A l'heure où les interventions occidentales en Syrie sont présentées par le pouvoir et les médias d'Etat ou les médias atlantistes, comme nécessaires et bénéfiques, car elles auraient pour but, au nom des droits de l'homme, de soutenir des rebelles démocrates baptisés djihadistes modérés, et de chasser du pouvoir un dictateur brutal et sanguinaire, appuyé par la Russie, tout en éradiquant les djihadistes extrémistes de l'E.I, il ne paraît pas inopportun de regrouper ci-après quelques points de vue "alternatifs" .
Dans son désir de "gloire démocratique", le pouvoir hollando-socialiste n'avait pas manqué de saluer le départ de combattants non moins démocratiques qui, catalogués comme tels en quittant la France, se retrouvèrent djihadistes en arrivant ..... au port.
Se lamenter à présent sur le nombre élevé de Français "séjournant" en Syrie relève donc soit de l'hypocrisie soit d'une politique à tout le moins "gribouillesque".
Est-il inconvenant de dire que la fameuse "armée syrienne libre", pure création des officines occidentales, armée qui a guerroyé au demeurant davantage dans les médias que sur le champ de bataille, n'était qu'une sorte de golem qui s'est logiquement retourné contre ses créateurs ?
"U zinu" reproduit ci-après quelques articles tirés d'AGORAVOX, qui présentent la problématique syrienne sous un jour différent de celui qui nous est quotidiennement servi et "administré" par le Pouvoir en place et les médias "mainstream".
Les lecteurs en tireront les conclusions qui leur paraîtront opportunes ou valides.
Comprendre ce qui se passe en Syrie
Retour sur les raisons, les enjeux et les perspectives du conflit qui se joue en Syrie. Que va-t-il advenir du destin de ces peuples soumis aux pires atrocités, comment va réagir l'Islam et le monde musulman, quel rôle peut avoir la France et l'Occident dans ce conflit qui se mondialise.
Le sujet conduit à toutes les fantaisies et toutes les interprétations, en témoignent les peurs légitimes ou non qui agitent la France, les musulmans et le monde dans son ensemble. La question est effroyablement complexe et les explications, de ce fait, dans les médias et chez nos politiques, où la concision est nécessaire, sont souvent ténues.
J'ai pu m'en apercevoir lors d'une conférence donnée à l'Ecole Normale Supérieure par Alain Frachon, journaliste qui a officié au Monde et qui a été correspondant de nombreuses années à Jérusalem, Pierre Razoux, historien spécialisé dans les conflits contemporains et les relations internationales et Pierre Conesa, haut fonctionnaire et praticien des relations internationales et stratégiques et qui a longtemps officié au Ministère de la Défense, autrement dit, trois hommes qui étaient là pour tenter de déminer l'épineux sujet. Je vais tâcher de faire la synthèse de leur propos, qui me semble essentiel en y ajoutant mes propres connaissances sur le monde arabo-musulman. Il est possible que je fasse quelques approximations. Ne pas hésiter à me les signaler.
- Tout a commencé en 1979
Cette date est majeure. Elle correspond à la révolution iranienne et à la chute du Shah d'Iran au profit de l'Ayatollah Khomeini. Il s'agit d'un nouveau régime théocratique musulman. Mais surtout d'un régime chiite, la seconde branche la plus importante de l'Islam. Or, la grande puissance sunnite et qui déteste les chiites, notamment ceux implantés sur son territoire, c'est l'Arabie Saoudite. Voilà longtemps que les deux pays sont rivaux.
Cette date c'est aussi celle la guerre en Afghanistan, menée par les soviétiques et dont Oussama Ben Laden se fait un des adversaires les plus tenaces. Encore jeune Saoudien, influencé par le wahhabisme, une ramification du sunnisme qui régit la vie politique et sociale de l'Arabie Saoudite, et qui est considérée comme particulièrement radicale, il est approché par des autorités saoudiennes pour organiser la guerre sainte contre les soviétiques mais aussi contre l'influence grandissante de l'Iran chiite. Il sera par la suite, dans un contexte de Guerre Froide, soutenu indirectement par les puissances occidentales. C'est l'émergence des moudjahidine (combattants de la foi) qui appellent au djihad (la lutte) mais un djihad armé, et surtout de l'islamisme, la traduction politique de l'Islam, bien plus important que le panarabisme et le communisme qui étaient alors les idéologies dominantes dans la région.Les Soviétiques, on le sait, se cassèrent les dents en Afghanistan. Ils n'arrivaient plus à être décisif dans une région connue pour son insoumission. L'erreur sera refaite par les Américains 30 ans plus tard.
En 1979, également, Saddam Hussein renforce son pouvoir en Irak, Irak qui est également la grande rivale de l'Iran voisine. Hussein est sunnite, il veut le pouvoir. Il lâche la Syrie, alors amie pour ne pas avoir un allié encombrant, alors qu'il est de la même branche politique que les syriens au pouvoir, le parti Baas. La Syrie, qui est alors aux mains du père de Bachar El-Assad trouve un nouvel allié, l'Iran, d'autant plus que le régime syrien est chiite alaouite, cela ne pose donc pas de problèmes confessionnels. Mais surtout, c'est pragmatique. L'Iran cherche un débouché vers la Mer, que la Syrie lui offre et surtout, elle peut se rapprocher de la communauté chiite du Liban, restée fidèle au régime iranien. Ces chiites libanais sont incarnées notamment par le Hezbollah, jouant aujourd'hui un rôle majeur dans le conflit.
2. La guerre entre l'Iran et l'Irak
Ce conflit méconnu est déterminant pour l'équilibre de la région, une guerre qui dura plus de sept ans et s'étala sur toutes les années 80, faisant près d'un million de morts, une guerre inutile qui plus est puisqu'elle conduit à un statu quo. Hussein ne peut tolérer la montée en puissance du régime chiite de Khomeyni. ll tente alors de le déstabiliser, en vain.
3. La guerre du Golfe : déstabilisation de la région
En 1991, la Guerre du Golfe sonne le glas des vélléités de conquête de Saddam Hussein qui avait entrepris de conquérir le Koweit. Cela fait suite en fait à la guerre qui venait d'opposer l'Iran et l'Irak. Les Irakiens considéraient le Koweit comme faisant partie intégrante du territoire irakien, prétextant que l'indépendance de ce petit Etat était le fait d'une entente illégitime entre Britanniques et pays arabes. A cela s'ajoute le pétrole, qui profitait à l'Arabie et au Koweit et qui mettait en difficulté le régime de Hussein. Ne respectant pas les règles de quota pétrolier, le Koweit provoquait l'Irak qui n'attendait que ça pour entrer en guerre. S'ensuivit un conflit d'une rare intensité, où une coalition de 34 pays, sous l'égide des Nations Unies battait l'armée irakienne en quelques semaines. Les conséquences ? Une série de sanctions pour l'Irak, exsangue. Kurdes et Chiites, armés par les coalisés furent massacrés par le régime irakien pendant le conflit. On notera dans cette coalition la forte participation des pays du Golfe et de la Turquie. Cela aura son rôle par la suite. Isolé, Hussein parvient à se maintenir cependant au pouvoir.
2003 marque la chute du régime, puisqu'une nouvelle offensive coalisée - à laquelle la France avait refusé de participer (discours de De Villepin à l'ONU en 2003)- précipite dans le gouffre le pays. Cette fois-ci les arguments pour légitimer la guerre sont beaucoup plus douteux. Profitant de violations des sanctions par Saddam Hussein, de la situation dramatique des minorités kurdes et chiites du pays et souhaitant stabiliser une région où le pétrole reste encore essentiel, les Etats Unis renversent le régime et tente d'installer une démocratie, avec à leur tête un gouvernement chiite. Les Kurdes obtiennent une région autonome, notamment militaire, au nord du pays. Le problème de ce conflit, c'est l'interventionnisme de l'Occident, qui s'est mêlé de la politique moyen-orientale pendant plus de 20 ans et aussi son incompréhension des enjeux de la région. La démocratie ne pouvait fonctionner que par un gouvernement de coalition sunnite-chiite mais les USA n'y sont pas parvenus. Ne touchant également pas aux frontières, qui sont pour les Américains essentielles, mais qui sont un vrai problème, notamment pour les Kurdes, le conflit ne résolvait rien. L'Iran devenait maîtresse de la zone, sans avoir participé aux combats. Elle pouvait à présent exercer son influence sur les chiites irakiens et soutenir les répressions sanglantes qui allaient s'en suivre.
4. Les révolutions arabes
En 2010 éclatent les premières manifestations en Tunisie puis rapidement dans de nombreux pays arabes. Il s'agit de se libérer souvent de dictatures plus ou moins masquées (En Egypte, en Tunisie, en Libye mais aussi au Bahrein ou au Yémen par exemple). Il s'ensuit une destabilisation de l'ensemble de ces pays. L'Arabie Saoudite est elle-même menacée, la Lybie est en proie aux séditions et aux exactions, l'Egypte s'en remet à peine et la région a laissé place à une myriade de groupuscules islamiques plus ou moins extrémistes. C'est dans ce contexte qu'éclatent des troubles en Syrie, troubles qui vont donner l'occasion à des organisations terroristes de semer la terreur et de légitimer leurs actions.
5. Le djihadisme mondialisé
Il nous faut faire un petit retour sur le djihadisme, ses motivations, son organisation. En effet, il est nécessaire de sortir de l'ornière occidentale sur le sujet et de ne pas confondre les termes. Islamisme ne signifie pas djihadisme, djihadisme ne signifie pas non plus terrorisme. La dénomination des termes est délicate. Mais les comprendre c'est comprendre ce qui agite aujourd'hui l'Islam et qui la menace car avant d'être une menace pour les occidentaux, le terrorisme islamiste est une menace pour les musulmans, notamment pour le sunnisme dont il se réclame et dont il dévoit le message. Nous sommes bien l'ennemi qu'ils voudraient abbatre. Mais ils n'en ont pas les moyens, fort heureusement, si ce n'est tenter de déstabiliser par des attentats, provoquer l'affrontement. En réalité ces mouvement ont déjà forts à faire avec les pays musulmans qui refusent de se plier à leurs injonctions.
Nous avons déjà vu comment a émergé Al-Quaida. Ces mouvements djihadistes trouvent leurs origines dans le salafisme, un mouvement religieux sunnite qui veut revenir aux fondements (uniquement se baser sur le Coran et la Sunna (pour plus d'infos, cf. lexique en fin d'article). Le salafisme peut être prédicatif ou armé comme les djihadistes. Ces derniers sont en lien avec les Frères Musulmans (cf. lexique) dont ils partagent la doctrine politique. Mais il faut remonter encore plus loin pour voir d'où viennent ces mouvements. D'Arabie Saoudite essentiellement. Ben Laden était Saoudien et il a largement été influencé par une branche radicale du sunnisme, le wahhabisme, confondu avec le salafisme, considéré d'ailleurs comme sectaire par les sunnites, et combattu par les musulmans au 19ième siècle. Néanmoins le wahhabisme est devenu, avec l'ascension de la famille Saoud dans l'immédiate après-guerre le principal mouvement religieux en Arabie. Son radicalisme, on le connaît : charia, droits des femmes bafoués, et c'est un véritable problème. Seulement, encore une fois, être wahhabite ne fait pas de vous un terroriste. Le djihad armé reste rare mais est soutenu par les croyants de cette branche.
Le terme djihadiste est lui aussi un terme complexe : djihad c'est la lutte, mais bien souvent cette lutte est simplement conceptuelle, religieuse, plus rarement armée. Là encore, ce terme théologique musulman est à prendre avec grande précaution.
Il ne faut pas voir non plus ces mouvements comme unis : ils sont rivaux, souvent s'entretuent (c'est le cas d'Al Nostra et de Daech, les deux étant issus d'Al Quaida). Il ne faut pas croire que leurs objectifs sont les occidentaux. Il s'agit d'une lutte politique, d'une prise de pouvoir, d'un contrôle de territoires musulmans, en un mot l'islamisme. Leurs premières victimes ce sont les musulmans modérés, pour Daech, traîtres, mauvais croyants. Cela s'applique aussi aux chiites que Daech, sunnite, ne peut tolérer mais aussi à ceux qui refusent de suivre la doctrine wahhabite-salafiste du groupe terroriste. Enfin, une autre caractéristique de ce mouvement c'est son radicalisme : pas d'idolatrie, pas de recueillement excessif, une radicalité et une religion de l'épure. Cela s'est traduit par la destruction de lieux archéologiques (tombeau d'Eve, cimetière de Médine, forteresse et patrimoine ottomans en Arabie, en fait 98% de son patrimoine historique) mais aussi par la destruction actuelle de lieux en Syrie ou en Irak (Palmyre entre autres...) Cette négation de l'histoire est évidemment terrible. De plus elle est cynique, les objets récupérés étant souvent revendus à des musées ou des collectionneurs.
L'objectif stratégique majeur aujourd'hui est de contrer ces groupes, d'empêcher leurs jonctions pour juguler le chaos. C'est exactement ce que fait la France au Mali ou au Niger et prochainement en Libye. Nous reviendrons sur le rôle de la France plus tard. Le problème reste bien l'Arabie, qui est au fond un état islamique mais qui est aussi un allié. On a fermé longtemps les yeux sur ses implications, pour des raisons stratégiques et diplomatiques et la diplomatie n'est pas la morale, nous le savons, comme le prouve l'implication de l'Arabie dans le 11 septembre 2001 : 15 des terroristes étaient Saoudiens et le commerce occidental florissant avec ce pays !
6. Les débuts du conflit actuel
Départ de feu en Syrie
Une révolte des modérés musulmans s'oppose à Bachar El-Assad, dans la lignée des révolution du Printemps arabe.
Assad réagit
Il réprime de manière brutale. La bourgeoisie sunnite qui constituait l'essentiel de la classe moyenne de la Syrie et sa force vive commence à partir.
Les Frères Musulmans entrent dans la danse
A la révolte s'ajoutent les Frères Musulmans, que Assad avait muselé des années durant. Ils sont soutenus par la Turquie de Erdogan, son parti politique étant issu de la même mouvance. Les Frères Musulmans prône un état musulman califale, un royaume musulman en somme, sunnite et anti-chiite.
Une guerre de position, comme en 14
Le conflit se fige. La Syrie de Bachar El-Assad peut compter sur l'Iran qui est son alliée depuis des années, nous l'avons vu. Le Hezbollah libanais entre dans la danse du côté de Assad, car il est le soutien traditionnel des puissances chiites dans la région. Armé et très organisé, il fait valoir ses revendications, fragilisant le Liban, déjà très affaibli. Un front se forme.
Le jeu terrible des alliances et des poupées russes, comme en 14
Il faut décentré le conflit pour voir que la Syrie n'est que le terrain d'affrontement d'un subtile jeu d'alliances entre grandes puissances régionales. L'enjeu c'est en fait l'Iran contre l'Arabie Saoudite, l'Irak et la Syrie, anciennes puissances étant presque totalement détruites. Deux blocs se forment : d'une part l'Arabie, la Turquie, le Qatar, le bloc sunnite contre l'Iran, le sud de l'Irak et la Syrie de Assad, le bloc chiite. Ce qui n'était à la base, nous l'avons vu, qu'un jeu d'alliance stratégique, militaire et politique, devient une véritable guerre de religion.
L'Irak, situation similaire à la Syrie
En Irak, il se produit la même chose. La population est majoritairement arabe, de confession chiite pour 60% et sunnite pour 40%. On a également une grosse minorité kurde au nord, qui va jouer, nous allons le voir, un rôle déterminant. Le parti Baas, sunnit, qui était auparavant au pouvoir, sous la houlette de Saddam Hussein avait martyrisé les chiites, pour des raisons politiques (s'opposer à l'Iran et pour asseoir le pouvoir). Mais à présent, depuis que les Américains ont porté au pouvoir les chiites, ces derniers, tout naturellement, se vengent. Maliki, qui était jusqu'à très récemment au pouvoir, premier ministre irakien, soutenu par les USA se sentait très proche de Bachar el-Assad. Le gouvernement actuel continue de soutenir le régime syrien. Il n'a pas voulu faire le choix de la concorde et à permis des exactions à l'encontre des sunnites et les Kurdes et malgré les injonctions occidentales, à continuer son exercice de vengeance.
La fulgurante ascension de l'EI
Il n'en fallait pas moins à l'Etat Islamique pour mener la révolte. Au printemps 2014 il commence à occuper le Nord de l'Irak puis s'étend en Syrie. Fort, riche, il met aisément à mal le faible Etat irakien qui lui abandonne des armes américaines et occidentales. L'Etat Islamique - ou Daech ou ISIS en anglais - est soutenu et financé par le monde sunnite, c'est-à-dire, la péninsule arabique. La Turquie est plus partagée mais adopte une politique du laissez-faire. L'EI est d'abord un mouvement issu du wahhabisme-salafiste saoudien. L'EI tourne son regard vers l'Arabie (qu'il convoite) et négocie selon les besoins avec les autres factions (dont Bachar El-Assad), fonctionnant à la manière d'une entreprise très souple. Il détruit tout (fosses communes, destructions de quartiers entiers, exécutions sommaires). La guerre se radicalise.
Russes et Occidentaux tirent-ils les ficelles ?
Changeons d'échelle à présent. Au-dessus de ce conflit plâne l'ombre de la Russie, vieille alliée du régime de Damas depuis 1973. Elle a une base à Tartous, sur la façade méditérannéenne de la Syrie, en plein coeur de la minorité chiite du pays. Elle y a à présent une force militaire et une base aérienne. Elle ne lâche jamais ses alliés, ses clients. La Russie de Poutine est obsédée par l'idée de souveraineté. Mais il ne faut pas imaginer que pour les Russes, Assad est irremplaçable. Ce qu'ils veulent c'est d'abord conserver leurs intérêts. La personne leur importe assez peu. La Russie est donc du côté du monde chiite. Elle entretient de bonnes relations avec l'Iran bien que les deux pays soient rivaux. De l'autre côté nous avons les USA et l'OTAN (dont fait partie la Turquie), ainsi que les pays du Golfe, le monde sunnite donc. La France est ce côté également, car très proche du Qatar et de l'Arabie Saoudite.
Ce conflit se déroule donc à trois échelles : à l'échelle locale en Syrie et en Irak, à l'échelle régionale entre Iran et Arabie (monde chiite contre monde sunnite), à l'échelle mondiale entre le bloc occidental de l'Otan et la Russie, même si Occident et Russie sont aussi alliés selon les circonstances. Il ne reste que l'Asie, en dehors de tout ça. Mais il y a fort à parier qu'elle finira par intervenir - nous verrons cela par la suite.
La question des Kurdes est essentielle
Les Kurdes sont une minorité très importante, peut-être la plus grande nation sans état. Elle représente en effet entre 30 et 35 millions de personnes. Après la Guerre du Golfe, création par les USA d'une région autonome kurde au nord de l'Irak, qui n'a pas été acceptée par le gouvernement irakien. Cette région avait notamment une autonomie militaire. Les relations avec le gouvernement de Maliki ont été exécrable et c'est toujours le cas avec le gouvernement actuel. Le PDK se constitue, Parti démocratique du Kurdistan, le rêve de tout Kurde, celui d'un état indépendant et souverain. Ce parti se lie avec les Kurdes turques, très nombreux pour s'ouvrir vers l'extérieur. Les Kurdes syriens sont, eux, divisés, comme le montre la carte ci-dessous, tantôt avec Assad, tantôt contre lui. Ils se sont organisés au sein du PKK, un parti marxiste-léniniste très discipliné (Parti des Travailleurs Kurdes), considéré comme terroriste par les Occidentaux. La Turquie est elle-même menacée par ces mouvements de sédition car les Kurdes réclament le Kurdistan depuis que les Français et Britanniques leur avait promis en 1918, avec les accords Sykes-Picot. Mais voilà, la Turquie kémaliste, en pleine essor, avait repris les territoires kurdes concernés et l'Europe laissa faire, pensant à juste titre que la Turquie laïque de Kémal serait une vraie alliée.
L'intervention occidentale
Les bombardements des Occidentaux et des Russes ont cassé l'avancé de l'EI qui avait été fulgurante. Les Kurdes d'Irak ont repris tout le terrain pris par l'EI, notamment la ville clé de Sinjar. Les frappes sont cependant trop faibles et l'EI tient ses positions.
Mossoul et Rakka, deux exemples d'une situation inextricable
Mossoul est une ville sunnite au main de l'EI, qui en a fait sa capitale symbolique, une sorte de quintessence du sunnisme. Aujourd'hui la ville a perdu 500 000 habitants, soit la moitié de sa population (les chrétiens, la bourgeoisie et les Kurdes ayant fui). Les milices chiites irakiennes pourraient y aller mais cela ne servirait à rien car sans une coalition gouvernementale qui uniraient en son sein chiites et sunnites, la ville retomberait aux mains d'un autre groupe séditieux sunnite et cela recommencerait. Le problème est donc un problème du gouvernance irakienne.
Raqqa est une ville syrienne où la communauté kurde est importante. Les Américains aident les Kurdes à préparer une offensive pour reprendre la ville mais les Kurdes refusent de gouverner et d'administrer la ville, où ce serait impossible pour eux. Cela prouve encore une fois que le problème doit venir des grandes puissances régionales et non simplement des minorités pour tenter d'apaiser l'immense guerre politico-religieuse où s'entremêlent également guerres civiles et révolutions nationalistes. Raqqa reste sous influence de Daech, avec la complaisance de Assad, qui a négocié l'électricité pour la ville contre la conservation d'une partie de son territoire. Cela n'empêche pas les deux factions de s'affronter ailleurs pour autant. C'est l'un des paradoxes de cette guerre.
7. Conséquences et perspectives
Doit-on lâcher Bachar El-Assad ?
Il faut savoir que la personne de Assad n'intéresse que peu de monde. Les Russes veulent garder leurs intérêts, qu'importe le dirigeant, pourvu qu'il reste dans l'escarcelle russe. Les Iraniens, qui soutiennent le régime veulent conserver aussi une influence parmi les chiites alaouites de Syrie et également un soutien politique, mais ce n'est pas tellement Assad qui les intéresse.
Bachar El-Assad, par sa politique de répréssion est de toute façon compromis. Personne n'acceptera qu'un homme qui a exercé de nombreuses exactions sur son propre peuple reste au pouvoir. Il a été soutenu parce qu'il représentait un équilibre dans la région, son régime avait été stable pendant des années. Mais l'avenir, incertain, de la région redistribuera forcément les cartes politiques.
L'Arabie Saoudite, grande perdante ?
Les Saoudiens sont cernés. D'une part, Daech et toutes les organisations qui avaient été soutenues plus ou moins officiellement par les Saoudiens sont aujourd'hui devenues incontrôlables. L'Arabie n'a plus de pouvoir de décision sur l'avenir. Elle est obsédée par l'Iran alors que l'Iran considère l'Arabie comme un ennemi parmi d'autres. L'Arabie, et on en parle assez peu, est aussi elle-même confrontée à des problèmes avec sa minorité chiite qui occupe en fait un territoire où se concentre les puits de pétrole, une vraie bombe à retardement. De plus, la baisse de l'importance stratégique du pétrole pour les Américains et les Occidentaux fait que l'Arabie est fragilisée dans ses alliances. Nous nous tournons davantage vers le monde chiite et l'Iran à présent. Enfin, elle est confrontée au problème du Yémen, un Etat au sud de la Péninsule arabique qui est en pleine guerre ouverte entre des groupes chiites et des groupes sunnites. La situation, très tendue, peut enfler évidemment au sein de la Péninsule Arabique entière. Si l'on regarde une carte, on voit que le monde arabique sunnite est cerné par le monde chiite.La situation au Yémen est telle que ce sont les prochains réfugiés qui viendront en Europe, probablement.
Daech, une hydre à plusieurs têtes
Daech n'est que la surface d'un iceberg, entouré d'une myriade de groupes plus radicaux les uns que les autres. Là où ils ont réussi c'est à instaurer un proto-état. Ce qui en fait une organisation riche et solide. Mais, leur objectif est d'instaurer un califat, c'est à dire un royaume islamique. Pour cela il lui faut contrôler les lieux saints, qui sont en Arabie Saoudite - le calife est par définition le protecteur des lieux saints. Ce pays qui a initié les mouvements salafistes se trouve lui-même pris à son propre jeu.
Daech, désignée comme ennemi par les Occidentaux et notamment par la France n'est pas la seule menace. L'armée française l'a compris puisqu'elle frappe d'autres groupes djihadistes en Afrique notamment. Pour autant, faire tomber Daech ne changera pas la situation de la Syrie, de toute façon condamnée à une guerre longue et meurtrière. Abatter l'EI et un autre prendra sa place.
Le rôle de l'Occident
Il est inutile de pavoiser à ce sujet. D'une part les échecs des Américains à installer un régime stable en Irak, malgré un interventionnisme colossal, d'autre part les conséquences des accords Sykes-Picot en 1918 (sans parler du rôle de Lawrence d'Arabie) signés par la France et la Grande-Bretagne qui donnaient ainsi la Syrie et le Liban à la France, la Palestine et l'Irak aux Britanniques, des territoires taillés à la serpe et qui ne tenaient pas compte de rivalités internes (sans parler du Kurdistan, l'Etat Kurde promis à cette minorité qui ne l'a jamais obtenu et qui fait tout pour aujourd'hui) sont dramatiques. La France, qui oublie aujourd'hui de parler de son passé dans la région a donc eu un rôle déterminant à une époque qui peut paraître éloignée mais, en histoire, les peuples n'oublient pas les blessures. De plus, nous avons lâché les Iraniens des décennies durant, eux ne l'ont pas oublié, avec notamment les embargos que nous avons mis en place. Or, aujourd'hui l'Iran est en position de force, surtout depuis que nous nous sommes tournée vers elle depuis l'année dernière.
La coalition occidentale engagée aujourd'hui dans le conflit tend la main aux russes. Mais ce n'est pas si simple car s'allier est bien mais nous sommes détestés. Rappelons que les Russes sont sous le coup d'une Fatwa saoudienne qui incite à les combattre en Syrie. Les Russes sont très mal vus et les Occidentaux aussi et l'idée de la Croisade est une idée insupportable pour les musulmans. Nous ne sommes plus les maîtres du jeu. Les sociétés universalistes que nous sommes, la France imaginant que la démocratie et la paix sont possibles partout, perdent du terrain et ces idées, certes belles, sont aujourd'hui mises à mal. Elles n'ont plus l'influence qu'elles avaient autrefois. De plus, nos intérêts dans la région sont moins importants, notamment pour les Américains pour qui le pétrole n'est plus la priorité. Nous avons échoué à rétablir la paix et l'équilibre de la région. Il faut rester en retrait, et continuer de bombarder les menaces directes pour avoir notre mot à dire, mais ne pas aller plus en avant dans une guerre dont les enjeux nous échappe. Pour la première fois depuis longtemps le Moyen-Orient est maître de son destin quelque part. Nous ne parviendrons pas à y imposer nos vues. La redistribution des cartes se fera avec l'Iran, la Turquie, la Russie, avec qui il faudra négocier.
La France a son mot à dire mais ne pourra pas être décisive
L'idée de "guerre" invoquée par François Hollande est un mot rassurant mais qui n'a pas de réalité géostratégique. Le conflit ne nous concerne que très indirectement. Il est néanmoins nécessaire à la France de sauvegarder ses intérêts. Elle a prouvé sa capacité à réagir immédiatement mais elle a cependant une capacité de projection limitée car elle est déjà présente sur de nombreux fronts :
- Opération Barkhane au Sahel où la France combat rebelles et terroristes pour empêcher la jonction de groupes djihadistes notamment.
- Mission Corymbe au large du Golfe de Guinée : surveiller ce lieu maritime stratégique pour le commerce.
- Opération Atalante, en Mer Rouge et en Somalie, essentielle pour notre commerce avec l'Asie.
Opération Chammal : celle dont nous parlons aujourd'hui, en Irak et à présent en Syrie.Opération de bombardement, de renseignement, de coordination et de formation pour des groupes rebelles et Syrie et en Irak.
Ces différentes opérations ont les objectifs suivants :
- La liberté de circulation à Suez, dans les détroits et en Méditérannée. Il faut également pacifier la Mer Rouge pour rejoindre l'Asie. Cette région est vitale pour l'économie française.
- Empêcher les groupes djihadistes d'atteindre la mer Méditerranée, l'espace maritime doit être pacifié sinon tout est possible. On s'intéresse notamment à la Libye menacée actuellement et menace par là-même l'Europe.
- Eviter aux groupes djihadistes de faire jonction car ce serait terrible.
- Sauvegarder nos intérêts au Liban et en Israel car cela concerne directement nos ressortissants : beaucoup de bi-nationaux. Le Liban est gravement menacé actuellement. Il faut donc surveiller la région. S'il cède il faudra intervenir de manière bien plus forte.
Pour Daech, la France doit agir pour stopper les trafics en tout genre, pétrole mais aussi humains (prostitutions), oeuvres d'art, etc. Il faut couper les trois routes vers l'extérieur de Daech : la frontière turque, la frontière d'Arabie Saoudite et la Jordanie. Mais c'est très difficile et cela ne dépend pas que de nous.
La France doit négocier. Frapper actuellement permet de mieux négocier. La solution intéressante actuellement pourrait être l'Egypte, un Etat très solide malgré les évènements récents, porté par Al-Sissi qui tend la main aux Occidentaux. Il faudra revoir aussi nos alliances avec les pays du Golfe dont les ambiguités mettent la France dans une posture délicate. Il est cependant clair que nous sommes assez isolés et en cela nos ambitions ne peuvent qu'être limitées. L'Allemagne a consenti à nous aider, les Britanniques agissent également mais l'Europe reste inexorablement divisée. Les USA sont en retrait, et même si les Américains viennent de subir un attentat, il n'est pas sûr qu'ils interviennent plus en avant. L'expérience irakienne reste un échec cuisant et la région est moins intéressante pour les Etats-Unis. De plus, nous avons refusé d'aider les Américains en 2003. A présent nous voulons qu'ils nous aident, et donc, il est compliqué d'obtenir un soutien, malgré celui affiché de façade par Barack Obama. Le changement de président l'année prochaine risque de ne pas changer grand chose. Le concept de Défense Stratégique Avancée, qui est notre doctrine militaire actuelle, est loin de faire l'unanimité au sein de nos partenaires. Un autre enjeu crucial est de résoudre le problème palestien qui alimente une partie de la haine du monde musulman pour les Occidentaux. L'intégrisme juif est terrible et la France est dans une posture paradoxale, du fait de sa communauté juive mais aussi de sa communauté musulmane. Elle doit privilégier la négociation entre Israeliens et Palestiniens. Le souci est de sortir de nos ornières universalistes : la démocratie n'est pas la paix et si Israel est une démocratie, son joug n'en est pas moins terrible pour les musulmans de la région. Nous participons, de plus, activement à la Conférence de Vienne, sensée réunir les bélligérants mais pour le moment aucun des pays impliqués directement dans le conflit n'est venu s'asseoir à la table.
La France devra surtout agir à l'intérieur de son territoire : empêcher la montée du salafisme et du djihadisme terroriste, mais aussi rassurer la communauté musulmane, essentiellement sunnite, qui paie cher le coût de l'extrémisme religieux d'une poignée de fanatiques. Elle devra aussi gérer la crise migratoire, qui risque de s'aggraver. Elle en a, avec l'Europe, les moyens car détrompons-nous, nos Etats sont forts et solides et ont des marges de manoeuvres. La solution passera par une politique des frontières européennes qui ne doivent pas non plus être de la poudre aux yeux. Quoi qu'on fasse, une frontière reste franchissable. Elle devra éviter la paranoia collective, et la montée de l'extrémisme, ce qu'attend des groupes salafistes comme Daech. La meilleure défense c'est la cohésion nationale et non l'inverse. Cela semble évident mais ce n'est pas simple à faire.
Conflit mondialisé et long
L'Asie n'est pas encore intervenue dans le conflit. On peut s'en étonner. L'Asie a des intérêts réels dans la région, celui de la circulation commerciale mais aussi le pétrole, notamment pour la Chine. Actuellement, 4 des 5 membres permanents du Conseil de Sécurité de l'ONU sont engagés dans le conflit (Russie, USA, G-B, France). La Chine, probablement, finira par rejoindre la coalition, pour défendre le pétrole du Golfe.
Le conflit nous place dans une posture d'observateurs. Il sera long, peut-être 20 ans. Il invite à un redécoupage des zones d'influences. Il faudra compter avec les Kurdes. Cela conduira peut-être à la création d'un Kurdistan. Il faudra aussi compter sur les sunnites, pourquoi pas la création d'un Sunnistan, ce qui calmera les revendications des groupes sunnites dans la région. La zone sera en tout cas totalement transformée : la Syrie et l'Irak ne seront plus jamais ce qu'elles étaient. Le Liban et les petits Etats du Proche-Orient risquent de tomber (La Jordanie souffre d'afflux de migrants qui sont énormes par rapport à ceux en Europe et fait face à une crise humanitaire). La Péninsule Arabique est menacée. Le Pakistan et l'Afghanistan risquent aussi de tomber dans des affrontements terribles, déjà en cours. L'Inde fera peut-être quelque chose. Seuls des pays très solides comme la Turquie, Israel, l'Egypte, Les Emirats Arabes Unis et l'Iran devraient tenir. Le reste est sujet à caution. Le sunnisme est malade. Gangréné par le salafisme, il faudra du courage pour parvenir à stopper l'hémorragie.
Il faudra aussi que des pays lèvent leurs ambiguités. Le cas de la Turquie est primordial. Erdogan est issu d'un parti politique proche des Frères Musulmans. Or, comme nous l'avons vu tout à l'heure, les Frères Musulmans ont une aspiration politique proche de celle de Daech ou du salafisme. Erdogan carresse le rêve d'une Turquie musulmane prédominante, un peu comme l'Empire Ottoman d'autrefois, mais il défend aussi l'Etat moderne et démocratique turc, et a permis quelques réformes dans le bon sens avant de faire plus récemment marche arrière. Il est à la fois kémaliste et islamiste, ce qui est un curieux paradoxe. Quoiqu'il en soit, il ne contribue pas à défaire Daech et se bat surtout contre les Kurdes, ennemi héréditaire et vraie menace intérieure. Doit-on abandonner pour autant les Turcs ? Non. Les Turcs sont stables, ils sont essentiels pour l'Occident. Ils sont membres de l'OTAN et c'est parce qu'ils le sont qu'ils sont moins dangereux pour nous. En effet nous leur offrons un dispositif de riposte nucléaire, des armes, des missiles, de quoi se rendre menaçant pour des rivaux comme l'Iran. Garder la Turquie sous notre influence, c'est donc se prémunir d'une puissance qui pourrait par la suite se retourner contre nous puisqu'elle est dépendante. L'est de la Turquie, pauvre, est l'enjeu actuel, car les Kurdes et Daech s'en rapprochent et l'instabilité est proche.
Des minorités souffrent terriblement, mais passeront sûrement inapercues dans la table des négociations, c'est le cas des Yézidis, une vieille communauté religieuse monothéiste zoroastrienne, datant de 7000 ans. Les Tchétchènes, musulmans, continuent de souffrir au Sud de la Russie, Poutine estimant que ces potentiels terroristes ne doivent plus revenir dans le pays. Les Turkmènes, soutenus par les Turcs, sont aussi sous le joug russe. Cela explique une partie des tensions entre Turquie et Russie actuellement.
Les perspectives sont donc sombres et incertaines. Il est impossible de présager de l'avenir de la région, dans un conflit qui concentre toutes les préoccupations internationales et qui risque de s'éterniser. Le sunnisme est mal au point, puisque le djihadisme terroriste pollue tous les pays musulmans du monde à présent, du Maroc à l'Indonésie. La France, doit rester prudente et observatrice, réfléchir avant d'agir car le risque d'y laisser des plumes est réel. Ce conflit rappelle nos vieilles guerres européennes, jeu d'alliances, guerre de position, avec une étrange modernité, celle de propagande, des réseaux sociaux, au service d'idées bien souvent moyennâgeuses.
La question du vocabulaire
Il faut savoir utilise les bons termes pour évoquer le conflit. La confusion qui règne sur les mots entretient également une confusion sur les enjeux du conflit. Voici un aperçu de quelques mots clés.
Sunnisme : branche majoritaire de l'Islam. Le wahabisme de la péninsule arabique et qui a donné le salafisme, islam des djihadistes (dont Al-Quaida ou Daech) est une branche radicale - au sens, fondamentaliste- du sunnisme. Le sunnisme modéré, comme dans les pays du Maghreb ou au Liban ou en Syrie est celui que l'on retrouve en France. La Turquie également est sunnite, tout comme les pays du Golfe.
Chiisme : seconde branche de l'Islam, présente en Perse (Iran, Iraq) et dans d'autres pays.
Wahhabisme : branche dissidente du sunnisme au 19ieme siècle qui se solda par la prise de la Mecque, et par une condamnation du mouvement par le sultan ottoman de l'époque. En effet le sultan, par définition, est calife. Le calife entend régner sur l'ensemble des musulmans et cela se traduit par la possession des lieux saints de l'Islam, notamment Médine et La Mecque mais aussi Jérusalem. Cette notion de califat est essentielle pour comprendre les mouvements djihadistes actuels - Bagdani, le leader de Daech, s'étant autoproclamé calife. Le mouvement Wahhabite fut d'abord rejeter par les musulmans qui le considéraient comme sectaire. Mais la famille des Saoud, celle qui règne sur l'Arabie Saoudite, et soutenue par les USA pour des raisons géopolitiques évidentes, le pétrole, imposa ce système de pensée à partir des années 50. Le mouvement, on le voit, est paradoxalement très moderne alors qu'il se réclame d'un retour au véritable Islam : charia, femmes soumises, pure invention bien entendu mais qui s'est traduit par des sociétés musulmanes traditionalistes : fin du droit des femmes, ce qui n'était pas le cas auparavant, retour à la polygamie, auparavant rare, et ce genre de choses sympathiques. Ce système de pensée religieuse, étendu par un pouvoir financier considérable, tend aujourd'hui à polluer la pensée sunnite. Les financements de mosquées et de fondations religieuses wahabites et salafistes est un fait. Les riches saoudiens ont en effet souvent achetés des indulgences, suite à des entorses à la loi musulmane, pour financer justement ce système et ce jusqu'au terrorisme. La raison est cependant bien plus pragmatique que la religion, qui est un instrument de domination. Il s'agit de concurrencer l'Iran chiite, rival de l'Arabie et donc de contribuer à la victoire du sunnisme.
Salafisme : Une branche radicale du sunnisme, proche du wahabisme, voire confondu avec lui, centré sur le Coran et la Sunna. C'est le mouvement officiel des groupes djihadistes comme Al Quaida ou Daech.
Djihadisme : Le djihad est une notion religieuse complexe. Il ne s'agit pas de nécessairement faire du terrorisme. Le djihadisme appelle tout simplement à la lutte. La notion est dévoyée par des groupes terroristes islamistes qui l'utilisent pour justifier leurs actions au nom d'une guerre sainte. Le terrorisme islamiste est du djihadisme mais le djihadisme n'est pas nécessairement du terrorisme. Prêcher la guerre ou la lutte, contre un ennemi très divers, en droit, ne suffit pas à faire de soi un criminel. Entre dire et agir il reste une nuance qu'il faut absolument conserver.
Islamisme : c'est la traduction politique de l'Islam. Donc, l'Islam n'est pas l'islamisme. Puisqu'on peut croire par exemple et vivre sous la loi française. Lorsque l'on vit sous une loi islamique, la Charia, on est dans un état islamique et quelque part théocratique (gouverné par des principes religieux). La charia, est cependant très fluctuante et est l'objet d'une instrumentalisation politique et n'est pas si catégorique qu'on le croit.
Charia : ensemble de préceptes qui codifient la vie publique et privé du musulman. Elle varie selon les époques, les religions, les types de confession musulmane. La charia ne prône pas nécessairement la polygamie ou le port du voile. Ce n'était pas le cas jusqu'à assez récemment. L'interprétation de la charia est un donc un enjeu politique pour les islamistes, car un enjeu de pouvoir. On peut ainsi imposer ses vues de la charia à une nation ou un peuple, ce qui peut être terrible si cette intérprétation est radicale (c'est le cas dans le salafisme). Historiquement, la charia n'est pas une nécessité pour les musulmans. L'émergence au 19ième siècle d'un droit civil dans les pays musulmans montre que le musulman peut être croyant sans respecter tous les préceptes de la charia, et en se pliant à des lois nationales étatiques modernes (c'est le cas en Tunisie, au Maroc, etc... et dans de nombreux pays). Pour les salafistes et les islamistes, ceux qui ne respectent pas la charia sont de mauvais musulmans.
Les Frères musulmans : il s'agit d'un mouvement politique, mais surtout d'une société secrète à l'origine avec des organes militaires et politiques. Il s'agissait de promouvoir une renaissance musulmane (Nahda) mais en réalité l'instauration d'un califat. Il est soutenu par des classes moyennes et populaires. Aujourd'hui il a abandonné, officiellement,ses désirs de violence pour souhaiter une démocratie pluraliste musulmane. En Syrie est soutenu par Istanbul où il a son siège et financé par le Qatar et les pays du Golfe, montrant le jeu d'alliance que nous avons décrit précédément. Erdogan, le président de la Turquie actuelle est lui-même issue de cette mouvance au sein de son parti politique. Cela le rapproche, dès lors, de mouvements djihadistes. Pour autant, Erdogan est aussi un réformateur. Il considère, par rapport à d'autres partis des Frères Musulmans que la démocratie et le libéralisme sont comptatibles avec l'Islam. Il est donc un paraxode, qui pourrait se résumer dans la formule suivante : un kémalisme islamiste, c'est-à-dire un état séculaire moderne mais religieux traditionaliste. Les frères musulmans ont été très sévèrement réprimés par la famille Assad, il n'est pas étonnant de les voir aujourd'hui lutter et plus encore être soutenus par la Turquie contre Assad.
La Ligue Arabe : une organisation sous l'égide de l'ONU qui lie les intérêts de plusieurs états arabes dont la Syrie, l'Irak, l'Arabie.... On en voit tout l'échec aujourd'hui. La Turquie n'est pas dedans car la Turquie n'est pas arabe, arabe étant une ethnie, qui va du Maroc à l'Irak. Les arabes et les turcs dans l'histoire se sont détestés cordialement, sous l'Empire ottoman notamment.
Les Turcs : les turcs sont avant tout un peuple, une ethnie. En cela, ils diffèrent des arabes. Voilà pourquoi si arabes et turcs sont sunnites, de la même branche religieuse de l'Islam ils sont aussi dans un rapport de force et dans une certaine forme de détestation.
Les Arabes : peuple originaire de la péninsule arabique, celle que l'on connaît avec ses tribus et ses familles issues de la Mecque, de Médine, etc... Considéré pendant longtemps comme des barbares aux yeux du peuple turc, durant l'Empire Ottoman en particulier, les Turcs s'estimant civilisé. Aujourd'hui le nationalisme prime sur l'ethnie. Ainsi, si des pays comme l'Egypte sont arabes, ils n'en sont pas moins rivaux avec d'autres pays arabes comme ceux de la Péninsules Arabiques.LChiisme : l'autre branche famille de l'Islam. Bachar El-Assad, à la tête de la Syrie est un chiite alaouite (une branche sectaire du chiisme). Le grand pays chiite est l'Iran, mais on retrouve aussi une grosse minorité chiite en Irak et jusqu'au Liban où le Hezbollah libanais est un mouvement armé chiite et allié depuis longtemps avec l'Iran. Le chiisme et le sunnisme ont souvent conduit à des guerres de religions et c'est encore le cas aujourd'hui.
Soufisme : une des branches de l'Islam considérée comme détestable par les djihadistes de Daech. Elle se fonde avant tout sur un universalisme et une philosophie spirituelle. Elle n'est pas une branche à proprement parlé de l'Islam mais une sorte de mouvement spirituel transcendant.
Parti Baas : socialisme et nationalisme panarabique, c'est à dire la création d'un état arabe laic unifié. En effet, les baasistes pensent que seule la laicité pourra unir les musulmans, ces derniers étant confessionnallement trop divisés. Ce parti était celui de Saddam Hussein en Irak et de Bachar El-Assad en Syrie.
Alaouites : c'est l'ethnie religieuse dont Bachar el-Assad est issue. Elle est une forme de peuple au sein de la Syrie, montrant encore une fois la complexité ethnique et confessionelle de ce pays. Il se raccrochent au chiisme mais ce n'est pas toujours le cas, ce qui complexifie encore les choses.
Druzes : minorité musulmane hétérodoxe du Mont Liban, une des nombreuses minorités religieuses du Liban. On les trouve aussi en Syrie ou en Israel.
Maronites : chrétiens proches du Saint-Siège, plus forte communauté chrétienne du Liban.
Kurdes : les kurdes sont une nation sans état et probablement le plus grand peuple sans structure étatique (on dénombre entre 30 et 35 millions de kurdes). Ils sont répartis actuellement sur un territoire allant de l'est de la Turquie au sud de la Russie, passant par le nord de la Syrie et de l'Irak. En Syrie, jusqu'à présent ils n'avaient pas de problèmes. En Irak en revanche, ils avaient obtenu suite à l'intervention des Etats-Unis une sorte de région autonome. En Turquie, en revanche, ils ont toujours été détesté par les turcs. Pour en comprendre l'origine il faut revenir aux débuts de la Turquie, c'est-à-dire à la fin de la Première Guerre Mondiale. Les accords Sykes-Picot, qui donnaient à la France la Syrie et le Liban, anciennes régions de l'Empire ottoman totalement détruit et vaincu à la fin du conflit et qui donnaient aux anglais la Palestine et l'Irak avaient aussi prévu un état kurde au sud de la Turquie, le Kurdistan. Seulement, les turcs, sous l'égide de Mustafa Kemal se réunifiaient sous un état moderne, républicain et laic. Ainsi, la Turquie retrouva un peu d'envergure territoriale et les Occidentaux n'eurent rien à dire car l'Etat turc promettait une vraie stabilité. Le problème kurde est donc un problème aujourd'hui non résolu.
Le PKK : Parti des Travailleurs du Kurdistan. C'est un parti marxiste-léniniste classé aujourd'hui comme groupe terroriste par les autorités internationales. Il est l'une des branches armées des nationalistes kurdes au nord de la Syrie mais aussi en Irak et en Turquie. Bien que nous ne l'aidons pas officiellement, ils représentent aujourd'hui une alternative politique en Syrie. Ils sont également soutenus par les Russes. Il est l'un des principaux ennemis de Daech et du régime de Bachar El-Assad. Les combattants kurdes sont appelés Peshmerga, nottament en Irak. On entend souvent ce terme dans les médias.
Les Yézidis : méconnue, cette minorité est en fait une religion à part entière, groupe d'ethnie kurde dont la religion est zoroastrique monothéiste et qui remonterait à 7000 ans. Ils sont la cible d'exaction de toutes parts et de massacres depuis le début du conflit. Les kurdes n'ont pu les aider lors de la prise de Sinjâr, une ville du nord de l'Irak où ils sont très nombreux par l'Etat Islamique. Leur rôle reste cependant mineur et il est à fort à parier qu'ils tomberont dans l'oubli lors du redessinage de la région.
Al-Quaida : largement connue en Occident il s'agit de la branche armée formée par Ben Laden et d'autres partisans. Si Daech en est la petite soeur en quelque sorte, il est à noter que les deux organisations sont en guerre ouverte et en concurrence. C'est le cas du Front Al-Nostra, apparu pendant la guerre en Syrie et qui s'est battu frontalement avec Daech.
Daech ou EI ou encore ISIS : si, comme Al-Quaida, ce mouvement est un mouvement djihadiste salafiste et qu'il vise aussi l'instauration d'un califat, il est le seul à avoir une vraie emprise territoriale et une administration, une armée et des services publics. C'est pour cela qu'on parle d'Etat Islamique. Etat très riche, il n'en demeure pas moins très contesté. Il vit essentiellement, non pas du pétrole, qui est un marché fragile mais d'exactions, de trafics et de pillages en tout genre (le traffic concerne les armes, les antiquités, la prostitution, la drogue...). Son objectif est de créer un état islamique dont la tête serait un califat, en l'occurrence le calife Bagdadi, un irakien qui avait fait ses armes à Al Quaida. Il ne faut pas croire que les étrangers notamment francais sont le cœur de l'organisation. Ils ne sont qu'une périphérie, les bras armées d'un pouvoir aux mains d'une poignée d'Irakiens. De plus, les attentats de Paris ne sont que de la poudre aux yeux. Si nous sommes les ennemis de Daech c'est que nous nous sommes autoproclamés comme tels. Certes, ils ont affirmé vouloir voir Rome tomber dans un communiqué récent mais ils n'ont en pas les moyens. Nous sommes leur ennemi juré mais ils ont bien d'autres préoccupations car, bien qu'ils haïssent l'Occident, les objectifs de Daech sont d'abord régionaux, éradiquer les mouvements chiites et tous les "faux musulmans"(soufis, etc...), détruire le régime Saoudien, qui, si il l'a vu naître n'en est pas moins le possesseur des lieux saints que l'EI convoite. Daech est un monstre qui échappe à tout contrôle. Il organise son expansion et son traffic sur trois points : l'Arabie, la Turquie et la Jordanie et pour le vaincre il faudrait fermer tous les points de passages. Daech veut aussi atteindre la mer, avoir un débouché sur la Mediterrannée, ce qui serait dramatique, cette mer étant pour l'instant pacifiée.
Sunna : L'ensemble des pratiques de l'Islam dites dans le Coran et appliquées par le Prophète dans sa vie (les Hadith). Ces applications pratiques varient évidement selon les interprétations. La Sunna c'est la base du sunnisme, fondé sur la pratique d'un Islam basé sur les faits et gestes de Mahomet.
Hadîth : recueil des traditions faites par le Prophète durant sa vie. Ces traditions font partis, avec le Coran, de la Sunna.
________________________________________________________________
La géopolitique du moyen orient expliquée à Hollande, Fabius et autres imposteurs qui nous gouvernent
Qu’est-ce que l’EI ?
L’EI n’est pas une simple organisation terroriste de plus. En effet, derrière la façade islamiste se cache une structure bien pensée, très organisée et capable d’agir suivant plusieurs dimensions :
– Militaire : les combattants sont encadrés très efficacement par des anciens cadres de l’armée de Saddam Hussein
– Idéologique : ils empruntent l’idéologie salafiste pour s’assurer du soutien des sunnites radicaux
– Financement : l’EI contrôle une partie des puits de pétrole irakiens et syriens qui lui assurent des revenus conséquents avec la complicité de la Turquie et des occidentaux
– Recrutement : l’organisation recrute au moyen orient et également dans le reste du monde pour renforcer son armée et remplacer ses pertes
– Communication : une habile propagande jihadiste à tendance « gore » attire de nombreuses recrues à travers les réseaux sociaux
Cet organisation est apparue en 2006 en Irak à la suite de la destruction de ce pays par les américains, elle se propage depuis plusieurs années dans les pays voisins. Les sunnites du nord de l’Irak, laissés pour compte par le pouvoir chiite issu des urnes constituèrent un terrain favorable pour la genèse de ce mouvement.
La complicité active de certains pays du golfe est avérée, l’Arabie Saoudite, le Qatar et la Turquie leur fournissent du matériel, des armes et de la logistique.
Cet organisation a ensuite été rejointe par des groupes extérieurs [3] :
– environ 5000 wahhabites saoudiens
– des talibans
– des combattants tchétchènes venus de Russie
– de nombreux jihadistes recrutés au moyen orient et accessoirement en occident dont nos fameux « crétins des banlieues »
L’EI, avec la peur engendrée par son ultra-violence a rapidement conquis de grandes portions de l’Irak, bien aidé si l’on peut dire par l’inefficacité chronique de l’armée régulière irakienne formée par les américains.
En terme d’effectifs, le chiffre de 30 000 jihadistes annoncé par les médias est ridicule, il est clair qu’on ne tient pas l’équivalent d’un pays avec un si petit nombre, le chiffre réel des combattants est probablement au moins 10 fois supérieur [4].
L’EI a enfanté de nombreuses filiales à l’étranger
Donnée fondamentale, l’EI apparu en Irak, a été rejoint par plusieurs organisations islamistes internationales qui lui ont prêté allégeance. Ainsi, la Libye (n’ayant plus d’état), l’Égypte, le Yémen, le Caucase (Tchétchénie), la Tunisie, l’Algérie, l’Afghanistan et même l’Arabie Saoudite ont vu l’apparition de « filiales » de l’EI venus renforcer la puissance de cette organisation.
Une armée d’invasion organisée et la complicité active de la Turquie
Profitant d’un début de guerre civile en Syrie, l’armée de l’EI a passé la frontière syrienne et a décidé d’étendre le jihad dans ce pays. Cette dernière s’est emparée de puits de pétrole dans le nord/ouest de la Syrie, elle vend cet or noir à une compagnie anglo-turque qui l’écoule à son tour (blanchi) sur le marché international.
La Turquie, membre de l’OTAN, en discussions pour entrer dans l’UE et dans l’OCS, joue donc un double jeu voire même un triple jeu dans cette région.
Le SU24 russe lâchement abattu par la chasse turque dans le ciel syrien sous prétexte de viol de son espace aérien (*) donne une idée du camp choisi par Erdogan, le dirigeant islamiste turc : celui de l’état islamique.
Cette agression constitue un acte de guerre avéré de la part d’un pays de l’OTAN envers la Russie.
(*) La Turquie de son coté ne se prive pas de violer réellement l’espace aérien grec
Le terrorisme international au service de la stratégie de l’EI
Les islamistes et en particulier l’EI, sont à l’origine des principaux actes terroristes commis dans le monde, avec bien entendu les attentats récents à Paris. On nous répète que les principales victimes du terrorisme islamique dans le monde sont des musulmans en général chiites, cela est exact, mais il ne faut cependant pas oublier les assassinats massifs de chrétiens dans les zones d’influence des islamistes.
Ce qui précède montre que l’EI n’est pas qu’un simple groupe terroriste, mais une organisation sophistiquée avec de gros moyens déployés suivant plusieurs axes. Cela induit donc un certain nombre de questions sur cette organisation ainsi que et sur ses alliés. En effet, le soutien des Saoudiens, du Qatar et de la Turquie suffit il à expliquer la puissance de cette entité ? (*)
En effet, un certain nombres d’analystes [4][5] considèrent qu’à l’instar d’Al-Qaïda, l’EI serait une création de la CIA dont les 2 objectifs initiaux étaient :
(1) de couper la route à l’Iran pour stopper leur aide militaire au Hezbollah libannais, un des rares mouvement capable de résister militairement à Israel .
(2) d’entrer en guerre contre Bachar el-Assad pour le destituer
Le fait que l’ancien candidat républicain à la présidence US John Mc Cain aie reconnu sur Fox News être en contact permanent avec l’EI va dans le sens de cette assertion.
(*) Voir les analyses du criminologue Xavier Raufer, article et interview.
Ces considérations liées à la religion étant posées, il existe un facteur majeur sans lequel le moyen orient ne ferait jamais l’actualité à travers les guerres permanentes qui s’y déroulent.
Ce dernier concerne bien évidemment la présence abondante de matières premières stratégiques pour toute la planète dans le sous-sol de cette région.
Le problème des matières premières : pétrole et gaz.
Avec les 2/3 des réserves mondiales de pétrole et 40% de celles de gaz, on comprend que cette région attise les convoitises des nations industrialisées très importatrices de ces ressources.
La plus grande partie des réserves pétrolières de la région sont concentrées dans 4 états (classement indicatif) :
– Arabie Saoudite : 1ières réserves mondiales
– Iran : 2e
– Irak : 4e
– Koweït et Émirats arabes : 5e
A noter que la Syrie possède une position stratégique pour le transport du gaz vers la méditerranée [6].
PARTIE 2 : L’INTERVENTIONNISME DES ÉTATS-UNIS AU MOYEN ORIENT
Depuis la fin de la seconde guerre mondiale les États-Unis sont en quête d’hégémonie sur toute la planète. Au vu des immenses réserves de pétrole présentes au moyen orient, ils ne pouvaient que devenir la principale puissance étrangère intervenant directement ou indirectement dans cette région.
La stratégie mondiale des États-Unis
Après une quarantaine d’années de bi-polarité partagée avec l’URSS, les États-Unis se sont retrouvés pour un temps dans un contexte unipolaire après la chute de leur rivale au début des années 1990. Le pays s’est alors doté d’une nouvelle stratégie, centrée sur un modèle géopolitique, pour conserver sa suprématie toute récente .
La géopolitique est une discipline dont les bases furent inventées par Mackinder et Spykman dans la première moitié du 20e siècle. En synthèse, le modèle Mackinder prédit que si une puissance réussit à unifier l’Europe de l’ouest et l’Europe orientale, alors cette dernière dominera le monde.
Les américains doivent donc l’empêcher.
Pour ce faire, la première étape est de constituer une doctrine avec des ennemis créés de toutes pièces. Ce fut l’objectif des travaux de Brzesinsky, du PNAC et autres concepts dechoc de civilisations.
En résumé, pour garder leur suprématie, les États-Unis doivent atteindre 4 objectifs :
1) conserver leur large supériorité militaire mondiale
2) prendre le contrôle des matières premières
3) empêcher par domination ou confinement d’autres états ou alliances d’états, d’atteindre un niveau de puissance comparable
4) Convaincre les opinions publiques de leur bonne foi
Aspect militaire
Le budget de la défense US, largement auto-alimenté par l’influence de leur complexe militaro-industriel est de loin le plus important de la planète. Il leur permet une suprématie militaire offensive quantitative dans tous les domaines.
Ce point mérite cependant un bémol, en effet, les Russes possèdent une stratégie inverse, à savoir défensive et leur technologie dans ce domaine est supérieure à la technologie offensive des américains [4].
Le contrôle des matières premières et des pays du moyen orient
Dès la fin de la seconde guerre mondiale, les États-Unis se sont alliés pour une durée de 60 ans renouvelables à la théocratie islamiste (*) d’Arabie Saoudite (1ière réserve de pétrole mondiale) lors du fameux pacte scellé sur le croiseur US Quincy en 1945 par F.D. Roosevelt.
Ce pacte comportait la sécurité en approvisionnement pétrolier pour les américains en échange de leur protection militaire.
Après cette alliance de longue durée avec le premier producteur mondial de pétrole et lorsque la superpuissance rivale eut disparu, la « destinée manifeste » des américains les conduisit naturellement à tenter la prise de contrôle quasi totale du moyen orient. D’autant que les régimes laïcs de cette région (Libye, Irak, Syrie) plutôt orientés pan-arabes représentaient une menace pour l’allié numéro 1 Israël [6].
Toutes ces raisons justifiaient donc la volonté de remodelage militaire du proche orient des années 2000 lancées sous l’ère W. Bush et poursuivies plus tard par des états clients des américains : France et Grande Bretagne.
(*) Le régime Wahhabite de l’Arabie Saoudite est une théocratie barbare basée sur une application stricte du salafisme . Ce dernier a inspiré l’idéologie affichée par l’état islamique. Les princes saoudiens financent le terrorisme islamiste international et fournissent l’État islamique en armes, principalement américaines et françaises . La France a également livré directement des armes aux islamistes, en particulier de puissants missiles antichar Milan se sont retrouvés aux mains d’Al-Nosra.
Les États-Unis sèment la zizanie en Europe
Conformément à la doctrine Mac Kinder, la stratégie des États-Unis pour l’Europe occidentale est d’éviter à tout prix une alliance de cette dernière avec la Russie.
. Le premier axe de cette stratégie fut donc de vassaliser l’Europe de l’ouest avec un protectorat militaire (OTAN), un contrôle politique total (Union Européenne) et économique en cours de finalisation (TAFTA).
. Le second axe fut donc de diaboliser la Russie afin de faire croire aux populations occidentales que le régime de son président est de type dictatorial expansionniste même si les faits démontrent exactement l’inverse.
Contenir les puissances émergentes : BRICS
Les puissances émergentes BRICS, plus particulièrement Russie et Chine ayant une puissance militaire en pleine croissance doivent absolument être confinées (containment) par tous les moyens afin de les empêcher de peser significativement sur la géopolitique de la planète.
Cette stratégie, associée à la vassalisation de l’Europe aux États-Unis et plus récemment de la France [7], explique le « Poutine bashing » récurrent dans la classe dirigeante et dans les médias mainstream, propriétés de l’oligarchie.
La stratégie des États-Unis appliquée au moyen orient
Les objectifs des États-Unis étant clairement définis, il ne restait plus qu’à les réaliser.
D’après le modèle de propagande établit par Noam Chomsky [8], dans un état démocratique, il faut faire adhérer les populations à une politique donnée grâce à la « fabrication du consentement ».
En 2000, d’après le rapport du PNAC (déjà cité), il ne manquait plus qu’un casus belli pour lancer les premières opérations militaires. Ces dernières étaient destinées à atteindre l’objectif de maitrise des ressources en matières premières du moyen orient.
Par un coup de chance phénoménal (*), moins d’un an après, les attentats du 11 septembre fournirent une magnifique opportunité.
Quelques jours après la chute des 3 tours, on apprend avec stupeur que les plans d’attaque pour intervenir militairement contre 7 pays du moyen orient étaient déjà prêts.
Cette information capitale fut révélée en 2007 par le général américain Wesley Clark :
D’après le général Clark, la liste des états à « traiter » était la suivante : Iraq, Lybie, Iran, Syrie, Liban, Somalie, Soudan.
(*) rappelons que la version officielle, toujours non prouvée, du complot exogène d’Al-Qaïda renferme d’innombrables incohérences et questions sans réponses.
2003-2008, L’ère W. Bush la grande déstabilisation du moyen orient
L’invasion de l’Afghanistan en réponse au 11/9 puis celle de l’Irak à la suite du célèbremensonge historique de Colin Powell à l’ONU, a donc initialisé le processus de remodelage à l’américaine du moyen orient.
Le résultat de cette brillante stratégie fut rapidement visible avec la reprise du pouvoir en Afghanistan par les talibans et l’apparition de l’EI en Irak.
Comme on l’a vu précédemment, l’EI s’est alors étendu comme sous la forme de métastases afin de recréer un califat au moyen orient, avant vraisemblablement de s’attaquer au reste de la planète.
Malgré ces échecs, quelques années après en 2011, un « coup » similaire révélé par Roland Dumas (*) se préparait en Syrie :
(*) Interview sur Radio Courtoisie en octobre 2013.
La Syrie, dans le collimateur des euro-atlantistes
Durant des siècles, la minorité alaouite de Syrie, une branche du chiisme, n’avait subi que persécutions de la part de la majorité sunnite. En 1970, cette situation changea avec la prise de pouvoir de l’alaouite Hafez El Assad à la suite d’un coup d’état [6]. Ce dernier réussit à stabiliser politiquement le pays grâce à un régime autoritaire qui réussit à contenir par la fermeté les premières tentatives de rébellion islamistes.
Depuis 2000, la Syrie est gouvernée par le président Bachar el-Assad qui succéda à son père après sa mort.
Le régime de Bachar est de type laïc et pan-arabe [6].
Il possède le soutien de facto des alaouites, des druzes, des chrétiens et également de nombreux sunnites puisque ces derniers sont traités à égalité des autres citoyens grâce à la laïcité.
La Syrie est aujourd’hui sur l’agenda des euro-atlantistes pour au moins deux raisons liées à l’énergie [6].
En effet, il existe un projet de gazoduc pour transporter le gaz du Qatar vers la méditerranée afin de fournir l’Europe et rendre cette dernière moins dépendante du gaz russe.
Ensuite, de très importants gisements de gaz (offshore et onshore) auraient été découverts en Syrie, ce qui attise la convoitise des compagnies occidentales.
Et puisque Bachar el-Assad, très lié avec les Russes, refuse le projet de gazoduc, il faut donc que ce dernier quitte le pouvoir.
Le départ exigé d’Assad n’a donc évidemment rien à voir avec de quelconques raison humanitaires.
Depuis 2011, la Syrie est donc victime d’un embargo occidental très dur pour la population. Ce dernier étant justifié par un storytelling prétendant qu’une révolution populaire démocratique était réprimée par le pouvoir et qu’une guerre civile venait de commencer.
Contrairement à ce que prétend cette propagande occidentale, la guerre civile en Syrie n’a pas commencé en 2011 [6].
En effet, cette dernière a commencé en 1980 lorsqu’un commando des frères musulmans s’est introduit dans l’école d’officiers d’Alep et a exécuté les élèves alaouites (chiites) en épargnant les sunnites.
Ce massacre n’est que l’application d’une ancienne fatwa émise au 14e siècle par le salafisteIbn Taymiyya contre les alaouites.
Cet attentat sanglant avait été fermement réprimé en 1982 par l’oncle de Bachar avec la destruction de la ville de Hama, fief de cette confrérie.
Les affrontements n’ont dès lors jamais cessé, mais les médias occidentaux ne s’y sont pas intéressés jusqu’en 2011.
Le 15 mars 2011, la manifestation d’une poignée d’opposants au régime est montée en épingle par les médias occidentaux qui tentèrent de nous faire avaler un nouveau printemps arabe. Cette propagande médiatique fut une sorte de répétition avant celle qui allait suivre en Ukraine en janvier 2014 [2].
La Syrie est en guerre (et non pas en guerre civile)
Progressivement, des mouvements salafistes prennent les armes contre le régime et en particulier Al Nosra la branche syrienne d’Al-Qaïda, soutenue militairement par les saoudiens, les qataris, la Turquie et…la France !
Cette guerre civile s’est rapidement transformée en guerre tout court.
En effet, hormis le soutien actif de puissances étrangères, le conflit s’est internationalisé avec l’entrée en lice de l’État Islamique d’Irak (EII) en 2012, ce dernier se rebaptisa État Islamique (EI).
Les motivations déclarées par l’EI sont de considérer la conquête de territoires en Irak et en Syrie comme la renaissance du califat Ottoman né au 16e siècle, age d’or du pouvoir islamiste dans la région [6].
Cependant, si l’EI est bien une création de la CIA, les vraies raisons de son intervention en Syrie, liées à la stratégie américaine, ont déjà été évoquées.
En Syrie, les forces en présences sont aujourd’hui au nombre d’environ 80 groupes armés différents !
Le moins que l’on puisse dire est que la situation s’est grandement complexifiée…
Ces derniers sont constituées d’un coté par les alliés du gouvernement Syrien : Iran, Irak, Russie et Hezbollah Libanais.
En face, l’EI et Al-Qaïda forment les groupes les plus puissants épaulés par les Saoudiens, qataris et turcs (membres de l’OTAN).
Selon l’observatoire Syrien des droits de l’homme, un organisme proche des frères musulmans, ce qui est appelé la répression (*) aurait fait plus de 200 000 morts civils.
Ce chiffre, largement repris par les propagandistes est sans doute en dessous de la réalité [4], cependant, il englobe tous les morts de cette guerre. D’abord, les combattants des différentes armées (les pertes du seul régime sont estimées à 100 000) et groupes paramilitaires divers, les nombreux morts civils assassinés par les islamistes (décapitations, égorgements,…) et bien sur les morts civils collatéraux liés aux offensives de l’armée syrienne.
La désinformation médiatique occidentale laisse entendre que 100% des tués sont des civils victimes de l’armée de Bachar el-Assad…
(*) Le terme répression est il bien choisit dans le cas où un état souverain lutte contre des forces d’invasion islamistes de tout poil ?
Comment mener une guerre en zone urbaine ?
Puisque l’on aborde la question des morts dus à cette guerre, il faut évoquer le problème de la libération d’une zone urbaine pénétrée par des jihadistes.
Observons d’abord les moyens mis en œuvre par la France à Saint Denis pour arrêter les quelques survivants du groupe terroriste responsable du massacre parisien.
Pas moins de 110 hommes du RAID et de la BRI auxquels se sont ajoutés 50 militaires ont été nécessaires pour déloger une poignée de terroristes certes bien armés.
Le résultat est parlant, plus de 5000 munitions tirées par les forces de l’ordre et un immeuble partiellement détruit.
Analysons maintenant le contexte syrien.
Ce pays possède d’importants fiefs salafistes dont les effectifs sont de plusieurs milliers de terroristes potentiels. Ces derniers lancent à tout moment des opérations sanglantes contre les civils en Syrie à l’image de ce que l’on a vécu à Paris le 13 novembre dernier.
La question est donc de déterminer comment l’armée régulière d’Assad peut déloger un groupe de plusieurs centaines de terroristes armés installés dans une zone urbaine sans faire de victimes civiles.
La réponse est simple, c’est impossible [4].
Il n’y a pas d’autre choix que de détruire la zone urbaine avec hélas tous les dégâts collatéraux que l’on imagine.
Ces questions se sont également posées durant la seconde guerre mondiale et les alliés n’ont pas proposé d’autres solutions que des bombardements urbains massifs pour vaincre les nazis.
L’exemple historique de la bataille de Stalingrad illustre également parfaitement cette problématique.
On voit aujourd’hui les américains et leurs affidés donner des leçons de morale au régime syrien.
Ces derniers sont particulièrement mal placés au vu de la longue liste des victimes civiles faites sur sol étranger par leur armée depuis 60 ans (Vietnam : 4 millions, Irak : entre 0.5 et 1 million, etc).
L’illusion d’une opposition modérée
En ce qui concerne les atlantistes, l’objectif est de faire chuter le régime d’Assad par procuration en fournissant de l’aide en armements et logistique au groupe Al Nosra, prétendument « islamiste modéré », oxymore inventé pour la circonstance.
Un autre groupe nommé « armée syrienne libre » ou ASL constitué à l’origine par des déserteurs de l’armée régulière syrienne est supposé représenter une alternative démocratique au régime d’Assad. Cependant, si cette mouvance possède bien une représentation diplomatique, elle n’a en revanche quasiment aucune infrastructure de commandement militaire centralisée et légitime.
La coalition occidentale en guerre contre les islamistes ?
La coalition menée par les États-Unis contre l’état islamique d’abord en Irak puis en Syrie a démarré son action depuis plus d’un an. La stratégie de cette dernière est principalement basée sur des frappes aériennes des forces de l’EI.
Ces dernières ne semblent pas avoir obtenu beaucoup de résultats, puisqu’au contraire, l’état islamique relativement contenu en Irak a conquis plus des 2/3 du territoire syrien.
Ces frappes semblent donc plus destinées aux opinions publiques et à occuper le terrain médiatique plutôt que celui conquis par l’EI.
Cela s’explique d’ailleurs par le seul objectif politique annoncé par les américains et leurs vassaux qui est la destitution de Bachar el-Assad. La destruction des islamistes entre alors en contradiction avec cet objectif, en effet, il suffit d’attendre que ces derniers fassent le boulot.
Hélas pour eles américains, cette brillante stratégie fut remise en cause par l’intervention Russe d’octobre 2015.
La stratégie Russe est en revanche claire et rationnelle.
Cette dernière consiste à affaiblir les islamistes (EI et Al Nosra) par des frappes aériennes massives et la destruction de leurs ressources, pour permettre à l’armée régulière syrienne de reprendre le terrain.
Après 2 mois d’intervention, les premiers résultats sont sans comparaisons avec ceux de la coalition américaine.
PARTIE 3 : LA FRANCE, NOUVEAU VASSAL DES ÉTATS-UNIS
Depuis 2007, la France de Sarkozy s’est totalement vassalisée aux États-Unis. En particulier, au niveau militaire, le retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN fut un geste fort de soumission à Washington [7].
Les échecs systématiques de la politique militaire américaine auraient du sembler évidents à tout le monde mais cela n’a pas empêché Sarkozy et Cameron d’appliquer, sur la « suggestion »de Washington (*), cette dernière en Libye.
Ce comportement effarant n’est pas sans rappeler celui de la politique économique où nos dirigeants semblent croire qu’en appliquant encore et encore les mêmes recettes, on finira par obtenir un résultat différent.
Rappelons une fois de plus la citation d’Albert Einstein :
“La folie, c’est se comporter de la même manière et s’attendre à un résultat différent.”
(*) Les américain, de plus en plus impopulaires dans le monde, sous-traitent les interventions militaires à leurs vassaux.
La « nouvelle » France, 100% atlantiste entre dans le jeu
En 2011, la Libye était un état laïc et stable.
C’est à cette date que Sarkozy avec son mentor le grand penseur BHL tentent de faire croire à l’opinion française qu’une révolution colorée vient de se produire, et que cette dernière est réprimée sauvagement par le colonel Kadhafi.
Outrepassant la résolution 1973 de l’ONU, l’aviation anglo-française détruit l’infrastructure militaire du dirigeant libyen, entrainant sa chute avec celle de tout l’appareil d’état libyen. Comme en Irak 8 ans avant, le champ était libre pour les islamistes.
Sarkozy a donc contribué à la création d’un nid d’islamistes en Libye malgré les exemples encore fumants de l’Afghanistan et surtout de l’Irak (un autre ex état stable et laïc) où les mêmes causes avaient produits les mêmes effets.
Un enfant de 6 ans aurait été en mesure de comprendre avec 2 exemples aussi flagrants que toute intervention occidentale destinée à établir la « démocratie » dans un pays qui n’y est pas préparé se traduit par la prise de pouvoir de religieux islamistes extrémistes.
C’était semble t’il trop compliqué à comprendre pour le successeur « socialiste » de Sarkozy et son brillant ministre des affaires étrangères Fabius
Le « cas » Fabius
Nous pensions avoir touché le fond avec Kouchner, le ministre des affaires étrangères de Sarkozy. C’était sans compter avec le talent de François Hollande pour dénicher les apparatchiks les plus incompétents du sérail « socialiste ».
Laurent Fabius choisit systématiquement la pire option lors de chacune de ses prises de positions. Il est censé suivre la politique étrangère définie par le président, à moins que ce ne soit l’inverse.
Commençons par rappeler les top 3 des déclarations de Laurent Fabius :
- « Ils (Jabhat Al-Nosra) font du bon boulot » – Le Monde, 13/12/2012
Rappelons qu’Al-Nosra est la branche syrienne d’Al-Qaïda désigné par W. Bush comme responsable des attentats du 11 septembre. Donc, Mr Fabius fait l’apologie du terrorisme et considère que ceux qui ont détruit les tours jumelles font du bon boulot. - « Bachar El Assad ne mériterait pas d’être sur terre » – En visite en Turquie dans un camp de réfugiés – 17/12/2012
Appel à l’assassinat du dirigeant d’un état souverain en guerre contre des islamistes… - « Le parti Svoboda (Ukraine) n’est pas d’extrême droite » – France inter – 11/03/2014
Le parti Svoboda est un parti ouvertement néo-nazi. Pour Fabius, il s’agit d’un parti de droite relativement modéré.
Vous ne rêvez pas, ces propos furent bien le fait du ministre des affaires étrangères en exercice dans notre pays.
Le fait que Fabius n’ait pas été remercié immédiatement, ni poursuivi en justice (*) après de telles déclarations n’est pas simplement scandaleux en soi, mais également profondément honteux pour l’image et la crédibilité de la France à l’étranger.
(*) Il serait opportun qu’un juriste vérifie si ces propos ne tombent pas sous le coup des article 421-2-5 et 121-7 du Code pénal pour apologie du terrorisme et appel au meurtre.
Quand l’état refuse la liste des jihadistes français
Il semblerait par ailleurs qu’en 2013, la Syrie aie proposé à l’état français une liste des jihadistes français présents dans ce pays. Cette affaire a été révélée par Bernard Squarcinil’ancien patron de la DST/DCRI.
Manuel Valls aurait donc refusé cette liste sous la pression de Fabius (encore lui), car les Syriens demandaient en échange la coopération entre les deux services de renseignements.
Ce sujet de la dimension d’un scandale d’état n’a évidemment pas fait la une des grands journaux, sans doute ont ils estimés qu’il s’agissait d’une information mineure.
« Bachar doit partir »
Personne en revanche ne peut reprocher au gouvernement français d’avoir une politique absconse pour ce qui concerne la Syrie.
Cette dernière tient en 3 mots : « Bachar doit partir » !
C’est lisible certes, mais un peu court.
Depuis des mois, on n’entend plus que cette antienne gouvernementale sur toutes les ondes. Puisque l’élite le dit, alors examinons ce scénario d’un peu plus près.
Le scénario du départ de Bachar el-Assad
Certains pays du Maghreb et du moyen orient ont vécu des changements de régime ces dernières années. Dans certains cas,des mouvements populaires plus ou moins spontanés ont imposé le départ du dirigeant en place et la tenue d’élections (Tunisie, Égypte).
Et le résultat fut le même dans tous les cas de figure, c’est le groupe dominant ou le mieux implanté dans le pays qui a pris le pouvoir, à savoir les islamistes.
Il suffit d’examiner quelle est l’entité la plus puissante en Syrie, la réponse que personne ne conteste est qu’il s’agit de l’état islamique ou EI.
En Syrie, nous avons vu qu’il n’existe aucune alternative politique crédible au président actuel.
Il est donc évident que si Bachar chute en pleine guerre contre les islamistes, alors l’EI et Al Nosra termineront l’invasion de la Syrie et se retrouveront rapidement au pouvoir à Damas.
La suite est facile à imaginer, les alaouites considérés comme des apostats et les druzes/chrétiens comme des infidèles risquent l’extermination.
De plus, des islamistes seraient pour la première maitres d’un pays entier.
Enfin, certains sont allé se rendre compte sur place de la situation en Syrie. Ils ne tiennent pas exactement le même discours que l’Élysée ou le quai d’Orsay, ce dernier ayant été élaboré depuis un bureau avec vue sur la seine. Le rapport du colonel Hogard de retour de Syrie accompagné de députés français est très instructif [9].
PARTIE 4 : QUE FAUDRAIT-IL FAIRE ?
Voilà maintenant le paragraphe que devraient lire nos dirigeants pour ouvrir les yeux et mettre en place une véritable stratégie politique en Syrie, et plus généralement pour rationaliser notre politique étrangère.
Notons d’abord qu’il est impossible d’analyser positivement la politique russe au moyen orient sans se faire taxer de pro-Poutine par les chiens de garde médiatiques des euro-atlantistes. Ces derniers ne font que jouer leur rôle de propagandistes de la stratégie américaine.
Cependant, dès lors que l’on analyse rationnellement les faits, les médias dominants sont moins à l’aise pour contre argumenter.
La politique de la Russie : un modèle de cohérence
Les Russes ont des intérêts en Syrie, un risque islamiste majeur sur leur territoire et un objectif politique clair
En effet, les intérêts de la Russie sont visibles, ils ont un accord avec la Syrie pour l’accès de leurs marine militaire à la méditerranée avec le port de Tartous. De plus, parmi les combattants de l’EI, on trouve des Tchétchènes, ces derniers représentent donc une grave menace potentielle s’ils rentrent à domicile.
L’objectif des Russes est d’éradiquer les islamistes de Syrie en aidant ce pays à reprendre possession de la partie de son territoire occupée par ces derniers.
Les Russes respectent totalement le droit international
Le président Assad a demandé officiellement l’aide des Russes pour combattre les islamistes, ces derniers ont répondu favorablement à cette demande, l’intervention des russes aux cotés de l’armée Syrienne est donc parfaitement légale.
Par ailleurs, la stratégie militaire des Russes est parfaitement rationnelle.
Les Russes ont une véritable stratégie politique et militaire
Ils ont d’abord un objectif clair : vaincre les islamistes en Syrie (et en Irak ?) et les repousser hors des frontières de cet état.
Pour atteindre ce dernier, il ne suffit pas de faire du buzz en bombardant (illégalement) quelques positions islamistes désertées [5], il faut agir suivant 2 voies complémentaires :
– couper les sources d’approvisionnement de l’EI
– reprendre le terrain conquis et neutraliser son armée
L’EI ayant conquis de vastes zones pétrolières en Irak et en Syrie revend l’or noir qu’ils extraient en le transportant par camion vers le complice turc.
Ce n’est pas aux Russes que l’on va rappeler la stratégie du maréchal Joukov à Stalingrad en 1943, ce dernier a gagné la bataille contre l’armée allemande de Paulus en coupant cette dernière de ses sources d’approvisionnement.
Pour assécher leurs revenus pétroliers, les russes bombardent donc massivement les camions citernes de l’EI qui font la navette vers la Turquie.
Par ailleurs, la priorité est de reprendre les territoires à la frontière turque afin de couper la route du pétrole [10].
La carte ci-dessus montre qu’il ne reste qu’une bande de 80 km environ à fermer (entre les 2 points rouges) pour couper la route de la Turquie aux camions de l’EI. La stratégie la plus évidente serait de favoriser la jonction entre les Kurdes de l’est et ceux de l’ouest.
Deux conditions indispensables : le renseignement et une armée de terre
Les 3 piliers de la guerre moderne à gérer en parfaite synchronisation sont les suivants [5] :
(1) l’information
(2) la force aérienne
(3) l’armée de terre
Pour reprendre le terrain, il est indispensable d’avoir des troupes au sol, cependant, la projection d’une infanterie en Syrie demanderait d’énormes moyens, de plus, pour déterminer les points faibles de l’armée adverse, il faut un renseignement précis présent sur le terrain.
Or, il existe déjà un système de renseignement et une armée de terre expérimentée parfaitement opérationnels dans la région, ces derniers sont sous le contrôle de Bachar el-Assad.
Cette observation n’a pas échappé au président Poutine et à son brillant ministre des affaires étrangères Sergueï Lavrov qui, pour ce qui le concerne, ne joue pas dans la même cour que Fabius.
La stratégie évidente et la moins couteuse est donc, d’utiliser les informations des services syriens et d’appuyer leur armée avec une force aérienne assez puissante pour préparer le terrain à l’infanterie et affaiblir les jihadistes.
L’aviation Russe est alors synchronisée avec l’infanterie syrienne et celle de ses alliés pour leur permettre d’avancer et d’effectuer la reconquête.
La coalition montée par les Russes inclut non seulement la Syrie mais également l’Iran et l’Irak, première victime de l’EI.
La non politique de la France, y a t’il un pilote dans l’avion ?
« Les États n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts » Charles De Gaulle
La France n’a pas d’intérêts en Syrie
Mise à part le fait que la Syrie fut sous administration française dans le passé, il ne nous reste que des liens culturels avec ce pays.
Par ailleurs, le régime de Damas ne menace en aucun cas notre pays, il souhaitait au contraire des relations politico/commerciales normales.
Nous n’avions donc rien à faire en Syrie.
La France ne respecte pas le droit international
Le syndrome du « Bachar doit partir » est une ingérence inacceptable dans les affaires d’un état souverain. De plus, faire appel à des considérations morales est d’une hypocrisie sans bornes. Si l’on va sur ce terrain, alors il faut immédiatement stopper toute relation avec l’Arabie Saoudite et le Qatar qui sont des régimes anti-droits de l’homme où l’on applique la charia, bien pires que celui de Damas.
François Hollande bombarde en Syrie sans aucune légitimité, il n’y a eu aucune demande du gouvernement syrien ni résolution de l’ONU qui sont les 2 seuls cas légaux où un état peut intervenir sur le sol d’un autre.
Pourquoi bombardons-nous en Syrie ?
Donc, la France bombarde, fort bien, mais quel est l’objectif politique de ces bombardements ?
Nul ne le sait, et c’est logique vu qu’il n’y en a pas.
La seule raison de ces bombardements repose sur une opération de communication envers les sans dents si appréciés par notre président. La France s’est associée, vraisemblablement sur ordre, à la coalition américaine qui bombarde l’EI depuis un an sans le moindre résultat.
Comme on l’a vu, le pari des américains est que l’EI finira par vaincre l’armée régulière de Bachar, entrainant donc la chute de ce dernier. Il ne faut donc pas faire trop de mal aux islamistes afin de les laisser réaliser cet objectif.
Cependant, contre toute attente, l’armée de Bachar résiste depuis 4 ans. Cela se comprend car cette dernière est dos à la mer et si elle est vaincue, ce sera la mort pour tous les combattants.
Il s’agit donc de vaincre ou mourir.
En conséquence, on bombarde « mollement » l’état islamiste et on aide d’autres islamistescomme al Nosra. Seulement, même bombardé mollement, l’EI a réagit avec les attentats du 13 septembre dernier qui a fait plus de 130 morts à Paris.
La politique atlantiste de Hollande/Fabius s’est donc comme on n’a vu retournée contre ces derniers…
Hollande et Fabius se sont mis dans une position intenable
L’alignement atlantiste avec Washington s’est donc retourné contre le couple infernal de l’exécutif qui, après avoir marché sur la queue du serpent, a provoqué sur le sol français le plus grave attentat terroriste de notre histoire.
Nous avons alors assisté à une invraisemblable tournée internationale de Hollande qui persista dans son obsession irrationnelle du « Bachar doit partir ».
Nous sommes maintenant dans une situation politique très difficile.
En effet, la situation d’urgence absolue impose maintenant de rejoindre la position russe sans pour autant se dédire en reniant la position précédente totalement incompatible.
Bien entendu, la stratégie anti-Bachar américaine a obligé les Russes siffler la fin de la récréation et à intervenir à leur tour afin d’éviter des dégâts irréversibles.
Ce qu’aurait fait un vrai président de la république française
Si nous avions eu un vrai président (comme les Russes), il n’aurait d’abord jamais mis les pieds en Syrie pour contribuer à traiter un problème 100% créé par les américains, c’était à eux seuls de réparer leurs dégâts.
Annoncer quelques frappes sur l’EI pour suivre « l’ami » américain, améliorer les sondages et continuer à démontrer les capacités de nos Rafales nous aurait évité un désastre à Paris.
Maintenant que l’on a mis un coup de pied dans le nid de frelons, il ne reste qu’une seule option qui consiste à rejoindre la coalition Russe afin de favoriser la reconquête par l’armée syrienne et l’éradication de l’EI.
Le choix du camp sunnite terroriste contre le camp chiite est une grave erreur commise par le gouvernement français.
La rhétorique propagandiste atlantiste relayée par la presse mainstream est aujourd’hui de plus en plus difficile à justifier.
On constate cependant, que même poussé par un événement d’une gravité sans précédente qui démontre l’inanité complète de sa politique, François Hollande n’arrive pas à s’adapter à un contexte nouveau.
Cette observation complète l’analyse de Philippe de Villiers sur ces énarques incapables de sortir de ce syndrome de l’escalade d’engagement [1].
Un léger espoir était apparu en 2003 avec un début de politique française amorcée par Chirac soutenant un axe franco/allemand/russe.
Cette politique, non alignée sur les États-Unis allait dans la bonne direction, à savoir celle du général De Gaulle avec son célèbre : une « Europe de l’atlantique à l’Oural ».
Elle fut sans lendemain comme on l’a vu avec le rapprochement total opéré par le régime Sarko avec l’oncle Sam [7].
L’Europe de l’atlantique à l’Oural
La définition d’une politique répondant aux intérêts d’un pays découle tout simplement de l’observation d’une carte, c’est la base de la géostratégie.
L’Europe est un continent et rien d’autre.
L’Europe est simplement un continent qui va de l’atlantique à l’Oural, nous sommes très loin d’une Europe politique qui n’existera sans doute jamais.
Il apparait à l’évidence que notre intérêt, comme l’avait énoncé De Gaulle, serait de constituer une alliance des grandes puissances de notre continent (France, Allemagne, Russie) en favorisant une synergie des points forts de chaque nation.
Cette lecture a été faite depuis très longtemps par Vladimir Poutine qui depuis des années tente sans succès de se rapprocher de l’Europe de l’ouest. Les américains comme on l’a vu ont réussi (pour l’instant) à verrouiller cette dernière à leur hégémonie.
Cette politique réaliste, pronée par le général De Gaulle est pour l’instant en stand-by.
Une alternance à l’UMP-PS, c’est pour quand ?
Le second tour des élections régionales a largement démontré que Marine Le Pen avait parfaitement raison de dénoncer la coalition « UMPS ».
Sous couvert de « front républicain », mots vides de sens, les atlantistes de l’UMP (ou LR) et du P « S » ont tombé le masque et ont montré leur connivence sur la plupart des questions, qu’elles soient économiques ou géopolitiques.
Terminons en remarquant que contrairement à certains pays de l’U.E., les forces de la vraie gauche sont maintenant en déroute dans ce pays.
Cette observation est encore démontrée par les résultats des dernières élections où le flot des mécontents s’est largement orienté vers le Front National. Ces derniers, de plus en plus nombreux, semblent voir en Marine Le Pen une dirigeante potentielle ayant la dimension de la fonction.
A ce sujet, personne à l’heure actuelle, ne peut anticiper la politique qui serait menée par cette dernière si elle arrivait au pouvoir.
Après 2 mandats successifs correspondant à une alternance de façade, on peut en revanche avoir la certitude qu’en 2017, la politique de n’importe quel candidat de l’UMP-PS serait strictement identique à celle d’aujourd’hui, quel que soit le discours électoral de campagne.
Notons que le seul parti à avoir un programme clair de sortie de l’atlantisme est l’UPR qui prône la sortie des 3 entités (OTAN, UE, Euro) qui aliènent la souveraineté de la France.
La question est bien de déterminer ce qu’il faudra faire en 2017 au second tour…
Source ici.
Liens
[1] Philippe De Villiers « Il est temps de dire ce que j’ai vu » – 2015
[2] Synthèse sur l’Ukraine, une contre-propagande médiatique
[3] Jacques Sapir et Jacques Myard à Sciences Po : L’UE a-t-elle une politique étrangère ?Podcast ici
[4] Entretien avec Thierry Meyssan – Octobre 2015 – Podcast ici
[5] Interview colonel Régis Chamagne – Meta TV – Part 1, Part 2, Part 3
[6] Aymeric Chauprade – Chronique du choc des civilisations – 4e édition 2015
[7] Les 4 cas de haute trahison commis par l’ex président Sarkozy
[8 Noam Chomsky – La fabrication du consentement – 2008
[9] Retour de Syrie – Colonel Jacques Hogard
[10] Le grand coup de Poutine – Chroniques dugrandsoir
________________________________________________________________
Billard à trois bandes en Syrie : la stratégie d’Israël révélée par les e-mails d’Hillary
Dans son article paru le 23 février 2016 dans Politico, Robert Kennedy Jr. avait dépeint le conflit en Syrie comme une guerre globale pour le contrôle des ressources énergétiques de la région, avec, d'un côté, les États-Unis, l'Union européenne, Israël, les pays du Golfe et la Turquie, supportant l'opposition à Bachar el-Assad, de l'autre, la Russie, la Chine et l'Iran, soutenant le régime. RFK Jr. insistait surtout sur l'action des États-Unis, du Qatar et de l'Arabie saoudite dans le soutien à l'insurrection. Certes, il avait bien souligné qu'Israël était également déterminé à faire dérailler le « pipeline islamique », choisi par Assad en juillet 2011, qui aurait enrichi l'Iran et la Syrie, ainsi que leurs « proxys », le Hezbollah et le Hamas ; cependant, certains lecteurs ont pu estimer que la place d'Israël dans ce conflit méritait une analyse un peu plus poussée. La messagerie électronique d'Hillary Clinton, dont WikiLeaks a récemment mis en ligne de très nombreux e-mails, nous renseigne justement sur les intérêts et la stratégie d'Israël dans cette guerre.
Les intérêts de chacun des belligérants connus, nous nous demanderons si le mythe des rebelles « modérés », en passe d'être enterré, n'était précisément pas une ruse des anti-Assad visant à focaliser l'attention publique sur le seul État islamique et à laisser les mains libres aux principales forces qui, de fait, durant cinq ans, ont sapé l'État syrien. L'occasion, une nouvelle fois, de mettre en garde contre la désinformation galopante dans cette guerre – comme dans toute guerre.
Assad tombé, Iran isolé, Israël sécurisé
Le 16 mars 2016, WikiLeaks a lancé un moteur de recherche pour explorer des archives contenant 30.322 e-mails et pièces jointes, envoyés vers ou par le serveur de courrier électronique privé d'Hillary Clinton, à l'époque où celle-ci était secrétaire d'État, du 30 juin 2010 au 12 août 2014. Dans cette masse d'échanges, se trouve un courrier envoyé le 30 avril 2012 par James P. Rubin à Hillary Clinton. Pour information, James Rubin était secrétaire d'État adjoint pour les relations publiques et porte-parole en chef du Département d'État entre 1997 et mai 2000. Dans l'administration Clinton, il était considéré comme le bras droit de la secrétaire d'État Madeleine Albright (une femme qui déclarait, en 1996, que la mort de 500.000 enfants irakiens, victimes de l'embargo décidé par le Conseil de sécurité de l'ONU, valait la peine). Rubin a également été membre de l'équipe de campagne d'Hillary Clinton pour sa nomination par le Parti démocrate dans l'optique de l'élection présidentielle de 2008.
Voici l'essentiel de son message « BEST OF LUCK ON CHINA TRIP » traduit :
« J'ai voulu transmettre quelque chose que j'ai l'intention de publier sur la Syrie et l'Iran, parce que je pense qu'il vaut la peine d'essayer de presser le Président et ses conseillers politiques à agir. [...] Comme vous verrez dans la pièce jointe, je crois qu'une action en Syrie préviendra le plus grand danger à l'horizon, à savoir qu'Israël lance une attaque surprise sur les installations nucléaires iraniennes. Bien que la pression ait maintenant baissé pour de multiples raisons, elle reviendra. D'autre part, l'action de Washington sur la Syrie éliminera pour une bonne part, je pense, le caractère d'urgence de l'action israélienne. Autrement dit, une politique plus agressive en Syrie [...] atténuera considérablement la pression sur Israël pouvant le conduire à attaquer l'Iran et à déclencher peut-être une guerre plus large au Moyen-Orient [...]. Je sais que vous pouvez ne pas être d'accord, mais j'ai pensé qu'il était mieux de partager cela avec vous comme au moins une façon nouvelle d'aborder le problème. »
L'e-mail se conclut ainsi : « All best, your friend, Jamie », montrant la grande familiarité entre les deux protagonistes.
On découvre le titre de la pièce jointe dans un autre e-mail adressé quelques heures plus tard par Hillary Clinton à Robert Russo, lui demandant d'imprimer ce texte : « Please print ».
Robert Russo est au service de la réussite d'Hillary Clinton depuis dix ans, comme nous l'apprend son profil sur Linkedin. Actuellement directeur de la correspondance et des briefings pour le site de campagne Hillary for America, il a notamment été adjoint spécial auprès de la secrétaire d'État entre janvier 2009 et février 2013.
Voici la substantifique moelle de ce texte de James Rubin, « NEW IRAN AND SYRIA 2.DOC » :
« La meilleure manière d'aider Israël à traiter la capacité nucléaire croissante de l'Iran, c'est d'aider le peuple de Syrie à renverser le régime de Bachar el-Assad. Les négociations pour limiter le programme nucléaire iranien ne résoudront pas le dilemme de sécurité d'Israël. [...] Au mieux, les pourparlers [...] permettront à Israël de reporter de quelques mois sa décision de lancer une attaque contre l'Iran, qui pourrait provoquer une guerre majeure au Moyen-Orient.
Le programme nucléaire iranien et la guerre civile en Syrie pourraient sembler sans rapport, mais ils sont liés. Pour les chefs israéliens, la réelle menace d'un Iran doté de l'arme nucléaire n'est pas la perspective d'un chef iranien fou lançant une attaque nucléaire délibérée sur Israël, qui conduirait à l'annihilation des deux pays. Ce que les militaires israéliens redoutent vraiment — mais sans pouvoir le dire — c'est de perdre leur monopole nucléaire. Une capacité iranienne en matière d'armes nucléaires [...] pourrait aussi inciter d'autres adversaires, comme l'Arabie saoudite et l'Égypte, à se nucléariser de la même façon. Le résultat serait un équilibre nucléaire précaire, dans lequel Israël ne pourrait pas répondre aux provocations avec des frappes militaires conventionnelles en Syrie et au Liban, comme il le peut aujourd'hui. Si l'Iran acquerrait le statut d'État doté de l'arme nucléaire, Téhéran trouverait plus aisé d'appeler ses alliés en Syrie et au Hezbollah à frapper Israël, sachant que ses armes nucléaires lui serviraient de force de dissuasion pour empêcher Israël de répondre contre l'Iran lui-même.
Revenons à la Syrie. C'est la relation stratégique entre l'Iran et le régime de Bachar el-Assad en Syrie qui permet à l'Iran de saper la sécurité d'Israël — non à travers une attaque directe qui, en trente ans d'hostilité entre l'Iran et Israël, ne s'est jamais produite, mais à travers ses proxies au Liban, comme le Hezbollah, qui sont soutenus, armés et entraînés par l'Iran via la Syrie. La fin du régime d'Assad mettrait fin à cette dangereuse alliance. Le pouvoir en Israël comprend bien pourquoi vaincre Assad est maintenant dans ses intérêts [Rubin cite une déclaration du ministre de la Défense israélien, Ehud Barak, faite sur CNN la semaine précédente, allant dans ce sens].
Avec Assad parti, et un Iran devenu incapable de menacer Israël à travers ses proxies, il deviendrait possible pour les États-Unis et Israël de se mettre d'accord sur la ligne rouge qui indiquerait à quel moment le programme de l'Iran aurait atteint un seuil inacceptable.
Washington devrait commencer par exprimer sa volonté de coopérer avec des alliés régionaux, comme la Turquie, l'Arabie saoudite et le Qatar, pour organiser, entraîner et armer les forces rebelles syriennes. L'annonce d'une telle décision pourrait probablement causer, par elle-même, des défections substantielles au sein de l'armée syrienne. Ensuite, utilisant des territoires en Turquie et peut-être en Jordanie, des diplomates américains et des officiels du Pentagone pourront commencer à renforcer l'opposition. Cela prendra du temps. Mais la rébellion est partie pour durer un long moment, avec ou sans l'implication des États-Unis.
La seconde étape consiste à développer un soutien international pour une coalition menant des opérations aériennes. [...] Armer les rebelles syriens et utiliser la force aérienne occidentale pour empêcher les hélicoptères et les avions syriens de voler est une approche peu coûteuse et à forte valeur ajoutée. [...] La victoire ne viendra pas rapidement ou facilement, mais elle viendra. Et la récompense sera importante. L'Iran sera isolé stratégiquement, incapable d'exercer son influence au Moyen-Orient. Le nouveau régime en Syrie verra les États-Unis comme un ami, pas un ennemi. Washington remporterait une reconnaissance importante en se battant pour le peuple dans le monde arabe, et pas pour des régimes corrompus. »
James Rubin, comme il y fait référence dans son e-mail à Hillary Clinton, fera par la suite publier ce texte, à peine remanié, dans Foreign Policy, le 4 juin 2012. L'article s'intitule « The Real Reason to Intervene in Syria ».
En résumé, Rubin considère que, pour parer au plus grand danger qui guette le Moyen-Orient, à savoir une attaque d'Israël contre les installations nucléaires iraniennes, il faut œuvrer pour dissuader Israël de passer à l'action. En effet, son intervention pourrait constituer les prémices à une guerre de très grande ampleur. Pour atteindre cet objectif, il faut parvenir à faire baisser la pression que ressent Israël, en affaiblissant les organisations terroristes qui le menacent directement (Hezbollah au Liban, Hamas et Jihad islamique palestinien à Gaza), et qui se trouvent être des proxies de l'Iran, qu'il soutient via la Syrie. En rompant le lien entre l'Iran et la Syrie, ces proxies deviendraient inopérants. Et, pour rompre ce lien, il faut briser son maillon le plus faible : le régime de Bachar el-Assad. Il faut donc soutenir la rébellion contre lui, jusqu'à ce qu'il tombe. Assad tombé, les proxies iraniens rendus quasi inoffensifs, Israël pourrait suspendre son intention de bombarder l'Iran. Et des négociations plus apaisées sur le programme nucléaire iranien pourraient reprendre avec le soutien des États-Unis.
Pour contextualiser ces propos, rappelons qu'à cette époque le conflit en Syrie a commencé depuis plus d'un an, et que Mahmoud Ahmadinejad, bête noire des États-Unis et d'Israël, est encore au pouvoir en Iran. Il y restera jusqu'au 3 août 2013. James Rubin a anticipé le refus russe d'une telle opération, ce qui interdit de passer par le Conseil de sécurité des Nations unies, ainsi que la réticence de certains États européens, ce qui rend également difficile le recours à l'OTAN. L'opération ne pourra résulter, selon lui, que de l'accord de pays occidentaux et du Moyen-Orient, en particulier l'Arabie saoudite et la Turquie. Rubin semble ignorer qu'au moment où il fait ses préconisations, la CIA soutient déjà l'opposition syrienne depuis 2006, et que la Turquie, le Qatar et l'Arabie saoudite arment, entraînent etfinancent déjà des combattants jihadistes sunnites venus de Syrie, d'Irak et d'ailleurs pour renverser le régime d'Assad. Son texte nous éclaire donc essentiellement sur l'intérêt d'Israël dans la tentative en cours du renversement du régime syrien.
Israël et l'art de la guerre
Un autre e-mail intéressant a été envoyé à Hillary Clinton par Sidney Blumenthal le 23 juillet 2012. Ancien assistant et conseiller spécial du président Bill Clinton, journaliste spécialisé en politique américaine et internationale, Blumenthal est un ami et confident de longue date d'Hillary Clinton. En novembre 2007, il était devenu le « conseiller principal » de sa campagne présidentielle. The Daily Caller du 7 mars 2016 nous rappelle que, sur les dizaines de notes des Renseignements qu'il a envoyées à Hillary Clinton alors qu'elle était secrétaire d'État, 23 contenaient de l'information classifiée comme « confidentielle » ou « secrète ». Ceci fait de Blumenthal l'un des partageurs les plus prolifiques d'informations classifiées avec Clinton. Ses notes sont « particulièrement intrigantes », dans la mesure où l'homme n'a pas travaillé pour le gouvernement. Pendant la période où il envoyait ses notes à Clinton, il travaillait pour la Fondation Clinton, aussi bien que pour diverses organisations à but non lucratif entretenant des liens étroits avec Hillary Clinton. Il a aussi travaillé, durant une partie de cette période, comme rédacteur pour The Daily Beast.
Dans son e-mail, non classifié, Sidney Blumenthal établit un rapport d'informations émanant de plusieurs sources proches de différents services de renseignement (il n'émet pas d'avis personnel). Voici la substantifique moelle de ce texte, « SYRIA, TURKEY, ISRAEL, IRAN » :
« 1. Selon un individu ayant accès aux plus hauts niveaux des gouvernements européens, les services de renseignement de ces pays rapportent à leurs directeurs que les chefs de l'armée israélienne et de la communauté du renseignement pensent que la guerre civile en Syrie est en train de s'étendre aux pays voisins, notamment le Liban, la Jordanie et la Turquie. Ces officiels européens sont inquiets que le conflit en cours en Syrie puisse mener à des soulèvements dans ces pays qui amèneront au pouvoir des régimes islamiques de plus en plus conservateurs, remplaçant les régimes laïcs ou modérés actuels. Ces individus ajoutent que les responsables de la sécurité israélienne pensent que le Premier ministre Benjamin Netanyahu est convaincu que ces développements les rendront plus vulnérables, avec uniquement des ennemis à leurs frontières.
2. Dans des conversations privées, de hauts représentants du renseignement et de l'armée israélienne déclarent à leurs associés européens qu'ils ont longtemps vu le régime du président syrien Bashar el-Assad, bien qu'hostile, comme une valeur sûre et un amortisseur entre Israël et les pays musulmans plus militants, une situation qui est menacée par les succès croissants des forces rebelles de l'Armée syrienne libre. Cette source est convaincue que ces chefs israéliens sont maintenant en train d'élaborer des plans d'urgence pour traiter avec une structure régionale où les nouveaux régimes révolutionnaires qui reprennent ces différents pays seront contrôlés par les Frères musulmans et peut-être des groupes plus problématiques comme Al Qaïda, ce qui ne présage rien de bon pour les Israéliens.
3. [...] ces chefs d'État européens reçoivent des rapports indiquant que si Israël devait attaquer les installations nucléaires iraniennes en ce moment, cela ne ferait qu'aggraver ses relations avec ses voisins. [...]
4. Selon une source ayant un accès direct, les chefs de l'armée turque ont déclaré dans des discussions privées avec les plus hautes autorités de leur gouvernement qu'une attaque d'Israël sur l'Iran déclenchera sûrement une guerre régionale "avant que la première attaque aérienne d'Israël ne soit retournée à sa base". Les évaluations du renseignement turc, supportées par leurs agents de liaison dans les services de renseignement d'Europe de l'Ouest, informent que des milliers de missiles et de roquettes tomberont sur Israël lancées d'Iran, du Liban, de Syrie et de Gaza. [...]
7. Une source particulière déclare que les services de renseignement britanniques et français pensent que leurs homologues israéliens sont convaincus qu'il y a un aspect positif à la guerre civile en Syrie ; si le régime d'Assad tombe, l'Iran perdrait son unique allié au Moyen-Orient et serait isolé. En même temps, la chute de la Maison Assad pourrait bien provoquer une guerre sectaire entre les chiites et la majorité sunnite de la région, s'étirant jusqu'en Iran, qui, du point de vue des chefs israéliens, ne serait pas une mauvaise chose pour Israël et ses alliés occidentaux. D'après cet individu, un tel scénario distrairait l'Iran de ses activités nucléaires et pourrait les entraver pendant beaucoup de temps. De plus, certains analystes supérieurs du renseignement israéliens pensent que cette tournure des événements pourrait même s'avérer être un facteur dans la chute finale du gouvernement actuel d'Iran. [...]
9. En même temps, une source sensible distincte a ajouté que les services de sécurité européens sont inquiets que cette stratégie de la corde raide puisse mener à des fautes qui pourraient, à leur tour, conduire à une guerre régionale. A cet égard, ces services européens restent en rapport étroit avec leurs homologues israéliens, qui tentent de manipuler les événements tout en évitant un conflit général en ce moment. Cet individu déclare qu'un officier supérieur de l'armée israélienne a décrit la situation actuelle dans la perspective israélienne en citant Sun Tzu dans L'ART DE LA GUERRE : "Il gagnera celui qui sait quand combattre et quand ne pas combattre." »
En résumé, nous voyons s'exprimer deux appréciations opposées concernant la guerre en Syrie, du point de vue israélien. La première consiste à craindre que cette guerre civile ne s'étende aux pays alentours, conduisant ainsi à une prise de pouvoir de forces islamiques radicales, qui constitueraient autant d'ennemis mortels pour Israël. En outre, il est précisé que Bachar el-Assad, bien qu'hostile à Israël, représente un moindre mal, une force modératrice dans la région. La seconde appréciation voit dans la guerre en Syrie l'opportunité de renverser l'unique soutien de l'Iran au Moyen-Orient. Cette fois, la guerre régionale entre sunnites et chiites, que la chute d'Assad pourrait provoquer, est vue positivement, car elle détournerait pour un long moment l'Iran de ses activités nucléaires ; elle pourrait même conduire à la chute du gouvernement d'Ahmadinejad.
Depuis le 14 juin 2013, rappelons-le, c'est le modéré Hassan Rohani qui est au pouvoir en Iran. On pourrait ainsi penser que la seconde appréciation a dès lors perdu de sa pertinence (ces propos datant de l'été 2012) ; pour autant, Hassan Rohani n'est pas éternel et un gouvernement plus radical et plus farouchement hostile à Israël reviendra vraisemblablement un jour aux affaires. Au fond, le rapport de Sidney Blumenthal ne nous permet pas de connaître à coup sûr la stratégie d'Israël ; mais on peut deviner que l'État hébreu joue avec le feu, en espérant que la guerre fera tomber Assad et isolera durablement l'Iran, son principal ennemi, tout en priant pour que l'opération n'aboutisse pas à l'accession au pouvoir partout autour de ses frontières de régimes islamistes, bien plus hostiles encore que ne peut l'être celui actuellement en place à Damas. Comme nous le fait saisir la citation de Sun Tzu, la guerre en Syrie permet à Israël de ne pas combattrepour le moment directement l'Iran, un tel affrontement lui faisant présager de graves représailles. En laissant la situation pourrir en Syrie et dans toute la région, Israël, dans une situation d'attente, combat indirectement son ennemi.
Nous rejoignons la notion de « guerre par procuration », développée par Robert Kennedy Jr., et reprise à son compte par l'économiste Jeffrey Sachs, consultant spécial de Ban Ki-moon à l'ONU. D'ailleurs, de même qu'à travers la Syrie, c'est en fait l'Iran et la Russie, ses puissants alliés, que visaient les États-Unis, à travers la Syrie, c'est l'Iran que vise essentiellement Israël. Rappelons ce que déclarait Sachs :
« C’est précisément la dépendance du régime d’Assad à ses soutiens russes et iraniens qui a déterminé l’intérêt des États-Unis à son départ. Le renversement d’Assad, pensaient les responsables américains de la sécurité, affaiblirait l’Iran, discréditerait le Hezbollah et restreindrait le champ d’action géopolitique de la Russie. »
Du malheur d'être le maillon faible
L'e-mail de Sidney Blumenthal a fait l'objet de quelques recensions dans la presse alternative, comme dans Sputnik le 18 mars, mais en n'en mentionnant que les informations contenues dans son point 7, qui sont certes les plus dérangeantes. Idem avecWaqar Rizvi, journaliste sur la chaîne de télévision iranienne Press TV, repris et commenté par Jean Bricmont sur Facebook.
En revanche, Gilad Atzmon a bien noté la double option israélienne dans Global Research le 19 mars :
« Cet e-mail nous permet d'observer un vif débat politique qui a eu lieu en 2012. L'État juif avait à décider d'il fallait détruire le peuple syrien juste pour affaiblir l'Iran ou bien détruire l'Iran pour la destruction de l'Iran. L'Histoire suggère qu'une décision a été prise pour détruire les Syriens d'abord. Et le résultat doit être décevant pour Israël — l'Iran est maintenant plus fort que jamais. »
Pour autant, Atzmon se trompe lorsqu'il attribue l'e-mail de James Rubin, que nous avons relevé plus haut, à Hillary Clinton elle-même ; son erreur concerne également sa date :
« De manière choquante, à la fin 2015, après trois ans de guerre civile syrienne désastreuse, avec des centaines de milliers de morts et des millions de personnes déplacées, Clinton semble toujours cramponnée à la formule selon laquelle l'inquiétude d'Israël vis-à-vis de l'Iran devrait être traitée aux dépens du peuple syrien. Dans un courrier électronique que la candidate à la présidence des États-Unis, Hillary Clinton, a envoyé à un compte inconnu le 30 novembre 2015, celle-ci écrit :
"La meilleure manière d'aider Israël à traiter la capacité nucléaire croissante de l'Iran, c'est d'aider le peuple de Syrie à renverser le régime de Bachar el-Assad." »
L'erreur a été commise par d'autres sites assez orientés, comme Fort Russ. Simple erreur ou manipulation ? Impossible à dire. La date du 30 novembre 2015 est en réalité celle à laquelle le Département d'État a rendu public cet e-mail, envoyé le 30 avril 2012.
Quoi qu'il en soit, Hillary Clinton n'avait pas besoin des conseils de James Rubin ou des rapports de Sidney Blumenthal pour déclarer, dès le 18 août 2011, qu'Assad devait quitter le pouvoir en Syrie. Sous la pression d'Israël ? La question peut se poser. En effet, un autre e-mail de Sidney Blumenthal, daté du 28 mars 2010, nous apprend que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu avait tenu des propos fort irrespectueux à l'endroit de la secrétaire d'État américaine lors d'une réunion à huis-clos de l'APAIC, ce puissant lobby visant à soutenir Israël aux États-Unis : il aurait déclaré, comme le rapportent Ynet etForward le 1er mars 2016 : « Si nous ne pouvons pas dormir, Hillary ne dormira pas », alors même qu'il demandait aux participants à cette réunion de faire pression sur les États-Unis afin qu'ils soient plus agressifs envers l'Iran et son programme nucléaire. La source de cette information, un ancien employé du Département d'État, qui y a travaillé durant 30 ans, trouva, nous dit-on, « tout cela très inquiétant ».
Ce 21 mars 2016, Hillary Clinton a donné tous les gages nécessaires à l'occasion de laconférence annuelle de l'AIPAC, réaffirmant, bien entendu, que la sécurité d'Israël n'était « pas négociable », mais surtout qu'elle n'hésiterait pas à recourir à la force contre l'Iran si nécessaire. « Le prochain président devra être capable [...] d'imposer de vraies conséquences à la moindre violation de (l')accord » sur la politique nucléaire de l'Iran entré en vigueur en janvier. « Nous emploierons la force si besoin », a-t-elle promis devant un public conquis. Face à Trump, dont elle a stigmatisé la tiédeur, la volonté de rester neutredans le conflit israélo-palestinien, Clinton a lancé à son auditoire qu'il y avait « une grande différence entre dire que Téhéran doit rendre des comptes et le faire vraiment ».
Au final, dans ce conflit syrien, on observe donc une double motivation chez les opposants à Bachar el-Assad : certains des belligérants par procuration, tels l'Arabie saoudite et le Qatar, agissent pour maintenir leur domination sur l'Iran en tant qu'exportateurs d'énergies en direction du marché européen ; d'autres visent à contenir l'Iran principalement pour assurer la sécurité d'Israël. Dans le premier cas de figure, la Syrie paie son refus du pipeline qatari en 2009 et son choix du pipeline iranien en 2011 ; dans le second, elle paie son alliance, unique au Moyen-Orient, avec l'Iran, plus puissant qu'elle et dangereux à attaquer de front. « Tu es le maillon faible, au revoir », ou quand la géopolitique du Moyen-Orient pourrait pratiquement s'expliquer avec la seule formule cynique et sadique de Laurence Boccolini.
Le « mythe » des rebelles modérés et le « leurre » de Daech
Dans ce jeu de dupes, on est en droit de se demander, avec Caroline Galactéros, docteur en sciences politiques, colonel de la réserve opérationnelle, administratrice de l'ASAF etjournaliste au Point, si la focalisation médiatique sur le groupe État islamique n'a pas pour fonction de nous faire oublier les autres groupes, tout aussi terroristes, qui œuvrent inlassablement au démembrement de l'État syrien. Dans un article du 6 mars 2016, publié sur le site de l'ASAF, elle enterrait profondément, en s'appuyant sur les propos du général Castres, « le mythe des rebelles modérés ». Un article décoiffant qui mérite d'être largement cité :
« La vérité finit toujours par être dévoilée. Ce sont au départ de simples “signaux faibles” [...] et autres “bas bruits” qui deviennent peu à peu visibles jusqu’à irriguer entièrement le débat public et atteindre enfin le noyau dur des thèses officielles.
S’agissant des rebelles syriens, aimablement qualifiés depuis quelques années de“modérés”, nous en sommes encore au stade des “signaux faibles”, mais la situation évolue dans le bon sens. On ne peut que se réjouir du reportage “Un œil sur la Syrie” ([...] diffusé sur France 2 le 18 février) qui présente enfin un regard neuf sur le conflit syrien… cinq ans après son commencement. [...]
Ainsi, le général Didier Castres, Sous-chef opérations de l’État major des Armées, a-t-il été auditionné le 16 décembre 2015 par la Commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées du Sénat. Voici ce que l’officier français révèle au grand jour :
“Les forces combattantes de Daech sont estimées à un effectif de 30.000 en Syrie et en Irak, dont 40 % de combattants étrangers. Ils sont opposés à 140.000 Kurdes du nord de l'Irak, 7.000 Kurdes syriens et 130.000 membres des forces de sécurité irakiennes. En outre, il existe en Syrie une constellation de combattants très divers de l'ordre de 100 000 personnes, dont la France estime que 80.000 d'entre eux appartiennent soit à des groupes terroristes désignés comme tels par les Nations unies, soit à des groupes salafistes extrémistes.”
[...] Première information : la puissance de Daesh est largement surestimée dans nos médias. Avec seulement 30.000 hommes (d’autres sources parlent de 50.000) en Irak et en Syrie, l’Etat islamique n’est pas d’un poids considérable sur un plan militaire. Son expansion territoriale depuis trois ans montre ce que plusieurs observateurs syriens (dont l’archevêque d’Alep) ont déjà amèrement dénoncé : les Occidentaux ont beaucoup parlé, mais étrangement peu agi pour détruire cette hydre vert foncé.
Seconde information : si les membres de l’EI sont répartis de façon à peu près équilibrée entre l’Irak et la Syrie, on peut considérer qu’il y a entre 15 et 20 000 combattants de Daech présents principalement autour de Raqqa. C’est donc bien moins que les autres terroristes islamistes présents en Syrie, dont le général Castres nous dit qu’ils sont probablement autour de 80.000 dans les zones que nos médias et nos représentants politiques qualifient facilement de “rebelles”. On a donc un rapport de 1 à 4 entre les islamistes de l’État islamique et les “autres” (dont une écrasante majorité, autour du Front al-Nosrah, sont affiliés officiellement ou officieusement à al-Qaïda, berceau originel... de Daech). Les chancelleries occidentales, si elles tenaient compte des chiffres que leur fournit le renseignement notamment militaire, devraient en conséquence tenir des propos beaucoup plus proches de ceux tenus par Sergeï Lavrov ou… Bachar el-Assad lui-même. [...]
Troisième information : il reste donc à peu près 20.000 rebelles dits “modérés” d’après le renseignement militaire français. C’est peu… d’autant qu’ils combattent dans les mêmes zones que les 80.000 “terroristes”, dont ils sont de facto les alliés sur le terrain.[...]
La veille de cette édifiante audition du Général Castres, le 15 décembre 2015, le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian était lui-même auditionné devant cette même Commission du Sénat. Si l’on croise leurs deux déclarations, et compte tenu du fait que notre ministre ne pouvait ignorer ces informations du renseignement militaire, le grand écart devient inquiétant.
[...] comment croiser [...] la déclaration du ministre de la Défense sur le renforcement de l’aide aux “insurgés” et celle du général Castres sur les 80.000 terroristes parmi les 100.000 “rebelles” sans conclure à l’impossibilité manifeste d’un tel croisement… sauf à comprendre que la France et les pays occidentaux soutiennent directement ou indirectement le terrorisme islamiste.
[...] Comment ne pas s’interroger sur la fonction de “leurre” de l’État islamique ? Daech et ses modes d’actions terrifiants et spectaculaires ne sont-ils pas au moins partiellement le paravent horrifiant qui cristallise l’attention populaire, médiatique et politique, la détournant ainsi d’une entreprise bien plus grave de déstabilisation profonde de la région et du monde. Daech fait oublier al-Qaïda qui agit en deuxième (et performant rideau), de manière rhizomique. Ses multiples avatars désormais labellisés “rebelles”, “insurgés”, ou “islamistes modérés” en sont par contraste, redevenus fréquentables et poursuivent leur démembrement méthodique de l’État. »
En focalisant l'attention publique sur le combat (assez mou) des forces occidentales contre Daech, et en entretenant le mythe de rebelles « modérés » (certes existants, mais très minoritaires et collaborant de fait avec les islamistes), on a habilement fait oublier le gros des « insurgés » que l'on soutient, et qui sont affiliés à Al-Qaïda. Daech a ainsi permis d'occulter le travail de sape mené en Syrie par les soi-disant « rebelles », composés en vérité à 80 % de terroristes reconnus comme tels.
D'autres articles ont récemment paru, qui tordent le cou à cette propagande. Le 15 mars 2016, Jamal Maarouf, ancien membre de l’Armée syrienne libre, déclarait dans Le Monde, que celle-ci était désormais « sous la coupe d’Al-Nosra » :
« Les chefs actuels de l’ASL sont obligés de composer avec Nosra, qui prélève une partie de l’aide humanitaire et militaire qui leur est envoyée. Les leaders de Nosra leur laissent les missiles TOW car ils ne sont pas bêtes. Ils savent que s’ils les saisissent, les livraisons cesseront aussitôt. Et ils ont besoin de ces missiles pour détruire les tanks du régime. En gros, Nosra dit à l’ASL où et comment les utiliser. »
RFK Jr. avait aussi, de son côté, dénoncé le portrait « délirant » fait par la presse de l'Armée syrienne libre, composée de bataillons unis de Syriens soi-disant modérés.
Le 21 décembre 2015, on apprenait en Belgique, dans Le Vif, qu'« une majorité des rebelles syriens [étaient] favorables à l'idéologie de l'EI ». L'information émanait d'un rapport du think tank Centre on Religion and Geopolitics, et avait été relayée par plusieurs médias britanniques, comme le Guardian le 20 décembre 2015. Extrait :
« Au moins 15 milices, représentant environ 65.000 combattants, pourraient combler un vide laissé par l'Etat Islamique. "L'Occident risque de réaliser une erreur stratégique en ne se focalisant que sur la lutte contre l'EI. Défaire l'organisation militairement ne mettrait pas un terme au jihadisme global [...]", estime le think tank, qui fait partie de la Faith Foundation de l'ancien Premier ministre Tony Blair.
"Le plus grand danger pour la communauté internationale ce sont les groupes qui partagent l'idéologie de l'EI, mais sont ignorés dans la bataille pour défaire l'organisation terroriste", ajoute le Centre on Religion and Geopolitics. »
Mais, plus tôt encore, dès le 29 octobre 2015, c'est la députée non-inscrite de VendéeVéronique Besse, qui, à son retour de Syrie, où elle avait rencontré avec deux autres députés Bachar el-Assad, avait osé déclarer : « La France soutient des groupes modérés –soi-disant modérés – mais qui sont proches d'Al-Qaïda et donc proches de l'État islamique ». « La France soutient notamment Al-Nosra », avait-elle ajouté. Des propos qui lui avaient attiré les foudres de la présidente de la Commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale, Elisabeth Guigou. Cette dernière avait en effet « condamné avec force [d]es allégations scandaleuses », « indignes », qui étaient « la preuve directe [d'une]instrumentalisation par le chef du régime syrien, co-responsable de la poursuite de la guerre et de son cortège d'atrocités ».
Une rhétorique usée jusqu'à la corde, que déplorait également Caroline Galactéros dansson article, en notant que « le déni de réalité est un pêché fort répandu et [qu']il reste plus facile d’accuser les journalistes de France 2 de reprendre la propagande du régime syrienque d’admettre un biais politique ou un déficit d’intelligence de situation (comme il fut d’ailleurs plus facile il y a quelques semaines d’accuser les journalistes de Canal + de reprendre la propagande du Kremlin dans leur reportage sur la révolution du Maïdan et la guerre civile ukrainienne dans le Donbass. »
De la propagande organisée à la satire déguisée : une désinformation multiforme
La première victime de la guerre, entend-on parfois, c'est la vérité. En effet, chaque camp y va de sa désinformation pour tromper l'ennemi, et de sa propagande pour mettre les opinions publiques de son côté. Celui qui dit la vérité pourra ainsi facilement être discrédité en arguant qu'il reprend à son compte la propagande de l'ennemi. Salir le messager pour éviter d'avoir à considérer son message : la technique est connue.
Nous avons aussi vu, avec les e-mails mis en ligne par WikiLeaks, que des erreurs d'interprétation (de l'auteur du message ou de sa date) étaient possibles, qui constituaient un motif supplémentaire de désinformation (chacun reprenant à son compte l'interprétation erronée). Et c'est sans compter sur les sites spécifiquement dédiés à la propagande, que l'on ne détecte pas toujours au premier coup d'œil, comme nous l'avons vu dans un précédent article avec le cas d'AWD News.
Il est si facile de se faire piéger que c'est ce qui est arrivé au célèbre philosophe slovèneSlavoj Žižek, dans un article paru le 9 décembre 2015 dans News Statesman, et intitulé « We need to talk about Turkey ». Voici ce qu'écrivait Žižek :
« En octobre 2015, Hakan Fidan, le chef de l'Organisation nationale du renseignement et l'allié le plus loyal du président turc, a condamné l'intervention russe en Syrie, accusant Moscou d'essayer de "réprimer" la révolution islamiste syrienne. "L'EIIL est une réalité et nous devons accepter que nous ne pouvons pas anéantir une création bien organisée et populaire telle que l'État islamique ; donc je recommande vivement à mes collègues occidentaux de revoir leur mentalité au sujet des courants politiques islamiques, mettre de côté leur mentalité cynique et contrecarrer les plans de Vladimir Poutine d'écraser les révolutionnaires islamistes syriens”, a déclaré Fidan dimanche, selon Anadolu News Agency. »
En fait, si l'on clique sur le lien censé renvoyer à l'Anadolu News Agency, on tombe sur un article de l'inévitable AWD News du 18 octobre 2015, qui, comme à l'accoutumée, ne renvoie pas vers la supposée source initiale. En l'espèce, cette source première n'existe pas : la déclaration d'Hakan Fidan est une pure invention de la part d'AWD News. Le siteNews Statesman a rapidement corrigé l'erreur, de manière transparente, avec une note au bas de l'article. L'agence de presse turque a également tenu à dénoncer cette désinformation.
Plus comique, on pouvait récemment lire au détour d'un site dissident, se présentantcomme « un groupe de réflexion stratégique au profit de toutes les organisations patriotiques », qui « se donne pour objectif de faire émerger de nouvelles élites », un article au titre aguicheur : « Edward Snowden affirme que Ben Laden serait toujours en vie », et dont la source était, cela ne s'invente pas, AWD News en date du 18 mars. La source originale, qu'une rapide recherche sur Google permet de retrouver, est en fait un article du site World News Daily Report, daté du 25 août 2015 et signé Barbara Johnson. Laprésentation de la journaliste, lanceuse de scoops, ne manque pas de saveur :
« Barbara Johnson est une jeune journaliste qui s'est fait un nom grâce à ses recherches minutieuses et son style d'écriture soutenu. Ancienne pornstar, elle a rapidement atteint le sommet dans sa nouvelle profession grâce à sa beauté et à ses compétences "sociales". »
Vous l'aurez peut-être compris, Barbara Johnson, l'ancienne pornstar reconvertie avec succès dans le journalisme grâce à ses talents relationnels, n'existe pas... et World NewsDaily Report s'avère être un site 100 % satirique. Il faut certes fouiller un peu dans un recoin du site pour dénicher la vérité cachée ; c'est un court paragraphe dans la rubrique « Démenti » qui nous avertit :
« WNDR assume [...] toute la responsabilité de la nature satirique de ses articles et de lanature fictive de leur contenu. Tous les personnages apparaissant dans les articles de ce site – même ceux basés sur des personnes réelles – sont entièrement fictifs et toute ressemblance entre eux et toute personne, vivante, morte, ou morte-vivante, serait purement miraculeuse. »
Ce site, discrètement loufoque, est régulièrement repris comme une source fiable, comme l'a fait le site alternatif Le Nouvel Ordre Mondial le 26 août 2015, en diffusant la pseudo révélation de Snowden sur Ben Laden. A en croire les statistiques affichés au-dessus de l'article, celui-ci aurait été « liké » 31.000 fois et partagé 93.800 fois sur Facebook (des chiffres colossaux), et retweeté 644 fois, ce qui fait suspecter une absence totale de vérification de la part de ces internautes, qui n'ont pas encore acquis les bons réflexes. Parmi les personnes qui ont fait circuler l'intox sur Twitter, on retrouve étrangement, non plus un philosophe star, mais un écrivain renommé : Régis Jauffret.
Au milieu des révélations qui abondent sur la Toile, entachées d'autant de désinformations, la morale du funambule s'affirme invariablement comme notre boussole la plus sûre. De l'audace face au conformisme, certes, mais de la réserve aussi face à toute information qui ne nous convient que trop bien, parce que sensationnelle, révélatrice d'un noir secret, ou que sais-je... Rien ne remplace la pratique, qui assouplit petit à petit l'esprit et le rend de plus en plus apte à affronter les périls. Sur le chemin, se forme – à son rythme – le citoyen vigilant, cauchemar des pouvoirs et pilier de la démocratie.