KINESPORT KINESPORT


   



COMPARAISON DU TRAITEMENT CHIRURGICAL ET CONSERVATEUR DANS LE CADRE DES FRACTURES DE FATIGUE DU MEMBRE INFERIEUR



METHODES

Cette revue de littérature s’est appuyée sur une base de données à partir des mots clefs suivants : tibia, scaphoïde, métatarse, fracture de fatigue, fracture de stress, traitement conservateur, chirurgie, retour au sport, fracture-guérison.
En raison du faible nombre d’essais randomisés, d’autres études tels que les essais non randomisés et des cohortes prospectives avec ou sans comparaison ont été inclus. L’échantillon était constitué d’hommes et de femmes de tout type d’âge, sportifs et non sportifs, avec fractures de fatigue de la corticale antérieure du tibia, du scaphoïde ou du 5ème métatarsien ayant subis un traitement conservateur ou chirurgical.
Le principal résultat exploité était le temps de retour à l’activité et au sport. Les résultats secondaires exploités étaient le temps de guérison (clinique et radiologique), le taux de complications (refracture, retard de consolidation, infections post-opératoires) et les données économiques.
Les données suivantes ont été extraites des études incluses : conception de l’étude, source et taille de l’échantillon, caractéristiques des participants, temps entre apparition des symptômes et début du traitement, type de traitement, calendrier des évaluations.
Les données ont été présentées en fonction de la localisation de la fracture et du type de traitement.

Résultats
Après application des critères d’inclusion, 18 études ont été sélectionnées. 2 pour la corticale antérieure du tibia, 8 pour le scaphoïde et 8 pour le 5ème métatarsien.

Corticale antérieur du tibia
Aucune étude comparant le traitement chirurgical et conservateur n’a été trouvée. Deux études rétrospective avec une faible population ont été inclus (n=14 et n=17).
Les patients étaient tos des athlètes de niveau élite ou loisir, âgés de 11 à 44 ans. Après un délai entre l’apparition des symptômes et le début du traitement pouvant aller jusqu’à 36 mois, tous les patients ont été initialement traités par l’arrêt de l’activité sportive et/ou immobilisation (méthodes non précisées). Johansson et col. Ont signalé un pourcentage de retour au sport de 55%. Orava et col. ont mesuré un temps de retour au sport nécessaire de 24 semaines ([12-40]) pour une consolidation complète. Pour des fractures avec déplacement, le temps pour le retour au sport était en moyenne de 28.4 semaines ([16-64]) après chirurgie. Au total 13/14 (93%) et 9/17 fractures de fatigue de la corticale antérieure du tibia n’ont pas consolidé après le traitement conservateur initial. Parmi ces patients, 13 ont effectué une chirurgie secondaire consistant à un forage transversal, à l’excision du tissu de granulation et dans certains cas à une greffe osseuse autologue.
Aucune étude n’a fait rapport d’un traitement chirurgical initial.

Scaphoïde
  Un total de 8 études, sept rétrospectives  et une prospective ont été trouvées décrivant 200 fractures. Seuls trois patients n’étaient pas sportifs, le reste de la population était constituée de sportifs élites ou loisirs. Le temps moyen entre l’apparition des douleurs et le début du traitement était de 2 mois, allant d’une prise en charge immédiate à un délai de 5 ans.
Le type de traitements (conservateur ou chirurgicaux variait selon les études. Les données communiquées et le temps de retour au sport étaient difficilement exploitables de sorte qu’il n’était pas possible d’effectuer une méta-analyse.
2 études ont rapporté un retour au sport plus rapide après traitement chirurgical par rapport au traitement conservateur. Dans une autre étude, cette différence était statistiquement significative (12.4 semaine vs 17.2) mais avec une grande dispersion (intervalle de 6 à 52 semaines). Une deuxième étude réalisée par le même auteur n’a montré aucune différence significative entre les deux traitements (14.8 vs 16.4). Le temps moyen pour la reprise du sport était de 16.4 semaines pour les traitements chirurgicaux et 21.7 semaines pour le traitement conservateur sans appui > 6 semaines.
Khan ne constate aucune différence dans le succès au retour au sport dans les 12 mois quel que soit le traitement utilisé (86% vs 83%).
Le taux de réussite pour un traitement conservateur sans appui < 6 semaines et avec appui était inférieur à 50%. Plus la fracture s’étendait à la corticale opposée, plus le temps de retour au sport était prolongé.
Burne et col. font état d’une durée moyenne de guérison clinique de 4 ans. Aucune des autres études incluses ne rapportent un temps de guérison. Les événements indésirables ont généralement été mal rapportés.
Sur les 165 patients traités par traitement conservateur, 39 échecs de traitement ont été relevés dont 32 dans le groupe avec appui. Il a également été fait état de 13 refracturues pour ce groupe. Une réussite de 80% au traitement sans charge a été relevée par les auteurs.

5ème métatarsien
Un total de 246 cas parmi 8 études ont été inclus. Les participants étaient en majorité élites avec un âge variant entre 13 et 45 ans. Une étude s’est portée sur le traitement conservateur, 5 sur le traitement chirurgical et deux études sur les deux types de traitement.
Différents types de traitements chirurgicaux et conservateurs ont été administrés. Sur les deux études incluant les deux traitements, Chuckpaiwong et col. ont relevé un retour au sport plus rapide pour le traitement chirurgical (15.2 vs 26.3 semaines en moyenne). Un des huit études sur les traitements conservateurs a montré une nécessité de la chirurgie en seconde intention en raison de la non consolidation de la fracture. L’autre étude s’intéressant aux deux types de traitements a rapporté un retour au sport plus rapide pour le groupe conservateur (9.2 vs 12 semaines) mais avec un écart type large et une différence non significative. Lors de la mise en commun des huit études, le temps moyen retrouvé pour le retour au sport était de 13.2 semaines pour le traitement chirurgical (SD 2.8) et de 19.2 (SD 6.3) pour le traitement conservateur.



Conclusion

L’objectif principal de cette étude était de comparer le temps pour le retour au sport ou au travail après traitement conservateur ou chirurgical en cas de fractures de fatigue de la corticale antérieure du tibia, du scaphoïde et du 5ème métatarsien.
En raison du niveau de preuves insuffisant des études traitées, il est difficile de déterminer l’efficacité d’un traitement par rapport à l’autre.
Pour la corticale antérieure, le manque de preuves pour une chirurgie initiale ne permet pas de comparer les deux traitements. Les quelques résultats retrouvés indiquent que les patients ne sont pas revenus à leur niveau sportif antérieur et ont montré un taux élevé de non consolidation. Les cliniciens doivent garder à l’esprit ces résultats et expliquer les difficultés aux patients. Un suivi intensif pour le traitement conservateur est conseillé pour évaluer et intervenir en cas de non consolidation.
Pour le scaphoïde, aucune différence significative n’a pu être calculée. Cependant le courant suggère que le traitement chirurgical permettrait un retour au sport plus rapide. Les complications postopératoires ont été rarement rapportées. En revanche, le traitement conservateur a entraîné un taux de complications élevé (non consolidation et refracture). Un traitement conservateur sans appui d’au moins 6 semaines a entraîné moins d’échecs qu’un traitement conservateur avec appui. Les données ne sont actuellement pas suffisantes pour connaître le traitement chirurgical de choix.
Pour le 5ème métatarsien, les patients atteints par ce type de fracture se tiennent éloignés de leur sport environ 14 semaines. Aucune différence significative n’a pu être calculée. Cependant le traitement chirurgical a permis un retour au sport plus rapide. 
Par Erwann Le Corre


Bibliographie
[1] Mallee WH, Weel H, van Dijk CN, et al. Surgical versus conservative treatment for high-risk stress fractures of the lower leg (anterior tibial cortex, navicular and fifth metatarsal base): a systematic review. Br J Sports Med. July 2014. doi:10.1136/bjsports-2013-093246

1 2