique établie par Antoine-Marie Graziani et Carlo Bitossi, Editions Alain Piazzola, publication à partir de 2004.
  • Pascal Paoli, Lettres publiées par le Docteur Louis-Antoine Perelli, Société des Sciences Historiques et Naturelles de la Corse, Ollagnier, Bastia, 1888-1899 (en ligne sur gallica.bnf.fr).
  • François René Jean de Pommeureul, Histoire de l’isle de Corse, Berne, Société Typographique, 1779.
  • Franco Venturi, Settecento riformatore, « L’Italia dei Lumi [1764-1790] », Einaudi, Torino, 1987.
  • Michel Vergé-Franceschi, Paoli. Un Corse des Lumières, Fayard, 2005.
 
 
Vendredi 31 Mai 2024
Jean-Guy Talamoni




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https://www.tribunejuive.info/2015/08/26/lhistoire-des-juifs-en-corse/
L'histoire des juifs en Corse
L’histoire des Juifs en Corse remonte à plusieurs centaines d’années. Les premières traces d’une présence juive dans l’ile se situent aux alentours de l’an 800.
A cette époque, une importante immigration venue d’Egypte s’est installée dans le Sud de la Corse ; une grande partie de ces femmes et hommes juifs parlaient et écrivaient l’hébreu. La majorité d’entre eux s’est implantée à proximité d’un village dénommé Levie (la bien nommée), situe à l’intérieur des terres à 20 km environ de Porto-Vecchio. Par la suite, les membres de la communauté se sont dispersés un peu partout dans l’ile en devenant partie intégrante de la population autochtone et dans certains villages de montagne, des églises gardent encore la trace de documents rédigés en hébreu à côté de ceux rédigés en latin. Bien des siècles plus tard, dans les années 1500-1530, environ 1000 Juifs de la région de Naples trouvèrent refuge en Corse, fuyant très certainement une persécution locale, et ils s’installèrent dans les régions montagneuses du centre de l’ile. En l’an 1684, la ville de Padoue, située en Italie, qui était peuplée en grande partie par des Juifs qui habitaient un ghetto édifié en 1516, fut le théâtre de violences dirigées contre ses citoyens juifs, dont une partie faillit se faire lyncher. Une rumeur malveillante selon laquelle leurs coreligionnaires de Buda, avaient commis des actes de cruauté contre les Chrétiens de la ville hongroise, déclencha cette flambée de brutalité dirigée contre la communauté juive de la ville. C’est grâce à l’intervention d’un père Franciscain nomme Père Marco qui écrivit une lettre afin de dénoncer cette mystification, que la communauté juive échappa au massacre annoncé. Une grande partie de la communauté juive de Padoue décida à la suite de ces événements d’émigrer sous d’autres cieux plus cléments. Certains arrivèrent en Corse, et les habitants les nommèrent Padovani, ce qui signifie : venu de Padoue. Le nom de famille Padovani est un nom très répandu de nos jours en Corse.

Les Rois de France expulsent les Juifs, les Corses les invitent pour régénérer l’ile

Mais la plus importante vague d’immigration juive qu’ait connue la Corse se situe entre les années 1750 et 1769. La première république constitutionnelle et démocratique d’Europe venant de naitre, le leader de l’époque Pascal Paoli fit venir en Corse entre 5000 et 10000 Juifs du nord de l’Italie, (les chiffres varient selon les sources) de Milan, de Turin ainsi que de Gènes pour revitaliser l’ile suite à 400 ans d’occupation génoise. Afin de les rassurer sur leur intégration et sur la volonté du peuple corse de les considérer comme leurs égaux, ce même Paoli fit une déclaration destinée aux nouveaux venus : “Les Juifs ont les mêmes droits que les Corses puisqu’ils partagent le même sort”. Cela fit comprendre aux Juifs qu’ils étaient des citoyens à part entière et qu’ils bénéficiaient d’une totale liberté de culte, ce qui n’était pas le cas dans bon nombre de pays.

En réalité, c’est plus de 25% de la
population corse qui aurait des origines juives.

Ces immigrants portaient pour la plupart des noms à consonance ashkénaze, qui étaient très difficilement prononçables par la population locale. Une partie d’entre eux étant roux, ils se virent affubles du surnom de Rossu qui signifie rouge et désigne les rouquins ce qui donne au pluriel Rossi, nom extrêmement répandu en Corse. En réalité, c’est plus de 25% de la population corse qui aurait des origines juives. En lisant les états civils, on peut facilement s’en rendre compte : les noms tels que Giacobbi, Zuccarelli, Costantini, Simeoni… très communs dans l’ile de Beauté, ne laissent planer aucun doute quant à leur origine.

Le nombre peu important des membres de la communauté juive, ajoute au fait que les Corses n’ont fait aucune différence entre les originaires de l’ile et ces nouveaux venus, est très certainement à l’origine d’un grand nombre de mariages mixtes qui déclenchèrent une assimilation quasi-totale. Malgré cela, les signes sur l’ile de beauté d’une ancienne présence juive y sont très nombreux ; un exemple probant en est le nom d’un village Cazalabriva qui selon plusieurs sources concordantes viendrait de: casa di l’ebreo, littéralement la maison de l’hébreu (le mot juif n’existant pas en Corse). Ou bien encore, de nos jours dans certaines régions, il subsiste une tradition très ancienne de donner aux nouveau-nés des prénoms d’origine hébraïque tel que Mouse (Moise) etc. …

Plus proche de nous, durant la seconde guerre mondiale, alors que la Corse était occupée par les fascistes italiens, les habitants de l’ile se mobilisèrent pour aider les Juifs à se cacher. Avec les moyens du bord, ils aidèrent hommes, femmes et enfants à se refugier dans les villages de montagne. Un haut fonctionnaire français accomplit un travail admirable et, au mépris de sa vie, sauva à lui seul, plusieurs dizaines de Juifs. Il s’agit du sous préfet de Sartène Pierre-Joseph Jean Jacques Ravail. Il travaillait avec le réseau mis en place par les partisans de Paul Giacobbi, grand père de l’actuel préfet de Haute-Corse qui refusait d’opter pour la voie de la collaboration.

La Corse apporta sa contribution à la création de l’Etat d’Israël.

La Corse eut donc une attitude plus qu’honorable envers les Juifs persécutés, et pas seulement pendant la Seconde guerre mondiale. En effet, c’est le seul endroit en Europe ou l’on n’eut jamais à déplorer des actes antisémites, et cela mérite d’être dit. En 1947, la Corse apporta sa contribution à la création de l’Etat d’Israël. Des Corses d’alors décidèrent de secourir les combattants juifs luttant pour leur indépendance et pour former leur Etat. Leur mission: accueillir des avions qui vont être bourrés d’armes pour s’envoler vers des lieux gardés par la Haganah. Ajaccio est alors choisie comme piste d’atterrissage. Des hommes, parmi eux des policiers mais aussi des voyous, rendent visite au préfet de l’époque; il a pour nom … Maurice Papon.
L’homme a un passé confus, trois Corses lui expliquent que l’aéroport d’Ajaccio sera réservé à ces transports d’armes. Les Corses bénéficient de l’accord du gouvernement socialiste qui ne peut agir ouvertement. Maurice Papon ferme donc les yeux et il laissera filer parait-il le bébé. Les armes transiteront par la Corse pour s’évaporer vers le futur Etat juif. Il ne faut pas oublier de souligner qu’hormis toutes les vagues d’immigration juive qu’ait pu connaitre la Corse, des individus isolés sont venus s’y installer, provenant notamment des communautés juives d’Afrique du nord.
De nos jours, la communauté juive de l’ile, très peu nombreuse, se concentre essentiellement à Bastia. Son président Mr Ninio, natif de Tibériade, ouvre deux fois dans l’année la synagogue qui possède deux Rouleaux de la Torah en parfait état: pour Roch Hachana, le jour de l’an Juif et Yom Kipour. Les jeunes, pour la plupart, quittent l’ile pour aller étudier sur le continent et bien souvent ils y rencontrent leur moitié et s’y installent définitivement. Il existe en Corse de très nombreuses personnes soutenant l’Etat d’Israël dans la période difficile qu’il traverse actuellement.
Parmi ces amis d’Israël, certains sont allés jusqu’a écrire des missives au président français Jaques Chirac, à la Haute Cour internationale de La Haye ainsi qu’aux medias français, afin de dénoncer la politique européenne et française, en particulier, toujours pro palestinienne. Ce soutien inconditionnel s’explique en partie par le fait que beaucoup de corses ont le sentiment qu’il y a un gouffre entre ce qui se passe réellement et ce qui se dit dans les medias Français au sujet de ces deux communautés.
Du reste, une association Corse – Israël s’est créée afin de rapprocher les deux communautés et de développer le dialogue entre elles.
http://www.harissa.com/news/article/lhistoire-des-juifs-en-corse
https://cclj.be/article/le-renouveau-juif-en-corse/1

Le renouveau juif en Corse
Laurent-David Samama
C’est une histoire aussi longue que méconnue remontant à l’an 800. Fuyant les persécutions, un contingent de Juifs moyen-orientaux erre en Méditerranée, avant de trouver finalement refuge en Corse. Parlant et écrivant l’hébreu, cet ersatz de tribu égaré se dirige en premier lieu vers la région dite de l’Alta Rocca, près de la ville de Sartène.
Elle y achèvera finalement son parcours, dans un petit village curieusement appelé Levie (prononcez « Lévi »), 728 habitants au dernier recensement. « Entre l’an 800 et le 18e siècle », explique un article publié récemment dans Corse Matin, « c’est par dizaines de milliers que les Juifs auraient trouvé refuge dans l’intérieur des terres, fuyant les persécutions dont ils ont été victimes aux quatre coins de la Méditerranée ». Au fil des siècles, au gré des irruptions de violences et autres pogroms, des milliers de coreligionnaires suivront les primo-arrivants de Levie.

Issus de la Naples voisine ou du ghetto de Padoue, l’arrivée de ces néo-Corses fut d’autant mieux admise et même encouragée qu’elle fut perçue comme un moyen de redynamiser la vie locale. Difficile, néanmoins, d’évaluer avec précision l’empreinte juive sur l’île de Beauté.

Alors même que des patronymes corses très courants (Padovani, Giacobbi, Simeoni) semblent tout droit tirés du répertoire israélite, les historiens bataillent toujours sur la question de l’origine chrétienne ou juive de ces noms de famille. Une question complexe et relativement neuve au regard de la longue histoire juive de l’île. L’historien Antoine-Marie Graziani date ce regain d’intérêt « à une trentaine d’années tout au plus ».
C’est à la faveur d’un message posté sur les réseaux sociaux que cette histoire complexe a resurgi. Le 16 janvier dernier, Antoine Albertini, rédacteur en chef à Corse Matin, évoque sur Twitter les violences antisémites en Seine-Saint-Denis, un cauchemar récurrent qui pousse un nombre croissant de familles juives à quitter le département. Il écrit : « RAPPEL. Amis juifs, vous quittez l’Ile-de-France ? Venez dans l’île de Corse : tout le monde vous foutra la paix (cf. Seconde Guerre mondiale) ». Sur la toile, des dizaines d’exhortations semblables existent. Toutes s’enorgueillissent du noble passé résistant de l’île. Sous le régime de Vichy, tandis que toute l’administration métropolitaine collabora, les autorités locales corses refusèrent de livrer leurs Juifs. Grâce à de faux rapports départementaux et préfectoraux remis aux nazis, des milliers d’israélites furent ainsi sauvés d’une mort certaine. Un passé que la population autochtone se réapproprie désormais avec force, alors que l’antisémitisme resurgit sur le territoire national.

Autre signe, et pas des moindres : l’arrivée d’un jeune rabbin, Levi Pinson, sur l’île. Ce dernier explique : « La Corse n’avait plus de rabbin jusqu’à mon arrivée fin 2016. J’officie à Ajaccio et quand il y a besoin, je vais aussi dans d’autres villes pour des événements ou des cérémonies. C’est important pour les prières rituelles, les enterrements ou des cérémonies plus joyeuses. Le fait qu’il y ait un rabbin dépanne pas mal de personnes ».
Le début d’un renouveau ? 
https://www.corsenetinfos.corsica/Terra-Prumessa-l-epopee-des-familles-juives-en-Corse-un-recit-de-Steve-Coulom_a76179.html
corsenetinfos.corsica/Terra-Prumessa-l-epopee-des-familles-juives-en-Corse-un-recit-de-Steve-Coulom_a76179.html
https://www.jforum.fr/les-juifs-de-corse-une-histoire-si-meconnue.html
Les juifs de Corse: une histoire méconnue
23 août 2016
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© FTVIASTELLA L’une des rares affiches brandies à Bastia en soutien aux Juifs, lors de la manifestation Charlie Hebdo, le 11 janvier
Les premières traces d’une présence juive dans l’île de Beauté  remontent aux alentours de l’an 800.  A cette époque, une importante immigration venue d’Egypte s’est installée dans le Sud de la Corse ; une grande partie de ces femmes et hommes juifs parlaient et écrivaient l’hébreu. La majorité d’entre eux s’est implantée à proximité d’un village dénommé Levie (la bien nommée), situe à l’intérieur des terres à 20 km environ de Porto-Vecchio.
Par la suite, les membres de la communauté se sont dispersés un peu partout dans l’île en devenant partie intégrante de la population autochtone et dans certains villages de montagne, des églises gardent encore la trace de documents rédigés en hébreu à côté de ceux rédigés en latin.
Bien des siècles plus tard, dans les années 1500-1530, environ 1000 Juifs de la région de Naples trouvèrent refuge en Corse, fuyant très certainement une persécution locale, et ils s’installèrent dans les régions montagneuses du centre de l’île.
En l’an 1684, la ville de Padoue, située en Italie, qui était peuplée en grande partie par des Juifs qui habitaient un ghetto édifié en 1516, fut le théâtre de violences dirigées contre ses citoyens juifs, dont une partie faillit se faire lyncher. Une rumeur malveillante selon laquelle leurs coreligionnaires de Buda, avaient commis des actes de cruauté contre les Chrétiens de la ville hongroise, déclencha cette flambée de brutalité dirigée contre la communauté juive de la ville.
C’est grâce à l’intervention d’un père franciscain nomme Père Marco qui écrivit une lettre afin de dénoncer cette mystification, que la communauté juive échappa au massacre annoncé.
Une grande partie de la communauté juive de Padoue décida à la suite de ces événements d’émigrer sous d’autres cieux plus cléments. Certains arrivèrent en Corse, et les habitants les nommèrent Padovani, ce qui signifie : venu de Padoue. Le nom de famille Padovani est un nom très répandu de nos jours en Corse.
Les Rois de France expulsent les Juifs, les Corses les invitent pour régénérer l’île
Mais la plus importante vague d’immigration juive qu’ait connue la Corse se situe entre les années 1750 et 1769.
La première république constitutionnelle et démocratique d’Europe venant de naître, le leader de l’époque Pascal Paoli fit venir en Corse entre 5000 et 10000 Juifs du nord de l’Italie, (les chiffres varient selon les sources) de Milan, de Turin ainsi que de Gènes pour revitaliser l’île suite à 400 ans d’occupation génoise.
Afin de les rassurer sur leur intégration et sur la volonté du peuple corse de les considérer comme leurs égaux, ce même Paoli fit une déclaration destinée aux nouveaux venus : « Les Juifs ont les mêmes droits que les Corses puisqu’ils partagent le même sort ».
Cela fit comprendre aux Juifs qu’ils étaient des citoyens à part entière et qu’ils bénéficiaient d’une totale liberté de culte, ce qui n’était pas le cas dans bon nombre de pays.
Ces immigrants portaient pour la plupart des noms à consonance ashkénaze, qui étaient très difficilement prononçables par la population locale. Une partie d’entre eux étant roux, ils se virent affubles du surnom de Rossu qui signifie rouge et désigne les rouquins ce qui donne au pluriel Rossi, nom extrêmement répandu en Corse.
En réalité, c’est plus de 25% de la population corse qui aurait des origines juives. En lisant les états civils, on peut facilement s’en rendre compte : les noms tels que Giacobbi, Zuccarelli, Costantini, Simeoni… très communs dans l’ile de Beauté, ne laissent planer aucun doute quant à leur origine.
Le nombre peu important des membres de la communauté juive, ajoute au fait que les Corses n’ont fait aucune différence entre les originaires de l’île et ces nouveaux venus, est très certainement à l’origine d’un grand nombre de mariages mixtes qui déclenchèrent une assimilation quasi-totale.
 Malgré cela, les signes sur l’île de beauté d’une ancienne présence juive y sont très nombreux ; un exemple probant en est le nom d’un village Cazalabriva qui selon plusieurs sources concordantes viendrait de: casa di l’ebreo, littéralement la maison de l’hébreu (le mot juif n’existant pas en Corse). Ou bien encore, de nos jours dans certaines régions, il subsiste une tradition très ancienne de donner aux nouveau-nés des prénoms d’origine hébraïque tel que Mouse (Moise).
Quand la Première Guerre mondiale éclate, la Syrie et la Palestine deviennent un enjeu entre puissances occidentales : Ottomans alliés aux Allemands contre Français, Anglais et leurs alliés arabes de l’autre. Il faut choisir entre être Turcs ou rester marocains alors sous protectorat français. A l’été 1915, 740 juifs marocains et Algériens (colonie française) sont évacués par les Américains mandatés par des juifs sionistes et philanthropes américains. A nouveau la valise.
Ils laissent tout sur place et sont parqués par les Turcs dans les ports de Beyrouth et Jaffa pour être expulsés. Des bateaux américains les embarquent à Jaffa (-voir ci dessous)
 
Jaffa
On erre en Méditerranée à la recherche d’un lieu où débarquer. L’Egypte, Chypre, refusent ces loqueteux. La Canée en Crète les accepte, un immense camp de réfugiés pour 6 mois. Le papa de Guy et Benny Sabbagh à deux ans et demi. Leur grand-père Tolédano est scandalisé… les juifs en grand habit oriental jusqu’aux pieds se baissent devant tout le monde, embrassent les mains… un Tolédano, un prince de Meknès dont la famille est partie en 1870 de la ville la plus religieuse du Maroc ne se comporte pas ainsi !
Le délégué de l’Alliance venu de Salonique fustige leurs « accoutrements ». Il demande que tout le monde s’habille à l’occidentale avec costume et chapeau. Il donne même des primes aux tailleurs pour ce faire ! On se cotise et on achète du tissu et les tailleurs du camp découpent de beaux habits comme à Paris.
Mais en septembre 1915 les autorités grecques décident de supprimer l’autorisation de résidence des citoyens ou protégés français en Crète. Adieu la Crète !
Ajaccio
Heureusement Dieu veille et l’Alliance israélite universelle le précède ! Où caser tous ces immigrés  « français »? Mais bien sûr ! Dans la Corse qui se dépeuple ! Direction Ajaccio. La marine française les débarque à Ajaccio. Il y a là aussi quelques serbes (photo)
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Des réfugiés ? Des pourchassés ? La solidarité Corse s’organise comme un seul homme. Les dames du monde ajaccien (photo ci dessous) autour de Mme Henry, l’épouse du préfet rivalisent pour aider ces miséreux. Un grand élan populaire vient au secours de ces 740 démunis, des « Syriens », qui ne parlent que l’arabe et l’hébreu. Elles se dévouent, cousent des habits pour eux (photo, remarquez l’habit oriental à gauche). Fait marquant : on peut lire sur les bulletin de paie des instituteurs que ceux-ci ont versé une partie de celle-ci pour payer le tissus qui permet de réaliser des habits européens pour les « syriens » !
Enfants réfugiés juifs à Ajaccio en 1916
Enfants réfugiés juifs à Ajaccio en 1916
Une cinquantaine de familles, 180 personnes, sont transférées à Bastia en février 1916. L’île est très pauvre mais la foule accueille de manière enthousiaste les « réfugiés syriens » ! Celui qui ne connait pas la générosité corse n’a jamais rencontré un homme !
Après la première guerre mondiale, la paix retrouvée, en 1920, une partie de la communauté repart en Eretz Israël. Mais là bas c’est la misère, certains reviennent en Corse.
Certains juifs de Bastia ou de la liste d’arrivée en Corse à Ajaccio, comme les corses de la diaspora, auront bientôt des noms réputés. Ainsi Moïse Jacob Toledano (44 ans, voir 5 ème ligne sur la liste ci-dessous) qui s’occupe des études juives à Ajaccio et qui vit en Corse jusqu’en 1920. Il deviendra Ministre des Affaires Religieuses dans le gouvernement Ben-Gourion de 1958 à sa mort en 1960, pars avoir été le rabbin en chef à Tanger en 1926 puis Dayan d’Alexandrie en Egypte, voyageant en Syrie et en Irak à la recherche d’anciens manuscrits. Léon Tolédano le frère du rabbin Tolédano, lui, deviendra milliardaire en dollars ! après avoir construit le quartier Toldéano à Bastia il va devenir milliardaire au Mexique et aux Etats-Unis… il construit la moitié de la Nouvelle Orléans… puis en Israël.
Durant la Seconde guerre mondiale, alors que la Corse était occupée par les fascistes italiens, les habitants de l’île se mobilisèrent pour aider les Juifs à se cacher.  Avec les moyens du bord, ils aidèrent hommes, femmes et enfants à se réfugier dans les villages de montagne.
Un haut fonctionnaire français accomplit un travail admirable et, au mépris de sa vie, sauva à lui seul, plusieurs dizaines de Juifs. Il s’agit du sous préfet de Sartène Pierre-Joseph Jean Jacques Ravail. Il travaillait avec le réseau mis en place par les partisans de Paul Giacobbi, grand père de l’actuel préfet de Haute-Corse qui refusait d’opter pour la voie de la collaboration.
La Corse a eu une attitude plus qu’honorable envers les Juifs persécutés. En effet, c’est le seul endroit en Europe ou l’on n’eut jamais à déplorer des actes antisémites. Cependant la réalité est à nuancer: La Corse île Juste ? Un excès d’honneur selon Yad Vashem
En 1947, la Corse apporta sa contribution à la création de l’Etat d’Israël. Des Corses d’alors décidèrent de secourir les combattants juifs luttant pour leur indépendance et pour former leur Etat. Leur mission: accueillir des avions qui vont être bourrés d’armes pour s’envoler vers des lieux gardés par la Haganah. Ajaccio est alors choisie comme piste d’atterrissage.
Il ne faut pas oublier de souligner qu’hormis toutes les vagues d’immigration juive qu’ait pu connaitre la Corse, des individus isolés sont venus s’y installer, provenant notamment des communautés juives d’Afrique du nord
De nos jours, la communauté juive de l’île, très peu nombreuse, se concentre essentiellement à Bastia. Son président Mr Ninio, natif de Tibériade, ouvre deux fois dans l’année la synagogue qui possède deux Rouleaux de la Torah en parfait état: pour Roch Hachana, le jour de l’an Juif et Yom Kipour.
Les jeunes, pour la plupart, quittent l’ile pour aller étudier sur le continent et bien souvent ils y rencontrent leur moitié et s’y installent définitivement. Il existe en Corse de très nombreuses personnes soutenant l’Etat d’Israël dans la période difficile qu’il traverse actuellement
. Parmi ces amis d’Israël, certains sont allés jusqu’à écrire des missives au président français Jaques Chirac, à la Haute Cour internationale de La Haye ainsi qu’aux médias français, afin de dénoncer la politique européenne et française, en particulier, toujours pro palestinienne.
Ce soutien inconditionnel s’explique en partie par le fait que beaucoup de Corses ont le sentiment qu’il y a un gouffre entre ce qui se passe réellement et ce qui se dit dans les médias Français au sujet de ces deux communautés.
En Corse, la petite communauté juive, estimée à moins d’une centaine de personnes, ne ressent pas cette insécurité qui pourrait la pousser à quitter l’île.

La petite communauté juive de Corse ne se sent pas menacée
Debora Bardini, ajaccienne de confession israélite; Daniel Bueno, bastiais de confession israélite; Nicolas Antonelli, président de l’association Corse-Israël. EQUIPE: Caroline Ferrer, Thierry Guespin, Dominique Lameta
« On vit en Corse, on est bien (…) Chacun pratique son culte personnellement, il n’y a pas besoin de l’étaler dans la rue », explique Debora Bardini, ajaccienne de confession israélite. « Si un jour je me sens en danger, (…) et j’espère que cela n’arrivera jamais, je partirais là-bas », ajoute-t-elle.
Cette émigration vers Israël est très marginale en Corse. « Les derniers qui sont partis sont des retraités », explique Daniel Bueno, bastiais de confession israélite. « Ils veulent y vivre pour retrouver leurs parents, leurs amis, mais ils n’avaient aucune raison de partir ».
« Je pense qu’en Corse, ce sont des démarches plus ou moins individuelles. Il n’y a pas pour l’instant, grâce à Dieu, de menaces qui visent la communauté juive », ajoute Nicolas Antonelli, président de l’association Corse Israël.
L’association Corse Israël, œuvre depuis une dizaine d’années pour le développement des relations entre la Corse et l’état d’Israël avec notamment la mise en place de jumelage entre les villes.
Source 1  extrait didier.long
Une très bonne nouvelle, en septembre aura lieu à Bastia. L’initiative des expositions à Bastia et à Montpellier sur les Juifs de  en Corse pendant la Première Guerre mondiale a été réalisée par la joyeuse équipe du Centre Fleg de Marseille dirigée par Martine Yana.
« Juifs réfugiés en Corse pendant la Première Guerre mondiale »
Affiche
La Mairie de Bastia, en la personne de M. de Philippe PERETTI, adjoint au Maire, Délégué à la valorisation du Patrimoine , a donné son accord pour cette exposition, qui retrace une partie de l’histoire de l’île et de Bastia où la communauté juive est encore présente. La communauté israélite de Bastia et des juifs de la « diaspora » corse (Guy et Benny Sabbagh) participent à cette exposition. La Maison de la Corse à Marseille a donné un sérieux coup de main.
Cette exposition montre, s’il le fallait, les liens profonds entre les peuples Corse et Juif. Comment, en 1915, sont arrivée à Ajaccio 740 juifs syriens, vêtus à l’oriental, dont une partie a rejoint Bastia. Ces « syriens » juifs en fuite, chassés par les Turcs en Terre d’Israël à Tibériade, expulsés par les grecs de la Canée en Crète où ils avaient trouvé refuge au bout de 6 mois , ont été accueillis avec sollicitude par les Corse à Ajaccio puis à Bastia.
On remarque d’émouvants témoignages de la solidarité et de l’hospitalité corse qui n’ont rien de « légendaires ». Comme ces fiches de paie des instituteurs d’Ajaccio qui ont pris sur leurs salaires pour vêtir des enfants, des femmes et des hommes. Ces femmes et ces hommes ont immédiatement créé une école pour les enfants (photo), appris la langue Corse en plus du judéo-arabe et de l’hébreu !… En un an ils s’étaient tous trouvé un travail, et se sont fondus dans la population. Juifs et Corses à la fois.
Tout cela n’était que la préfiguration du fait bien connu que la Corse, pendant la seconde guerre mondiale et c’est le seul département français à avoir agi ainsi, de concert avec le peuple, le préfet de l’époque et les autorités de l’île ont désobéi aux ordres venus de Vichy… et n’ont pas « donné » les juifs promis aux camps, aux nazis. Les « syriens » en vadrouille en méditerranée… étaient alors devenus des « touristes » munis de vrais faux-papiers !
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La femme du préfet et les dames de la société ajaccienne offrant des habits aux réfugiés « syriens », à gauche un rabbin en habit oriental
article de journal de l'époque montrant la descente du bateau des "syriens"
Le départ en 1920 d'une partie des "syriens" vers la terre d'Israël
Les "syriens" à Ajaccio et quelques serbes
La liste des réfugiés, on y remarque Jacàb-Moïse Tolédano, futur ministre des affaires religieuses du gouvernement Ben Gourion
L'école des enfants "syriens" à Ajaccio

 


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