Salem CHAKER.PH/DR
Universitaire Kabyle mondialement connu, Salem Chaker est professeur des universités, docteur en lettres, spécialiste de linguistique berbère. Auteur de nombreux ouvrages et de nombreuses études de linguistique et de sociolinguistiques berbères, il succède brillamment à André Basset et Lionel Galand, deux éminents spécialistes en linguistique berbère. Il dirige actuellement l'Encyclopédie berbère initialement éditée par Edisud puis par les éditions Peters.
L’éminent spécialiste a commis une lettre ouverte aux autorités algérienne, publiée ce jour dans le quotidien algérien El Watan. Nous la reproduisons dans son intégralité .
Salem CHAKER
Professeur des Universités (Berbère)
Université d’Aix-Marseille
Directeur de l’Encyclopédie berbère.
Lettre ouverte à Monsieur le Ministre de l’Intérieur et à Monsieur le Ministre de l’Enseignement Supérieur algériens.
Messieurs les Ministres,
J’ai été invité par l’Université Mouloud Mammeri de Tizi-Ouzou à présider un jury de doctorat en langue et culture amazighes dont la soutenance a eu lieu ce 1er juillet 2012.
A mon arrivée à l’aéroport d’Alger, le 30 juin, j’ai été interpellé par les services de police de l’aéroport et retenu pendant environ deux heures. La seule explication qui m’a été donnée par les officiers de police faisait référence à « un mandat d’arrêt de 1986 » (!).
Or, depuis 1986, je me suis rendu en Algérie une bonne quinzaine de fois, pour des raisons familiales ou, le plus souvent, à l’invitation de l’Université algérienne, pour assurer des enseignements ou participer à des soutenances. Par ailleurs, depuis cette date, les autorités consulaires algériennes en France m’ont toujours renouvelé mon passeport sans la moindre difficulté. On a quelque peine à comprendre comment une personne sous mandat d’arrêt depuis plus d’un quart de siècle aurait pu circuler vers l’Algérie et se voir renouveler régulièrement ses documents d’identité algériens.
Lorsque l’on m’a restitué mon passeport et autorisé à partir, l’officier de police m’a précisé que toute procédure contre moi était annulée. Ma stupéfaction fut donc grande quand, le 4 juillet, jour de mon départ vers la France, je fus de nouveau retenu pendant un bon quart d’heure par la police de l’aéroport « pour vérification » avant de pouvoir embarquer.
Il convient de remettre cet incident en perspective et de préciser qu’en réalité c’est depuis 1980, c’est-à-dire depuis le « Printemps berbère » que je fais assez régulièrement l’objet de telles tracasseries lors de mes voyages en Algérie.
Il en ressort que l’explication qui m’a été fournie lors de l’incident initial du 30 juin est totalement farfelue et manifestement artificielle. A l’évidence, les ennuis subis – les derniers comme ceux plus anciens − n’ont aucune base judiciaire. Et comme ils sont récurrents, il ne peut s’agir d’un simple dysfonctionnement ou d’un « excès de zèle » local.
J’y vois donc une volonté planifiée d’intimidation politique à mon égard, visant à dissuader un intellectuel, libre dans sa parole et ses écrits, de se rendre en Algérie.
Permettez-moi de vous dire, Messieurs les Ministres que, après près de quarante ans d’engagement pour la reconnaissance des droits des Berbérophones et pour la démocratie en Algérie, je n’ai pas l’intention de changer de ligne de conduite, ni de renoncer à une totale liberté d’expression et de critique par rapport à l’Etat algérien (et à tout autre) et à son régime politique. Je continuerai aussi à me rendre en Algérie chaque fois que je le jugerai utile.
En conséquence, je vous prie de donner les instructions nécessaires aux services concernés pour qu’il soit mis fin de manière définitive aux tracasseries dont je fais l’objet ; de telles pratiques, que l’on croyait disparues depuis longtemps, sont parfaitement inutiles et inefficaces et ne peuvent que contribuer à ternir l’image de l’Algérie.
Vous remerciant de votre attention, je vous prie d’agréer mes salutations respectueuses,
Marseille, le 05/07/2012
[Parue dans El Watan du 10/07/2012 ]
zp
SIWEL 101404 JUIL12
L’éminent spécialiste a commis une lettre ouverte aux autorités algérienne, publiée ce jour dans le quotidien algérien El Watan. Nous la reproduisons dans son intégralité .
Salem CHAKER
Professeur des Universités (Berbère)
Université d’Aix-Marseille
Directeur de l’Encyclopédie berbère.
Lettre ouverte à Monsieur le Ministre de l’Intérieur et à Monsieur le Ministre de l’Enseignement Supérieur algériens.
Messieurs les Ministres,
J’ai été invité par l’Université Mouloud Mammeri de Tizi-Ouzou à présider un jury de doctorat en langue et culture amazighes dont la soutenance a eu lieu ce 1er juillet 2012.
A mon arrivée à l’aéroport d’Alger, le 30 juin, j’ai été interpellé par les services de police de l’aéroport et retenu pendant environ deux heures. La seule explication qui m’a été donnée par les officiers de police faisait référence à « un mandat d’arrêt de 1986 » (!).
Or, depuis 1986, je me suis rendu en Algérie une bonne quinzaine de fois, pour des raisons familiales ou, le plus souvent, à l’invitation de l’Université algérienne, pour assurer des enseignements ou participer à des soutenances. Par ailleurs, depuis cette date, les autorités consulaires algériennes en France m’ont toujours renouvelé mon passeport sans la moindre difficulté. On a quelque peine à comprendre comment une personne sous mandat d’arrêt depuis plus d’un quart de siècle aurait pu circuler vers l’Algérie et se voir renouveler régulièrement ses documents d’identité algériens.
Lorsque l’on m’a restitué mon passeport et autorisé à partir, l’officier de police m’a précisé que toute procédure contre moi était annulée. Ma stupéfaction fut donc grande quand, le 4 juillet, jour de mon départ vers la France, je fus de nouveau retenu pendant un bon quart d’heure par la police de l’aéroport « pour vérification » avant de pouvoir embarquer.
Il convient de remettre cet incident en perspective et de préciser qu’en réalité c’est depuis 1980, c’est-à-dire depuis le « Printemps berbère » que je fais assez régulièrement l’objet de telles tracasseries lors de mes voyages en Algérie.
Il en ressort que l’explication qui m’a été fournie lors de l’incident initial du 30 juin est totalement farfelue et manifestement artificielle. A l’évidence, les ennuis subis – les derniers comme ceux plus anciens − n’ont aucune base judiciaire. Et comme ils sont récurrents, il ne peut s’agir d’un simple dysfonctionnement ou d’un « excès de zèle » local.
J’y vois donc une volonté planifiée d’intimidation politique à mon égard, visant à dissuader un intellectuel, libre dans sa parole et ses écrits, de se rendre en Algérie.
Permettez-moi de vous dire, Messieurs les Ministres que, après près de quarante ans d’engagement pour la reconnaissance des droits des Berbérophones et pour la démocratie en Algérie, je n’ai pas l’intention de changer de ligne de conduite, ni de renoncer à une totale liberté d’expression et de critique par rapport à l’Etat algérien (et à tout autre) et à son régime politique. Je continuerai aussi à me rendre en Algérie chaque fois que je le jugerai utile.
En conséquence, je vous prie de donner les instructions nécessaires aux services concernés pour qu’il soit mis fin de manière définitive aux tracasseries dont je fais l’objet ; de telles pratiques, que l’on croyait disparues depuis longtemps, sont parfaitement inutiles et inefficaces et ne peuvent que contribuer à ternir l’image de l’Algérie.
Vous remerciant de votre attention, je vous prie d’agréer mes salutations respectueuses,
Marseille, le 05/07/2012
[Parue dans El Watan du 10/07/2012 ]
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SIWEL 101404 JUIL12