Pierre PASCALLON
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Pierre Pascallon
CLUB PARTICIPATION ET PROGRES. 30 MARS 2020. GRANDE CONFERENCE :
Madame, Monsieur
Je vous prie de bien vouloir trouver en pièce jointe notre invitation à la conférence du :
30 Mars 2020.
30 Mars 2020.
Votre présence me comblerait.
J'espère vraiment vous saluer le 30 Mars 2020.
Si vous avez des questions relatives à cette conférence, vous pouvez les poser à l'adresse du "Club Participation et Progrès" indiquée ci-dessous :
Mille merci.
Bien sincèrement et respectueusement.
Pierre Pascallon
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Pierre PASCALLON
V- l' A.P.D.A.
Pierre PASCALLON
« QUAND L’EUROPE ETAIT LE MONDE... et rêve de le redevenir. »
Editions REDCOX
Sommaire
Introduction
I – Il y a bien eu une domination mondiale de l’Europe du XVe au XIXe
II – Il y a eu affaiblissement mondial de la domination de l’Europe au XXe siècle
III - L’Europe peut-elle revenir au 1er rang mondial au XXIe siècle ?
ANNEXE I : « Sur les classiques »
ANNEXE II : « L’Europe en 1789, 1815,1914 »
ANNEXE III : « L’Union européenne »
Bibliographie
Introduction
• L’Europe ? Qui veut saisir un territoire, la vie des hommes qui l’animent... doit faire appel d’abord à la géographie. La géographie qui nous apprend que l’Europe est l’une des cinq parties du monde comprises entre la mer glaciale Arctique au nord, l’océan Atlantique à l’ouest, la Méditerranée et ses annexes, ainsi que le Caucase au sud, la mer Caspienne, les Monts Oural, le fleuve Oural à l’Est (Cf. carte l’Europe). Reste que cette partie du monde – le « Vieux Continent européen » pour reprendre une terminologie très ressassée – est, par rapport aux autres parties du monde, le plus petit des continents et sa partie la moins individualisée.
Elle n’est pas en effet, comme l’Amérique ou l’Australie, entourée d’océans qui la délimiteraient avec exactitude. Elle n’est séparée de l’Afrique que par une mince coupure maritime (détroit de Gibraltar). Et – c’est la question centrale, latente qui va parcourir les réflexions de cet ouvrage –, cette Europe continentale est très difficile à délimiter vers l’est tant elle est soudée à l’Asie. Où s’arrête l’Europe ?
L’historien russe Vassili Tatichtchevo dit « l’Oural »... devenu avec lui la limite, la frontière, la barrière entre deux mondes : l’Europe et l’Asie. Et on va ainsi parler de l’Europe comme de la partie occidentale du continent eurasiatique, comme – en s’appuyant sur Paul Valéry – le petit cap du continent asiatique.
• Cette vieille Europe continentale va bien sûr – on le sait – avoir un poids, occuper une place, jouer un rôle plus ou moins important selon les périodes de l’histoire du monde. On le voit déjà en retraçant – à la « Braudel-Perroux » – cette histoire du monde avec les dominations successives de puissance et de civilisation, en se centrant plus précisément sur l’évolution et la succession des pôles économiques dominants.
Sans trop caricaturer, en remontant donc les siècles à grandes enjambées en ayant en arrière- fond les cycles hégémoniques que l’on vient de présenter à l’instant, on peut dire que l’on va avoir une domination mondiale de l’Europe du XVe au XIXe siècle – on a alors un véritable « monopole » de l’Europe sur l’histoire du monde –, puis un affaiblissement de cette domination au XXe siècle.
I – Il y a bien eu une domination mondiale
de l’Europe du XVe au XIXe
L’Europe continentale – le Vieux Continent européen1 – va commencer à s’imposer dans le concert des acteurs du monde au Moyen Âge « central » (XVe-XIXe siècles) et – après le Moyen Âge (VIe au XVe siècle) –, pour l’ensemble des pays compris dans l’espace de l’Europe continentale, avec les Temps Modernes (1445 à 1789).
On notera en effet que les « grandes découvertes » des « Temps Modernes » (1492 : découverte de l’Amérique) ont permis à « l’Europe » de s’affirmer par comparaison avec les autres régions du monde. Le terme « Europe » entre alors de plus en plus dans le vocabulaire et dans la préoccupation des penseurs et des hommes d’État au point qu’au XVIIIe siècle, le mot « Europe » est partout. Il y a bien eu ainsi « existence » en quelque sorte d’une « vie » historique de l’Europe qui va démarrer son ascension mondiale au XVe siècle.
Le Vieux Continent européen confirme son ascension – sa place et son rôle mondial dans les siècles suivants, jusque précisément au XVIIIe siècle – on parlera alors de la « supériorité » de l’Europe, pour parvenir à son apogée au XIXe siècle, avec – au-delà de la « supériorité » – la suprématie de l’Europe qui a ainsi « capturé » l’histoire du monde de 1492 à 1914.
Nous avions en Europe jusqu’au XVe siècle la domination des « Cités-États », avec l’Alliance des Princes et des Marchands dans et avec le capitalisme commercial et marchand. On va avoir – à partir du XVe siècle : de 1450 à 1810, on le sait – l’avènement des « États-nations » (Angleterre, France, Espagne...) qui remet en cause la prééminence des « Cités-États ». Et, avec ces « États-nations », l’Europe va entrer de plus en plus – elle en est le berceau et la matrice – dans la « modernité » et dans la « puissance », au point que – à l’heure où se profile l’avènement du capitalisme industriel – l’on devra parler de la « supériorité » mondiale de l’Europe au XVIIIe siècle : supériorité mondiale de l’Europe à tous les niveaux, sur tous les plans, tant en particulier sur le plan humain que sur le plan matériel.
a) La supériorité mondiale de l’Europe au XVIIIe siècle sur le plan humain
• Quantitativement, on sait que commencent en Europe au milieu du XVIIIe siècle, – à partir des années 1750 – une « révolution démographique », et une « poussée » démographique dans toute l’Europe. Avec les transformations économiques et sociales d’alors – on revient plus loin sur les avancées technologiques de l’époque (les liens entre « révolution démographique » et « révolution économique » sont au vrai extrêmement complexes) –, on va avoir des progrès agricoles permettant une alimentation plus abondante et de meilleure qualité, et des progrès dans la politique hygiénique et médicale.
On entre alors, dans la première phase de la « transition démographique », marquée par une baisse décisive de la mortalité, tandis que la natalité se maintient, voire progresse. Cette divergence entre mortalité et natalité va provoquer un accroissement sans précédent de la population européenne.
Après des siècles de relative stagnation, on passe à un régime de croissance plus fort et régulier de la population européenne. Celle-ci s’accroît en effet, passant de 120 à 180 millions d’habitants entre 1710 et 1790. Bien sûr, cette augmentation est variable selon les pays du Vieux Continent qui ont des histoires démographiques différentes. Ainsi, l’expansion démographique britannique fait passer à cette époque la population de 6 millions d’habitants en 1750 à 10.686.000 en 1801 (date du premier recensement).
La France ne suit pas malheureusement l’évolution démographique britannique.
• Qualitativement, le Vieux Continent européen va connaître aussi à cette époque – elle n’est pas, bien sûr, sans rapport avec la « révolution démographique » précédente – une « révolution intellectuelle ». On assiste en effet à un changement d’esprit, de mentalité des populations sur les terres européennes. Jusqu’alors : XVIe-XVIIe siècles, l’objectif de l’homme dans le contexte chrétien de l’époque est avant tout le salut, le bonheur pour l’éternité... qui n’est pas de ce monde..., mais dans l’autre monde. Cette attitude de l’homme occidental vis-à-vis de son environnement va profondément se transformer avec l’irruption alors d’un certain nombre de courants qui vont installer sur le devant de la scène l’individualisme et le libéralisme).
On pense bien sûr à la Réforme annoncée au XVIe siècle avec Calvin, au protestantisme (Max Weber a bien souligné son influence) qui vont faire plus tard de l’entrepreneur innovateur de J. Schumpeter le travailleur modèle dans une Europe occidentale prête ainsi à accueillir le capitalisme industriel, l’accumulation du capital, l’enrichissement, l’économie de marché et de profit, en assurant la maîtrise technique de l’évolution humaine, les progrès dans les techniques.
Mais, il va y avoir aussi les grandes philosophies qu’il faudrait développer ici, et en particulier et surtout la doctrine nouvelle du libéralisme à la fin du XVIIIe siècle, qui cherche lui aussi à se défaire du référent religieux. On ne peut pas ne pas citer (Cf. annexe A, Sur les classiques...) au moins Adam Smith pour le libéralisme « économique » (1776 : Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations) et John Locke (1632-1704), théoricien du libéralisme « politique ».
b) La supériorité mondiale de l’Europe au XVIIIe siècle sur le plan matériel
L’Europe va s’imposer – avec un niveau inégalé ailleurs – comme la puissance industrielle de notre Nouveau Monde : c’est « la révolution industrielle » – conceptualisée par Adolphe Blanqui – la première révolution industrielle (commencement 1780-1820) qu’il faudrait pouvoir détailler ici tant elle est au cœur de ces temps de « révolution » (on en a déjà mentionné un certain nombre !) grâce à l’Alliance – mystère de l’histoire en ce XVIIIe siècle – de plusieurs supériorités liées, 3 au moins :
– supériorité en matière de population (on l’a déjà vu plus haut, on n’y revient pas) ;
– supériorité en manière de ressources naturelles ; – supériorité en matière technique.
• Il faut dire quelques mots au moins de la supériorité mondiale de l’Europe d’alors en matière de ressources naturelles.
Par un hasard extraordinaire, l’Europe a « trouvé » dans son sol les ressources fondamentales de l’économie industrielle qui va se mettre en place, de l’eau2 et surtout du charbon qui garde encore de nos jours la place que l’on sait.
C’est, on le sait, en Europe, la Grande-Bretagne qui va être massivement au centre de cette grande aventure charbonnière.
Le charbon va être en effet outre-manche l’énergie qui va accompagner déjà le développement artisanal et préindustriel (la « proto » industrie) du Royaume-Uni depuis le début du XVIIIe siècle, en étant utilisé par les maréchaux-ferrants, les serruriers et ceux qui travaillent le fer. On va l’utiliser aussi pour cuire les briques et les tuiles, dans les fours à chaux et à plâtre, partout où une température élevée est nécessaire.
L’énergie charbonnière va ensuite, et surtout, devenir l’énergie dominante avec le développement de l’industrie mécanisée concentrée dans de vastes centres de production : « l’usine », « la manufacture », « la fabrique » (le factory system). Ce développement industriel n’aurait pas en effet été possible sans une source d’énergie plus grande que n’en pouvait offrir la force humaine ou animale. On va trouver la réponse dans une invention déterminante du XVIIIe siècle, un nouveau « transformateur » d’énergie. La « vapeur » et la « machine à vapeur » à partir de l’exploitation d’un vieux combustible : le charbon.
On le confirme dans les développements qui suivent.
• Il faut s’arrêter davantage en effet sur la supériorité mondiale de l’Europe d’alors sur le plan technique.
Le XVIIIe siècle est très souvent qualifié à juste titre de « siècle de l’invention ». On vient d’en avoir une première confirmation avec l’invention fondatrice de la vapeur et de « la machine à vapeur ».
Il faudrait bien sûr ici reprendre les principales étapes de cette invention décisive depuis le prototype de Denis Papin (1691), en passant par la pompe à feu de Thomas Newcomen (1711), pour arriver jusqu’à la machine à vapeur de l’Écossais James Watt (1765-1792)
Il faut bien insister sur le fait que la vapeur, la machine à vapeur, est une rupture technologique clé, celle de la découverte d’un moteur utilisable dans toutes les industries, capable d’actionner n’importe quel type de machine à filer, à tisser, à souffler, à brasser, à laminer... dans la plupart des industries existantes et à venir.
Le système de Watt devient ainsi, selon la formule de Marx, « l’agent général de la grande industrie moderne », au centre et cœur du « système technologique » (B. Gille) de la première révolution industrielle.
On évoquerait à partir de là, si la place ne nous était comptée, avec et au-delà de la machine à vapeur comme force motrice qui va innover tout le tissu industriel de l’époque, toute la succession d’inventions nouvelles que l’on peut observer alors sur une période relativement courte et qui va modifier profondément le processus de fabrication (c’est avec cette invention de façon stricte – un peu trop limitée – que l’on croit possible le plus souvent de parler, on l’a dit, de « révolution industrielle » et de la « première révolution industrielle » ici en l’espèce, le centre et le cœur du démarrage économique de l’Angleterre qui s’effectuent dans les années 1780).
Mais au-delà de la première vague d’innovations de la première révolution industrielle du XVIIIe siècle et des grandes branches d’alors, il y a lieu de se centrer un moment de plus sur les industries textiles et plus spécialement dans les secteurs clés d’alors, sur celle du coton (Cf. tableaux 5 et 6) qui va connaître un développement spectaculaire avec sa mécanisation après 1760, devenant l’industrie motrice de ce premier temps de la révolution industrielle. Le « roi coton » va ainsi régner en maître sur l’Europe industrielle à la fin du XVIIIe siècle (Cf. carte 3).
Mais le monde ne s’est pas arrêté... en 1800, avec la supériorité mondiale en cette fin de XVIIIe siècle du Vieux Continent, supériorité mondiale de l’Europe qui est déjà pour beaucoup – on l’a perçu – la prééminence de la Grande-Bretagne dans de nombreux domaines où notre voisin d’outre-manche apparaît en effet de façon précoce comme le pays le plus avancé et le plus puissant4. L’ascension de l’Europe, commencée, on le rappelle, au XVe siècle, va se poursuivre et connaître son apogée au XIXe siècle avec, on va le voir, une supériorité devenue suprématie et la suprématie du Royaume-Uni dans ce cadre (Cf. annexe B, Cartes de l’Europe).
2) L’apogée mondiale de l’Europe
au XIXe siècle
Il va bien y avoir en effet apogée mondiale de l’Europe au XIXe siècle, autour des années 1850-1880, apogée avec – on vient de le laisser entrevoir à l’instant – une supériorité de l’Europe qui est désormais à cette époque devenue une véritable suprématie sans partage du Vieux Continent : suprématie mondiale européenne (alors suprématie mondiale britannique plus spécialement) que l’on peut essayer de mettre en lumière en reprenant en symétrie et différence, avec les développements précédents sur la supériorité du XVIIIe siècle, le thème de la suprématie humaine, puis de la suprématie matérielle.
a) La suprématie mondiale de l’Europe au XIXe siècle sur le plan humain
Il est sûr que la force de l’Europe au XIXe siècle va résider peut-être d’abord et surtout sur sa démographie : sa population sur le sol du Vieux Continent, mais aussi sa population hors du Vieux Continent.
• Il y a d’abord et surtout en effet à consigner la suprématie démographique mondiale de l’Europe sur le sol du Vieux Continent.
On sait – on l’a rappelé plus haut – que la population européenne est passée au XVIIIe siècle – « révolution démographique » – d’un régime de croissance lente, entrecoupée de graves reculs liés aux famines, aux épidémies, à – « transition démographique » – un régime de croissance plus forte et plus régulière de sa population. Alors qu’au XVIe siècle et au XVIIe siècle, la croissance démographique européenne annuelle ne dépassait pas 0,5 %, les taux de croissance démographique vont dépasser 1,57 % par an au début du XIXe siècle, entre 1815 et 1830.
On va bien avoir ainsi une expansion continue de la population européenne qui va s’accélérer à la fin du XVIIIe siècle et au XIXe siècle, si bien que cette population européenne va avoir triplé en un siècle et demi. Elle sera de 420 millions d’habitants en 1900, soit environ 25 % de la population mondiale d’alors.
• Mais il convient de mentionner aussi et surtout – on ne l’a pas fait assez – la suprématie démographique mondiale de l’Europe au XVIIIe siècle avec « sa » population hors du sol du Vieux Continent.
On pense bien sûr en disant cela aux conquêtes « coloniales » du monde par la vieille Europe, au « fait colonial » qui va constituer une rupture majeure par son importance géographique et sa durée.
Il faudrait pour ce faire repartir du XVIIIe siècle où l’on va avoir une « européanisation » du monde, avec les conquêtes « coloniales » des puissances européennes,
Angleterre plus spécialement, sur de vastes étendues de la planète, en Amérique, en Inde... l’Europe se « dédoublant » en particulier de l’autre côté de l’Atlantique5
Cette colonisation du monde par les grandes puissances capitalistes européennes va, par contre, se poursuivre de façon beaucoup plus lente dans la première partie du XIXe siècle, au point qu’après les décolonisations américaines, les zones d’influence officielle directe des métropoles européennes paraissaient plus réduites vers 1850 qu’un siècle auparavant. Il n’y a guère en effet dans cette première partie du XIXe siècle qu’en 1830, la conquête de l’Algérie par les Français et la poussée britannique en Afrique du Sud, qui représentent de nouvelles pénétrations importantes. Sinon, on assiste plutôt à la multiplication de « points d’appui » qui traduisent la maîtrise des Européens vers les mers du globe.
Tout va commencer à changer vers le milieu du XIXe siècle avec les moyens décuplés des Européens, les moyens en matière de transport – on y revient plus loin – les moyens humains, avec leur croissance démographique – on l’a vu plus haut.
On va voir en effet le mouvement de colonisations s’accélérer des années 1880 à la Première Guerre mondiale. Et il faudrait pour l’expliquer sans aucun doute faire un lien entre la grande dépression de 1873- 1896 – la Grande-Bretagne et la France connaissent un net ralentissement de leur croissance, il y a un recul général du libre-échange en Europe vers 1880 –, et l’engagement de ces deux pays dans de nouvelles conquêtes coloniales6, l’expansion coloniale imprimant alors au tournant du siècle, avant la Première Guerre mondiale, son empreinte profonde aux sociétés, cultures et territoires des trois quarts de la planète (mines et agriculture, réseaux de transport...).
Il y a au centre de la scène les grands empires coloniaux européens, Royaume-Uni massivement mais aussi France, Pays-Bas, Portugal. Mais la liste s’allonge. L’Allemagne, nouvelle puissance coloniale, s’efforce de combler son retard sur la France et la Grande- Bretagne. Apparaissent, même si c’est modestement, à la veille de la Première Guerre mondiale, les États-Unis et le Japon.
b) La suprématie mondiale de l’Europe au XIXe siècle sur le plan matériel
Il est vrai que l’Europe va être au XIXe siècle à un moment privilégié de son histoire. Les grandes nations de l’Europe occidentale poursuivent et prolongent en effet dans ce siècle leur ascension mondiale et l’Europe va être ainsi – on l’a dit –, en 1850-1880/1890, à l’apogée de sa puissance économique en particulier.
Voyons cette prééminence du Vieux Continent successivement – on mesure la fragilité et l’insuffisance de cette distinction – sur le plan industriel et, ensuite, sur le plan commercial et financier.
• La suprématie industrielle mondiale de l’Europe
Il est sûr qu’au XIXe siècle, plus encore qu’au XVIIIe siècle, l’Europe a été d’abord et surtout l’Europe industrielle, l’Europe des pays et des nations industrielles, l’Europe des régions industrielles. Le tableau 8 présente les dix premiers pays industriels d’Europe en 1860.
On peut dire – même si l’accord n’est pas complètement acquis sur cette chronologie – que l’on va avoir deux temps dans cette Europe industrielle du XIXe siècle : la deuxième vague de la première révolution industrielle qui est ainsi dans sa complétude vers 1850-1860 ; et ensuite, deuxième temps, le commencement de la deuxième révolution industrielle.
• Premier temps : développement et maturité de la première révolution industrielle au XIXe siècle.
On se souvient – on l’a rappelé plus haut – que la première révolution industrielle a démarré sur le charbon – le « charbon roi », la vapeur et la machine à vapeur –, il y avait 15 000 machines à vapeur en service en Angleterre en 1830, et l’ère du « roi coton ». Ce système technologique va être complété à partir des années 1830-1840 par un autre secteur moteur, le secteur des transports, avec le navire, le streamer et le chemin de fer en particulier qui va commencer à détrôner l’hégémonie du coton.
Il est vrai que la deuxième phase technologique de la révolution industrielle est bien en effet – tout démarre là encore en Grande-Bretagne – celle du chemin de fer (Cf. tableaux 9 et 10); celle – pour être précis – de l’application de la machine à vapeur aux transports (chemin de fer et navire) grâce aux progrès réalisés avec les engins à haute pression, la mécanisation croissante et la poursuite de la substitution du fer à tous les matériaux traditionnels continuant alors à stimuler les industries sidérurgiques et mécaniques.
• Deuxième temps : commencement de la deuxième révolution industrielle au XIXe siècle.
Il faut insister bien sûr sur l’énergie électrique, nouvelle forme de l’utilisation de l’énergie, et sur la diffusion de cette énergie électrique – grande découverte concernant la production du courant électrique et son transport à distance – qui vont jalonner les trois dernières décennies du XIXe siècle. Non moins important à mettre en avant est le moteur à combustion interne ou moteur à explosion – utilisant l’énergie produite par les carburants (suscitant l’intensification de la prospection et de l’extraction du pétrole brut, « l’or noir ») avec les applications que l’on sait à l’automobile et à l’aviation.
On voit bien visuellement cette importance centrale de l’électricité et du moteur à explosion dans le schéma simplifié ci-après du système technologique de la deuxième Révolution industrielle qui se met en place en Europe à la fin du XIXe siècle.
Resterait pour terminer ce point à souligner que le temps de la deuxième révolution industrielle va être le temps de la grande entreprise – la « large modern compagny » d’Alfred Chandler, avec la rationalisation du travail – recherche de l’utilisation optimale de la machine et de la main-d’œuvre (on pense bien sûr à F.W. Taylor) ; le temps des premiers liens entre la technique et le monde scientifique : on passe de l’ère de l’inventeur à l’ère de l’ingénieur avec au centre l’entrepreneur innovateur à la Schumpeter.
• La suprématie commerciale et financière mondiale de l’Europe
- La suprématie commerciale ? On sait que les échanges internationaux ont connu au XIXe siècle – et plus spécialement dans la deuxième partie de ce XIXe siècle – une expansion considérable et rapide. Tous les indicateurs statistiques que l’on possède témoignent bien, en effet, de ce développement considérable du commerce mondial à cette époque. Ainsi, d’après W. Sombart, l’ensemble du commerce mondial représentait, en 1802, 5 milliards de francs Germinal. En 1850, il est passé à 27 milliards et demi, en 1890 à 75 milliards. Pareillement d’après R. Nurkse, le volume du commerce mondial sur la base de l’année 1850 égal 100, atteint l’indice 370 en 1880 et 1000 en 1913. Enfin, pour ne pas multiplier les chiffres, retenons que les travaux de G. Marcy montrent de façon convergente que le volume du commerce mondial double entre 1890 et 1913 et que sa valeur double également entre 1899 et 1913.
Ce qui est certain, c’est que ce commerce international – en essor donc au XXe siècle – est avant tout à cette époque le fait des grandes nations industrielles européennes, la Grande- Bretagne bien sûr et, de façon moins affirmée et plus tardive, la France... : de 1800 à 1900, le commerce international de la Grande-Bretagne est passé de 1 à 14, celui de la France de 1 à 15, celui de l’Allemagne de 1 à 10. Aussi bien, l’essentiel du commerce mondial est bien organisé au XIXe siècle par le pôle européen – et à la veille de la Première Guerre mondiale – par le pôle occidental.
En face de ces grands pays producteurs et exportateurs de produits finis (ou semi-finis), on trouvait en effet cinq grandes régions du monde (les Indes néerlandaises, l’Amérique centrale, une partie de l’Amérique latine et même de l’Amérique du Nord), l’Asie (sauf le Japon en partie), l’Afrique et la Russie – reléguées, dans l’ensemble, au rôle de réservoirs de matières premières nécessaires à l’industrie des pays développés et de déversoirs de produits manufacturés8.
• La suprématie commerciale donc, mais aussi, simultanément, la suprématie financière mondiale de l’Europe.
C’est l’or, on le sait, qui en théorie est supposé avoir géré notre monde du XIXe siècle. Le système monétaire international adopté en effet par quasiment tous les grands pays, dans la deuxième partie du XIXe siècle, pour faciliter le paiement des échanges internationaux, est le système monétaire international de l’étalon-or. Or, on le sait aussi, en réalité, c’est la livre sterling britannique qui est devenue la monnaie mondiale généralement acceptée par la plupart des pays bien au-delà des limites de l’Empire britannique ; et les banques anglaises – et la City londonienne – sont alors au cœur des relations financières et mondiales internationales. Oui, le régime d’étalon or, contrôlé par un seul centre de règlement international unifié grâce à la position dominante de la Banque d’Angleterre et de la City de Londres, fut de fait au XIXe siècle et jusqu’en 1914 un système d’étalon sterling.
Au terme de cette réflexion, on espère donc avoir convaincu qu’il y a bien eu suprématie mondiale de l’Europe au XIXe siècle, XIXe siècle qui fut donc par là même avant tout le siècle du Vieux Continent. Et, dans cette prééminence mondiale de l’Europe, on a perçu tout au long des développements précédents la place éminente du Royaume-Uni : on a bien eu en effet au XIXe siècle une « économie monde britannique ».
« L’Economie- monde britannique »
La Grande-Bretagne – la « nation des boutiquiers », selon la formule qu’on prête à Napoléon – a bien été la nation « mastodonte » du XIXe siècle, sous l’ère victorienne (1850-1875). L’exposition universelle de Londres en 1851 symbolisa parfaitement cette hégémonie britannique d’alors.
Cet ordre unipolaire mondial européen – britannique pour beaucoup – va être mis à mal par le XXe siècle.
Finance : La City londonien. La livre sterling, monnaie internationale.
Puissance mondiale. Empire colonial.
II – Il y a eu affaiblissement mondial de la domination
de l’Europe au XXe siècle
• Le XIXe siècle a été – on vient de le voir – le siècle de la domination, plus de la suprématie de l’Europe et de la Grande-Bretagne en particulier sur le monde.
L’Europe paraît entamer le XXe siècle en ayant encore un poids et une prééminence certains
Le Royaume-Uni occupe toujours l’un des premiers rangs dans la hiérarchie des puissances économiques grâce à l’importance et à la diversité de ses activités manufacturières, à son rôle central de principal émetteur de capitaux, la force de la livre sterling. Et l’Empire allemand est devenu en 40 ans l’une des plus grandes puissances industrielles du monde, les premières années du XXe siècle ayant été marquées par une accélération de sa croissance économique. Bref, il est sûr qu’en 1900, le Vieux Continent – les grandes nations du Vieux Continent, avec leurs empires coloniaux : Grande-Bretagne surtout, France, mais aussi depuis les années 1890 l’Allemagne – est encore au centre d’un monde qu’il domine quasiment dans tous les domaines. L’exposition universelle de 1900 à Paris est le symbole de cette Europe « euphorique ».
• Reste que – on les a déjà entrevus plus haut – de nouveaux « rivaux » des Européens sont apparus sur l’échiquier mondial des puissances dans le dernier quart du XIXe siècle, contestant la suprématie mondiale européenne. Il y a eu en effet – on le sait – de nouveaux venus au « bal » de la puissance avec l’émergence du Japon et surtout des États-Unis, dont le « surgissement » en tant que puissance mondiale va être l’élément déterminant du XXe siècle.
On assiste par suite, dans les deux dernières décennies du XIXe siècle et au début du XXe siècle, à un affaiblissement relatif de l’Europe au profit des États-Unis principalement, à un effritement des positions de l’Europe dans le domaine de la production industrielle en particulier au bénéfice des États-Unis. La « Première Guerre mondiale précipitera le déclin de l’Europe en attendant la Deuxième Guerre qui l’achèvera » (Jacques Brasseul).
1) L’accélération de l’affaiblissement mondial de la domination de l’Europe avec la Première Guerre mondiale
La Première Guerre mondiale (1914-1918) constitue un moment décisif de l’histoire du XXe siècle. Quelles sont les causes, les raisons, l’explication du conflit ? Quel en est le bilan ; quelles en sont les conséquences ?
• On peut dire d’abord – en réponse à la première question – que la Première Guerre mondiale est issue des rivalités des grandes puissances « impérialistes » de l’époque. L’Empire britannique, l’Empire français, l’Empire allemand plus tardivement, qui se sont taillé la part du lion dans le partage de la planète, les grands pays industrialisés européens ayant étendu leur emprise sur le monde en se partageant notamment les continents asiatique et africain. Les conflits d’intérêts nés de la volonté d’expansion de ces différents États ont entraîné des heurts entre les puissances colonisatrices qui se sont poursuivis au début du XXe siècle. On pense dans cet esprit à la rivalité franco-allemande au Maroc (1905-1906). Il y a bien ainsi au début du XXe siècle une lutte pour l’hégémonie entre les trois grandes puissances européennes : la Grande-Bretagne, l’Allemagne, la France. Notre pays n’a pas oublié la victoire de la Prusse de 1871 qui l’a privé de l’Alsace-Lorraine ; l’Angleterre s’inquiète de l’émergence et de l’essor industriel de l’Allemagne...
Bref, au tournant du siècle, les tensions s’exaspèrent (notamment dans les Balkans, qualifiés de « volcans ») dégradant progressivement le « climat » international ; les occasions d’affrontement se multiplient. De tensions en crises, les antagonismes vont conduire en 1914 à la Première Guerre mondiale, avec la rivalité de deux blocs de puissances européennes organisées dans des alliances sur la base d’une double coalition d’intérêts : d’une part, l’Angleterre, la France, la Russie ; d’autre part, l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie (Cf. carte 5).
Cette guerre « européenne » va prendre une dimension mondiale « occidentale » avec l’entrée en guerre à nos côtés du Japon dès la fin août 1914, et surtout des États-Unis en avril 1917.
• Quelles causes à ce conflit ? On vient d’y répondre. Quelles causes, mais aussi et surtout la réponse à cette deuxième interrogation est déjà dans l’analyse précédente ; quel bilan, quelles conséquences à ce conflit ? Avant tout – on l’a déjà entrevu précédemment –, les modifications dans la hiérarchie de puissance : modifications « internes » à l’Europe, modifications plus « externes » par rapport à l’Europe.
– Modifications de hiérarchie de puissances internes à l’Europe.
Les Traités de Versailles, Saint-Germain, Trianon (1900-1920) transforment la carte du Vieux Continent en consacrant la disparition de trois Empires (allemand, austro- hongrois et ottoman). C’est bien sûr l’Allemagne, désormais l’Empire allemand depuis 1870 – dont la montée en puissance est brisée par les hostilités –, qui sort de la Première Guerre mondiale la plus meurtrie. Elle doit accepter la clause humiliante qui la rend seule responsable du déclenchement de la guerre de 1914. Elle est territorialement amputée : elle doit rendre l’Alsace-Lorraine à la France, elle est séparée en deux avec le corridor de Dantzig pour donner à la Pologne un accès à la mer. Elle est en outre astreinte à payer de lourdes réparations.
- Mais il y a aussi et surtout pour notre analyse à préciser les modifications des hiérarchies de puissance entraînées par la Première Guerre mondiale.
Le premier conflit mondial a provoqué des dégâts énormes en Europe. Le bilan est très lourd sur tous les plans. Le bilan « humain » ? Les pertes humaines ont été considérables : quelque 10 millions d’hommes jeunes de 20 à 40 ans ont disparu ; le dynamisme démographique de l’Europe est ainsi durement touché ; sa population active amputée. Mais le bilan « matériel » est tout aussi catastrophique : régions dévastées, infrastructures endommagées, production agricole, minière, manufacturière affectée, si ce n’est paralysée par les destructions, endettement croissant des États pour le financement de la guerre... Bref, l’Europe est saignée démographiquement, dévastée économiquement, plombée financièrement. On comprend, après ce « suicide » collectif des nations européennes, que l’idée d’un « déclin » peut-être irréversible de l’Europe ait commencé à s’installer dans les esprits9.
La Première Guerre mondiale aurait mis fin pour de bon à la primauté de l’Europe dans le monde, d’autant que les « rivaux » qui contestaient déjà cette domination avant les hostilités profitaient eux du grand conflit. On pense bien sûr – on les a déjà aperçus plus haut – au Japon et surtout aux États-Unis.
Le Japon ? Il va multiplier sa production manufacturière par cinq entre 1900 et 1919, développant massivement ses exportations vers la Russie notamment. Sa position de jeune puissance industrielle a été renforcée par la guerre.
Les États-Unis ? L’industrie américaine va profiter particulièrement des commandes de guerre, jouant le rôle « d’arsenal » des démocraties. Elle va dégager un énorme excédent commercial en vendant massivement ses céréales, ses produits manufacturés à l’Angleterre, à la France... Elle devient deuxième exportatrice mondiale de produits manufacturés. Son PNB va connaître une progression sans précédent de 55 à 75 milliards de dollars, de 1911 à 1919.
Il est donc sûr – c’était déjà en cours on l’a vu plus haut depuis la fin du XIXe siècle, début du XXe siècle – que la Première Guerre mondiale va confirmer le transfert – dans une « économie monde » devenue « transatlantique » – de l’hégémonie mondiale de l’Europe au XIXe siècle, vers les États-Unis au XXe siècle. La modification de la hiérarchie de puissance EUROPE–ETATS-UNIS va bien se conforter, sinon s’accuser, dans la première partie du XXe siècle.
Bien sûr, « l’ordre mondial » n’est pas « chamboulé ». Demeure bien la part prépondérante encore des pays les plus anciennement industrialisés dans la production et les flux d’échanges mondiaux (et dans la structure de ces échanges). Mais si l’on regarde plus spécifiquement les hiérarchies de puissance, on voit que le changement de rapport de force entre les grandes nations industrielles européennes et les États-Unis qui s’étaient déjà modifiés en faveur des Américains continue de se faire alors bénéfice : les États-Unis sont bien la puissance montante.
Il faudrait bien sûr aller plus loin ici en précisant davantage l’écart relatif qui se creuse dans cette première partie du XXe siècle entre l’Europe et les États-Unis ; mieux, il faudrait creuser – pour une comparaison vraie – l’écart relatif qui paraît s’accuser entre la Grande-Bretagne « européenne ». Il n’y a pas encore les « États-Unis d’Europe » !! – et les États-Unis d’Amérique. Mettons pour ce faire dans une perspective longue (deuxième partie du XIXe siècle – première partie du XXe siècle) l’évolution respective des deux puissances, en utilisant le terme d’Europe désormais acquis dans ces réflexions.
La Grande-Bretagne ? Elle est dominante au XIXe siècle on le sait, elle est sans doute vers 1850-1870 « l’hyper puissance » mondiale. Elle est encore une « superpuissance mondiale » en 1913-1914. Elle n’est plus déjà la première puissance mondiale sur le plan industriel, mais elle est la première puissance commerciale mondiale et, plus que jamais, la première puissance financière de la planète. Sa prééminence se réduit, après la Première Guerre mondiale, notamment et surtout sur le plan industriel. Elle devient dans la première partie du XXe siècle « une grande puissance mondiale » en déclin, en repli relatif par rapport à son glorieux passé. Mais le même temps, en symétrie avec la Grande-Bretagne, les États-Unis commencent dans la deuxième partie du XIXe siècle leur insolente progression. Ils s’éveillent à la puissance en devenant avant 1914 une « puissance moyenne mondiale », ayant déjà en 1913 le plus fort PIB par tête mondial.
Les États-Unis vont être incontestablement le principal vainqueur économique de la Première Guerre mondiale. Ils deviennent, dans la première partie du XXe siècle, le deuxième exportateur mondial de produits industriels. Ils ont une large avance, en particulier sur l’Europe et la Grande-Bretagne, sur le plan de la production mondiale d’automobiles. Les États-Unis – cet « énorme soleil capitaliste » selon la formule de Jaurès – deviennent une « grande puissance mondiale ». L’ère de la domination américaine sur le monde va pouvoir vraiment commencer dans la deuxième partie du XXe siècle... après la Deuxième Guerre mondiale.
2) L’amplification de l’affaiblissement mondial de la domination de l’Europe avec la Deuxième Guerre mondiale
La Deuxième Guerre mondiale (1939-1945) mérite plus que le premier conflit mondial son appellation de guerre « mondiale » : les alliances dans la guerre seront « mondiales » ; les opérations militaires de la Deuxième Guerre mondiale seront « mondiales ». Essayons de regarder – comme pour la démarche précédente – les causes puis les conséquences de ce deuxième conflit du XXe siècle qui finissent d’affaiblir relativement la domination de l’Europe.
• Les causes, les raisons du deuxième conflit mondial ?
À la racine de la Deuxième Guerre mondiale, on trouve bien – c’était déjà le cas pour le premier conflit mondial – les rivalités de puissance. Les grandes puissances sont confrontées – on le sait – à la crise de 1929, moment central du XXe siècle, avec une crise en effet d’une ampleur et d’une durée sans précédents plongeant le monde dans la longue dépression des années 1930. Les puissances vont chercher à sortir de ces difficultés en engendrant entre elles la guerre économique (1930-1938) et, avec et au-delà, la guerre militaire (1938-1939).
Ce qui est sûr, c’est que – on est là sur le plan « externe » –, la dépression de la décennie 1930 a contracté les débouchés extérieurs et, en exacerbant la compétition économique mondiale autour des débouchés, a multiplié et durci les affrontements commerciaux et monétaires. Oui, les grandes puissances sont bien alors en « guerre économique », avec une forte utilisation du « dumping » et de la dépréciation ou de la dévaluation de leurs monnaies.
- La crise de 1929 et la guerre économique (1930-1938) Les gouvernements des grandes puissances ont tenté d’apporter une réponse – chacun pour soi – à la crise dans ce qu’il faut bien convenir d’appeler une montée des nationalismes dans la décennie 1930. Avec d’abord – on est sur le plan « interne » –, prioritairement, des politiques d’austérité. La crise de 1929 est vue dans cette perspective comme née d’un abus de crédit – prospérité très artificielle à crédit – permettant une consommation plus forte que ne l’autoriserait l’évolution du pouvoir d’achat. De Hoover aux États-Unis à Laval en France, les gouvernements occidentaux vont se raccrocher à des politiques déflationnistes basées sur la recherche de l’équilibre budgétaire. Le succès n’étant pas pleinement au rendez-vous, les gouvernements des grandes puissances – il n’y a pas eu synchronisation de ces moments – vont essayer des politiques de relance, avec la légitimité que leur apportera Keynes. On pense en particulier au New Deal américain et au Front populaire français.
- La crise de 1929 et – avec et au-delà de la guerre économique – la guerre militaire
(1938 1939) Nous avons vu jusque-là les tentatives de réponse à la crise des grandes démocraties (États- Unis, France...). Mais les années 1930 sont aussi le temps des dictatures et des tyrannies (Allemagne, Italie, Japon). On se centre quelques instants sur l’Allemagne. La crise de 1929 a pris chez notre voisin d’outre-Rhin des proportions d’une ampleur inconnue dans le reste de l’Europe : le chômage va y dépasser 6 millions de personnes en janvier 1932.
Aux élections présidentielles de 1932, Adolphe Hitler, fraîchement naturalisé en 1931, rassemble plus de 25 % des électeurs sur son nom. Le président Hindenburg le désigne le 30 janvier 1933 chancelier. Il va nommer comme ministre de l’Economie Alfred Hugenberg.
Ce dernier va mener dans un premier temps une politique inspirée du « New Deal ». Hitler lui impose dès 1933 – au-delà – un effort de réarmement très ambitieux d’un coût considérable (il représente en 1938 la moitié du budget et 26 % du PNB). L’Allemagne va sortir de la crise de 1929 par cette politique de réarmement organisé par la dictature national-socialisme.
Mais tout cela – on ne le sait que trop – va entraîner inexorablement l’Europe, à partir de 1938 : l’heure de la montée des périls – vers une nouvelle conflagration généralisée, avec l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne... Le Royaume-Uni, puis la France déclarent la guerre à l’Allemagne en 1939.
• Les conséquences de ce conflit ?
- Les hiérarchies « internes » des puissances européennes vont bien sûr être modifiées au terme de ce conflit sur le sol du Vieux Continent.
C’est bien sûr l’Allemagne – vaincue – qui subit les conséquences les plus lourdes de la Deuxième Guerre mondiale et qui rétrograde dans la hiérarchie européenne des puissances. Notre voisin d’outre-Rhin avait étendu en 1941 sa domination sur la plus grande partie de l’Europe au point qu’il n’est sans doute pas excessif de parler de « l’Europe allemande » d’alors.
L’Allemagne sort de la Deuxième Guerre mondiale partagée (Cf. carte 8) : République fédérale d’Allemagne, République démocratique d’Allemagne ; sa capitale Berlin est, elle aussi, partagée, avec le « Mur de Berlin » (Cf. schéma 3).
- Mais ceci nous amène déjà à nous arrêter sur le deuxième point, à savoir la modification de hiérarchie « externe » des puissances au terme de cette Deuxième Guerre mondiale, et plus spécialement la hiérarchie entre l’Europe et les États-Unis.
Il est sûr en effet que la deuxième guerre mondiale – comme l’avait fait de façon moins décisive le premier conflit mondial – représente une étape cruciale – c’est bien de l’amplification du mouvement dont il s’agit – dans ce long déclin relatif de l’Europe entamé dès la fin du XIXe siècle et la montée en puissance corrélative des États-Unis à la même époque. Comme cela a été le cas pour le premier conflit mondial, avec des différences qu’il faudrait pouvoir préciser, l’Europe sort ruinée, exsangue10 et fracturée des hostilités de 1939- 1945.
Et comme cela avait été le cas avec la Grande Guerre, les États-Unis sortent renforcés par le deuxième conflit mondial dans ce qui est pour eux une période de montée en puissance séculaire dans un monde dont le centre de gravité se déplace outre-Atlantique.
Il n’y a pas lieu, dès lors, de montrer quelque surprise à la suite de l’histoire – on la connaît – après la Seconde Guerre mondiale pour notre Europe qui va se trouver disloquée, vassalisée et répartie entre deux camps. « L’Europe de l’Ouest » – à les supposer comme entité –, puissance déclinante, voire finissante, va rejoindre le bloc « occidental » sous domination américaine tandis que « l’Europe de l’Est » va être « happée » dans le bloc « communiste » sous domination de l’URSS pour nous donner l’ordre mondial bipolaire et antagoniste (l’Europe12 de guerre froide) qui va occuper toute la scène mondiale des décennies 1950 et 1960.
L’espace mondial bipolaire au début
des années cinquante
Il est certain – pour nous centrer sur l’Occident – que dans ces décennies des « 30 glorieuses », on va voir (on reprend la terminologie précédemment convoquée pour éclairer les évolutions hiérarchiques de puissance) les États-Unis passer du statut de « grande puissance mondiale » – c’était avant 1939 – au statut de « super puissance mondiale » qu’ils vont partager avec l’URSS.
On sait aussi – à remonter rapidement la deuxième partie du XXe siècle – qu’après le XXe siècle, après les changements géostratégiques de 1989 à 1991 (chute du Mur de Berlin, éclatement de l’Empire soviétique, dislocation du pacte de Varsovie), les États-Unis vont devenir « omniprésents » (Cf. carte 10), « l’hyper puissance mondiale » (H. Vedrine) dans le cadre de l’ordre international unipolaire post-guerre froide qui se met en place dans les décennies 1990-2000. Le XXe siècle a bien été ainsi le siècle américain, le siècle des Etats-Unis comme le XIXe siècle avait été le siècle européen, le siècle de l’Angleterre.
L’Europe peut-elle revenir au 1er rang mondial
au XXIe siècle ?
1) Nous sommes aujourd’hui dans nos années 2018-2020 dans une longue et difficile période de transition – les périodes de transition sont toujours des périodes de forte chaleur de l’Histoire - entre l’ordre unipolaire – on l’a dit plus haut – sous domination de l’hyper-puissance américaine des années 1990-2000 et le nouvel ordre mondial de ce XXIe siècle – le siècle asiatique annoncé par Hegel dès 1831 – qui devrait se mettre en place autour de la Chine dans les années 2030-2035, après – on l’a présenté dans le tableau de départ de cette réflexion - l’émergence de l’Empire du Milieu : 1980-2004, son expansion : 2004-2030, pour enfin parvenir à sa suprématie : 2030-203513.
Cette période de transition – qui correspond sans doute à la phase descendante d’un cinquième cycle long KONDRATIEFF – est une période de mutation, basculement et redéploiement des cartes de la puissance ; nous sommes bien dans un monde de désordre, instable, hétérogène, (uni– bi – tri – multipolaire) , un monde en « décomposition- recomposition » marqué, dans nos années 2018-2020, par la « cohabitation – recouvrement superposition » conflictuel(le)s de deux Mondes : « l’Ancien Monde » et le « Nouveau Monde ».
« L’ancien Monde » est celui de hier, celui de la 2ème partie du XXe siècle, avec son antagonisme central entre les deux superpuissances d’alors : les ETATS-UNIS et l’URSS.
Cet antagonisme a paru s’effondrer avec les changements géostratégiques de 1989-1991 : chute du Mur de Berlin, dislocation de l’URSS, disparition du Pacte de Varsovie. On va avoir en effet une grande faiblesse de la Russie dans la décennie 1990. Mais la Russie a trouvé en partie le chemin du renouveau dans nos années 2000-2010, si bien que le vieil antagonisme s’est ravivé : on parle même d’une « nouvelle guerre froide, « d’une nouvelle période de « défiance stratégique entre la Russie et l’Occident « (Isabelle FACON).
Le volet nucléaire en est la plus récente manifestation. Le duel géopolitique entre Moscou et Washington prend en effet une tournure nucléaire avec la décision des américains de se retirer du Traité sur les forces nucléaires (FNI), menaçant de fragiliser l’architecture de désarmement mis en place depuis la guerre froide.
Le « Nouveau monde » est le monde de notre premier quart du XXIe siècle. Ce « Nouveau Monde » n’a pas – on vient de le voir – complètement « chassé » dans nos années 2018-2020 le « Vieux Monde » autour du duel ÉTATS-UNIS – RUSSIE. Certes, ce « Vieux Monde » parait de nos jours un peu « vieux », un peu effrité, dépassé. Mais il s’agrippe, il ne veut pas mourir et sortir définitivement de l’Histoire.
Et la RUSSIE est bien toujours là dans nos années 2018-2020 comme acteur majeur : la RUSSIE, ce pays démesuré qui s’étend de la Baltique au Pacifique et qui peut par suite jouer un jeu oscillatoire entre l’Occident et l’Asie, là où se déplace désormais l’axe du Monde.
La RUSSIE qui reste hantée par la grandeur depuis Pierre LE GRAND et aujourd’hui encore avec POUTINE qui n’entend pas jouer le
rôle de vassal, mais s’affirmer en grand dans « l’Eurasisme » défendu à Moscou par le philosophe Alexandre DOUGUINE, un proche du Maître du KREMLIN.
Mais c’est désormais, dans ce « Nouveau Monde » – le face à face : ÉTATS-UNIS - CHINE qui est – même si la RUSSIE cherche à s’insérer dans le paysage géostratégique actuel et si « l’Ancien Monde et le « Nouveau Monde » sont au vrai totalement enchevêtrés – le face à face majeur de notre temps en quête d’une bipolarité impossible.
Les ÉTATS-UNIS – on l’a vu – ont dominé le XXe siècle. La crise de 2007-2008 - au cœur de l’Empire américain – va être tout à la fois signe et ébranlement de la prééminence absolue des USA. Ils ne cessent depuis – étant une nation qui ne se perçoit pas autrement qu’hégémonique – de chercher à enrayer leur déclin relatif. C’est tout le sens de la politique de Trump – l’Amérique d’abord – qui, espère-t-il, devrait permettre aux USA de retrouver un leadership incontesté.
Les ETATS-UNIS et la CHINE ? L’Empire du Milieu a été au premier rang du Monde jusqu’au XVe siècle, avec en particulier une technologie sans pareil.
La CHINE actuelle de XI JINPING n’en finit pas de vouloir – en s’en donnant les moyens (innovations, infrastructures : les « Routes de la Soie » pour le contrôle du continent eurasiatique, ...) – se retrouver à nouveau au premier rang des puissances du Monde, d’un Monde à elle, d’un siècle à elle. On voit mal à l’heure qu’il est, comment ce face-à-face entre la puissance régnante : les ÉTATS- UNIS et la puissance émergente : la CHINE ne pourrait pas déboucher sur un affrontement guerrier, surtout si la guerre commerciale de Trump ne parvient pas à faire revenir le prétendant dans le rang.
2) L’Europe de nos années 2018-2020 n’échappe pas – comment pourrait-il en aller autrement – au retour des bourrasques de l’Histoire de notre Monde actuel – celui que l’on vient d’esquisser à l’instant –, un Monde plein de bruit et de désordres profonds et multiformes, un Monde en « alerte rouge » (on a pu parler de « l’affolement du Monde » - Th. GOMART).
L’Europe de nos années 2018-2020 ? C’est au vrai, on le sait aujourd’hui, institutionnellement, « l’Union européenne » (UE).
On rappelle qu’après la Deuxième Guerre mondiale, l’Europe – l’Europe « occidentale » – n’a pas accepté sans sourciller de se laisser déloger de la scène mondiale, de poursuivre son affaiblissement et de voir la puissance se déplacer de l’autre côté de l’atlantique chez l’Allié, le protecteur américain. La solution qui est apparue à nos vieilles nations ... du vieux continent (France, Allemagne...) pour éviter de sortir définitivement de l’Histoire ? Collaborer, s’associer pour additionner leurs forces, gagner ensemble en poids et en puissance.
Le premier embryon de coopération économique est né en Europe le 16 avril 1948 avec l’OCDE (Organisation Européenne de Coopération Economique). Puis on va avoir la grande aventure européenne engagée sous l’impulsion de la France avec Robert SCHUMAN alors Ministre français des Affaires Etrangères. On ne peut ici (Cf. annexe 1 : Les grandes dates de la construction européenne) détailler cette construction européenne, depuis le Traité de Rome (1957) avec « la Communauté économique européenne (CEE) jusqu’au Traité de MAASTRICH (1992) instituant « l’Union européenne » (UE) en 1993, l’introduction de la monnaie unique : l’ECU devenu l’EURO en 2002,...
Ce qui est sûr, c’est que le continent européen a retrouvé – après les deux guerres mondiales que l’on a rappelées plus haut – la Paix, la Stabilité et la Prospérité alors improbables. Le bilan – positif jusqu’au tournant du millénaire – apparait davantage en demi- teinte depuis le mitan des années 2000. Il est certain en effet – pour en venir directement à nos années 2018-2020 – que « l’Union européenne » est bien elle aussi à l’heure du désordre grandissant du Monde.
Elle nous montre aujourd’hui le visage d’une organisation en pleine incertitude, saisie par un véritable doute existentiel sur son identité, son contenu et ses finalités. Il y a – soixante dix ans après le traité de ROME – un véritable désarroi de la construction institutionnelle européenne – l’UE – menacée de fragmentation , désagrégation, de désintégration (le « BREXIT » britannique, ...) tout à la fois par les atteintes « internes » qu’elle connait sous l’impulsion des « forces de décomposition » et de « repli national », forces « souverainistes » (« populistes » diront certains) mettant en cause tant son « périmètre » que son « fonctionnement » , et – par les assauts « externes » qu’elles subit, principalement mais pas uniquement, par les Etats-Unis de Trump et la Russie de Poutine, le Vieux Continent étant devenu le champ de bataille sino-américain.
Reste alors pour celles et ceux qui ne se résignent pas à l’affaiblissement , au déclin voire à la disparition de l’Europe et veulent ramener au XXIe siècle le Vieux Continent dans le banquet des grandes puissances – si ce n’est redevenir la première puissance mondiale –, à mettre en avant (– et ils le font à la veille des élections européennes du 26 mai 2019 –) le rêve d’une Europe politique fédérale, souveraine, supranationale, existant demain comme entité spécifique et comme acteur à part entière sur la scène internationale.
Ces défenseurs pour demain, d’une Europe fédérale sont très nombreux et très actifs en France en particulier. Ils partent du constat que l’Union européenne actuelle – l’UE – n’a pas de poids spécifique, de réalité et de visibilité sur le plan mondial – un « nain » assurent- ils –, car restant à ce jour un « proto-Etat » mal « terminé » complexe combinant trois orientations qui n’en finissent pas de se renforcer... et de se contrarier : l’intergouvernemental (politique étrangère,...), le confédéral tel les Accords de SCHENGEN) et le fédéral ( la monnaie unique pour dix neufs Etats de l’UE).
Les interactions entre la « souveraineté nationale », la « souveraineté transférée » et « la souveraineté fusionnée » : la souveraineté européenne reconnue du bout des lèvres ne favorisant en rien la lisibilité et l’autorité de cette espèce « hybride ».
A l’heure du développement des « pays continents » bénéficiant d’économies d’échelle considérables, les institutions comme la gouvernance actuelle de l’UE sont désormais inadaptées pour faire face aux enjeux du Monde d’aujourd’hui et de demain. Les fédéralistes soutiennent donc que pour peser à l’avenir face aux Américains et aux Chinois, il faut que nos vieilles nations bâtissent un véritable Etat unique européen, avec un « saut » fédéraliste complet.
On pourra alors avoir – et le rêve se veut convaincant – un « grand basculement de puissance » vers l’Europe ( J.P GIULIANI) ; un Vieux continent – le « nouvel Empire » de Bruno LE MAIRE – porté de nouveau aux avants postes de la Puissance du Monde : l’Europe parmi les trois plus grandes puissances mondiales à la fin d’un XXIe siècle qui pourrait bien être ainsi à nouveau un « siècle européen ».
On demande au Bon Dieu de nous ouvrir une fenêtre de son paradis donnant sur notre Monde pour voir le 31 décembre 2099 ce qu’il est advenu de ce rêve !!!
L’Union européenne
1 - Chronologie de l'Union européenne (1951-2017)
Les grandes étapes de la construction européenne après 1945 : L’Union européenne s’est construite progressivement depuis bientôt 70 ans.
9 mai 1950 : déclaration de Robert Schuman
Au cours d’une conférence de presse au Quai d’Orsay, le ministre français des Affaires étrangères Robert Schuman prononce, une déclaration historique. Il appelle à la mise en commun des productions de charbon et d’acier de la France et de l’Allemagne, au sein d’une organisation ouverte aux autres pays d’Europe.
Son but est d’assurer une paix durable sur le continent, grâce au développement d’une solidarité de production entre la France et l’Allemagne, dans un secteur stratégique, rendant impossible tout affrontement entre ces deux pays. Cette organisation constituerait la première étape vers une fédération européenne.
Le plan proposé dans cette déclaration a été élaboré par Jean Monnet, alors commissaire général au Plan.
18 avril 1951 : création de la CECA
Le 18 avril 1951, la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) est créée, pour une période de 50 ans, avec la signature du traité de Paris par six pays : la Belgique, la France, l’Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas et la République fédérale d’Allemagne (RFA).
25 mars 1957 : création de la CEE et de l’EURATOM
Deux traités sont signés à Rome par les six pays européens ayant participé à la création de la CECA. Le premier institue la Communauté économique européenne (CEE), qui a pour but la mise en place d’un marché commun, et le second la Communauté européenne de l’énergie atomique (CEEA) dite Euratom.
À la différence du traité de la CECA, les deux traités de Rome sont conclus pour une durée illimitée.
14 janvier 1962 : adoption des premiers règlements sur la politique agricole commune
1er juillet 1968 : réalisation de l’Union douanière entre les Six
Les droits de douane entre les six membres de la CEE sont totalement supprimés. Un tarif douanier commun est mis en place aux frontières extérieures de la CEE.
1er janvier 1973: de l’Europe des 6 à l’Europe des 9
Premier élargissement de la CEE avec l’adhésion du Danemark, de l’Irlande et du Royaume- Uni.
1er janvier 1981 : Une Europe à Dix
Deuxième élargissement : la Grèce entre dans la CEE.
14 juin 1985 : signature des accords de Schengen
La Belgique, la France, le Luxembourg, les Pays-Bas et la RFA signent à Schengen des accords prévoyant la suppression progressive des frontières entre ces États et la libre circulation des personnes.
Mais la convention d’application de l’accord n’est signée que le 19 juin 1990 et n’entre finalement pas en vigueur avant le 26 mars 1995.
1er janvier 1986 : l’Europe des Douze
Troisième élargissement de la CEE avec l’arrivée de l’Espagne et du Portugal.
17 et 28 février 1986 : signature de l’Acte unique européen
Les Douze signent, à Luxembourg et La Haye, l’Acte unique qui modifie le traité de Rome sur la CEE (9 États signent le 17, le Danemark, l’Italie et la Grèce signent le 28). Il fixe l’échéance pour la réalisation du marché intérieur unique au 31 décembre 1992. Celui-ci entre en vigueur le 1er janvier 1993.
7 février 1992 : signature du traité de Maastricht qui crée l’Union européenne
À Maastricht, est signé en février le traité sur l’Union européenne. Celle-ci est constituée de 3 piliers : les Communautés (CECA, CE, CEEA), la Politique étrangère et de sécurité commune (PESC), la coopération en matière de Justice et d’affaires intérieures (JAI). Par ailleurs, la CEE devient la Communauté européenne (CE).
Dans ce traité de Maastricht, une citoyenneté européenne est instituée, les pouvoirs du Parlement européen sont renforcés, et l’Union économique et monétaire (UEM) est lancée. Le traité de Maastricht entre en vigueur le 1er novembre 1993.
1er janvier 1995 : l’Europe des Quinze
Quatrième élargissement avec l’entrée de l’Autriche, de la Finlande et de la Suède.
2 octobre 1997 : signature du traité d’Amsterdam
Les ministres des Affaires étrangères des Quinze signent un traité qui modifie le traité sur l’Union européenne (TUE) et celui instituant la Communauté européenne (TCE). La Communauté européenne acquiert de nouveaux domaines de compétence. Le traité entre en vigueur le 1er mai 1999.
1er janvier 1999 : l’euro devient la monnaie unique de 11 des États membres
Onze États forment à cette date la "zone euro" : Autriche, Belgique, Espagne, Finlande, France, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal et RFA. L’euro devient alors officiellement leur monnaie légale.
La Grèce les rejoindra le 1er janvier 2001, la Slovénie le 1er janvier 2007, Chypre et Malte le 1er janvier 2008, la Slovaquie le 1er janvier 2009, l’Estonie le 1er janvier 2011, la Lettonie le 1er janvier 2014 et la Lituanie le 1er janvier 2015, faisant ainsi passer à 19 le nombre de pays de la zone euro.
Les pièces et les billets en euro n’ont été mis en circulation que le 1er janvier 2002. Mais les particuliers pouvaient déjà payer leurs impôts ou émettre des chèques en euros dès 1999.
26 février 2001 : signature du traité de Nice
À la suite du Conseil européen qui s’est tenu à Nice du 7 au 9 décembre 2000, un traité est signé entre les Quinze qui modifie à nouveau le TUE et le TCE. Ce traité de Nice devait permettre d’assurer un bon fonctionnement des institutions européennes en prévision du prochain élargissement aux pays d’Europe centrale et orientale. Il entre en vigueur le 1er février 2003.
Décembre 2001 : Conseil européen de Laeken, vers une Constitution européenne ?
Les 15 chefs d’État et de gouvernement décident la création d’une Convention sur l’avenir de l’Europe pour proposer une refonte des traités en vue de les simplifier et de renforcer l’Union dans la perspective de l’élargissement. Il s’agit là d’une méthode très nouvelle, dans la mesure où les modifications de traités étaient jusqu’alors négociées au sein d’une Conférence intergouvernementale. Le débat est désormais ouvert au-delà des représentants des gouvernements européens. La Convention sera donc composée de ces derniers, mais aussi de représentants des parlements nationaux, de membres de la Commission européenne et de députés européens.
En juillet 2003, la Convention remet son projet de traité établissant une Constitution pour l’Europe aux chefs d’État et de gouvernement qui, après négociation, signent le nouveau traité en octobre 2004 à Rome. Mais le rejet du traité par les électeurs français et néerlandais, par référendum – respectivement les 29 mai et 1er juin 2005 – signe l’arrêt de mort de la « Constitution européenne » qui n’entrera jamais en vigueur.
1er mai 2004 : une Europe à Vingt-cinq
Entrée en vigueur du traité signé à Athènes le 16 avril 2003. Dix nouveaux États entrent dans l’UE : Chypre, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Malte, Pologne, République tchèque, Slovaquie, Slovénie.
1er janvier 2007 : une Europe à 27
Entrée en vigueur du traité d’adhésion signé le 25 avril 2005. La Roumanie et la Bulgarie deviennent membres de l’UE.
13 décembre 2007 : signature du traité de Lisbonne
À l’issue d’une période de réflexion entamée après les référendums français et néerlandais, les chefs d’État et de gouvernement s’accordent sur l’idée d’un traité simplifié pour sortir du blocage institutionnel. Lors du Conseil européen des 21 et 22 juin 2007, une Conférence intergouvernementale est convoquée afin de rédiger un projet de « traité modificatif », révisant les traités existants. Les 27 chefs d’État et de gouvernement, après être parvenus à un accord final sur le nouveau traité modificatif lors du sommet informel à Lisbonne les 18 et 19 octobre 2007, signent ce traité le 13 décembre dans cette même ville.
L’ensemble des ratifications se fait par la voie parlementaire, sauf en Irlande. Ce pays rejette le traité par un premier référendum le 12 juin 2008 avant de l’accepter par un second référendum le 2 octobre 2009. Le traité entre alors en vigueur le 1er décembre 2009. En France, une réforme constitutionnelle a été nécessaire pour ratifier le traité, estimé contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel. La loi autorisant la ratification a été promulguée le 13 février 2008.
2 mars 2012 : signature du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG)
Interdisant aux États signataires (25 des 27 membres de l’UE, à l’exclusion du Royaume-Uni et de la République tchèque) un déficit structurel supérieur à 0,5% du PIB et modifiant les mécanismes de sanction, ce traité constitue un pas en avant vers une gouvernance économique de l’UE et consacre un transfert de souveraineté non négligeable en matière de politique budgétaire.
1er juillet 2013 : une Europe à Vingt-huit
Entrée en vigueur du traité d’adhésion signé à Bruxelles le 9 décembre 2011. La Croatie devient le 28e membre de l’UE, dont la population atteint désormais plus de 508 millions de personnes.
29 mars 2017 : vers le Brexit
Le Royaume-Uni notifie au Conseil européen son intention de quitter l’UE, conformément à l’article 50 du TUE. Les négociations commencent le 19 juin 2017. Cela fait suite au référendum du 23 juin 2016 par lequel une majorité d’électeurs britanniques a voté en faveur de la sortie de leur pays de l’UE. Des négociations sont entamées entre le gouvernement britannique et la Commission européenne en vue d’obtenir un accord sur les modalités du divorce, dont le terme est fixé au 29 mars 2019.
2 - L’Union européenne actuelle :
Voir Carte
3 - Institutions et organes de l'Union Européenne
- Parlement européen
- Conseil européen
- Conseil de l'Union européenne - Commission européenne
- Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) - Banque centrale européenne (BCE)
- Cour des comptes européenne
- Service européen pour l’action extérieure (SEAE)
- Comité économique et social européen (CESE)
- Comité européen des régions (CdR) - Banque européenne d'investissement (BEI)
- Médiateur européen
- Contrôleur européen de la protection des données - Services interinstitutionnels
Un cadre institutionnel unique
Dans l'organisation institutionnelle — sans équivalent dans le monde — de l'Union européenne :
! les grandes priorités de l'UE sont fixées par le Conseil européen, qui réunit dirigeants nationaux et européens; ! les citoyens de l'UE sont représentés par les députés, élus au suffrage universel direct au Parlement européen; ! les intérêts de l'UE dans son ensemble sont défendus par la Commission européenne, dont les membres sont désignés par les gouvernements nationaux; ! les intérêts des États membres sont défendus par les gouvernements nationaux au sein du Conseil de l'Union européenne.
Établir les priorités
Le Conseil européen fixe les orientations politiques globales de l'UE, mais il n'a pas le pouvoir d'adopter la législation. Dirigé par un président – actuellement Donald Tusk –, il se compose des chefs d'État ou de gouvernement des États membres et du président de la Commission. Il se réunit au moins deux fois par semestre, pendant plusieurs jours.
Élaborer la législation
Trois institutions interviennent dans le processus législatif:
! le Parlement européen, composé de députés élus au suffrage universel direct, qui représentent les citoyens européens ;
! le Conseil de l'Union européenne, qui représente les gouvernements des États membres. La présidence du Conseil est assurée alternativement par chaque État membre, selon un système de rotation ;
! la Commission européenne, qui représente les intérêts de l’Union dans son ensemble.
Ensemble, ces trois institutions utilisent la « procédure législative ordinaire » (ou « codécision ») pour élaborer les politiques et la législation mises en œuvre dans toute l'UE.
En principe, la Commission présente des propositions de législation, qui sont adoptées par le Parlement et le Conseil. Une fois adoptés, les actes législatifs sont mis en œuvre par les États membres et la Commission, qui est chargée de veiller à ce qu'ils soient correctement appliqués.
Autres institutions et organes de l’UE
Deux autres institutions jouent un rôle crucial :
! la Cour de justice de l'Union européenne veille au respect de la législation européenne ;
! la Cour des comptes contrôle le financement des activités de l’UE.
Les compétences et les responsabilités de ces institutions sont définies par les traités, qui constituent le fondement de toutes les activités de l'Union. Les traités définissent également les règles et les procédures que les institutions de l'UE doivent observer. Ils sont adoptés par les présidents et/ou les Premiers ministres de tous les États membres, et sont ratifiés par les parlements nationaux.
L'UE possède également un ensemble d'institutions et d’organes interinstitutionnels qui remplissent des missions spécialisées :
! La Banque centrale européenne est responsable de la politique monétaire européenne.
! Le Service européen pour l'action extérieure (SEAE) assiste le haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. Cette fonction, actuellement occupée par Frederica Mogherini, consiste à présider le Conseil des affaires étrangères, diriger la politique étrangère et de sécurité commune et assurer la cohérence et la coordination de l'action extérieure de l'UE. !
Le Comité économique et social européen représente la société civile, les employeurs et les salariés.
! Le Comité européen des régions représente les autorités régionales et locales.
! La Banque européenne d'investissement finance les projets d'investissement européens et aide les PME par l'intermédiaire du Fonds européen d'investissement.
! Le Médiateur européen enquête sur les plaintes pour mauvaise administration déposées contre des institutions ou organes de l'Union européenne. ! Le Contrôleur européen de la protection des données est chargé de protéger les données à caractère personnel et la vie privée des citoyens. ! L'Office des publications publie des informations sur l'UE.
! L'Office européen de sélection du personnel recrute le personnel des institutions et autres organes de l'UE. ! L'École européenne d'administration offre des formations au personnel des institutions européennes dans des domaines spécifiques. ! Une série d'agences spécialisées et d'organismes décentralisés remplissent des tâches techniques, scientifiques et de gestion.
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Table des matières
Introduction
I – Il y a bien eu une domination mondiale de l’Europe du XVe au XIXe...........................
1) L’ascension mondiale de l’Europe du XVe au XVIIIe siècle
a) La supériorité mondiale de l’Europe au XVIIIe siècle sur le plan humain
b) La supériorité mondiale de l’Europe au XVIIIe siècle sur le plan matériel
2) L’apogée mondiale de l’Europe au XIXe siècle
a) La suprématie mondiale de l’Europe au XIXe siècle sur le plan humain
b) La suprématie mondiale de l’Europe au XIXe siècle sur le plan matériel
II – Il y a eu affaiblissement mondial de la domination de l’Europe au XXe siècle
1) L’accélération de l’affaiblissement mondial de la domination de l’Europe avec la Première Guerre mondiale
2) L’amplification de l’affaiblissement mondial de la domination de l’Europe avec la Deuxième Guerre mondiale
III - L’Europe peut-elle revenir au 1er rang mondial au XXIe siècle ?
1) Nous sommes aujourd’hui dans nos années 2018-2020
2) L’Europe de nos années 2018-2020
ANNEXE I : « Sur les classiques »
ANNEXE II : « L’Europe en 1789, 1815,1914 »
ANNEXE III : « L’Union européenne »
Bibliographie
Table des matières
« Quand l’Europe était le Monde ... et rêve de le redevenir »
L’Europe, ce vieux continent mal délimité, n’a cessé depuis toujours ou presque d’être géographiquement et humainement au centre et centre du Monde. C’est particulièrement vrai du XVe au XIXe siècle où on a eu – autour des trois grands protagonistes rivaux européens : l’Allemagne, la France et l’Angleterre – une domination mondiale de l’Europe, avec l’ascension mondiale du vieux continent du XVe au XVIIIe siècle, puis l’apogée mondiale de l’Europe au XIXe siècle, avec l’Angleterre victorienne.
Le XXe siècle – avec ses deux grandes guerres mondiales sur le sol du vieux continent – a amené l’affaiblissement de la prédominance mondiale de l’Europe. Les trois grandes nations européennes vont devoir se mettre sous le protectorat des ÉTATS-UNIS qui n’en finissent plus de faire ainsi du XXe siècle un siècle américain.
Reste qu’en ce début de XXIe siècle, marqué par le grand affrontement ÉTATS- UNIS – CHINE, la vieille Europe continue de rêver à retrouver une première place au banquet des Puissances et de l’Histoire.
Pierre Pascallon est professeur agrégé de faculté. Ancien parlementaire, il anime depuis une vingtaine d’années le Club Participation et Progrès, structure de rencontre ouverte et reconnue dans le paysage français des organismes et des institutions s’intéressant aux questions de défense et aux problèmes géostratégiques.
Editions REDCOX, 2019 Photos Internet
« QUAND L’EUROPE ETAIT LE MONDE... et rêve de le redevenir. »
Editions REDCOX
Sommaire
Introduction
I – Il y a bien eu une domination mondiale de l’Europe du XVe au XIXe
II – Il y a eu affaiblissement mondial de la domination de l’Europe au XXe siècle
III - L’Europe peut-elle revenir au 1er rang mondial au XXIe siècle ?
ANNEXE I : « Sur les classiques »
ANNEXE II : « L’Europe en 1789, 1815,1914 »
ANNEXE III : « L’Union européenne »
Bibliographie
Introduction
• L’Europe ? Qui veut saisir un territoire, la vie des hommes qui l’animent... doit faire appel d’abord à la géographie. La géographie qui nous apprend que l’Europe est l’une des cinq parties du monde comprises entre la mer glaciale Arctique au nord, l’océan Atlantique à l’ouest, la Méditerranée et ses annexes, ainsi que le Caucase au sud, la mer Caspienne, les Monts Oural, le fleuve Oural à l’Est (Cf. carte l’Europe). Reste que cette partie du monde – le « Vieux Continent européen » pour reprendre une terminologie très ressassée – est, par rapport aux autres parties du monde, le plus petit des continents et sa partie la moins individualisée.
Elle n’est pas en effet, comme l’Amérique ou l’Australie, entourée d’océans qui la délimiteraient avec exactitude. Elle n’est séparée de l’Afrique que par une mince coupure maritime (détroit de Gibraltar). Et – c’est la question centrale, latente qui va parcourir les réflexions de cet ouvrage –, cette Europe continentale est très difficile à délimiter vers l’est tant elle est soudée à l’Asie. Où s’arrête l’Europe ?
L’historien russe Vassili Tatichtchevo dit « l’Oural »... devenu avec lui la limite, la frontière, la barrière entre deux mondes : l’Europe et l’Asie. Et on va ainsi parler de l’Europe comme de la partie occidentale du continent eurasiatique, comme – en s’appuyant sur Paul Valéry – le petit cap du continent asiatique.
• Cette vieille Europe continentale va bien sûr – on le sait – avoir un poids, occuper une place, jouer un rôle plus ou moins important selon les périodes de l’histoire du monde. On le voit déjà en retraçant – à la « Braudel-Perroux » – cette histoire du monde avec les dominations successives de puissance et de civilisation, en se centrant plus précisément sur l’évolution et la succession des pôles économiques dominants.
Sans trop caricaturer, en remontant donc les siècles à grandes enjambées en ayant en arrière- fond les cycles hégémoniques que l’on vient de présenter à l’instant, on peut dire que l’on va avoir une domination mondiale de l’Europe du XVe au XIXe siècle – on a alors un véritable « monopole » de l’Europe sur l’histoire du monde –, puis un affaiblissement de cette domination au XXe siècle.
I – Il y a bien eu une domination mondiale
de l’Europe du XVe au XIXe
L’Europe continentale – le Vieux Continent européen1 – va commencer à s’imposer dans le concert des acteurs du monde au Moyen Âge « central » (XVe-XIXe siècles) et – après le Moyen Âge (VIe au XVe siècle) –, pour l’ensemble des pays compris dans l’espace de l’Europe continentale, avec les Temps Modernes (1445 à 1789).
On notera en effet que les « grandes découvertes » des « Temps Modernes » (1492 : découverte de l’Amérique) ont permis à « l’Europe » de s’affirmer par comparaison avec les autres régions du monde. Le terme « Europe » entre alors de plus en plus dans le vocabulaire et dans la préoccupation des penseurs et des hommes d’État au point qu’au XVIIIe siècle, le mot « Europe » est partout. Il y a bien eu ainsi « existence » en quelque sorte d’une « vie » historique de l’Europe qui va démarrer son ascension mondiale au XVe siècle.
Le Vieux Continent européen confirme son ascension – sa place et son rôle mondial dans les siècles suivants, jusque précisément au XVIIIe siècle – on parlera alors de la « supériorité » de l’Europe, pour parvenir à son apogée au XIXe siècle, avec – au-delà de la « supériorité » – la suprématie de l’Europe qui a ainsi « capturé » l’histoire du monde de 1492 à 1914.
- L’ascension mondiale de l’Europe
Nous avions en Europe jusqu’au XVe siècle la domination des « Cités-États », avec l’Alliance des Princes et des Marchands dans et avec le capitalisme commercial et marchand. On va avoir – à partir du XVe siècle : de 1450 à 1810, on le sait – l’avènement des « États-nations » (Angleterre, France, Espagne...) qui remet en cause la prééminence des « Cités-États ». Et, avec ces « États-nations », l’Europe va entrer de plus en plus – elle en est le berceau et la matrice – dans la « modernité » et dans la « puissance », au point que – à l’heure où se profile l’avènement du capitalisme industriel – l’on devra parler de la « supériorité » mondiale de l’Europe au XVIIIe siècle : supériorité mondiale de l’Europe à tous les niveaux, sur tous les plans, tant en particulier sur le plan humain que sur le plan matériel.
a) La supériorité mondiale de l’Europe au XVIIIe siècle sur le plan humain
• Quantitativement, on sait que commencent en Europe au milieu du XVIIIe siècle, – à partir des années 1750 – une « révolution démographique », et une « poussée » démographique dans toute l’Europe. Avec les transformations économiques et sociales d’alors – on revient plus loin sur les avancées technologiques de l’époque (les liens entre « révolution démographique » et « révolution économique » sont au vrai extrêmement complexes) –, on va avoir des progrès agricoles permettant une alimentation plus abondante et de meilleure qualité, et des progrès dans la politique hygiénique et médicale.
On entre alors, dans la première phase de la « transition démographique », marquée par une baisse décisive de la mortalité, tandis que la natalité se maintient, voire progresse. Cette divergence entre mortalité et natalité va provoquer un accroissement sans précédent de la population européenne.
Après des siècles de relative stagnation, on passe à un régime de croissance plus fort et régulier de la population européenne. Celle-ci s’accroît en effet, passant de 120 à 180 millions d’habitants entre 1710 et 1790. Bien sûr, cette augmentation est variable selon les pays du Vieux Continent qui ont des histoires démographiques différentes. Ainsi, l’expansion démographique britannique fait passer à cette époque la population de 6 millions d’habitants en 1750 à 10.686.000 en 1801 (date du premier recensement).
La France ne suit pas malheureusement l’évolution démographique britannique.
• Qualitativement, le Vieux Continent européen va connaître aussi à cette époque – elle n’est pas, bien sûr, sans rapport avec la « révolution démographique » précédente – une « révolution intellectuelle ». On assiste en effet à un changement d’esprit, de mentalité des populations sur les terres européennes. Jusqu’alors : XVIe-XVIIe siècles, l’objectif de l’homme dans le contexte chrétien de l’époque est avant tout le salut, le bonheur pour l’éternité... qui n’est pas de ce monde..., mais dans l’autre monde. Cette attitude de l’homme occidental vis-à-vis de son environnement va profondément se transformer avec l’irruption alors d’un certain nombre de courants qui vont installer sur le devant de la scène l’individualisme et le libéralisme).
On pense bien sûr à la Réforme annoncée au XVIe siècle avec Calvin, au protestantisme (Max Weber a bien souligné son influence) qui vont faire plus tard de l’entrepreneur innovateur de J. Schumpeter le travailleur modèle dans une Europe occidentale prête ainsi à accueillir le capitalisme industriel, l’accumulation du capital, l’enrichissement, l’économie de marché et de profit, en assurant la maîtrise technique de l’évolution humaine, les progrès dans les techniques.
Mais, il va y avoir aussi les grandes philosophies qu’il faudrait développer ici, et en particulier et surtout la doctrine nouvelle du libéralisme à la fin du XVIIIe siècle, qui cherche lui aussi à se défaire du référent religieux. On ne peut pas ne pas citer (Cf. annexe A, Sur les classiques...) au moins Adam Smith pour le libéralisme « économique » (1776 : Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations) et John Locke (1632-1704), théoricien du libéralisme « politique ».
b) La supériorité mondiale de l’Europe au XVIIIe siècle sur le plan matériel
L’Europe va s’imposer – avec un niveau inégalé ailleurs – comme la puissance industrielle de notre Nouveau Monde : c’est « la révolution industrielle » – conceptualisée par Adolphe Blanqui – la première révolution industrielle (commencement 1780-1820) qu’il faudrait pouvoir détailler ici tant elle est au cœur de ces temps de « révolution » (on en a déjà mentionné un certain nombre !) grâce à l’Alliance – mystère de l’histoire en ce XVIIIe siècle – de plusieurs supériorités liées, 3 au moins :
– supériorité en matière de population (on l’a déjà vu plus haut, on n’y revient pas) ;
– supériorité en manière de ressources naturelles ; – supériorité en matière technique.
• Il faut dire quelques mots au moins de la supériorité mondiale de l’Europe d’alors en matière de ressources naturelles.
Par un hasard extraordinaire, l’Europe a « trouvé » dans son sol les ressources fondamentales de l’économie industrielle qui va se mettre en place, de l’eau2 et surtout du charbon qui garde encore de nos jours la place que l’on sait.
C’est, on le sait, en Europe, la Grande-Bretagne qui va être massivement au centre de cette grande aventure charbonnière.
Le charbon va être en effet outre-manche l’énergie qui va accompagner déjà le développement artisanal et préindustriel (la « proto » industrie) du Royaume-Uni depuis le début du XVIIIe siècle, en étant utilisé par les maréchaux-ferrants, les serruriers et ceux qui travaillent le fer. On va l’utiliser aussi pour cuire les briques et les tuiles, dans les fours à chaux et à plâtre, partout où une température élevée est nécessaire.
L’énergie charbonnière va ensuite, et surtout, devenir l’énergie dominante avec le développement de l’industrie mécanisée concentrée dans de vastes centres de production : « l’usine », « la manufacture », « la fabrique » (le factory system). Ce développement industriel n’aurait pas en effet été possible sans une source d’énergie plus grande que n’en pouvait offrir la force humaine ou animale. On va trouver la réponse dans une invention déterminante du XVIIIe siècle, un nouveau « transformateur » d’énergie. La « vapeur » et la « machine à vapeur » à partir de l’exploitation d’un vieux combustible : le charbon.
On le confirme dans les développements qui suivent.
• Il faut s’arrêter davantage en effet sur la supériorité mondiale de l’Europe d’alors sur le plan technique.
Le XVIIIe siècle est très souvent qualifié à juste titre de « siècle de l’invention ». On vient d’en avoir une première confirmation avec l’invention fondatrice de la vapeur et de « la machine à vapeur ».
Il faudrait bien sûr ici reprendre les principales étapes de cette invention décisive depuis le prototype de Denis Papin (1691), en passant par la pompe à feu de Thomas Newcomen (1711), pour arriver jusqu’à la machine à vapeur de l’Écossais James Watt (1765-1792)
Il faut bien insister sur le fait que la vapeur, la machine à vapeur, est une rupture technologique clé, celle de la découverte d’un moteur utilisable dans toutes les industries, capable d’actionner n’importe quel type de machine à filer, à tisser, à souffler, à brasser, à laminer... dans la plupart des industries existantes et à venir.
Le système de Watt devient ainsi, selon la formule de Marx, « l’agent général de la grande industrie moderne », au centre et cœur du « système technologique » (B. Gille) de la première révolution industrielle.
On évoquerait à partir de là, si la place ne nous était comptée, avec et au-delà de la machine à vapeur comme force motrice qui va innover tout le tissu industriel de l’époque, toute la succession d’inventions nouvelles que l’on peut observer alors sur une période relativement courte et qui va modifier profondément le processus de fabrication (c’est avec cette invention de façon stricte – un peu trop limitée – que l’on croit possible le plus souvent de parler, on l’a dit, de « révolution industrielle » et de la « première révolution industrielle » ici en l’espèce, le centre et le cœur du démarrage économique de l’Angleterre qui s’effectuent dans les années 1780).
Mais au-delà de la première vague d’innovations de la première révolution industrielle du XVIIIe siècle et des grandes branches d’alors, il y a lieu de se centrer un moment de plus sur les industries textiles et plus spécialement dans les secteurs clés d’alors, sur celle du coton (Cf. tableaux 5 et 6) qui va connaître un développement spectaculaire avec sa mécanisation après 1760, devenant l’industrie motrice de ce premier temps de la révolution industrielle. Le « roi coton » va ainsi régner en maître sur l’Europe industrielle à la fin du XVIIIe siècle (Cf. carte 3).
Mais le monde ne s’est pas arrêté... en 1800, avec la supériorité mondiale en cette fin de XVIIIe siècle du Vieux Continent, supériorité mondiale de l’Europe qui est déjà pour beaucoup – on l’a perçu – la prééminence de la Grande-Bretagne dans de nombreux domaines où notre voisin d’outre-manche apparaît en effet de façon précoce comme le pays le plus avancé et le plus puissant4. L’ascension de l’Europe, commencée, on le rappelle, au XVe siècle, va se poursuivre et connaître son apogée au XIXe siècle avec, on va le voir, une supériorité devenue suprématie et la suprématie du Royaume-Uni dans ce cadre (Cf. annexe B, Cartes de l’Europe).
2) L’apogée mondiale de l’Europe
au XIXe siècle
Il va bien y avoir en effet apogée mondiale de l’Europe au XIXe siècle, autour des années 1850-1880, apogée avec – on vient de le laisser entrevoir à l’instant – une supériorité de l’Europe qui est désormais à cette époque devenue une véritable suprématie sans partage du Vieux Continent : suprématie mondiale européenne (alors suprématie mondiale britannique plus spécialement) que l’on peut essayer de mettre en lumière en reprenant en symétrie et différence, avec les développements précédents sur la supériorité du XVIIIe siècle, le thème de la suprématie humaine, puis de la suprématie matérielle.
a) La suprématie mondiale de l’Europe au XIXe siècle sur le plan humain
Il est sûr que la force de l’Europe au XIXe siècle va résider peut-être d’abord et surtout sur sa démographie : sa population sur le sol du Vieux Continent, mais aussi sa population hors du Vieux Continent.
• Il y a d’abord et surtout en effet à consigner la suprématie démographique mondiale de l’Europe sur le sol du Vieux Continent.
On sait – on l’a rappelé plus haut – que la population européenne est passée au XVIIIe siècle – « révolution démographique » – d’un régime de croissance lente, entrecoupée de graves reculs liés aux famines, aux épidémies, à – « transition démographique » – un régime de croissance plus forte et plus régulière de sa population. Alors qu’au XVIe siècle et au XVIIe siècle, la croissance démographique européenne annuelle ne dépassait pas 0,5 %, les taux de croissance démographique vont dépasser 1,57 % par an au début du XIXe siècle, entre 1815 et 1830.
On va bien avoir ainsi une expansion continue de la population européenne qui va s’accélérer à la fin du XVIIIe siècle et au XIXe siècle, si bien que cette population européenne va avoir triplé en un siècle et demi. Elle sera de 420 millions d’habitants en 1900, soit environ 25 % de la population mondiale d’alors.
• Mais il convient de mentionner aussi et surtout – on ne l’a pas fait assez – la suprématie démographique mondiale de l’Europe au XVIIIe siècle avec « sa » population hors du sol du Vieux Continent.
On pense bien sûr en disant cela aux conquêtes « coloniales » du monde par la vieille Europe, au « fait colonial » qui va constituer une rupture majeure par son importance géographique et sa durée.
Il faudrait pour ce faire repartir du XVIIIe siècle où l’on va avoir une « européanisation » du monde, avec les conquêtes « coloniales » des puissances européennes,
Angleterre plus spécialement, sur de vastes étendues de la planète, en Amérique, en Inde... l’Europe se « dédoublant » en particulier de l’autre côté de l’Atlantique5
Cette colonisation du monde par les grandes puissances capitalistes européennes va, par contre, se poursuivre de façon beaucoup plus lente dans la première partie du XIXe siècle, au point qu’après les décolonisations américaines, les zones d’influence officielle directe des métropoles européennes paraissaient plus réduites vers 1850 qu’un siècle auparavant. Il n’y a guère en effet dans cette première partie du XIXe siècle qu’en 1830, la conquête de l’Algérie par les Français et la poussée britannique en Afrique du Sud, qui représentent de nouvelles pénétrations importantes. Sinon, on assiste plutôt à la multiplication de « points d’appui » qui traduisent la maîtrise des Européens vers les mers du globe.
Tout va commencer à changer vers le milieu du XIXe siècle avec les moyens décuplés des Européens, les moyens en matière de transport – on y revient plus loin – les moyens humains, avec leur croissance démographique – on l’a vu plus haut.
On va voir en effet le mouvement de colonisations s’accélérer des années 1880 à la Première Guerre mondiale. Et il faudrait pour l’expliquer sans aucun doute faire un lien entre la grande dépression de 1873- 1896 – la Grande-Bretagne et la France connaissent un net ralentissement de leur croissance, il y a un recul général du libre-échange en Europe vers 1880 –, et l’engagement de ces deux pays dans de nouvelles conquêtes coloniales6, l’expansion coloniale imprimant alors au tournant du siècle, avant la Première Guerre mondiale, son empreinte profonde aux sociétés, cultures et territoires des trois quarts de la planète (mines et agriculture, réseaux de transport...).
Il y a au centre de la scène les grands empires coloniaux européens, Royaume-Uni massivement mais aussi France, Pays-Bas, Portugal. Mais la liste s’allonge. L’Allemagne, nouvelle puissance coloniale, s’efforce de combler son retard sur la France et la Grande- Bretagne. Apparaissent, même si c’est modestement, à la veille de la Première Guerre mondiale, les États-Unis et le Japon.
b) La suprématie mondiale de l’Europe au XIXe siècle sur le plan matériel
Il est vrai que l’Europe va être au XIXe siècle à un moment privilégié de son histoire. Les grandes nations de l’Europe occidentale poursuivent et prolongent en effet dans ce siècle leur ascension mondiale et l’Europe va être ainsi – on l’a dit –, en 1850-1880/1890, à l’apogée de sa puissance économique en particulier.
Voyons cette prééminence du Vieux Continent successivement – on mesure la fragilité et l’insuffisance de cette distinction – sur le plan industriel et, ensuite, sur le plan commercial et financier.
• La suprématie industrielle mondiale de l’Europe
Il est sûr qu’au XIXe siècle, plus encore qu’au XVIIIe siècle, l’Europe a été d’abord et surtout l’Europe industrielle, l’Europe des pays et des nations industrielles, l’Europe des régions industrielles. Le tableau 8 présente les dix premiers pays industriels d’Europe en 1860.
On peut dire – même si l’accord n’est pas complètement acquis sur cette chronologie – que l’on va avoir deux temps dans cette Europe industrielle du XIXe siècle : la deuxième vague de la première révolution industrielle qui est ainsi dans sa complétude vers 1850-1860 ; et ensuite, deuxième temps, le commencement de la deuxième révolution industrielle.
• Premier temps : développement et maturité de la première révolution industrielle au XIXe siècle.
On se souvient – on l’a rappelé plus haut – que la première révolution industrielle a démarré sur le charbon – le « charbon roi », la vapeur et la machine à vapeur –, il y avait 15 000 machines à vapeur en service en Angleterre en 1830, et l’ère du « roi coton ». Ce système technologique va être complété à partir des années 1830-1840 par un autre secteur moteur, le secteur des transports, avec le navire, le streamer et le chemin de fer en particulier qui va commencer à détrôner l’hégémonie du coton.
Il est vrai que la deuxième phase technologique de la révolution industrielle est bien en effet – tout démarre là encore en Grande-Bretagne – celle du chemin de fer (Cf. tableaux 9 et 10); celle – pour être précis – de l’application de la machine à vapeur aux transports (chemin de fer et navire) grâce aux progrès réalisés avec les engins à haute pression, la mécanisation croissante et la poursuite de la substitution du fer à tous les matériaux traditionnels continuant alors à stimuler les industries sidérurgiques et mécaniques.
• Deuxième temps : commencement de la deuxième révolution industrielle au XIXe siècle.
Il faut insister bien sûr sur l’énergie électrique, nouvelle forme de l’utilisation de l’énergie, et sur la diffusion de cette énergie électrique – grande découverte concernant la production du courant électrique et son transport à distance – qui vont jalonner les trois dernières décennies du XIXe siècle. Non moins important à mettre en avant est le moteur à combustion interne ou moteur à explosion – utilisant l’énergie produite par les carburants (suscitant l’intensification de la prospection et de l’extraction du pétrole brut, « l’or noir ») avec les applications que l’on sait à l’automobile et à l’aviation.
On voit bien visuellement cette importance centrale de l’électricité et du moteur à explosion dans le schéma simplifié ci-après du système technologique de la deuxième Révolution industrielle qui se met en place en Europe à la fin du XIXe siècle.
Resterait pour terminer ce point à souligner que le temps de la deuxième révolution industrielle va être le temps de la grande entreprise – la « large modern compagny » d’Alfred Chandler, avec la rationalisation du travail – recherche de l’utilisation optimale de la machine et de la main-d’œuvre (on pense bien sûr à F.W. Taylor) ; le temps des premiers liens entre la technique et le monde scientifique : on passe de l’ère de l’inventeur à l’ère de l’ingénieur avec au centre l’entrepreneur innovateur à la Schumpeter.
• La suprématie commerciale et financière mondiale de l’Europe
- La suprématie commerciale ? On sait que les échanges internationaux ont connu au XIXe siècle – et plus spécialement dans la deuxième partie de ce XIXe siècle – une expansion considérable et rapide. Tous les indicateurs statistiques que l’on possède témoignent bien, en effet, de ce développement considérable du commerce mondial à cette époque. Ainsi, d’après W. Sombart, l’ensemble du commerce mondial représentait, en 1802, 5 milliards de francs Germinal. En 1850, il est passé à 27 milliards et demi, en 1890 à 75 milliards. Pareillement d’après R. Nurkse, le volume du commerce mondial sur la base de l’année 1850 égal 100, atteint l’indice 370 en 1880 et 1000 en 1913. Enfin, pour ne pas multiplier les chiffres, retenons que les travaux de G. Marcy montrent de façon convergente que le volume du commerce mondial double entre 1890 et 1913 et que sa valeur double également entre 1899 et 1913.
Ce qui est certain, c’est que ce commerce international – en essor donc au XXe siècle – est avant tout à cette époque le fait des grandes nations industrielles européennes, la Grande- Bretagne bien sûr et, de façon moins affirmée et plus tardive, la France... : de 1800 à 1900, le commerce international de la Grande-Bretagne est passé de 1 à 14, celui de la France de 1 à 15, celui de l’Allemagne de 1 à 10. Aussi bien, l’essentiel du commerce mondial est bien organisé au XIXe siècle par le pôle européen – et à la veille de la Première Guerre mondiale – par le pôle occidental.
En face de ces grands pays producteurs et exportateurs de produits finis (ou semi-finis), on trouvait en effet cinq grandes régions du monde (les Indes néerlandaises, l’Amérique centrale, une partie de l’Amérique latine et même de l’Amérique du Nord), l’Asie (sauf le Japon en partie), l’Afrique et la Russie – reléguées, dans l’ensemble, au rôle de réservoirs de matières premières nécessaires à l’industrie des pays développés et de déversoirs de produits manufacturés8.
• La suprématie commerciale donc, mais aussi, simultanément, la suprématie financière mondiale de l’Europe.
C’est l’or, on le sait, qui en théorie est supposé avoir géré notre monde du XIXe siècle. Le système monétaire international adopté en effet par quasiment tous les grands pays, dans la deuxième partie du XIXe siècle, pour faciliter le paiement des échanges internationaux, est le système monétaire international de l’étalon-or. Or, on le sait aussi, en réalité, c’est la livre sterling britannique qui est devenue la monnaie mondiale généralement acceptée par la plupart des pays bien au-delà des limites de l’Empire britannique ; et les banques anglaises – et la City londonienne – sont alors au cœur des relations financières et mondiales internationales. Oui, le régime d’étalon or, contrôlé par un seul centre de règlement international unifié grâce à la position dominante de la Banque d’Angleterre et de la City de Londres, fut de fait au XIXe siècle et jusqu’en 1914 un système d’étalon sterling.
Au terme de cette réflexion, on espère donc avoir convaincu qu’il y a bien eu suprématie mondiale de l’Europe au XIXe siècle, XIXe siècle qui fut donc par là même avant tout le siècle du Vieux Continent. Et, dans cette prééminence mondiale de l’Europe, on a perçu tout au long des développements précédents la place éminente du Royaume-Uni : on a bien eu en effet au XIXe siècle une « économie monde britannique ».
« L’Economie- monde britannique »
La Grande-Bretagne – la « nation des boutiquiers », selon la formule qu’on prête à Napoléon – a bien été la nation « mastodonte » du XIXe siècle, sous l’ère victorienne (1850-1875). L’exposition universelle de Londres en 1851 symbolisa parfaitement cette hégémonie britannique d’alors.
Cet ordre unipolaire mondial européen – britannique pour beaucoup – va être mis à mal par le XXe siècle.
Finance : La City londonien. La livre sterling, monnaie internationale.
Puissance mondiale. Empire colonial.
II – Il y a eu affaiblissement mondial de la domination
de l’Europe au XXe siècle
• Le XIXe siècle a été – on vient de le voir – le siècle de la domination, plus de la suprématie de l’Europe et de la Grande-Bretagne en particulier sur le monde.
L’Europe paraît entamer le XXe siècle en ayant encore un poids et une prééminence certains
Le Royaume-Uni occupe toujours l’un des premiers rangs dans la hiérarchie des puissances économiques grâce à l’importance et à la diversité de ses activités manufacturières, à son rôle central de principal émetteur de capitaux, la force de la livre sterling. Et l’Empire allemand est devenu en 40 ans l’une des plus grandes puissances industrielles du monde, les premières années du XXe siècle ayant été marquées par une accélération de sa croissance économique. Bref, il est sûr qu’en 1900, le Vieux Continent – les grandes nations du Vieux Continent, avec leurs empires coloniaux : Grande-Bretagne surtout, France, mais aussi depuis les années 1890 l’Allemagne – est encore au centre d’un monde qu’il domine quasiment dans tous les domaines. L’exposition universelle de 1900 à Paris est le symbole de cette Europe « euphorique ».
• Reste que – on les a déjà entrevus plus haut – de nouveaux « rivaux » des Européens sont apparus sur l’échiquier mondial des puissances dans le dernier quart du XIXe siècle, contestant la suprématie mondiale européenne. Il y a eu en effet – on le sait – de nouveaux venus au « bal » de la puissance avec l’émergence du Japon et surtout des États-Unis, dont le « surgissement » en tant que puissance mondiale va être l’élément déterminant du XXe siècle.
On assiste par suite, dans les deux dernières décennies du XIXe siècle et au début du XXe siècle, à un affaiblissement relatif de l’Europe au profit des États-Unis principalement, à un effritement des positions de l’Europe dans le domaine de la production industrielle en particulier au bénéfice des États-Unis. La « Première Guerre mondiale précipitera le déclin de l’Europe en attendant la Deuxième Guerre qui l’achèvera » (Jacques Brasseul).
1) L’accélération de l’affaiblissement mondial de la domination de l’Europe avec la Première Guerre mondiale
La Première Guerre mondiale (1914-1918) constitue un moment décisif de l’histoire du XXe siècle. Quelles sont les causes, les raisons, l’explication du conflit ? Quel en est le bilan ; quelles en sont les conséquences ?
• On peut dire d’abord – en réponse à la première question – que la Première Guerre mondiale est issue des rivalités des grandes puissances « impérialistes » de l’époque. L’Empire britannique, l’Empire français, l’Empire allemand plus tardivement, qui se sont taillé la part du lion dans le partage de la planète, les grands pays industrialisés européens ayant étendu leur emprise sur le monde en se partageant notamment les continents asiatique et africain. Les conflits d’intérêts nés de la volonté d’expansion de ces différents États ont entraîné des heurts entre les puissances colonisatrices qui se sont poursuivis au début du XXe siècle. On pense dans cet esprit à la rivalité franco-allemande au Maroc (1905-1906). Il y a bien ainsi au début du XXe siècle une lutte pour l’hégémonie entre les trois grandes puissances européennes : la Grande-Bretagne, l’Allemagne, la France. Notre pays n’a pas oublié la victoire de la Prusse de 1871 qui l’a privé de l’Alsace-Lorraine ; l’Angleterre s’inquiète de l’émergence et de l’essor industriel de l’Allemagne...
Bref, au tournant du siècle, les tensions s’exaspèrent (notamment dans les Balkans, qualifiés de « volcans ») dégradant progressivement le « climat » international ; les occasions d’affrontement se multiplient. De tensions en crises, les antagonismes vont conduire en 1914 à la Première Guerre mondiale, avec la rivalité de deux blocs de puissances européennes organisées dans des alliances sur la base d’une double coalition d’intérêts : d’une part, l’Angleterre, la France, la Russie ; d’autre part, l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie (Cf. carte 5).
Cette guerre « européenne » va prendre une dimension mondiale « occidentale » avec l’entrée en guerre à nos côtés du Japon dès la fin août 1914, et surtout des États-Unis en avril 1917.
• Quelles causes à ce conflit ? On vient d’y répondre. Quelles causes, mais aussi et surtout la réponse à cette deuxième interrogation est déjà dans l’analyse précédente ; quel bilan, quelles conséquences à ce conflit ? Avant tout – on l’a déjà entrevu précédemment –, les modifications dans la hiérarchie de puissance : modifications « internes » à l’Europe, modifications plus « externes » par rapport à l’Europe.
– Modifications de hiérarchie de puissances internes à l’Europe.
Les Traités de Versailles, Saint-Germain, Trianon (1900-1920) transforment la carte du Vieux Continent en consacrant la disparition de trois Empires (allemand, austro- hongrois et ottoman). C’est bien sûr l’Allemagne, désormais l’Empire allemand depuis 1870 – dont la montée en puissance est brisée par les hostilités –, qui sort de la Première Guerre mondiale la plus meurtrie. Elle doit accepter la clause humiliante qui la rend seule responsable du déclenchement de la guerre de 1914. Elle est territorialement amputée : elle doit rendre l’Alsace-Lorraine à la France, elle est séparée en deux avec le corridor de Dantzig pour donner à la Pologne un accès à la mer. Elle est en outre astreinte à payer de lourdes réparations.
- Mais il y a aussi et surtout pour notre analyse à préciser les modifications des hiérarchies de puissance entraînées par la Première Guerre mondiale.
Le premier conflit mondial a provoqué des dégâts énormes en Europe. Le bilan est très lourd sur tous les plans. Le bilan « humain » ? Les pertes humaines ont été considérables : quelque 10 millions d’hommes jeunes de 20 à 40 ans ont disparu ; le dynamisme démographique de l’Europe est ainsi durement touché ; sa population active amputée. Mais le bilan « matériel » est tout aussi catastrophique : régions dévastées, infrastructures endommagées, production agricole, minière, manufacturière affectée, si ce n’est paralysée par les destructions, endettement croissant des États pour le financement de la guerre... Bref, l’Europe est saignée démographiquement, dévastée économiquement, plombée financièrement. On comprend, après ce « suicide » collectif des nations européennes, que l’idée d’un « déclin » peut-être irréversible de l’Europe ait commencé à s’installer dans les esprits9.
La Première Guerre mondiale aurait mis fin pour de bon à la primauté de l’Europe dans le monde, d’autant que les « rivaux » qui contestaient déjà cette domination avant les hostilités profitaient eux du grand conflit. On pense bien sûr – on les a déjà aperçus plus haut – au Japon et surtout aux États-Unis.
Le Japon ? Il va multiplier sa production manufacturière par cinq entre 1900 et 1919, développant massivement ses exportations vers la Russie notamment. Sa position de jeune puissance industrielle a été renforcée par la guerre.
Les États-Unis ? L’industrie américaine va profiter particulièrement des commandes de guerre, jouant le rôle « d’arsenal » des démocraties. Elle va dégager un énorme excédent commercial en vendant massivement ses céréales, ses produits manufacturés à l’Angleterre, à la France... Elle devient deuxième exportatrice mondiale de produits manufacturés. Son PNB va connaître une progression sans précédent de 55 à 75 milliards de dollars, de 1911 à 1919.
Il est donc sûr – c’était déjà en cours on l’a vu plus haut depuis la fin du XIXe siècle, début du XXe siècle – que la Première Guerre mondiale va confirmer le transfert – dans une « économie monde » devenue « transatlantique » – de l’hégémonie mondiale de l’Europe au XIXe siècle, vers les États-Unis au XXe siècle. La modification de la hiérarchie de puissance EUROPE–ETATS-UNIS va bien se conforter, sinon s’accuser, dans la première partie du XXe siècle.
Bien sûr, « l’ordre mondial » n’est pas « chamboulé ». Demeure bien la part prépondérante encore des pays les plus anciennement industrialisés dans la production et les flux d’échanges mondiaux (et dans la structure de ces échanges). Mais si l’on regarde plus spécifiquement les hiérarchies de puissance, on voit que le changement de rapport de force entre les grandes nations industrielles européennes et les États-Unis qui s’étaient déjà modifiés en faveur des Américains continue de se faire alors bénéfice : les États-Unis sont bien la puissance montante.
Il faudrait bien sûr aller plus loin ici en précisant davantage l’écart relatif qui se creuse dans cette première partie du XXe siècle entre l’Europe et les États-Unis ; mieux, il faudrait creuser – pour une comparaison vraie – l’écart relatif qui paraît s’accuser entre la Grande-Bretagne « européenne ». Il n’y a pas encore les « États-Unis d’Europe » !! – et les États-Unis d’Amérique. Mettons pour ce faire dans une perspective longue (deuxième partie du XIXe siècle – première partie du XXe siècle) l’évolution respective des deux puissances, en utilisant le terme d’Europe désormais acquis dans ces réflexions.
La Grande-Bretagne ? Elle est dominante au XIXe siècle on le sait, elle est sans doute vers 1850-1870 « l’hyper puissance » mondiale. Elle est encore une « superpuissance mondiale » en 1913-1914. Elle n’est plus déjà la première puissance mondiale sur le plan industriel, mais elle est la première puissance commerciale mondiale et, plus que jamais, la première puissance financière de la planète. Sa prééminence se réduit, après la Première Guerre mondiale, notamment et surtout sur le plan industriel. Elle devient dans la première partie du XXe siècle « une grande puissance mondiale » en déclin, en repli relatif par rapport à son glorieux passé. Mais le même temps, en symétrie avec la Grande-Bretagne, les États-Unis commencent dans la deuxième partie du XIXe siècle leur insolente progression. Ils s’éveillent à la puissance en devenant avant 1914 une « puissance moyenne mondiale », ayant déjà en 1913 le plus fort PIB par tête mondial.
Les États-Unis vont être incontestablement le principal vainqueur économique de la Première Guerre mondiale. Ils deviennent, dans la première partie du XXe siècle, le deuxième exportateur mondial de produits industriels. Ils ont une large avance, en particulier sur l’Europe et la Grande-Bretagne, sur le plan de la production mondiale d’automobiles. Les États-Unis – cet « énorme soleil capitaliste » selon la formule de Jaurès – deviennent une « grande puissance mondiale ». L’ère de la domination américaine sur le monde va pouvoir vraiment commencer dans la deuxième partie du XXe siècle... après la Deuxième Guerre mondiale.
2) L’amplification de l’affaiblissement mondial de la domination de l’Europe avec la Deuxième Guerre mondiale
La Deuxième Guerre mondiale (1939-1945) mérite plus que le premier conflit mondial son appellation de guerre « mondiale » : les alliances dans la guerre seront « mondiales » ; les opérations militaires de la Deuxième Guerre mondiale seront « mondiales ». Essayons de regarder – comme pour la démarche précédente – les causes puis les conséquences de ce deuxième conflit du XXe siècle qui finissent d’affaiblir relativement la domination de l’Europe.
• Les causes, les raisons du deuxième conflit mondial ?
À la racine de la Deuxième Guerre mondiale, on trouve bien – c’était déjà le cas pour le premier conflit mondial – les rivalités de puissance. Les grandes puissances sont confrontées – on le sait – à la crise de 1929, moment central du XXe siècle, avec une crise en effet d’une ampleur et d’une durée sans précédents plongeant le monde dans la longue dépression des années 1930. Les puissances vont chercher à sortir de ces difficultés en engendrant entre elles la guerre économique (1930-1938) et, avec et au-delà, la guerre militaire (1938-1939).
Ce qui est sûr, c’est que – on est là sur le plan « externe » –, la dépression de la décennie 1930 a contracté les débouchés extérieurs et, en exacerbant la compétition économique mondiale autour des débouchés, a multiplié et durci les affrontements commerciaux et monétaires. Oui, les grandes puissances sont bien alors en « guerre économique », avec une forte utilisation du « dumping » et de la dépréciation ou de la dévaluation de leurs monnaies.
- La crise de 1929 et la guerre économique (1930-1938) Les gouvernements des grandes puissances ont tenté d’apporter une réponse – chacun pour soi – à la crise dans ce qu’il faut bien convenir d’appeler une montée des nationalismes dans la décennie 1930. Avec d’abord – on est sur le plan « interne » –, prioritairement, des politiques d’austérité. La crise de 1929 est vue dans cette perspective comme née d’un abus de crédit – prospérité très artificielle à crédit – permettant une consommation plus forte que ne l’autoriserait l’évolution du pouvoir d’achat. De Hoover aux États-Unis à Laval en France, les gouvernements occidentaux vont se raccrocher à des politiques déflationnistes basées sur la recherche de l’équilibre budgétaire. Le succès n’étant pas pleinement au rendez-vous, les gouvernements des grandes puissances – il n’y a pas eu synchronisation de ces moments – vont essayer des politiques de relance, avec la légitimité que leur apportera Keynes. On pense en particulier au New Deal américain et au Front populaire français.
- La crise de 1929 et – avec et au-delà de la guerre économique – la guerre militaire
(1938 1939) Nous avons vu jusque-là les tentatives de réponse à la crise des grandes démocraties (États- Unis, France...). Mais les années 1930 sont aussi le temps des dictatures et des tyrannies (Allemagne, Italie, Japon). On se centre quelques instants sur l’Allemagne. La crise de 1929 a pris chez notre voisin d’outre-Rhin des proportions d’une ampleur inconnue dans le reste de l’Europe : le chômage va y dépasser 6 millions de personnes en janvier 1932.
Aux élections présidentielles de 1932, Adolphe Hitler, fraîchement naturalisé en 1931, rassemble plus de 25 % des électeurs sur son nom. Le président Hindenburg le désigne le 30 janvier 1933 chancelier. Il va nommer comme ministre de l’Economie Alfred Hugenberg.
Ce dernier va mener dans un premier temps une politique inspirée du « New Deal ». Hitler lui impose dès 1933 – au-delà – un effort de réarmement très ambitieux d’un coût considérable (il représente en 1938 la moitié du budget et 26 % du PNB). L’Allemagne va sortir de la crise de 1929 par cette politique de réarmement organisé par la dictature national-socialisme.
Mais tout cela – on ne le sait que trop – va entraîner inexorablement l’Europe, à partir de 1938 : l’heure de la montée des périls – vers une nouvelle conflagration généralisée, avec l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne... Le Royaume-Uni, puis la France déclarent la guerre à l’Allemagne en 1939.
• Les conséquences de ce conflit ?
- Les hiérarchies « internes » des puissances européennes vont bien sûr être modifiées au terme de ce conflit sur le sol du Vieux Continent.
C’est bien sûr l’Allemagne – vaincue – qui subit les conséquences les plus lourdes de la Deuxième Guerre mondiale et qui rétrograde dans la hiérarchie européenne des puissances. Notre voisin d’outre-Rhin avait étendu en 1941 sa domination sur la plus grande partie de l’Europe au point qu’il n’est sans doute pas excessif de parler de « l’Europe allemande » d’alors.
L’Allemagne sort de la Deuxième Guerre mondiale partagée (Cf. carte 8) : République fédérale d’Allemagne, République démocratique d’Allemagne ; sa capitale Berlin est, elle aussi, partagée, avec le « Mur de Berlin » (Cf. schéma 3).
- Mais ceci nous amène déjà à nous arrêter sur le deuxième point, à savoir la modification de hiérarchie « externe » des puissances au terme de cette Deuxième Guerre mondiale, et plus spécialement la hiérarchie entre l’Europe et les États-Unis.
Il est sûr en effet que la deuxième guerre mondiale – comme l’avait fait de façon moins décisive le premier conflit mondial – représente une étape cruciale – c’est bien de l’amplification du mouvement dont il s’agit – dans ce long déclin relatif de l’Europe entamé dès la fin du XIXe siècle et la montée en puissance corrélative des États-Unis à la même époque. Comme cela a été le cas pour le premier conflit mondial, avec des différences qu’il faudrait pouvoir préciser, l’Europe sort ruinée, exsangue10 et fracturée des hostilités de 1939- 1945.
Et comme cela avait été le cas avec la Grande Guerre, les États-Unis sortent renforcés par le deuxième conflit mondial dans ce qui est pour eux une période de montée en puissance séculaire dans un monde dont le centre de gravité se déplace outre-Atlantique.
Il n’y a pas lieu, dès lors, de montrer quelque surprise à la suite de l’histoire – on la connaît – après la Seconde Guerre mondiale pour notre Europe qui va se trouver disloquée, vassalisée et répartie entre deux camps. « L’Europe de l’Ouest » – à les supposer comme entité –, puissance déclinante, voire finissante, va rejoindre le bloc « occidental » sous domination américaine tandis que « l’Europe de l’Est » va être « happée » dans le bloc « communiste » sous domination de l’URSS pour nous donner l’ordre mondial bipolaire et antagoniste (l’Europe12 de guerre froide) qui va occuper toute la scène mondiale des décennies 1950 et 1960.
L’espace mondial bipolaire au début
des années cinquante
Il est certain – pour nous centrer sur l’Occident – que dans ces décennies des « 30 glorieuses », on va voir (on reprend la terminologie précédemment convoquée pour éclairer les évolutions hiérarchiques de puissance) les États-Unis passer du statut de « grande puissance mondiale » – c’était avant 1939 – au statut de « super puissance mondiale » qu’ils vont partager avec l’URSS.
On sait aussi – à remonter rapidement la deuxième partie du XXe siècle – qu’après le XXe siècle, après les changements géostratégiques de 1989 à 1991 (chute du Mur de Berlin, éclatement de l’Empire soviétique, dislocation du pacte de Varsovie), les États-Unis vont devenir « omniprésents » (Cf. carte 10), « l’hyper puissance mondiale » (H. Vedrine) dans le cadre de l’ordre international unipolaire post-guerre froide qui se met en place dans les décennies 1990-2000. Le XXe siècle a bien été ainsi le siècle américain, le siècle des Etats-Unis comme le XIXe siècle avait été le siècle européen, le siècle de l’Angleterre.
L’Europe peut-elle revenir au 1er rang mondial
au XXIe siècle ?
1) Nous sommes aujourd’hui dans nos années 2018-2020 dans une longue et difficile période de transition – les périodes de transition sont toujours des périodes de forte chaleur de l’Histoire - entre l’ordre unipolaire – on l’a dit plus haut – sous domination de l’hyper-puissance américaine des années 1990-2000 et le nouvel ordre mondial de ce XXIe siècle – le siècle asiatique annoncé par Hegel dès 1831 – qui devrait se mettre en place autour de la Chine dans les années 2030-2035, après – on l’a présenté dans le tableau de départ de cette réflexion - l’émergence de l’Empire du Milieu : 1980-2004, son expansion : 2004-2030, pour enfin parvenir à sa suprématie : 2030-203513.
Cette période de transition – qui correspond sans doute à la phase descendante d’un cinquième cycle long KONDRATIEFF – est une période de mutation, basculement et redéploiement des cartes de la puissance ; nous sommes bien dans un monde de désordre, instable, hétérogène, (uni– bi – tri – multipolaire) , un monde en « décomposition- recomposition » marqué, dans nos années 2018-2020, par la « cohabitation – recouvrement superposition » conflictuel(le)s de deux Mondes : « l’Ancien Monde » et le « Nouveau Monde ».
« L’ancien Monde » est celui de hier, celui de la 2ème partie du XXe siècle, avec son antagonisme central entre les deux superpuissances d’alors : les ETATS-UNIS et l’URSS.
Cet antagonisme a paru s’effondrer avec les changements géostratégiques de 1989-1991 : chute du Mur de Berlin, dislocation de l’URSS, disparition du Pacte de Varsovie. On va avoir en effet une grande faiblesse de la Russie dans la décennie 1990. Mais la Russie a trouvé en partie le chemin du renouveau dans nos années 2000-2010, si bien que le vieil antagonisme s’est ravivé : on parle même d’une « nouvelle guerre froide, « d’une nouvelle période de « défiance stratégique entre la Russie et l’Occident « (Isabelle FACON).
Le volet nucléaire en est la plus récente manifestation. Le duel géopolitique entre Moscou et Washington prend en effet une tournure nucléaire avec la décision des américains de se retirer du Traité sur les forces nucléaires (FNI), menaçant de fragiliser l’architecture de désarmement mis en place depuis la guerre froide.
Le « Nouveau monde » est le monde de notre premier quart du XXIe siècle. Ce « Nouveau Monde » n’a pas – on vient de le voir – complètement « chassé » dans nos années 2018-2020 le « Vieux Monde » autour du duel ÉTATS-UNIS – RUSSIE. Certes, ce « Vieux Monde » parait de nos jours un peu « vieux », un peu effrité, dépassé. Mais il s’agrippe, il ne veut pas mourir et sortir définitivement de l’Histoire.
Et la RUSSIE est bien toujours là dans nos années 2018-2020 comme acteur majeur : la RUSSIE, ce pays démesuré qui s’étend de la Baltique au Pacifique et qui peut par suite jouer un jeu oscillatoire entre l’Occident et l’Asie, là où se déplace désormais l’axe du Monde.
La RUSSIE qui reste hantée par la grandeur depuis Pierre LE GRAND et aujourd’hui encore avec POUTINE qui n’entend pas jouer le
rôle de vassal, mais s’affirmer en grand dans « l’Eurasisme » défendu à Moscou par le philosophe Alexandre DOUGUINE, un proche du Maître du KREMLIN.
Mais c’est désormais, dans ce « Nouveau Monde » – le face à face : ÉTATS-UNIS - CHINE qui est – même si la RUSSIE cherche à s’insérer dans le paysage géostratégique actuel et si « l’Ancien Monde et le « Nouveau Monde » sont au vrai totalement enchevêtrés – le face à face majeur de notre temps en quête d’une bipolarité impossible.
Les ÉTATS-UNIS – on l’a vu – ont dominé le XXe siècle. La crise de 2007-2008 - au cœur de l’Empire américain – va être tout à la fois signe et ébranlement de la prééminence absolue des USA. Ils ne cessent depuis – étant une nation qui ne se perçoit pas autrement qu’hégémonique – de chercher à enrayer leur déclin relatif. C’est tout le sens de la politique de Trump – l’Amérique d’abord – qui, espère-t-il, devrait permettre aux USA de retrouver un leadership incontesté.
Les ETATS-UNIS et la CHINE ? L’Empire du Milieu a été au premier rang du Monde jusqu’au XVe siècle, avec en particulier une technologie sans pareil.
La CHINE actuelle de XI JINPING n’en finit pas de vouloir – en s’en donnant les moyens (innovations, infrastructures : les « Routes de la Soie » pour le contrôle du continent eurasiatique, ...) – se retrouver à nouveau au premier rang des puissances du Monde, d’un Monde à elle, d’un siècle à elle. On voit mal à l’heure qu’il est, comment ce face-à-face entre la puissance régnante : les ÉTATS- UNIS et la puissance émergente : la CHINE ne pourrait pas déboucher sur un affrontement guerrier, surtout si la guerre commerciale de Trump ne parvient pas à faire revenir le prétendant dans le rang.
2) L’Europe de nos années 2018-2020 n’échappe pas – comment pourrait-il en aller autrement – au retour des bourrasques de l’Histoire de notre Monde actuel – celui que l’on vient d’esquisser à l’instant –, un Monde plein de bruit et de désordres profonds et multiformes, un Monde en « alerte rouge » (on a pu parler de « l’affolement du Monde » - Th. GOMART).
L’Europe de nos années 2018-2020 ? C’est au vrai, on le sait aujourd’hui, institutionnellement, « l’Union européenne » (UE).
On rappelle qu’après la Deuxième Guerre mondiale, l’Europe – l’Europe « occidentale » – n’a pas accepté sans sourciller de se laisser déloger de la scène mondiale, de poursuivre son affaiblissement et de voir la puissance se déplacer de l’autre côté de l’atlantique chez l’Allié, le protecteur américain. La solution qui est apparue à nos vieilles nations ... du vieux continent (France, Allemagne...) pour éviter de sortir définitivement de l’Histoire ? Collaborer, s’associer pour additionner leurs forces, gagner ensemble en poids et en puissance.
Le premier embryon de coopération économique est né en Europe le 16 avril 1948 avec l’OCDE (Organisation Européenne de Coopération Economique). Puis on va avoir la grande aventure européenne engagée sous l’impulsion de la France avec Robert SCHUMAN alors Ministre français des Affaires Etrangères. On ne peut ici (Cf. annexe 1 : Les grandes dates de la construction européenne) détailler cette construction européenne, depuis le Traité de Rome (1957) avec « la Communauté économique européenne (CEE) jusqu’au Traité de MAASTRICH (1992) instituant « l’Union européenne » (UE) en 1993, l’introduction de la monnaie unique : l’ECU devenu l’EURO en 2002,...
Ce qui est sûr, c’est que le continent européen a retrouvé – après les deux guerres mondiales que l’on a rappelées plus haut – la Paix, la Stabilité et la Prospérité alors improbables. Le bilan – positif jusqu’au tournant du millénaire – apparait davantage en demi- teinte depuis le mitan des années 2000. Il est certain en effet – pour en venir directement à nos années 2018-2020 – que « l’Union européenne » est bien elle aussi à l’heure du désordre grandissant du Monde.
Elle nous montre aujourd’hui le visage d’une organisation en pleine incertitude, saisie par un véritable doute existentiel sur son identité, son contenu et ses finalités. Il y a – soixante dix ans après le traité de ROME – un véritable désarroi de la construction institutionnelle européenne – l’UE – menacée de fragmentation , désagrégation, de désintégration (le « BREXIT » britannique, ...) tout à la fois par les atteintes « internes » qu’elle connait sous l’impulsion des « forces de décomposition » et de « repli national », forces « souverainistes » (« populistes » diront certains) mettant en cause tant son « périmètre » que son « fonctionnement » , et – par les assauts « externes » qu’elles subit, principalement mais pas uniquement, par les Etats-Unis de Trump et la Russie de Poutine, le Vieux Continent étant devenu le champ de bataille sino-américain.
Reste alors pour celles et ceux qui ne se résignent pas à l’affaiblissement , au déclin voire à la disparition de l’Europe et veulent ramener au XXIe siècle le Vieux Continent dans le banquet des grandes puissances – si ce n’est redevenir la première puissance mondiale –, à mettre en avant (– et ils le font à la veille des élections européennes du 26 mai 2019 –) le rêve d’une Europe politique fédérale, souveraine, supranationale, existant demain comme entité spécifique et comme acteur à part entière sur la scène internationale.
Ces défenseurs pour demain, d’une Europe fédérale sont très nombreux et très actifs en France en particulier. Ils partent du constat que l’Union européenne actuelle – l’UE – n’a pas de poids spécifique, de réalité et de visibilité sur le plan mondial – un « nain » assurent- ils –, car restant à ce jour un « proto-Etat » mal « terminé » complexe combinant trois orientations qui n’en finissent pas de se renforcer... et de se contrarier : l’intergouvernemental (politique étrangère,...), le confédéral tel les Accords de SCHENGEN) et le fédéral ( la monnaie unique pour dix neufs Etats de l’UE).
Les interactions entre la « souveraineté nationale », la « souveraineté transférée » et « la souveraineté fusionnée » : la souveraineté européenne reconnue du bout des lèvres ne favorisant en rien la lisibilité et l’autorité de cette espèce « hybride ».
A l’heure du développement des « pays continents » bénéficiant d’économies d’échelle considérables, les institutions comme la gouvernance actuelle de l’UE sont désormais inadaptées pour faire face aux enjeux du Monde d’aujourd’hui et de demain. Les fédéralistes soutiennent donc que pour peser à l’avenir face aux Américains et aux Chinois, il faut que nos vieilles nations bâtissent un véritable Etat unique européen, avec un « saut » fédéraliste complet.
On pourra alors avoir – et le rêve se veut convaincant – un « grand basculement de puissance » vers l’Europe ( J.P GIULIANI) ; un Vieux continent – le « nouvel Empire » de Bruno LE MAIRE – porté de nouveau aux avants postes de la Puissance du Monde : l’Europe parmi les trois plus grandes puissances mondiales à la fin d’un XXIe siècle qui pourrait bien être ainsi à nouveau un « siècle européen ».
On demande au Bon Dieu de nous ouvrir une fenêtre de son paradis donnant sur notre Monde pour voir le 31 décembre 2099 ce qu’il est advenu de ce rêve !!!
L’Union européenne
1 - Chronologie de l'Union européenne (1951-2017)
Les grandes étapes de la construction européenne après 1945 : L’Union européenne s’est construite progressivement depuis bientôt 70 ans.
9 mai 1950 : déclaration de Robert Schuman
Au cours d’une conférence de presse au Quai d’Orsay, le ministre français des Affaires étrangères Robert Schuman prononce, une déclaration historique. Il appelle à la mise en commun des productions de charbon et d’acier de la France et de l’Allemagne, au sein d’une organisation ouverte aux autres pays d’Europe.
Son but est d’assurer une paix durable sur le continent, grâce au développement d’une solidarité de production entre la France et l’Allemagne, dans un secteur stratégique, rendant impossible tout affrontement entre ces deux pays. Cette organisation constituerait la première étape vers une fédération européenne.
Le plan proposé dans cette déclaration a été élaboré par Jean Monnet, alors commissaire général au Plan.
18 avril 1951 : création de la CECA
Le 18 avril 1951, la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) est créée, pour une période de 50 ans, avec la signature du traité de Paris par six pays : la Belgique, la France, l’Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas et la République fédérale d’Allemagne (RFA).
25 mars 1957 : création de la CEE et de l’EURATOM
Deux traités sont signés à Rome par les six pays européens ayant participé à la création de la CECA. Le premier institue la Communauté économique européenne (CEE), qui a pour but la mise en place d’un marché commun, et le second la Communauté européenne de l’énergie atomique (CEEA) dite Euratom.
À la différence du traité de la CECA, les deux traités de Rome sont conclus pour une durée illimitée.
14 janvier 1962 : adoption des premiers règlements sur la politique agricole commune
1er juillet 1968 : réalisation de l’Union douanière entre les Six
Les droits de douane entre les six membres de la CEE sont totalement supprimés. Un tarif douanier commun est mis en place aux frontières extérieures de la CEE.
1er janvier 1973: de l’Europe des 6 à l’Europe des 9
Premier élargissement de la CEE avec l’adhésion du Danemark, de l’Irlande et du Royaume- Uni.
1er janvier 1981 : Une Europe à Dix
Deuxième élargissement : la Grèce entre dans la CEE.
14 juin 1985 : signature des accords de Schengen
La Belgique, la France, le Luxembourg, les Pays-Bas et la RFA signent à Schengen des accords prévoyant la suppression progressive des frontières entre ces États et la libre circulation des personnes.
Mais la convention d’application de l’accord n’est signée que le 19 juin 1990 et n’entre finalement pas en vigueur avant le 26 mars 1995.
1er janvier 1986 : l’Europe des Douze
Troisième élargissement de la CEE avec l’arrivée de l’Espagne et du Portugal.
17 et 28 février 1986 : signature de l’Acte unique européen
Les Douze signent, à Luxembourg et La Haye, l’Acte unique qui modifie le traité de Rome sur la CEE (9 États signent le 17, le Danemark, l’Italie et la Grèce signent le 28). Il fixe l’échéance pour la réalisation du marché intérieur unique au 31 décembre 1992. Celui-ci entre en vigueur le 1er janvier 1993.
7 février 1992 : signature du traité de Maastricht qui crée l’Union européenne
À Maastricht, est signé en février le traité sur l’Union européenne. Celle-ci est constituée de 3 piliers : les Communautés (CECA, CE, CEEA), la Politique étrangère et de sécurité commune (PESC), la coopération en matière de Justice et d’affaires intérieures (JAI). Par ailleurs, la CEE devient la Communauté européenne (CE).
Dans ce traité de Maastricht, une citoyenneté européenne est instituée, les pouvoirs du Parlement européen sont renforcés, et l’Union économique et monétaire (UEM) est lancée. Le traité de Maastricht entre en vigueur le 1er novembre 1993.
1er janvier 1995 : l’Europe des Quinze
Quatrième élargissement avec l’entrée de l’Autriche, de la Finlande et de la Suède.
2 octobre 1997 : signature du traité d’Amsterdam
Les ministres des Affaires étrangères des Quinze signent un traité qui modifie le traité sur l’Union européenne (TUE) et celui instituant la Communauté européenne (TCE). La Communauté européenne acquiert de nouveaux domaines de compétence. Le traité entre en vigueur le 1er mai 1999.
1er janvier 1999 : l’euro devient la monnaie unique de 11 des États membres
Onze États forment à cette date la "zone euro" : Autriche, Belgique, Espagne, Finlande, France, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal et RFA. L’euro devient alors officiellement leur monnaie légale.
La Grèce les rejoindra le 1er janvier 2001, la Slovénie le 1er janvier 2007, Chypre et Malte le 1er janvier 2008, la Slovaquie le 1er janvier 2009, l’Estonie le 1er janvier 2011, la Lettonie le 1er janvier 2014 et la Lituanie le 1er janvier 2015, faisant ainsi passer à 19 le nombre de pays de la zone euro.
Les pièces et les billets en euro n’ont été mis en circulation que le 1er janvier 2002. Mais les particuliers pouvaient déjà payer leurs impôts ou émettre des chèques en euros dès 1999.
26 février 2001 : signature du traité de Nice
À la suite du Conseil européen qui s’est tenu à Nice du 7 au 9 décembre 2000, un traité est signé entre les Quinze qui modifie à nouveau le TUE et le TCE. Ce traité de Nice devait permettre d’assurer un bon fonctionnement des institutions européennes en prévision du prochain élargissement aux pays d’Europe centrale et orientale. Il entre en vigueur le 1er février 2003.
Décembre 2001 : Conseil européen de Laeken, vers une Constitution européenne ?
Les 15 chefs d’État et de gouvernement décident la création d’une Convention sur l’avenir de l’Europe pour proposer une refonte des traités en vue de les simplifier et de renforcer l’Union dans la perspective de l’élargissement. Il s’agit là d’une méthode très nouvelle, dans la mesure où les modifications de traités étaient jusqu’alors négociées au sein d’une Conférence intergouvernementale. Le débat est désormais ouvert au-delà des représentants des gouvernements européens. La Convention sera donc composée de ces derniers, mais aussi de représentants des parlements nationaux, de membres de la Commission européenne et de députés européens.
En juillet 2003, la Convention remet son projet de traité établissant une Constitution pour l’Europe aux chefs d’État et de gouvernement qui, après négociation, signent le nouveau traité en octobre 2004 à Rome. Mais le rejet du traité par les électeurs français et néerlandais, par référendum – respectivement les 29 mai et 1er juin 2005 – signe l’arrêt de mort de la « Constitution européenne » qui n’entrera jamais en vigueur.
1er mai 2004 : une Europe à Vingt-cinq
Entrée en vigueur du traité signé à Athènes le 16 avril 2003. Dix nouveaux États entrent dans l’UE : Chypre, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Malte, Pologne, République tchèque, Slovaquie, Slovénie.
1er janvier 2007 : une Europe à 27
Entrée en vigueur du traité d’adhésion signé le 25 avril 2005. La Roumanie et la Bulgarie deviennent membres de l’UE.
13 décembre 2007 : signature du traité de Lisbonne
À l’issue d’une période de réflexion entamée après les référendums français et néerlandais, les chefs d’État et de gouvernement s’accordent sur l’idée d’un traité simplifié pour sortir du blocage institutionnel. Lors du Conseil européen des 21 et 22 juin 2007, une Conférence intergouvernementale est convoquée afin de rédiger un projet de « traité modificatif », révisant les traités existants. Les 27 chefs d’État et de gouvernement, après être parvenus à un accord final sur le nouveau traité modificatif lors du sommet informel à Lisbonne les 18 et 19 octobre 2007, signent ce traité le 13 décembre dans cette même ville.
L’ensemble des ratifications se fait par la voie parlementaire, sauf en Irlande. Ce pays rejette le traité par un premier référendum le 12 juin 2008 avant de l’accepter par un second référendum le 2 octobre 2009. Le traité entre alors en vigueur le 1er décembre 2009. En France, une réforme constitutionnelle a été nécessaire pour ratifier le traité, estimé contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel. La loi autorisant la ratification a été promulguée le 13 février 2008.
2 mars 2012 : signature du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG)
Interdisant aux États signataires (25 des 27 membres de l’UE, à l’exclusion du Royaume-Uni et de la République tchèque) un déficit structurel supérieur à 0,5% du PIB et modifiant les mécanismes de sanction, ce traité constitue un pas en avant vers une gouvernance économique de l’UE et consacre un transfert de souveraineté non négligeable en matière de politique budgétaire.
1er juillet 2013 : une Europe à Vingt-huit
Entrée en vigueur du traité d’adhésion signé à Bruxelles le 9 décembre 2011. La Croatie devient le 28e membre de l’UE, dont la population atteint désormais plus de 508 millions de personnes.
29 mars 2017 : vers le Brexit
Le Royaume-Uni notifie au Conseil européen son intention de quitter l’UE, conformément à l’article 50 du TUE. Les négociations commencent le 19 juin 2017. Cela fait suite au référendum du 23 juin 2016 par lequel une majorité d’électeurs britanniques a voté en faveur de la sortie de leur pays de l’UE. Des négociations sont entamées entre le gouvernement britannique et la Commission européenne en vue d’obtenir un accord sur les modalités du divorce, dont le terme est fixé au 29 mars 2019.
2 - L’Union européenne actuelle :
Voir Carte
3 - Institutions et organes de l'Union Européenne
- Parlement européen
- Conseil européen
- Conseil de l'Union européenne - Commission européenne
- Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) - Banque centrale européenne (BCE)
- Cour des comptes européenne
- Service européen pour l’action extérieure (SEAE)
- Comité économique et social européen (CESE)
- Comité européen des régions (CdR) - Banque européenne d'investissement (BEI)
- Médiateur européen
- Contrôleur européen de la protection des données - Services interinstitutionnels
Un cadre institutionnel unique
Dans l'organisation institutionnelle — sans équivalent dans le monde — de l'Union européenne :
! les grandes priorités de l'UE sont fixées par le Conseil européen, qui réunit dirigeants nationaux et européens; ! les citoyens de l'UE sont représentés par les députés, élus au suffrage universel direct au Parlement européen; ! les intérêts de l'UE dans son ensemble sont défendus par la Commission européenne, dont les membres sont désignés par les gouvernements nationaux; ! les intérêts des États membres sont défendus par les gouvernements nationaux au sein du Conseil de l'Union européenne.
Établir les priorités
Le Conseil européen fixe les orientations politiques globales de l'UE, mais il n'a pas le pouvoir d'adopter la législation. Dirigé par un président – actuellement Donald Tusk –, il se compose des chefs d'État ou de gouvernement des États membres et du président de la Commission. Il se réunit au moins deux fois par semestre, pendant plusieurs jours.
Élaborer la législation
Trois institutions interviennent dans le processus législatif:
! le Parlement européen, composé de députés élus au suffrage universel direct, qui représentent les citoyens européens ;
! le Conseil de l'Union européenne, qui représente les gouvernements des États membres. La présidence du Conseil est assurée alternativement par chaque État membre, selon un système de rotation ;
! la Commission européenne, qui représente les intérêts de l’Union dans son ensemble.
Ensemble, ces trois institutions utilisent la « procédure législative ordinaire » (ou « codécision ») pour élaborer les politiques et la législation mises en œuvre dans toute l'UE.
En principe, la Commission présente des propositions de législation, qui sont adoptées par le Parlement et le Conseil. Une fois adoptés, les actes législatifs sont mis en œuvre par les États membres et la Commission, qui est chargée de veiller à ce qu'ils soient correctement appliqués.
Autres institutions et organes de l’UE
Deux autres institutions jouent un rôle crucial :
! la Cour de justice de l'Union européenne veille au respect de la législation européenne ;
! la Cour des comptes contrôle le financement des activités de l’UE.
Les compétences et les responsabilités de ces institutions sont définies par les traités, qui constituent le fondement de toutes les activités de l'Union. Les traités définissent également les règles et les procédures que les institutions de l'UE doivent observer. Ils sont adoptés par les présidents et/ou les Premiers ministres de tous les États membres, et sont ratifiés par les parlements nationaux.
L'UE possède également un ensemble d'institutions et d’organes interinstitutionnels qui remplissent des missions spécialisées :
! La Banque centrale européenne est responsable de la politique monétaire européenne.
! Le Service européen pour l'action extérieure (SEAE) assiste le haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. Cette fonction, actuellement occupée par Frederica Mogherini, consiste à présider le Conseil des affaires étrangères, diriger la politique étrangère et de sécurité commune et assurer la cohérence et la coordination de l'action extérieure de l'UE. !
Le Comité économique et social européen représente la société civile, les employeurs et les salariés.
! Le Comité européen des régions représente les autorités régionales et locales.
! La Banque européenne d'investissement finance les projets d'investissement européens et aide les PME par l'intermédiaire du Fonds européen d'investissement.
! Le Médiateur européen enquête sur les plaintes pour mauvaise administration déposées contre des institutions ou organes de l'Union européenne. ! Le Contrôleur européen de la protection des données est chargé de protéger les données à caractère personnel et la vie privée des citoyens. ! L'Office des publications publie des informations sur l'UE.
! L'Office européen de sélection du personnel recrute le personnel des institutions et autres organes de l'UE. ! L'École européenne d'administration offre des formations au personnel des institutions européennes dans des domaines spécifiques. ! Une série d'agences spécialisées et d'organismes décentralisés remplissent des tâches techniques, scientifiques et de gestion.
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Table des matières
Introduction
I – Il y a bien eu une domination mondiale de l’Europe du XVe au XIXe...........................
1) L’ascension mondiale de l’Europe du XVe au XVIIIe siècle
a) La supériorité mondiale de l’Europe au XVIIIe siècle sur le plan humain
b) La supériorité mondiale de l’Europe au XVIIIe siècle sur le plan matériel
2) L’apogée mondiale de l’Europe au XIXe siècle
a) La suprématie mondiale de l’Europe au XIXe siècle sur le plan humain
b) La suprématie mondiale de l’Europe au XIXe siècle sur le plan matériel
II – Il y a eu affaiblissement mondial de la domination de l’Europe au XXe siècle
1) L’accélération de l’affaiblissement mondial de la domination de l’Europe avec la Première Guerre mondiale
2) L’amplification de l’affaiblissement mondial de la domination de l’Europe avec la Deuxième Guerre mondiale
III - L’Europe peut-elle revenir au 1er rang mondial au XXIe siècle ?
1) Nous sommes aujourd’hui dans nos années 2018-2020
2) L’Europe de nos années 2018-2020
ANNEXE I : « Sur les classiques »
ANNEXE II : « L’Europe en 1789, 1815,1914 »
ANNEXE III : « L’Union européenne »
Bibliographie
Table des matières
« Quand l’Europe était le Monde ... et rêve de le redevenir »
L’Europe, ce vieux continent mal délimité, n’a cessé depuis toujours ou presque d’être géographiquement et humainement au centre et centre du Monde. C’est particulièrement vrai du XVe au XIXe siècle où on a eu – autour des trois grands protagonistes rivaux européens : l’Allemagne, la France et l’Angleterre – une domination mondiale de l’Europe, avec l’ascension mondiale du vieux continent du XVe au XVIIIe siècle, puis l’apogée mondiale de l’Europe au XIXe siècle, avec l’Angleterre victorienne.
Le XXe siècle – avec ses deux grandes guerres mondiales sur le sol du vieux continent – a amené l’affaiblissement de la prédominance mondiale de l’Europe. Les trois grandes nations européennes vont devoir se mettre sous le protectorat des ÉTATS-UNIS qui n’en finissent plus de faire ainsi du XXe siècle un siècle américain.
Reste qu’en ce début de XXIe siècle, marqué par le grand affrontement ÉTATS- UNIS – CHINE, la vieille Europe continue de rêver à retrouver une première place au banquet des Puissances et de l’Histoire.
Pierre Pascallon est professeur agrégé de faculté. Ancien parlementaire, il anime depuis une vingtaine d’années le Club Participation et Progrès, structure de rencontre ouverte et reconnue dans le paysage français des organismes et des institutions s’intéressant aux questions de défense et aux problèmes géostratégiques.
Editions REDCOX, 2019 Photos Internet